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12/01/2023 | FRANCE | N°20/03176

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 12 janvier 2023, 20/03176


MINUTE N° 21/2023

























Copie exécutoire à



- Me Christine BOUDET



- Me Noémie BRUNNER





Le 12 janvier 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 12 janvier 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/03176 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HNPW



Décision déf

érée à la cour : 22 Septembre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTS et intimés sur incident :



Monsieur [N] [X],

Madame [N] [K] épouse [X]

demeurant tous deux [Adresse 8] à [Localité 9]



représentés par Me Christine BOUDET, avoca...

MINUTE N° 21/2023

Copie exécutoire à

- Me Christine BOUDET

- Me Noémie BRUNNER

Le 12 janvier 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 12 janvier 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/03176 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HNPW

Décision déférée à la cour : 22 Septembre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTS et intimés sur incident :

Monsieur [N] [X],

Madame [N] [K] épouse [X]

demeurant tous deux [Adresse 8] à [Localité 9]

représentés par Me Christine BOUDET, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me VIAL, substituant Me METZGER, avocat à Strasbourg

INTIMEE et appelante sur incident :

Madame [T] [E]

demeurant [Adresse 12] à [Localité 9]

représentée par Me Noémie BRUNNER, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre, et Madame Nathalie HERY, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Dominique DONATH faisant fonction

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 10 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Selon acte notarié du 30 août 1983, une servitude de passage a été créée à charge de la parcelle section [Cadastre 7] n°[Cadastre 3] à [Localité 10], actuelle propriété de Mme [T] [E], au profit de la parcelle section [Cadastre 7] n°[Cadastre 2], actuelle propriété de M. [N] [X] et Mme [N] [K], son épouse, pour leur permettre d'accéder à la [Adresse 12] alors qu'à cette époque leur parcelle, bien que riveraine de la [Adresse 11], voie ouverte à la circulation publique, ne pouvait y avoir accès juridiquement.

A la suite du déclassement de la [Adresse 11] en 2006, les parcelles limitrophes ont été autorisées à y accéder directement et, en 2017, les époux [X] ont fait réaliser des travaux d'accès à cette route.

Le 20 avril 2018, Mme [T] [E] a fait assigner les époux [X] devant le tribunal de grande instance de Strasbourg pour qu'il constate, notamment, qu'avait cessé la cause déterminante, à savoir la situation d'enclave, et que la servitude de passage était éteinte.

Par jugement du 22 septembre 2020, le tribunal judiciaire remplaçant le tribunal de grande instance a :

constaté que l'état d'enclave, cause déterminante de la servitude de passage, a cessé ;

constaté l'extinction de la servitude de passage bénéficiant à la parcelle commune de [Localité 10] section [Cadastre 7] n°[Cadastre 2] grevant la parcelle section [Cadastre 7] n°[Cadastre 5] ;

ordonné la radiation de ladite servitude ;

débouté Mme [T] [E] de sa demande de dommages-intérêts ;

débouté les époux [X] de leur demande reconventionnelle ;

condamné les époux [X] aux dépens de 1'instance et à payer à Mme [T] [E] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

ordonné l'exécution provisoire.

Le tribunal a indiqué que la situation juridique ancienne plaçait la parcelle n°[Cadastre 2] en situation d'enclave, l'acte de donation du 30 août 1983 ayant constitué une servitude de passage à charge de toute la surface de la parcelle n°[Cadastre 3] (aujourd'hui n°[Cadastre 5]) «a'n d'assurer aux propriétaires et occupants [...] l'accès à ladite parcelle », à partir de la [Adresse 12].

Il a souligné que les époux [X] affirmaient qu'ils n'utilisaient plus le passage en voiture par la [Adresse 12] depuis les travaux réalisés en 2017 permettant d'accéder à la [Adresse 11].

Après avoir rappelé les dispositions de l'article 685-1 du code civil, le tribunal a constaté que les photographies produites aux débats permettaient de s'assurer qu'un accès suffisant à la voie publique existait, soulignant qu'il était d'ailleurs utilisé par les propriétaires du fonds dominant.

