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10/01/2023 | FRANCE | N°21/02923

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 10 janvier 2023, 21/02923


EP/KG





MINUTE N° 23/44





















































NOTIFICATION :



Pôle emploi Alsace ( )







Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées



Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR<

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CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 10 Janvier 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02923

N° Portalis DBVW-V-B7F-HTS3



Décision déférée à la Cour : 22 Juin 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG



APPELANTE :



Madame [P] [R]

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représent...

EP/KG

MINUTE N° 23/44

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 10 Janvier 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02923

N° Portalis DBVW-V-B7F-HTS3

Décision déférée à la Cour : 22 Juin 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG

APPELANTE :

Madame [P] [R]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Anne-Catherine BOUL, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE :

S.A. [Localité 4] EVENEMENTS

Prise en la personne de son représentant légal.

N° SIRET : 384 911 129

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Pégah HOSSEINI SARADJEH, avocat au barreau de COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Selon contrat de travail à durée indéterminée du 13 septembre 1979, l'association [Localité 4] musique et congrès a embauché Madame [P] [R] née [H] en qualité de standardiste, et, à titre accessoire, de secrétaire sous l'autorité du chef de service de l'organisation des congrès.

Son poste évoluera sur d'autres fonctions.

Par contrat de travail à durée indéterminée du 18 juin 1991, la société des foires expositions de [Localité 4] l'a embauchée en qualité de commissaire de foires.

Selon contrat de travail à durée indéterminée du 18 novembre 1994, la société des foires expositions de [Localité 4] a promu, Madame [R], chef du département organisation foires et salons, et a précisé reprendre l'ancienneté de la salariée à partir de la date du 1er octobre 1978.

Par avenant du 5 décembre 2002, Madame [R] est devenue directrice de salons, puis, selon avenant du 20 février 2009 avec effet à compter du 10 février 2009, directrice du développement du pôle création et organisation événementielle au sein de la société économie mixte locale [Localité 4] événements.

Selon avenant au contrat de travail, daté du 1er octobre 2012, Madame [R] a été promue dans les fonctions de directrice de l'organisation au sein de la même société.

Le 16 février 2016, Madame [R] a fait un malaise sur son lieu de travail, et sera en arrêt travail du 16 février au 13 mars 2016.

Le 1er août 2016, elle sera placée en arrêt travail pour maladie d'origine professionnelle.

Par lettre du 23 mars 2017, la caisse primaire d'assurance-maladie du Bas-Rhin a notifié à l'employeur l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles qui a reconnu la maladie déclarée, d'origine professionnelle.

Par acte introductif d'instance du 30 août 2017, la société [Localité 4] événements a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin aux fins de contestation de la décision précitée.

Le 15 mai 2019, dans le cadre de la visite de pré-reprise, le médecin du travail a déclaré Madame [R] inapte au poste de travail à revoir pour visite médicale de reprise le 22 mai 2019, une étude de poste étant à prévoir avant cette visite.

Le 22 mai 2019, dans le cadre de la visite médicale de reprise, le médecin du travail a déclaré la salariée inapte à tous postes dans l'entreprise, en précisant que l'état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 juin 2019, la société [Localité 4] événements a convoqué Madame [R] à un entretien préalable à une mesure de licenciement pour inaptitude professionnelle.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 juillet 2019, l'employeur a notifié à Madame [R] son licenciement pour inaptitude à tous postes dans l'entreprise et refus des offres de reclassement au sein du groupe.

Par requête du 30 septembre 2019, Madame [P] [R] née [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Strasbourg de demandes tendant à juger son licenciement dépourvu de cause réelle sérieuse et aux fins de condamnation de l'employeur à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice subi du fait de harcèlement moral.

Par jugement du 22 juin 2021, la section encadrement dudit Conseil a débouté Madame [R] de l'ensemble de ses demandes, débouté la société [Localité 4] événements de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et condamné Madame [R] aux dépens.

Par déclaration du 28 juin 2021, Madame [P] [R] née [H] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par écritures, transmises par voie électronique le 31 août 2021, Madame [P] [R] née [H] sollicite l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, et que la Cour, statuant à nouveau,

- dise et juge que la société intimée l'a harcelée moralement, subsidiairement, a manqué à son obligation de moyens renforcée de sécurité,

- dise et juge que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamne la société [Localité 4] événements à lui payer les sommes suivantes :

* 109 825,80 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 50 000 euros nets à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice du fait du harcèlement moral

* 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

outre les dépens.

Par écritures, transmises par voie électronique le 24 novembre 2021, la Sa [Localité 4] événements sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

À titre subsidiaire, elle demande que la Cour réduise à hauteur de trois mois de salaire le montant des dommages-intérêts susceptibles d'être alloué au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit la somme de 15 000 euros.

