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16/12/2022 | FRANCE | N°21/02768

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 16 décembre 2022, 21/02768


GLQ/KG





MINUTE N° 22/983



















































NOTIFICATION :



Pôle emploi Alsace ( )





Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées



Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE

SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 16 Décembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02768

N° Portalis DBVW-V-B7F-HTJ7



Décision déférée à la Cour : 20 Mai 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SCHILTIGHEIM



APPELANTE :



Association ALTER-EGO

prise en la personne de son re...

GLQ/KG

MINUTE N° 22/983

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 16 Décembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02768

N° Portalis DBVW-V-B7F-HTJ7

Décision déférée à la Cour : 20 Mai 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SCHILTIGHEIM

APPELANTE :

Association ALTER-EGO

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Valérie SPIESER, avocat à la Cour

INTIME :

Monsieur [O] [M]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Claus WIESEL, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme DORSCH, Président de Chambre.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

L'ASSOCIATION ALTER-EGO est une association qui organise des colonies de vacances et des classes de découverte pour les écoles.

Entre 2012 et 2016, M. [O] [M] a été embauché par l'association ALTER-EGO comme animateur dans le cadre de contrats saisonniers de six semaines. En 2017 et en 2018, M. [O] [M] a été embauché en contrats à durée déterminée du mois de janvier à la fin du mois d'août puis deux semaines au mois d'octobre. A compter du mois de janvier 2019, il a travaillé à nouveau pour l'association.

Par courrier du 23 août 2019, l'association ALTER-EGO a mis fin au contrat de travail en adressant à M. [O] [M] un solde de tout compte mentionnant le 24 août 2019 comme dernier jour de travail.

Le 20 février 2020, M. [O] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Schiltigheim pour solliciter notamment l'application du coefficient conventionnel 350 du groupe E depuis le mois de février 2017, la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée, faire reconnaître que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et obtenir la condamnation de l'association ALTER-EGO au paiement d'une indemnité au titre de la requalification du contrat de travail, d'indemnités afférentes au licenciement, de rappel d'heures supplémentaires ainsi qu'au paiement de dommages et intérêts pour non respect du contingent d'heures supplémentaires, pour travail dissimulé, pour non respect du droit au repos, pour défaut de prévention des risques et pour non respect de la convention collective.

Par jugement du 20 mai 2021, le conseil de prud'hommes a :

-dit n'y avoir lieu à revaloriser le coefficient appliqué à M. [O] [M],

- prononcé la requalification du contrat à durée déterminée du 28 janvier 2019 en contrat à durée indéterminée,

- dit que le licenciement est abusif et dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné l'association ALTER-EGO au paiement des sommes suivantes :

* 2 217,52 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

* 221,75 euros de congés payés sur préavis,

* 6 169 euros brut de rappel sur heures supplémentaires,

* 615,90 euros de congés payés sur ces heures,

* 2 217,52 euros d'indemnité de requalification de contrat,

* 2 217,52 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3 157,30 euros de dommages intérêts pour non-respect contingent d'heures supplémentaires,

* 2 217,52 euros de dommages intérêts pour non-respect droit au repos,

* 800 euros de dommages intérêts pour défaut de prévention des risques,

- débouté M. [O] [M] de ses demandes au titre du travail dissimulé et du non respect de la convention collective,

- rejeté la demande reconventionnelle,

- condamné l'association ALTER-EGO aux dépens, y compris les éventuels frais et honoraires d'huissier, ainsi qu'au paiement de la somme de 1 000 euros sur  le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'association ALTER-EGO a interjeté appel à l'encontre de ce jugement le 18 juin 2021.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 février 2022, l'association ALTER-EGO demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a requalifié le contrat de travail 2019 de M. [O] [M] en contrat à durée indéterminée, rejeté la demande reconventionnelle et condamné l'ASSOCIATION ALTER-EGO à lui verser les sommes suivantes :

- 2 217,52 euros d'indemnité de requalification de contrat,

- 2 217,52 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 217,52 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

- 221,75 euros de congés payés sur préavis,

- 6 169 euros brut de rappel sur heures supplémentaires,

- 615,90 euros de congés payés sur ces heures,

- 3 157,30 euros de dommages intérêts pour non-respect contingent d'heures supplémentaires,