Le tribunal a ajouté que le débat sur les obligations résultant de l'acte d'achat du bien par les époux [X] en 2015 était sans emport puisqu'un contrat n'a qu'une valeur relative aux parties au contrat, les époux [X] ayant acheté le bien aux consorts [P] et non à [T] [E].

Il a vérifié l'accès direct et suffisant à la voie publique en voiture, à pied et à vélo, cette voie étant desservie par la poste et par le ramassage des ordures, ce qui l'a amené à dire que la nature, l'éclairage ou l'entretien d'un trottoir, la pose d'une boîte aux lettres, l'entreposage des poubelles et les capacités de stationnement des véhicules étaient sans incidence sur le maintien ou la cessation de la situation d'enclave.

Le tribunal a débouté Mme [T] [E] de sa demande de dommages-intérêts pour réparer son préjudice né de l'abus par les époux [X] à s'opposer à la mainlevée de la servitude, rappelant que l'article 685-1 du code civil rend nécessaire que la cessation de la situation d'enclave soit constatée par décision de justice, de sorte que la naissance d'un éventuel préjudice ne peut intervenir qu'à partir de ce jugement.

Le tribunal a débouté les époux [X] de leur demande tendant à ce que Mme [E] effectue les travaux nécessaires pour empêcher l'eau de pluie provenant de son fonds de descendre sur le leur, donnant raison à cette dernière qui invoquait les dispositions de l'article 640 du code civil aux termes duquel l'eau de ruissellement naturel doit être supportée par le fonds inférieur, soulignant qu'il n'était pas établi que Mme [E] ait aggravé la servitude du fonds inférieur.

Le tribunal a également rejeté la demande des époux [X] tendant à pouvoir passer sur le fonds de Mme [E] lorsqu'ils voudront réaliser des travaux d'assainissement au motif qu'une servitude qui est une atteinte grave au droit de propriété, ne peut jamais se justifier par la commodité de réduire le coût de travaux.

Les époux [X] ont formé appel à l'encontre de ce jugement par voie électronique le 29 octobre 2020.

L'instruction de l'affaire a été clôturée le 5 avril 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de leurs conclusions transmises par voie électronique le 18 mars 2022, les époux [X] demandent à la cour de :

- dire et juger que l'appel est recevable et en tout cas bien fondé ;

en conséquence :

- infirmer en tous points le jugement du 22 septembre 2020 du tribunal judiciaire de Strasbourg ;

en conséquence, statuant de nouveau :

sur appel principal :

dire et juger que, suite à l'acquisition par acte du 28 janvier 2015 des parcelles cadastrées section [Cadastre 7] n°[Cadastre 2], [Cadastre 4] et [Cadastre 6] situées sur la commune de [Localité 10], ils ont procédé à la réalisation des travaux nécessaires en date du 18 mai 2017 permettant l'accès de leur propriété à la RD 392, dite [Adresse 11], conformément à l'acte de vente du 28 janvier 2015 ;

dire et juger que compte tenu de l'étude réalisée par l'expert M.[C] [P], géomètre expert en date du 19 décembre 2019, il a été porté, à cette date, à leur connaissance que la pente du chemin leur permettant l'accès de leur propriété à la [Adresse 11] était de 11%, ce qui expliquait les difficultés d'accès, en particulier en période hivernale et les difficultés pour sortir de leur propriété en l'absence de visibilité compte tenu de la pente ;

dire et juger qu'ils se trouvent dans l'impossibilité de réaliser les travaux d'aménagement pour réduire la pente actuelle de 11% à moins de 5% et pour obtenir un avis favorable du Conseil Général du Bas-Rhin pour la conservation d'une visibilité suffisante pour la sécurité des différents usagers du domaine public compte tenu de la configuration des lieux et de la pente actuelle de 11% constatée ;

en conséquence :

dire et juger que compte tenu du caractère irréalisable des travaux litigieux, ils se trouvent déchargés de tout engagement en raison de l'état d'enclave persistant et la servitude de passage ne pourra faire l'objet d'une mainlevée, conformément aux termes de l'acte de vente du 28 janvier 2015, en raison de l'avis défavorable du conseil général du Bas-Rhin du 18 mars 2014 et du certificat d'urbanisme non réalisable du maire de [Localité 10] en date du 24 mars 2014 ;