En tout état de cause, elle demande la condamnation de Madame [R] née [H] à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Une ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 2 mars 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus amples exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

I. Sur le harcèlement moral et le licenciement

Selon les dispositions de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L1152-2 du même code, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L1154-1 prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

1. Sur les éléments présentés par la salariée

Madame [H] fait valoir que le syndrome anxio-dépressif, reconnu comme maladie professionnelle par l'assurance maladie, et qui a justifié son licenciement pour inaptitude, est la conséquence de faits répétés de harcèlement moral.

Elle soutient que :

- en qualité de directrice de l'organisation depuis le 1er octobre 2012, elle avait diverses missions et la responsabilité de 52 personnes outre des vacataires, et que fin 2015/début 2016, ces fonctions vont lui être retirées :

* l'embaucher du personnel intérimaire sans la signature du directeur général,

* le retrait de ses moyens (délégation de signature passant de 15 000 euros à 500 euros et validation des investissements),

* le retrait progressif du personnel sous sa direction, parallèlement à l'embauche de 3 nouveaux directeurs ou responsables à qui ses fonctions seront progessivement confiées,

- elle a fait l'objet de vives réprimandes, devant le personnel placé sous sa direction, lors de salons, par Monsieur [O], président, pour des futilités, avec la menace suivante : " le problème va être vite réglé ".

- à son retour d'arrêt maladie, pour accident ischémique transitoire, du 16 février 2016 au 13 mars 2016, l'intégralité de ses responsabilités lui ont été retirées et à compter du 5 août 2016, elle est placée en arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif réactionnel, de manière continue jusqu'à son départ de l'entreprise le 26 juiller 2019 ; cet arrêt sera reconnu comme suite à une maladie professionnelle par la Cpam.

Sur le retrait des responsabilités à compter de fin octobre 2015 et à compter du retour d'arrêt maladie le 16 mars 2016

Il résulte du procès-verbal du comité de direction du 12 octobre 2015 que la société [Localité 4] Evènements procédait à une réorganisation des services avec déménagement.

Selon ce document, l'appel à la sous-traitance et à l'intérim sera systématiquement demandé en amont et validé par le directeur général à l'aide d'un formulaire type. [B] [A] et [S] [W] signeront les contrats et les factures.

Selon tableau des délégations de signatures daté du 19 novembre 2014, Madame [H]-[R] pouvait, antérieurement, procéder à des engagements financiers de moins de 15 000 euros.

Par courriel du 20 octobre 2015, Monsieur [B] [A], directeur général, reprochait à Madame [H] épouse [R] d'avoir communiqué à ses équipes la modification du schéma de validation des contrats précités et d'avoir mis en place un formulaire de validation non validé par la hiérarchie.

Par courriel du 21 octobre 2015, en réponse, Madame [H]-[R] rappelait que jusqu'au comité de direction, elle avait la responsabilité des engagements d'intérimaires ou intermittents, ce dont elle avait été déchargée dès le 12 octobre 2015, alors qu'il avait été précisé qu'un formulaire de validation devait être mis en place, et que des contrats étaient en cours.

Selon organigrammes de la société :

- en 2014, Madame [H]-[R] apparaissait, dans la hiérarchie, en position n°2, après la direction générale, comme directrice de l'organisation, dans la branche Direction de l'organisation, au même niveau que le directeur commercial avec 47 personnes sous sa responsabilité,

- en 2016, Madame [H]-[R] se trouve en position n°2, en co-responsabilité avec 2 autres personnes, en qualité tous de directeurs de salon, dans la branche Direction commerciale Orga, étant précisé que la direction commerciale a été, elle-même, scindée en 2 et la Direction des opérations a été confiée à Monsieur [I] [K], es qualité de directeur.

Ces organigrammes font apparaître une modification des missions de Madame [R]-[H], avec perte de responsabilités, et transfert de l'essentiel de ses anciennes compétences à une autre personne.

L'organigramme, de 2016, est partiellement confirmé par une note d'information du 16 mars 2016, selon laquelle Monsieur [I] [K] est accueilli, dans l'entreprise, depuis le 1er mars 2016, au poste de Directeur des opérations ; la note précise que " après avoir piloté le Pôle Organisation d'évènements, [P] [R] pourra à compter de ce jour pleinement se consacrer à la régie générale de la Foire européenne pour une parfaite coordination logistique des différentes régies internes, des prestataires et sous-traitants ainsi que des partenaires. Elle continuera d'exercer ces missions au sein de la direction des opérations. Elle reportera à [I] [K] ainsi qu'à la Direction générale et restera partie prenante du Comité de direction ".

