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16/12/2022 | FRANCE | N°21/02819

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 16 décembre 2022, 21/02819


CKD/KG





MINUTE N° 22/997



















































NOTIFICATION :



Pôle emploi Alsace ( )





Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées



Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE

SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 16 Décembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02819

N° Portalis DBVW-V-B7F-HTMW



Décision déférée à la Cour : 07 Juin 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE



APPELANT :



Monsieur [Y] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté ...

CKD/KG

MINUTE N° 22/997

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 16 Décembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02819

N° Portalis DBVW-V-B7F-HTMW

Décision déférée à la Cour : 07 Juin 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE

APPELANT :

Monsieur [Y] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Mounir BENTAYEB, avocat au barreau de MULHOUSE

INTIMEE :

S.A.S. GROUPEMENT AMBULANCIER DU GRAND EST

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 452 33 7 6 11

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Aurélie BETTINGER, avocat au barreau de MULHOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme DORSCH, Président de Chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [Y] [W], né le 13 juillet 1981, après une convention de six mois de période d'adaptation en entreprise, a été engagé par la société Ambulances de la Hardt devenue Groupement Ambulanciers du Grand Est le 1er juillet 2008 en qualité d'ambulancier premier degré.

La convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport est applicable à la relation contractuelle.

Le 02 avril 2010 l'employeur convoquait Monsieur [W] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, et lui notifiait une mise à pied conservatoire.

Il a été licencié pour faute grave par lettre du 29 avril 2019 pour la prise tardive de poste et le retard généré par ses déplacements personnels la journée du 28 mars 2019, et d'autre part l'altercation et les propos tenus envers le responsable du plateau logique.

Contestant le licenciement, Monsieur [Y] [W] a le 19 août 2019 saisi le conseil de prud'hommes de Mulhouse afin de le voir reconnu sans cause réelle et sérieuse, et obtenir paiement des différentes indemnités de rupture, dont 41.927,73 € de dommages et intérêts, ainsi qu'un solde de prime de fin d'année de 2017 à 2019.

Par jugement du 07 juin 2021, le conseil de prud'hommes, après avoir jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, et non sur une faute grave, a condamné la SAS Groupement Ambulanciers du Grand Est à payer à Monsieur [Y] [W] les sommes de':

* 5.703,60 € nets à titre d'indemnité légale de licenciement';

* 4.203,20 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 420,32 € bruts au titre des congés sur préavis';

* 1.598,81 € bruts à titre de salaire pour la période de mise à pied à titre conservatoire ;

* 159,88 € bruts au titre des congés payés afférents';

* 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

Le conseil a également dit et jugé que l'avertissement du 08 novembre 2017 a bien été transmis au salarié.

L'exécution provisoire de droit a été rappelée, et la SAS Groupement Ambulanciers du Grand Est condamné aux entiers frais et dépens, les parties étant déboutées pour le surplus.

Monsieur [Y] [W] a le 23 juin 2021 interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions transmises par voie électronique le 1er mars 2022, Monsieur [Y] [W] demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement et'de :

- Dire et juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- dire et juger qu'il n'a jamais été sanctionné par un avertissement,

- condamner l'intimée à lui payer les sommes de':

* 41.927,76 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 400 € + 150 € au titre des primes de fin d'année 2017 à 2019,

* 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sollicite en outre la délivrance d'un bulletin de paye récapitulative, et le remboursement des allocations chômage à pôle emploi, ainsi que la condamnation de la société aux entiers frais et dépens d'appel.

Pour le surplus il conclut à la confirmation du jugement.

Selon dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 avril 2022 la SAS Groupement Ambulanciers du Grand Est demande à la Cour de':

- Ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture prononcée le 04 mars 2022,

- Juger l'appel irrecevable, et mal fondé,

- Débouter Monsieur [W] de l'intégralité de ses demandes,'

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de prime de fin d'année et en ce qu'il a considéré que la rupture du contrat de travail reposait sur une cause réelle et sérieuse.

- Infirmer le jugement qui a considéré que le licenciement ne repose pas sur une faute grave, et l'a condamnée à payer une somme de 800 € titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- En tout état de cause elle demande de condamner Monsieur [W] à lui payer 2.000 € au titre des à titre de frais irrépétibles, et de le condamner aux entiers frais et dépens de l'instance.

La cour a ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture du 02 mars 2022, et a prononcé la clôture le 21 octobre 2022.