subsidiairement, ordonner, avant dire droit, une expertise judiciaire pour évaluer la possibilité ou non de réalisation des travaux, d'une part, de création d'une pente inférieure à 5 % et, d'autre part, de conservation d'une visibilité suffisante pour la sécurité des différents usagers du domaine public pour le chemin sur leur propriété permettant l'accès à la [Adresse 11], ainsi que pour évaluer les travaux d'assainissement à réaliser et leur faisabilité ainsi que les travaux pour empêcher l'eau venant du fonds de Mme [E] de se déverser sur leur fonds, en précisant les conditions de mise en 'uvre et en en chiffrant le coût, et ce conformément aux prescriptions imposées par le Conseil Général du Bas-Rhin ;

réserver leurs droits de conclure suite au dépôt du rapport d'expertise ;

dire et juger que, compte tenu de la configuration des lieux de la [Adresse 11], de la situation de leur propriété et de l'existence d'une pente de 11 %, compte tenu de l'absence de réalisation par la mairie de [Localité 10] des places de parking devant ou à proximité de leur propriété, [Adresse 11], et de l'absence de réalisation des trottoirs selon les normes, [Adresse 11], et de l'absence d'éclairage en bonne et due forme, ils bénéficieront du maintien de la servitude de passage tant à pied, à vélo et avec les véhicules automobiles à charge de la parcelle n° [Cadastre 5] dont est propriétaire Mme [E] ;

dire et juger qu'il n'y a lieu à suppression de leur boîte aux lettres implantée [Adresse 8], ni à la suppression de l'entreposage des poubelles pour le ramassage côté [Adresse 13] ;

dire et juger qu'ils subissent des nuisances provenant de l'écoulement de l'eau du fonds de Mme [E] sur leur fonds en cas d'intempéries ;

dire et juger, et au besoin condamner Mme [E] à effectuer les travaux nécessaires pour empêcher l'eau provenant de son fonds, en cas d'intempéries, de descendre sur leur fonds, de tels travaux devant être effectués dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir avec une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois suite à la signification de la décision à intervenir ;

les autoriser à passer sur le fonds dont est propriétaire Mme [E] pour la réalisation des travaux d'assainissement nécessaires sur leur fonds, compte tenu des contraintes techniques liées à la pente de 11 % et à la différence de hauteur de 70 cm entre le bas de leur propriété et la [Adresse 11], l'acte de vente du 28 janvier 2015 n'imposant pas un lieu de raccordement ;

condamner Mme [E] aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et de la présente d'appel, y compris à leur payer une somme de 3600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et une somme de 6000 euros au titre de la procédure d'appel en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

sur appel incident :

déclarer l'appel incident formé par Mme [E] irrecevable et en tout cas mal fondé ;

en conséquence :

débouter Mme [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions d'appel incident ;

débouter Mme [E] de sa demande d'extinction de tous les accessoires liés à la servitude et la suppression de la boîte aux lettres et de l'entreposage des poubelles pour le ramassage située côté [Adresse 13] ;

dire et juger que c'est à tort que Mme [E] prétend d'une part que leur comportement constituerait un abus de droit et d'autre part lui occasionnerait des nuisances et désagréments ;

en conséquence :

débouter Mme [E] de sa demande tendant à leur condamnation à lui payer une somme de 2500 euros à titre de dommages-intérêts ;

constater le caractère exécutoire de la décision à intervenir.

Au soutien de leurs demandes, les époux [X] exposent qu'à l'époque de l'établissement de la servitude de passage, l'accès à la RD 392, [Adresse 11], avait été interdit aux immeubles limitrophes, dont la parcelle n°[Cadastre 2] faisait partie, en raison de sa dangerosité , la route étant classée en circulation importante, cette dangerosité perdurant même après le déclassement en route départementale ayant permis l'accès direct aux habitations situées le long de cette départementale y compris leur propriété, en raison de la configuration des lieux, ce d'autant que la circulation s'est encore développée et y est désormais plus intense.