- 2 217,52 euros de dommages intérêts pour non-respect droit au repos,

- 800 euros de dommages intérêts pour défaut de prévention des risques,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Elle sollicite la confirmation du jugement pour le surplus et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

- dire que l'intimé bénéficiait d'un contrat à durée déterminée conclu le 28 janvier 2019 pour la période du 28 janvier au 24 août 2019 et qu'il n'y a lieu à aucune requalification,

- dire qu'aucune indemnité n'est due au titre du licenciement sans cause, de l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés, du rappel d'heures, du contingent d'heures supplémentaires, du droit au repos et de la prévention des risques,

- condamner M. [O] [M] au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé avec l'utilisation frauduleuse de l'association,

- condamner M. [O] [M] au paiement de la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'atteinte à sa réputation,

- condamner M. [O] [M] au paiement de la somme de 3000  euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et matériel résultant d'un acte de vandalisme,

- condamner M. [O] [M] au paiement de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de son allégation mensongère,

- condamner M. [O] [M] à restituer à l'association ALTER-EGO la somme de 2 951,92 euros correspondant au trop-perçu de salaires, de repos compensateur et de congés payés,

- condamner M. [O] [M] aux dépens des deux instances et à payer à l'ASSOCIATION ALTER-EGO la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [O] [M] à restituer les sommes versées en exécution du jugement avec intérêts,

- débouter M. [O] [M] de ses demandes contraires.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 03 décembre 2021, M. [O] [M] demande de débouter l'associaiton ALTER-EGO de ses demandes et de confirmer le jugement en ce qu'il a :

- prononcé la requalification du contrat à durée déterminée du 28 janvier 2019 en contrat à durée indéterminée,

- dit que le licenciement est abusif et dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- débouté l'association ALTER-EGO de ses demandes reconventionnelles,

- condamné l'association ALTER-EGO aux intérêts légaux et aux dépens.

Il demande d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaires de M. [O] [M] à 2 217,52 euros bruts,

- débouté M. [O] [M] de sa demande de revalorisation du coefficient conventionnel,

- minoré le montant des rappels sur heures supplémentaires dus au salarié,

- débouté M. [O] [M] de sa demande de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé,

- débouté M. [O] [M] de sa demande de dommages et intérêts au titre du non-respect de la convention collective,

- limité le quantum des dommages et intérêts dus à M. [O] [M] au titre du défaut de prévention des risques, à hauteur de 800 euros,

- limité le quantum des dommages et intérêts dus à M. [O] [M] au titre du non-respect du droit au repos du salarié, à hauteur de 2 217,52 euros,

- limité le quantum de l'indemnité compensatrice de préavis à 2 217,52 euros bruts et 221,75 euros pour les congés payés y afférent,

- limité le quantum des dommages et intérêts pour licenciement abusif à 2 217,52 euros nets,

- limité le quantum de l'indemnité de requalification du contrat à 2 217,52 euros nets.

Il demande à la cour, statuant à nouveau, de :

- dire que la moyenne des trois derniers mois de salaire est de 3 315,84 euros bruts,

- dire que le coefficient conventionnel 350 du groupe E doit être appliqué au contrat de travail depuis février 2017,

- dire que le régime d'équivalence prévu par la convention collective d'animation lui est inapplicable et appliquer, par conséquent, le régime de droit commun des heures supplémentaires,

- condamner l'association ALTER-EGO au paiement des sommes suivantes :

* 2 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la convention collective,

* 35 818,06 euros bruts à titre de rappel pour heures supplémentaires,

* 3 581,80euros bruts à titre de rappel sur congés-payés,

* 32 974,09euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect du dépassement du contingent d'heures supplémentaires,

* 19 895,04 euros nets à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

* 4 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect du droit au repos,

* 1 500 euros nets à titre de dommages et intérêts pour défaut de prévention des risques,

* 3 315,84 euros nets à titre d'indemnité de requalification,

* 3 315,84 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3 315,84 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 331,58 euros bruts à titre de rappel sur congés-payés,

- condamner l'association ALTER-EGO aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés à hauteur d'appel,

- rappeler que ces montants porteront intérêts à compter du jour de la demande s'agissant des créances salariales et à compter du jour du jugement de première instance s'agissant des dommages et intérêts.

Pour un exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux écritures précitées, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 07 octobre 2022. L'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 21 octobre 2022 et mise en délibéré au 16 décembre 2022.