Il est, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits moyens et prétentions des parties renvoyées aux conclusions ci-dessus visées.

MOTIFS

I. Sur le licenciement

La faute grave résulte d'un fait, ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail, ou des relations de travail d'une importance telle, qu'elle rend impossible le maintien du salarié fautif dans l'entreprise.

Il appartient par ailleurs à l'employeur qui l'invoque, de rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave.

En l'espèce, Monsieur [Y] [W] a été licencié pour faute grave par lettre du 29 avril 2019 (comptant 4 pages) connue des parties, et dans laquelle l'employeur lui reproche plusieurs griefs :

1. Sur la prise tardive de poste le 28 mars 2019 entraînant un retard lors de la première prise en charge

L'employeur explique que la prise de service à 11h30 correspond à une première prise en charge à 12 heures compte-tenu du temps d'habillage de 5 minutes, du temps d'inventaire du véhicule de 10 minutes, augmentées du délai de route. Or il reproche au salarié d'avoir pris en charge le premier patient à 12h14 soit avec un retard d'une quinzaine de minutes, ce qui est anormal, alors qu'il a pointé son arrivée à 11h22.

Il résulte en effet du relevé de pointages du salarié que le jeudi 28 mars 2019 Monsieur [W] a pointé à 11h22, alors que l'heure de prise de poste était 11h30. Par conséquent il ne peut lui être reproché une prise tardive de poste.

L'appelant verse aux débats en pièce 13 un écrit émanant de Madame [J] [R] qui certifie avoir le 28 mars 2019 été transportée dans les délais demandés par les ambulanciers c'est-à-dire 12 heures, ainsi qu'une attestation du centre de dialyse de [Localité 3] qui indique que le tableau adressé au transporteur le 25 mars 2019 indiquait une arrivée de la patiente à 12h45 tous les mardi, jeudi et vendredi de sorte que l'arrivée au centre de dialyse le 28 mars 2019 a bien été respecté. En effet la patiente est arrivée à 12h40. Le salarié expliquant en outre qu'elle était hyper algique et ne souhaite pas être prise en charge plutôt.

L'employeur conteste l'écrit de Madame [R] accompagné d'aucune pièce d'identité, affirme qu'il serait douteux, qu'une personne dialysée trois fois par semaine se souvienne 2 mois plus tard d'un horaire de prise en charge, qu'il n'est pas précisé par le témoin si 12 heures est l'heure d'arrivée des ambulanciers ou de départ, et enfin qu'il importe peu que la patiente soit arrivée à l'heure par rapport à l'organisation du travail prévu par le service de planification.

Il convient de rappeler que c'est l'employeur qui supporte seul la charge de la preuve de la faute grave, et qu'en l'espèce d'une part il est inexact de reprocher au salarié une prise tardive de poste, et d'autre part il n'est pas davantage établi une prise en charge tardive de la première patiente effectivement arrivée au centre de dialyse à 12h42, pour un rendez-vous à 12 h45. Ce grief n'est donc pas établi.

2. Sur les déplacements personnels le 28 mars 2019

- Sur la prise en charge de Monsieur [H] à 13h30

L'employeur reproche à Monsieur [W] 40 minutes de retard pour s'être rendu en ville sans autorisation, afin selon lui d'y acheter une bouteille d'eau, entre deux missions, bouteille qu'il pouvait parfaitement acheter à l'hôpital. Il lui reproche une prise en charge de Monsieur [H] à 14 heures 09 au lieu 13h30.

Or le salarié justifie par un mail d'un cadre de santé du groupe hospitalier de [Localité 3] que s'agissant de la prise en charge de ce patient en cardiologie le 28 mars 2019 : « une ambulance pour [Localité 4] au nom de Monsieur [H] a été demandé entre 13h30 et 14h30. À l'arrivée des ambulanciers, le patient n'était pas prêt car il avait uriné++ et nécessitait être changé avant son départ. Il a été pris en charge à 14 heures dans les délais demandés'».

Madame [H] [C] écrit le 10 mai 2019 à la société Groupement Ambulanciers Grand Est s'étonnant qu'il soit reproché aux ambulanciers «'d'avoir perdu 40 minutes pour avoir mis en confort un patient », ajoutant qu'il n'a rien à reprocher à l'équipe, en soulignant leur gentillesse, et leur dévouement.