Ils ajoutent que cette configuration explique que, dans l'acte de vente du 28 janvier 2015, par lequel ils ont acquis des parcelles sur la commune de [Localité 10] dont la parcelle n°[Cadastre 1] était contenue une clause aux termes de laquelle l'acquéreur s'engageait dans les deux ans à réaliser tous travaux nécessaires pour lui permettre la création d'un accès direct à l'immeuble, objet des présentes, à partir de la route départementale n°392, ce à quoi ils ont déféré.

Ils font cependant état de ce que, suite à la réalisation des travaux, des difficultés persistent compte tenu de la configuration des lieux, des difficultés d'accès liées à la pente de 11% constatée pour accéder à leur propriété, de l'accroissement de la circulation sur la [Adresse 11], de l'absence de réalisation de trottoirs conformes, de l'absence de place de parking et de ce que la configuration des lieux et la situation de la maison d'habitation leur empêche l'accès à certains services (Poste et ordures ménagères).

Les époux [X] mentionnent que dans le cadre de négociations, ils avaient, dans un premier temps, indiqué qu'ils consentaient à la mainlevée de la servitude de passage sur la parcelle n°[Cadastre 5] lorsque les travaux nécessaires au désenclavement de la parcelle n°[Cadastre 2] seraient terminés, mais ce, sous réserve du maintien d'une servitude de passage à pied et à vélo à leur profit, compte tenu de la configuration des lieux et de l'absence d'aménagement réalisé par la mairie de [Localité 10] s'agissant tant des places de parking que des trottoirs.

Ils précisent que depuis la réalisation des travaux le 18 mai 2017, ils n'utilisent plus le passage litigieux pour passer avec des véhicules automobiles pour accéder à leur maison d'habitation alors même que l'utilisation de l'accès à la [Adresse 11] pose des difficultés incontestables compte tenu de la pente importante à 11% s'avérant dangereuse en cas d'intempérie, qu'il s'agisse de pluie ou de neige, et compte tenu de la configuration des lieux rendant dangereux l'accès à cette route sur laquelle circule un flux important et continu de voitures.

Ils ajoutent que la mairie de [Localité 10] n'a pas encore, à ce jour, réalisé des places de parking sur la [Adresse 11] permettant que les véhicules puissent se garer devant ou à proximité des maisons d'habitation se situant sur cette route ou des trottoirs permettant aux piétons de circuler en toute sécurité.

Ils signalent qu'ils n'ont pas été en mesure de changer leur boîte aux lettres de place, les Services Postaux ne leur distribuant pas leur courrier [Adresse 11] puisqu'ils ne peuvent pas se garer devant l'accès à leur propriété.

Ils évoquent que, pour les mêmes raisons, ils éprouvent des difficultés pour réceptionner leurs livraisons à leur domicile, ils ne peuvent mettre leur poubelle sur la [Adresse 11] au niveau de leur propriété.

Ils contestent les nuisances invoquées par Mme [E] générées par le passage des membres de leur famille, ainsi que de leurs locataires, dans la mesure où cette dernière loue à un locataire une partie de sa propriété au niveau du rez-de-chaussée, lequel emprunte également le passage litigieux.

Les époux [X] indiquent encore qu'ils sont dans l'obligation de réaliser des travaux d'assainissement sur leur propriété, ce qui implique un accès par la servitude de passage dans la mesure où une telle solution est la plus facile techniquement, puisque le réseau situé côté [Adresse 13] est plus bas, rendant les travaux plus simples à réaliser et moins coûteux.

Ils renvoient à l'acte de vente qu'ils ont signé avec les consorts [P] en date du 28 janvier 2015 aux fins de l'acquisition de leur propriété prévoyant expressément qu'après réalisation des travaux susvisés, l'acquéreur s'engage à consentir à la mainlevée de la servitude de passage à compter de la demande de la partie la plus diligente et que, dans l'hypothèse où de tels travaux ne seraient pas réalisables, l'acquéreur sera déchargé de tout engagement à ce sujet, de sorte que la servitude de passage ne pourrait faire l'objet d'une mainlevée par l'une ou l'autre des parties.

Ils signalent que, cependant, aucun engagement conventionnel n'a été déterminé à ce jour entre les vendeurs et les propriétaires du fonds servant quant à l'exécution desdits travaux et à la suppression de la servitude de passage.