MOTIFS

Sur le coefficient conventionnel

En cas de contestation du coefficient de rémunération appliquée par l'employeur, il convient de déterminer si la classification retenue correspond aux fonctions réellement exercées par le salarié;

En l'espèce, M. [O] [M] était rémunéré au coefficient 280, correspondant au groupe C de la classification des salariés résultant de l'avenant n°127 de la convention collective de l'animation. Le groupe C s'applique au salarié disposant d'une autonomie dans la mise en oeuvre des moyens nécessaires à l'exécution de son travail et pour lequel le contrôle du travail ne s'exerce qu'au terme d'un délai prescrit.

M. [O] [M] revendique une rémunération au coefficient 350 correspondant à un emploi du groupe E qui implique soit la responsabilité d'une mission par délégation, requérant une conception des moyens, soit la responsabilité d'un service, soit la gestion d'un équipement de petite taille. Elle s'applique au salarié qui "peut être responsable de manière permanente d'une équipe", qui "définit le programme de travail de l'équipe ou du service et conduit son exécution", qui "peut avoir la responsabilité de l'exécution d'un budget de service ou d'équipement", qui "peut bénéficier d'une délégation de responsabilité dans la procédure de recrutement", qui "peut porter tout ou partie du projet à l'extérieur dans le cadre de ses missions" et dont l' "autonomie repose sur une délégation hiérarchique, budgétaire et de représentation sous un contrôle régulier du directeur ou d'un responsable hiérarchique".

Il soutient que l'employeur lui a confié la gestion du recrutement des animateurs. Il résulte des pièces produites que M. [O] [M] était consulté par le directeur de l'association pour le recrutement des animateurs . S'il apparaît également que le salarié recevait les candidatures et réalisait des entretiens, l'association précise toutefois que les recrutements se faisaient uniquement à partir des dossiers de candidatures, que M. [O] [M] prenait seul l'initiative d'organiser ces entretiens en utilisant sa messagerie personnelle et qu'ils ne correspondaient pas à une demande de l'employeur. Aucun élément ne permet en toute hypothèse de démontrer que le salarié disposait d'une délégation de responsabilité ni qu'il prenait la décision de recrutement des nouveaux salariés. Il apparaît au contraire que ces décisions étaient prises par M. [S] [E], directeur de l'association, ce qui résulte des messages échangés avec M. [O] [M] (pièce n°19).

Des courriels échangés entre M. [O] [M] et une autre salariée, Mme [V] [I] entre le 18 mai et le 28 mai 2018 (pièce n°20 de M. [O] [M]) permettent également de constater que, suite à une erreur sur la fiche de paie de la salariée, M. [O] [M] transmet la difficulté au directeur qui "va s'occuper personnellement de régler ça au plus vite" (pièce n°20).

Les autres éléments invoqués par M. [O] [M], à savoir sa position de référent hiérarchique des animateurs, l'encadrement des groupes d'enfants, la réalisation de créations spécifiques, l'orientation pédagogique et la gestion des commandes ne permettent pas non plus de considérer que le salarié disposait d'une autonomie de décision résultant d'une délégation hiérarchique, budgétaire et de représentation permettant de caractériser un emploi relevant de la catégorie E telle que définie par l'avenant à la convention collective. Il sera relevé au contraire que, dans ses conclusions (page 5), l'intimé décrit lui-même son rôle comme consistant à "s'occuper des plannings, de l'équipe d'animation, de l'animation, etc.".

Il convient donc de confirmer le jugement du 20 mai 2021 en ce qu'il a débouté M. [O] [M] de sa demande de revalorisation du coefficient conventionnel et de sa demande de dommages et intérêts pour non respect de la convention collective.

Sur la demande de requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée

Aux termes de l'article L. 1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

En application de l'article L. 1245-1, est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions [de l'article] L. 1242-12, alinéa premier.

En l'espèce, il résulte des bulletins de paie produit par l'association ALTER-EGO que M. [O] [M] a été rémunéré comme animateur de classe verte du 28 janvier 2019 au 24 août 2019.

M. [O] [M] sollicite la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée en faisant valoir qu'aucun contrat écrit n'a été établi. Pour s'opposer à cette demande, l'association ALTER-EGO produit un contrat relatif à l'embauche de M. [O] [M] en contrat à durée déterminée pour la période du 28 janvier 2019 au 24 août 2019 mais qui ne comporte pas la signature du salarié.