Il est ainsi établi que le retard de la prise en charge de ce patient est totalement étranger à l'achat de la bouteille d'eau par le salarié, et que ce retard indépendant de la volonté de Monsieur [W] ne peut lui être reproché.

- Sur la violation du règlement intérieur de l'entreprise

L'employeur vise également dans la lettre de licenciement l'article II.2.6 du règlement intérieur disposant que les conducteurs et utilisateurs de véhicules ne doivent pendant leurs horaires de travail utiliser les véhicules que conformément à la mission dont ils ont la charge. Il conteste toute tolérance contraire à ce règlement intérieur, et souligne le caractère isolé de l'attestation de Monsieur [M] auquel il est opposé dans le cadre d'un litige prud'homal.

Le salarié soutient que durant le temps d'inaction de 30 mn, il bénéficie d'une tolérance de l'employeur pour vaquer à ses occupations personnelles en usant du véhicule, ainsi qu'en témoigne Monsieur [M] (annexe 22), tolérance dont il userait depuis plus de 11 années.

Cependant l'article II.2.6 du règlement intérieur (pièce 11) dispose que «'les conducteurs et utilisateurs de véhicules ne doivent pendant leurs horaires de travail utiliser les véhicules que conformément à la mission dont ils ont la charge'». Par conséquent le règlement intérieur édicte bien une interdiction d'utiliser les véhicules pour des besoins personnels durant les horaires de travail, ce qui était le cas en l'espèce.

La seule attestation de Monsieur [E] [M] qui invoque une tolérance de l'employeur « pour le lieu d'un standby sans aller trop loin et de plus respecter l'heure de prise en charge du prochain patient'» et ce depuis son embauche en juillet 2011 jusqu'à l'attestation d'août 2021, n'est pas suffisante pour établir une tolérance contraire au règlement intérieur. En effet alors que l'entreprise compte un effectif de plus de 200 salariés, cette attestation apparaît bien isolée, et émane en outre d'un salarié opposé à son employeur dans le cadre d'un litige prud'homal.

La violation du règlement pour un usage personnel du véhicule est par conséquent établie.

- Sur le second déplacement personnel de 51 mn le 28 mars 2019

Il est reproché au salarié un second déplacement personnel de 51 mn entraînant un retard sur la fin du service, et générant des heures supplémentaires, et ce afin de se rendre chez un ami pour chercher un sandwich.

Monsieur [W] invoque le courrier du 10 mai 2019 rédigé par Madame [H] [C] dans lequel elle explique encore, s'agissant de la prise en charge de Monsieur [H], que faute de place, le patient a finalement été renvoyé à son domicile, sans que la famille ne soit prévenue, qu'il s'est retrouvé devant le domicile porte close, et que l'équipe a attendu le retour de la famille au domicile, avant de tenter de porter le patient dans sa chambre, ce qui a nécessité l'appel d'une personne supplémentaire.

Cependant ce n'est pas cette prise en charge qui est reprochée au salarié, mais le fait qu'après cette dernière mission terminée à 18 heures 01, il ait roulé jusqu'à [Localité 5], y a stationné jusqu'à 18 h17, puis a roulé en direction d'[Localité 6] où il a stationné de 18h39 à 18 heures 51 avant de regagner la base.

Et en effet aucune mission ne justifie ces détours durant plus de 50 minutes au volant du véhicule sanitaire, et ce en violation de l'article II.2.6 précités du règlement intérieur.

Ce grief est donc également constitué.

3. Sur l'altercation du 1er avril 2019

Il est reproché au salarié une altercation avec le responsable du plateau logistique, et ce devant plusieurs témoins, Monsieur [W] ayant déclaré « attention à ce que vous faites, cela va avoir des répercussions, » et « vous n'avez rien à me dire, j'ai 11 ans d'ancienneté ». L'employeur écrit que le salarié a fait preuve d'insubordination qu'il s'est montré menaçant, et que craignant pour sa sécurité le responsable du plateau logistique a déménagé. Il ajoute qu'il s'agit d'un nouveau manquement au règlement intérieur, et qu'il a déjà été sanctionné pour des faits de même nature le 08 novembre 2017.

Monsieur [W] conteste avoir menacé Madame [F], reconnaissant une discussion tendue, sans injures, menaces ou insubordination, et se prévaut de l'attestation de Madame [O].