Ils exposent qu'ils ne sont pas en mesure techniquement de faire effectuer des travaux par une entreprise dans le but d'une part de réduire la pente de 11% telle qu'elle est actuellement à une pente inférieure à 5% telle qu'exigée par le conseil général du Bas-Rhin et, d'autre part, d'effectuer des travaux permettant la conservation d'une visibilité suffisante pour la sécurité des différents usagers du domaine public, y compris des pompiers, compte tenu de la configuration des lieux et du fait que leur propriété est située au milieu de la [Adresse 11] avec une pente de 11% restreignant la visibilité.

Les époux [X] font encore valoir qu'ils subissent des nuisances sur leur propriété en provenance du fonds de Mme [E] lors des intempéries, du fait de l'intervention de cette dernière puisque, lorsqu'il pleut, l'eau sur le passage en provenance du fonds de Mme [E] descend sur leur fonds et stagne à cet endroit en raison du fait que cette dernière a enlevé des pavés à plusieurs endroits pour mettre des gravats à la place, de sorte que l'eau n'est plus retenue, ce phénomène étant accentué par l'absence de siphon et de rigole d'évacuation sur le fonds de Mme [E].

Les époux [X] font valoir que, compte tenu de l'état d'enclave persistant et du maintien de la servitude de passage, doit être rejeté l'appel incident tendant à l'extinction des accessoires de la servitude et leur condamnation sous astreinte à procéder à l'enlèvement de leur boîte aux lettres et faire cesser d'entreposer leur poubelle [Adresse 12] Duppigheim.

Ils considèrent que c'est Mme [E] qui persiste dans un comportement conflictuel alors qu'eux-mêmes se retrouvent face à des difficultés indépendantes de leur volonté résultant de la configuration des lieux et de la particularité du terrain, ce dont ils ne sont nullement responsables.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 22 septembre 2022, Mme [E] demande à la cour de :

sur l'appel principal :

déclarer l'appel mal fondé ;

le rejeter ;

confirmer le Jugement entrepris dans la limite de l'appel incident ;

sur l'appel incident :

le déclarer recevable ;

le déclarer bien fondé ;

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de suppression des accessoires liés à la servitude ainsi qu'en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation des époux [X] à lui payer une somme de 2500 euros à titre de dommages et intérêts ;

et statuant à nouveau dans cette limite :

juger que l'extinction de la servitude de passage emportera extinction des accessoires à cette servitude, à savoir suppression de la boîte aux lettres implantée 6 [Adresse 12] appartenant aux époux [X] et suppression de l'entreposage des poubelles pour le ramassage côté [Adresse 12] ainsi qu'à condamner le portail situé entre les deux propriétés ;

condamner solidairement M. et Mme [X] à procéder à l'enlèvement de leur boîte aux lettres située côté [Adresse 12] à Duppigheim et leur faire interdiction d'entreposer les poubelles côté [Adresse 12] à Duppigheim aux droits de sa parcelle, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision, dès constat de la situation ;

condamner solidairement M. et Mme [X] à lui payer la somme de 2500 euros à titre de dommages et intérêts ;

- en tout état de cause :

débouter M. et Mme [X] de l'intégralité de leurs demandes ;

condamner in solidum M. et Mme [X] à lui payer la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

condamner in solidum M. et Mme [X] aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel.

Mme [E] fonde sa demande sur les dispositions de l'article 685-1 du code civil, lequel prévoit qu'à défaut d'accord amiable, la disparition de la servitude est constatée par une décision de justice, soulignant que ce texte est applicable aux servitudes conventionnelles, lorsque l'enclavement a été la cause déterminante de la création de la servitude.

Elle précise qu'il résulte de la situation des lieux et de l'historique de la création des parcelles que la servitude de passage a été créée afin de procéder au désenclavement de la parcelle n°[Cadastre 2], laquelle, aujourd'hui, a un accès direct à la voie publique sur la [Adresse 11], les époux [X] ayant réalisé les travaux prévus pour permettre la création d'un accès direct à leur immeuble à partir de la route départementale.