L'association ALTER-EGO considère que la fraude du salarié s'oppose à la requalification du contrat de travail en expliquant qu'un exemplaire du contrat de travail avait été remis à M. [O] [M] lors de l'embauche et que celui-ci aurait profité du fait qu'il fournissait une aide aux travaux administratifs pour classer son contrat de travail sans le signer ou subtiliser la version du contrat qu'il avait signée par celle ne comportant pas sa signature.

Il apparaît toutefois que l'association ALTER-EGO ne rapporte pas la preuve que le contrat de travail aurait été remis au salarié ni que celui-ci l'aurait signé ou aurait sciemment refusé de le faire. La fraude alléguée ne peut se déduire du fait que, quatre jours avant la fin de son contrat selon l'association ALTER-EGO, le salarié a écrit à l'employeur le 20 août 2019 pour revendiquer la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée.

Dès lors que l'association ALTER-EGO ne justifie pas d'un contrat de travail écrit signé par le salarié et qu'elle ne démontre pas de fraude de la part de celui-ci, il convient de confirmer le jugement du 20 mai 2021 en ce qu'il a requalifié le contrat du 28 janvier 2019 en contrat à durée indéterminée.

Sur la demande en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l'espèce, à l'appui de sa demande, M. [O] [M] produit des tableaux récapitulatifs détaillant ses heures de travail pour les années 2017, 2018 et 2019. L'association ALTER-EGO lui oppose toutefois les stipulations de la convention collective de l'animation relatives au temps de travail.

Il résulte en effet de l'article 4.5 de cette convention collective que, dans la branche professionnelle, le principe est la récupération des heures supplémentaires et que leur paiement n'intervient qu'à titre exceptionnel.

L'article 5.6 de la convention collective prévoit par ailleurs un système d'équivalence organisé de la manière suivante :

5.6.1. Périodes de permanences nocturnes

Les périodes de permanences nocturnes comportant des périodes d'inaction effectuées sur le lieu de travail sont soumises au régime d'équivalence suivant : rémunération sur la base de 2 h 30 effectives pour une durée de présence de 11 heures. Ces heures sont majorées de 25 %. Cette majoration ne se cumule pas, le cas échéant, avec celle prévue à l'article 5.4.1.

5.6.2. Accueil et accompagnement de groupes

Les personnels amenés à travailler dans le cadre d'un accueil ou d'un accompagnement de groupe avec nuitées rendant leur présence nécessaire de jour comme de nuit sont soumis au régime d'équivalence suivant établi sur une base journalière : rémunération sur la base de 7 heures effectives pour une durée de présence de 13 heures.

5.6.3. Heures supplémentaires

Dans le cadre du régime d'équivalence défini à l'article 5.6.2, toutes les heures de présence au-delà de la 65e heure hebdomadaire seront comptabilisées en heures supplémentaires.

M. [O] [M] soutient qu'en l'absence de remise du contrat de travail, ces dispositions conventionnelles ne lui seraient pas applicables. Il convient toutefois de constater qu'il sollicite lui-même l'application de cette convention collective s'agissant de la classification de son emploi. Aucun élément ne conditionne en outre l'application du régime d'équivalence à sa mention dans le contrat de travail. Il y a donc lieu de considérer que ce régime d'équivalence est applicable à l'emploi occupé par M. [O] [M] qui comprenait des périodes de permanence nocturne et qui correspondait à l'accueil et à l'accompagnement de groupes avec nuitées.

Il convient de constater que le tableau récapitulatif produit par M. [O] [M] ne tient pas compte de ce système d'équivalence. Il ne permet notamment pas de déterminer les heures de travail qui relèvent du régime de permanence de nuit, les heures qui relèvent du régime d'accueil et d'accompagnement des groupes ni de distinguer les jours de récupération des jours de congés. Les éléments produits n'apparaissent dès lors pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre utilement sur les heures non rémunérées que le salarié soutient avoir accomplies.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement du 20 mai 2021 en ce qu'il a condamné l'association ALTER-EGO au paiement d'un rappel d'heures supplémentaires ainsi qu'au paiement de dommages et intérêts pour non respect du contingent d'heures supplémentaires et du droit au repos et de débouter M. [O] [M] de ces demandes. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [O] [M] de sa demande au titre du travail dissimulé.