Ainsi, selon l'employeur, Madame [H]-[R] s'est retrouvée, en partie, sous la responsabilité du directeur des opérations.

Le rapport de l'employeur, adressé, par ce dernier, le 27 septembre 2016 à la Cpam, permet de relever la suppression, à compter du 1er mars 2016, de multiples activités d'organisation et d'encadrement, exercées anciennement comme directrice de l'organisation, Madame [H] se voyant, en qualité de " régisseur Foire européenne ", confier uniquement les activités d'assurer la régie de la Foire européenne et la coordination de la logistique des différentes régies internes, des prestataires et sous-traitants ainsi que des partenaires ; étant rappelé que la responsabilité des engagements d'intérimaires ou intermittents a été dévolu à d'autres.

Par courriel du 3 février 2016, adressé à Madame [S] [W], directrice générale adjointe, Madame [H]-[R] interrogeait cette dernière sur sa fonction restante dans la Foire, alors qu'il lui avait été prévu la direction du groupe Foire.

Par courriel du 17 mars 2016, Madame [S] [W] confirmait à Madame [H]-[R] son " repositionnement " et l'arrivée de Monsieur [I] [K].

L'enquête administrative Maladie Professionnelle de la Cpam reprenait les déclarations, notamment, de Monsieur [B] [U], secrétaire du Comité d'entreprise selon lesquelles Madame [R] se retrouvait à ne dépendre plus que d'elle-même alors qu'elle dirigeait (avant) 30 ou 40 personnes, et de Monsieur [T], secrétaire du Chsct selon lequelles Madame [R] lui avait indiqué " ne plus avoir personne sous ses ordres ".

Sur les vives réprimandes, devant le personnel placé sous sa direction, lors de salons

Aucune pièce n'est produite à ce titre par Madame [H]-[R], de telle sorte que la matérialité de ces réprimandes n'est pas établie.

****

Les faits précis et concordants, relatifs au retrait des responsabilités en 2 vagues, dont la matérialité est établie, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Il appartient, dès lors, à l'employeur de démontrer que les mesures en cause sont étrangères à tout harcèlement moral et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

2. Sur les éléments apportés par l'employeur

La société [Localité 4] Evènements produit :

- des échanges de courriels avec Madame [H]-[R], montrant que, notamment, Madame [S] [W] s'était souciée de l'état de santé de Madame [H] au mois de février 2016, suite à l'accident ischémique de cette dernière,

- un document (type programme power point) du 9 septembre 2014 d'un séminaire des collaborateurs de [Localité 4] Evènements ayant eu lieu les 26 et 27 novembre 2014, relatif à l'élaboration du projet d'entreprise,

- un document, de présentation similaire au premier, du 16 décembre 2014 relatif à une réunion du personnel de [Localité 4] Evènements du 16 décembre 2014.

Elle fait valoir qu'il y a eu une réorganisation de la société suite à l'entrée au capital de la société par le Groupe Gl Events, et que Madame [H]-[R] faisait partie du groupe de travail, en 2014, relatif à cette réorganisation.

Elle ajoute que Madame [R] est restée membre du Comité de direction et a continué à assurer ses missions au sein de la direction des opérations en suite de la réorganisation.

Reprenant la motivation du Conseil de prud'hommes, elle soutient que l'évolution des fonctions de Madame [R] s'inscrivait dans un contexte de réorganisation de l'entreprise du fait de l'augmentation d'activité à laquelle la salariée avait pris part.

Elle estime que le changement de direction ne constitue qu'un simple changement de ses conditions de travail, alors que Madame [H]-[R] avait connaissance de la disparition technique du Codir et de la séparation des pôles opérations et bâtiment.

Elle précise que Madame [R] ne s'est jamais plainte de harcèlement moral et conteste le lien de causalité entre l'accident ischémique, l'invalidité et les prétendus faits de harcèlement moral.

Ce faisant, l'employeur ne renverse pas la présomption de faits répétés de harcèlement moral, en l'absence d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement pouvant justifier la rétrogradation de Madame [H]-[R] en 2 vagues : d'abord en se retrouvant à des fonctions de " Directrice de salon ", avec des responsabilités bien moindres qu'en qualité de directeur (trice) de l'organisation, fonction pour laquelle Monsieur [K] a été recruté par l'employeur, puis en se retrouvant, dans un second temps, à partir du 16 mars 2016 comme " régisseur Foire européenne", avec des activités très résiduelles, et sous les ordres du directeur de l'organisation, son poste précédent.