Elle souligne que bien que s'étant engagés à consentir à la mainlevée de la servitude de passage dès la réalisation des travaux, les époux [X] continuent à utiliser le passage même si cela représente un détour ou un allongement pour eux par rapport au nouvel accès créé sur la [Adresse 11] et ont maintenu et continuent à utiliser la boîte aux lettres implantée à l'adresse [Adresse 8] alors que la mairie leur a attribué un numéro sur la [Adresse 11], à entreposer leurs poubelles pour le ramassage côté [Adresse 12], alors que ce service est assuré [Adresse 11].

Elle considère que les époux [X] entendent maintenir la servitude de passage pour de simples raisons de commodité et de confort, étrangères à la destination d'une servitude de passage pour cause d'enclave.

Elle souligne que les époux [X] disposent de plusieurs places de stationnement à proximité de leur domicile, d'une grande cour, occupée tous les soirs par quatre véhicules, de deux garages et d'une autre cour

Elle ajoute que le cheminement piéton [Adresse 11] est sécurisé, éclairé, que ladite route est moins fréquentée depuis la création et la mise en du Grand Contournement Ouest de [Localité 14] (GCO), A355 qui passe au niveau de la commune de [Localité 10], que les voisins directs des époux [X] ne rencontrent aucune difficulté pour la distribution de leur courrier par la [Adresse 11] et que le ramassage des poubelles se fait par cette même route pour tous les riverains.

Elle précise que, s'agissant des travaux d'assainissement, les époux [X] se sont engagés à les réaliser, la faisabilité technique ayant été validée par les autorités compétentes, sans qu'aucune pompe de relevage ne soit nécessaire, dans la mesure où le réseau se situe dans le sol du trottoir [Adresse 11], au niveau de leur propriété.

Mme [E] se plaint de nuisances provoquées par les nombreux passages sur son fonds.

S'agissant des nuisances d'écoulements d'eaux lors d'intempéries, provenant de son fonds dont se plaignent les époux [X], elle indique que cet état de fait préexistait à l'achat par ces derniers de leur maison d'habitation.

Elle entend rappeler les dispositions de l'article 640 du code civil qui impliquent que les époux [X] doivent supporter l'écoulement naturel des eaux, soulignant qu'elle n'a jamais entrepris de travaux pouvant accentuer l'écoulement existant et que le fonds de ces derniers récupère également les eaux qui ruissellent de la pente pavée des garages de leur propriété.

Mme [E] fait état de ce que l'extinction de la servitude doit emporter extinction et suppression de la boîte aux lettres implantée 6 [Adresse 12] appartenant aux époux [X], la suppression de l'entreposage des poubelles pour le ramassage côté [Adresse 12] et la condamnation du portail coulissant séparant le passage sur son fonds de la cour arrière de la propriété [X].

Elle souligne que le comportement des époux [X] est empreint de mauvaise foi faisant dégénérer leur droit en abus ; elle dit avoir souffert et encore souffrir de leur comportement et de leurs insinuations mesquines, son préjudice étant constitué depuis le jour où l'accès à la [Adresse 11] a été réalisé et a mis fin à l'état d'enclave de leur fonds.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la servitude de passage

Aux termes des dispositions de l'article 685-1du code civil, en cas de cessation de l'enclave et quelle que soit la manière dont l'assiette et le mode de la servitude ont été déterminés, le propriétaire du fonds servant peut, à tout moment, invoquer l'extinction de la servitude si la desserte du fonds dominant est assurée dans les conditions de l'article 682, cette disparition étant constatée par une décision de justice à défaut d'accord amiable.

Aux termes des dispositions de l'article 682 du code civil, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds.

Il est constant que les époux [X] ont maintenant accès à la [Adresse 11] à [Localité 10], de sorte que leur fonds n'est plus enclavé, étant souligné qu'ils ont eux-mêmes indiqué qu'ils utilisaient cet accès avec leurs véhicules automobiles.

Au regard des dispositions de l'article 682 susvisé, se pose la question de savoir si le fonds des époux [X] a une issue suffisante sur la [Adresse 11].

Les époux [X] ne sauraient tirer argument de ce que les travaux de réduction de pente sont irréalisables pour appuyer une impossibilité de procéder à la mainlevée de la servitude en cause alors que la problématique de la réalisation des travaux pour réduire la pente existante n'a été évoquée que dans l'acte de vente des consorts [P] aux époux [X] lequel est inopposable à Mme [E] et qu'au demeurant, ils ne démontrent pas leur caractère irréalisable.