La pièce 18 du salarié ne constitue pas une attestation, mais un mail du 17 juin 2019 qui proviendrait de la boîte personnelle de Madame [O], et dans lequel elle écrit avoir été présente lors de la discussion entre Monsieur [W] [Y] et Madame [F] le 1er avril 2019 et que : « effectivement il y a eu des mots plus ou moins forts entre eux, Monsieur [W] n'a jamais menacé Madame [F] [Z] de quelque manière que ce soit. Ils ont eu une descente certes professionnelle mais jamais Monsieur [W] n'a émis de menaces vis-à-vis d'elle, ou de menace d'atteinte à sa vie privée ».

Monsieur [A] responsable de site et témoin direct des faits atteste dans les formes prévues par l'article 202 du code de procédure civile. Il explique que Madame [F] a à plusieurs reprises demandé à Monsieur [W] déjà énervé pour un autre motif, de baisser le ton « car il était haussé et agressif » il rapporte les propos du salarié : « vous n'avez rien à me dire à moi, j'ai 11 ans d'ancienneté, toujours présent et jamais malade' ». Il poursuit que lorsque Madame [F] a décidé de couper court à la discussion avec toute la politesse qui s'impose, le salarié toujours très énervé a continué son discours dans le couloir, et que Monsieur [X] est arrivé, et lui a également demandé de se calmer.

Monsieur [X] [L] responsable développement atteste dans les mêmes formes avoir entendu « une conversation particulièrement houleuse » l'amenant à descendre afin de voir ce qui se passait. Le témoin écrit : « je tombe sur Monsieur [W] qui était en train de crier sur Madame [F] et sur Monsieur [A] son responsable de site. Je lui ai demandé de se calmer et de m'expliquer ce qui l'a mis dans cet état. Son attitude était agressive et déplacée. Il est allé jusqu'à dire « attention à ce que vous faites car cela pourrait avoir des conséquences ». Après quelques longues minutes je suis arrivé à le calmer. »

Madame [F] témoigne avoir rejoint le bureau de Monsieur [A] dans lequel se trouvait Monsieur [W], et elle décrit la scène suivante : « Monsieur [W] était très agité et agressif. J'ai tenté à plusieurs reprises de comprendre et d'échanger calmement avec lui sur la situation, pour cela je lui ai demandé de baisser d'un ton pour que l'on puisse discuter convenablement. Ne trouvant pas de changement d'attitude de Monsieur [W] j'ai décidé de quitter le bureau pour retourner à mon poste. Monsieur [W] m'a suivi dans le couloir en continuant ses propos plus que déplacés « vous êtes hautaine », « vous n'avez rien à me dire, j'ai 11 ans d'expérience » « attention à ce que vous faites cela va avoir des répercussions » etc. Les propos ainsi que le ton employé était tellement fort que Monsieur [L] [X] est descendu s'interposer afin de tenter de calmer Monsieur [W]. Celui-ci a continué environ 15 minutes avant de se calmer. »

Ainsi ces trois témoignages produits par l'employeur sont parfaitement circonstanciés, et concordants. Ils décrivent une scène au cours de laquelle le salarié a en effet eu une altercation verbale avec Madame [F] en haussant le ton, à tel point que Monsieur [X] a été amené à quitter son propre bureau. Les propos repris dans la lettre de licenciement sont rapportés par les trois témoins.

Même Madame [O] reconnaît «'des mots plus ou moins forts'». Si elle conteste l'existence de menaces, elle ne rapporte cependant aucun propos précis. Par ailleurs le fait de dire sur un ton particulièrement fort et agressif : « attention à ce que vous faites, cela va avoir des répercussions » est bien une menace, et elle est rapportée par trois personnes.

Le salarié a ainsi une seconde fois contrevenu au règlement intérieur, cette fois en son article III.6.3 qui dispose que le personnel s'oblige en toutes circonstances à avoir une attitude courtoise vis-à-vis des usagers, des clients, des fournisseurs, des partenaires de la société, ainsi que devant la hiérarchie, et les collègues de travail.

4. Sur le passé disciplinaire

La lettre de licenciement vise à deux reprises un avertissement du 08 novembre 2017, dont le salarié conteste l'existence.

Or l'avertissement du 08 novembre 2017 est bien versé au débat en pièce 4. Il sanctionne un irrespect envers le directeur logistique le 12 octobre 2017, et pour avoir tenu des propos inadaptés et vulgaires envers le service de régulation le 1er août 2017.