La Cour relève que :

- le document relatif à la réunion du personnel du 16 décembre 2014 ne fait nullement état d'une modification à venir des fonctions de Madame [H]-[R], alors de " directrice de l'organisation ", fonction qui constitue, au regard de l'avenant, un élément essentiel du contrat, de telle sorte que la modification des fonctions à haute responsabilité de Madame [H]-[R] ne pouvait avoir lieu qu'après acceptation de la salariée, alors que Madame [H] n'a pas subi un simple aménagement de ses conditions de travail,

- le document relatif au séminaire des collaborateurs des 26 et 27 novembre 2014 justifie uniquement que Madame [H]-[R] faisait partie du groupe de travail Codir (Comité de direction), relatif à l'étude de l'amélioration de l'entreprise, et que les travaux avaient pour conclusion, notamment, la réorganisation de la direction.

La société [Localité 4] Evènements ne justifie pas plus d'une suppression du poste de Directeur de l'organisation, que de l'acceptation, par Madame [H], d'une modification d'un élément essentiel de son contrat de travail, alors que son poste de Directrice de l'organisation a été confié à un tiers, nouvellement embauché, Monsieur [K].

Si lors de son audition par les services d'enquête de la Cpam, selon Monsieur [D] [J], alors directeur général, Madame [H]-[R] aurait affirmé se sentir fatiguée et aurait exprimé le souhait de clore sa carrière, cette prétendue déclaration de la salariée n'est pas établie.

Il résulte des certificats des 12 janvier 2017, 9 septembre 2016, et 5 août 2016, du docteur [P] [V], psychiatre, que Madame [H]-[R] consulte, depuis le 3 juin 2016, pour des troubles anxieux et dépressifs évoluant de manière croissante et mis en relation, par l'intéressée, avec des changements dans sa situation professionnelle et une détérioration des rapports avec sa hiérarchie, le certificat du 9 septembre 2016, fait état de troubles très probablement consécutifs à la perte de responsabilité dans sa profession.

3. Sur la synthèse

Il y a lieu, dès lors, de considérer que la société [Localité 4] Evènements a commis des faits répétés de harcèlement moral, qui sont en lien de causalité avec l'inaptitude physique ayant justifié le licenciement de la salariée.

Le licenciement pour inaptitude en lien avec une situation de harcèlement moral est nul, en application de l'article L 1152-3 du code du travail.

Toutefois, le licenciement de Madame [H] sera jugé sans cause réelle et sérieuse, conformément à la demande, la Cour ne pouvant statuer ultra petita.

En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a jugé que Madame [R] n'avait pas fait l'objet de harcèlement moral, et que le licenciement avait une cause réelle et sérieuse.

II. Sur les indemnisations

En application de l'article R 1234-4 du code du travail, le salaire mensuel de référence s'élève à la somme de 5 491, 29 euros qui n'est pas contestée par la société [Localité 4] Evènements.

1. Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Compte tenu de son âge à la date du licenciement, Madame [H] étant née le 4 mars 1959, de l'ancienneté de la salariée de plus de 40 ans, le préjudice subi, par la salariée, apparaît important et est évaluée par la Cour à hauteur de 100 000 euros bruts au paiement de laquelle sera condamnée la société [Localité 4] Evènements.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation à ce titre.

2. Sur l'indemnisation pour harcèlement moral

Les certificats médicaux précités font état d'une atteinte de la santé psychique de Madame [H]-[R], avec troubles anxieux et dépressifs, sur plusieurs années.

La Cour évalue le préjudice subi, de ce chef, à la somme de 5 000 euros nette au paiement de laquelle sera condamnée la société [Localité 4] Evènements, ce préjudice étant distinct de celui réparant le caractère irrégulier du licenciement et la perte d'emploi.

En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a rejeté les prétentions de Madame [H]-[R] quant à cette indemnité.

III. Sur les demandes annexes

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société [Localité 4] Evènements sera condamnée aux dépens d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, elle sera condamnée à payer à Madame [H]-[R] la somme de 2 000 euros.

La demande, de la société, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sera rejetée.

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions sur les frais irrépétibles, mais infirmé sur les dépens, et la société [Localité 4] Evènements sera condamnée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement du 22 juin 2021 du Conseil de prud'hommes de Strasbourg, en toutes ses dispositions, SAUF en ce qu'il a rejeté les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT le licenciement de Madame [P] [R] née [H] sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la S.a. [Localité 4] Evènements à payer à Madame [P] [R] née [H] les sommes de :

* 100 000 euros bruts (cent mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*5 000 euros nets (cinq mille euros) à titre d'indemnisation pour harcèlement moral en réparation du préjudice moral ;

CONDAMNE la S.a. [Localité 4] Evènements à payer à Madame [P] [R] née [H] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la S.a. [Localité 4] Evènements de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la S.a. [Localité 4] Evènements aux dépens d'appel et de première instance.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/02923
Date de la décision : 10/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-10;21.02923 ?
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