Par ailleurs, la servitude de passage dont bénéficient les époux [X] avait pour utilité de désenclaver leur fonds lequel ne subit plus, à l'évidence, cet état d'enclave, peu important l'insatisfaction des époux [X] quant aux mesures d'aménagements effectuées par la mairie aux abords de la [Adresse 11] (absence de réalisation par la mairie de places de parking devant ou à proximité de leur propriété, absence de trottoirs aux normes et d'éclairage adapté) et l'existence d'une pente de 11% non résolue, étant, au demeurant, souligné que les propriétaires du fonds dominant utilisent d'ores et déjà cet accès avec leurs véhicules automobiles sur la [Adresse 11].

Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

Sur la demande relative à la suppression des accessoires liés à la servitude

Contrairement à ce qu'indique Mme [E], le tribunal judiciaire ne l'a pas déboutée de cette demande mais n'a pas statué dessus.

Considération prise de ce que le jugement entrepris a été confirmé sur la servitude, il y a lieu de faire droit à la demande de Mme [E] quant à la suppression des accessoires qu'elle vise, une astreinte apparaissant nécessaire, selon les modalités qui seront précisées au dispositif.

Sur la demande de dommages et intérêts de Mme [E]

A défaut pour Mme [E] de démontrer en quoi les époux [X] ont abusé de leurs droits, sa demande de dommages et intérêts est rejetée.

Le jugement entrepris est donc confirmé de ce chef.

Sur la demande des époux [X] tendant à être autorisés à passer sur le fonds de Mme [E]

Les époux [X] se disent dans l'obligation de réaliser des travaux d'assainissement sur leur propriété nécessitant un accès par la servitude de passage, cette solution étant la plus facile techniquement et moins coûteuse.

Toutefois, dès lors que leur fonds n'est plus enclavé du fait d'un accès d'ores et déjà considéré comme suffisant par la [Adresse 11], cette demande doit être rejetée, peu important que cet accès génère des coûts supplémentaires et puisse être techniquement plus compliqué.

Sur la demande relative à la descente des eaux pluviales

Au regard de la pertinence de la motivation du jugement entrepris sur ce point, il y a lieu de le confirmer, étant souligné qu'il n'est effectivement pas démontré par les époux [X] que Mme [E] ait aggravé la servitude du fonds inférieur.

Sur les dépens et les frais de procédure

Le jugement entrepris est confirmé de ces chefs.

A hauteur d'appel, les époux [X] sont condamnés aux dépens ainsi qu'à payer à Mme [E] la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; ils sont déboutés de leur demande d'indemnité sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

- CONFIRME dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 22 septembre 2020 ;

y ajoutant :

- CONDAMNE M. [N] [X] et Mme [N] [K], d'une part, à procéder à l'enlèvement de leur boîte aux lettres implantée au [Adresse 8] à [Localité 10] et, d'autre part, à condamner le portail coulissant séparant le passage sur le fonds de Mme [T] [E], de la cour arrière de la propriété [X], le tout, dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt, sous peine d'une astreinte de 30 euros par jour de retard passé ce délai, et pendant une durée maximale de trois mois au terme de laquelle il appartiendra aux parties, le cas échéant, de saisir le juge de l'exécution ;

- FAIT INTERDICTION à M. [N] [X] et Mme [N] [K] d'entreposer leurs poubelles côté [Adresse 12] à [Localité 10] aux droits de la parcelle de Mme [T] [E] et leur ORDONNE de les enlever, dès constat du non respect par huissier de justice dont ils devront assumer le coût, sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé ce délai, et pendant une durée maximale de trois mois au terme de laquelle il appartiendra aux parties, le cas échéant, de saisir le juge de l'exécution ;

- CONDAMNE M. [N] [X] et Mme [N] [K] aux dépens de la procédure d'appel ;

- CONDAMNE M. [N] [X] et Mme [N] [K] à payer à Mme [T] [E] la somme de 3000 (trois mille) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure exposés à hauteur d'appel ;

- DEBOUTE M. [N] [X] et Mme [N] [K] de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/03176
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;20.03176 ?
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