Les copies de l'enveloppe et de l'accusé de réception de l'avertissement sont versées aux débats en pièce 5. Il en résulte que cet avertissement a été envoyé le 11 novembre 2017 à l'adresse exacte du salarié, mais que présenté le 13 novembre 2017, le pli n'a pas été réclamé par son destinataire. Ainsi l'employeur prouve l'envoi, et la présentation de la lettre recommandée comportant l'avertissement, le salarié ne pouvant invoquer le fait qu'il n'ait pas cherché le pli recommandé dans le délai de 15 jours pour nier l'existence de l'avertissement.

C'est donc à bon droit que l'employeur invoque l'avertissement du 08 novembre 2017.

***

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que si la prise tardive de poste le 28 mars 2019, et la prise en charge tardive de deux clients ne sont pas établis, en revanche les autres griefs concernant la violation du règlement intérieur quant à l'utilisation du véhicule à des fins personnelles à deux reprises le 28 mars 2019, et l'altercation du 1er avril 2019, ainsi que l'existence d'un avertissement antérieur, sont caractérisés.

Les griefs invoqués par l'employeur sont donc partiellement retenus. Par ailleurs le salarié justifie d'une ancienneté de près de 11 ans au moment du licenciement.

Compte tenu de ces éléments les griefs retenus sont disqualifiés de faute grave en faute simple, de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a retenu un licenciement disciplinaire reposant sur une cause réelle et sérieuse.

500. Sur les conséquences financières

Le licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts.

La qualification du licenciement conduit également à la confirmation du jugement s'agissant de l'indemnité légale de licenciement, de l'indemnité de préavis, et des congés payés afférents, du paiement des salaires et des congés payés durant la mise à pied conservatoire'; l'ensemble de ces montants contestés dans leur principe ne l'étant pas dans leur montant.

Le licenciement étant fondé il n'y a pas lieu à ordonner le remboursement des allocations Pole Emploi en application de l'article L 1235-4 du code du travail.

II. Sur les primes de fin d'année

Monsieur [W] réclame paiement de 400 € et 150 € au titre des primes de fin d'année 2017 à 2019, en écrivant n'avoir « pas perçu l'intégralité des primes auxquelles il avait droit », et en renvoyant aux bulletins de paie, et à une note d'information individuelle de prime de fin d'année 2018.

Or le conseil des prud'hommes a rejeté cette demande au motif que le salarié réclame des sommes qui ne sont ni expliquées, ni justifiées, en se référant à la même note d'information.

Force est de constater que malgré la motivation du jugement qu'il conteste, le salarié n'apporte pas d'avantage de précision à hauteur de cour. En effet ni les bulletins de paye, ni la note d'information sur la prime 2018 énonçant qu'elle s'élève à 1.000 € et sera versée à hauteur de 600 € en décembre 2018, et à hauteur du solde en juin 2019, ne permettent de conclure qu'il est bien-fondé à réclamer «400 € + 150 € au titre des primes de fin d'année 2017 à 2019'». Le jugement est par conséquent également confirmé sur ce point.

III. Sur les demandes annexes

Il convient d'ordonner la délivrance par la SAS Groupement Ambulanciers du Grand Est d'un bulletin de paie récapitulant l'ensemble des montants alloués par le conseil des prud'hommes, si ce document n'a pas déjà été adressé au salarié.

Le jugement déféré doit être confirmé s'agissant des dépens, et des frais irrépétibles, et en ce qu'il dit que les condamnations prononcées sont soumises à intérêts légaux.

Monsieur [Y] [W] qui succombe en ses prétentions est condamné aux dépens de la procédure d'appel, et par voie de conséquence sa demande de frais irrépétibles est rejetée.

L'équité commande par ailleurs de le condamner à verser à la SAS Groupement Ambulanciers du Grand Est la somme de 800 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

Confirme le jugement rendu le 07 juin 2021 par le conseil des prud'hommes de Mulhouse en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant

Ordonne la délivrance par la SAS Groupement Ambulanciers du Grand Est d'un bulletin de paie récapitulant l'ensemble des montants alloués par le conseil des prud'hommes';

Condamne Monsieur [Y] [W] aux dépens de la procédure d'appel';

Condamne Monsieur [Y] [W] à payer à la SAS Groupement Ambulanciers du Grand Est la somme de 800 € (huit cents euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute Monsieur [Y] [W] de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022, signé par Mme Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/02819
Date de la décision : 16/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-16;21.02819 ?
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