Sur le salaire de M. [O] [M]

M. [O] [M] reproche au conseil de prud'hommes d'avoir fixé le salaire moyen des trois derniers mois à 2 217,52 euros bruts sans avoir pris en compte les heures supplémentaires pour lesquels il sollicite un rappel. Dès lors que le salarié a été débouté de la demande formée à ce titre, aucun élément ne permet de remettre en cause le salaire moyen des trois derniers mois tel que fixé par le jugement du 20 mai 2021 qui sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

Dès lors que le contrat de travail a été requalifié en contrat à durée indéterminée, qu'il a été rompu par l'employeur lez 24 août 2019 et que la procédure de licenciement n'a pas été respectée, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnité de requalification

Vu l'article L. 1245-2 du code du travail,

M. [O] [M] ne faisant état d'aucun préjudice particulier susceptible de justifier que lui soit allouée une indemnité de requalification d'un montant de 3 315,84 euros; le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé le montant de cette indemnité à 2 217,52 euros bruts.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Vu l'article L. 1234-1 du code du travail,

Dès lors que M. [O] [M] ne démontre pas qu'il pouvait prétendre à une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 3 315,84 euros, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé le montant de cette indemnité à 2 217,52 euros bruts et à 221,75 euros l'indemnité versée au titre des congés payés afférents.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Au vu des circonstances de la rupture du contrat de travail, notamment du fait que le salarié n'ignorait manifestement pas qu'aucune mission ne lui serait confiée après la fin des colonies de vacances le 17 août 2019, il convient d'infirmer le jugement du 20 mai 2021 en ce qu'il a fixé à 2 217,52 euros le montant alloué à M. [O] [M] à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner l'association ALTER-EGO à lui payer la somme de 1 000 euros à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

M. [O] [M] reproche à l'employeur de l'avoir fait travailler au mois de juin 2019 alors qu'il se déplaçait avec des béquilles. Il résulte de deux certificats médicaux produits par l'intimé (pièces n°7 et 12) qu'il était suivi en consultation depuis le 15 avril 2019 pour une tendinopathie rotulienne chronique pour laquelle il a été opéré au mois de janvier 2020. Ces certificats ne permettent toutefois pas de démontrer que le fait d'avoir travailler une semaine au mois de juin 2019 aurait eu pour effet d'aggraver l'état de santé de M. [O] [M] et de nécessiter une opération chirurgicale plusieurs mois après la rupture du contrat de travail.

En l'absence de lien de causalité établi entre la faute imputable à l'employeur et le préjudice invoqué par M. [O] [M], il convient d'infirmer le jugement du 20 mai 2021 en ce qu'il a condamné l'association ALTER-EGO à payer des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de débouter M. [O] [M] de cette demande.

Sur les demandes reconventionnelles de dommages et intérêts pour fausses présentations, faux certificats et atteinte à la réputation

L'association ALTER-EGO reproche à M. [O] [M] de s'être présenté comme directeur adjoint de l'association entre 2012 et 2015 puis "event manager" de l'association à partir de 2015 dans un curriculum vitae, d'avoir mentionné qu'il avait travaillé comme directeur de classe découverte en Alsace dans une lettre de candidature pour participer à une émission de télévision et d'avoir écrit une lettre de recommandation professionnelle au bénéfice de Mme [K] [C] au nom de l'association.

Il convient de relever que la qualification de directeur adjoint correspond à celle figurant sur le bulletin de salaire de M. [O] [M] pour le mois de juillet 2015, que le courrier de candidature à une émission de télévision ne mentionne pas l'association ALTER-EGO et que, s'agissant du courrier de recommandation de Mme [C], l'association ALTER-EGO n'explique pas en quoi ce courrier était susceptible de porter atteinte à sa réputation. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté l'association ALTER-EGO des demandes de dommages et intérêts formées à ce titre.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour vandalisme

L'association ALTER-EGO reproche à M. [O] [M] d'avoir supprimé tous les contenus, y compris le système d'exploitation, de l'ordinateur et de la tablette informatique mis à sa disposition. Dans un courrier du 24 septembre 2019 adressé par l'intermédiaire de son conseil (pièce n°6), l'association reproche ainsi à son ancien salarié d'avoir supprimé "documents administratifs, supports techniques visuels ou écrits pour animations, vidéos faites par les enfants, photos et vidéos pour la communication de l'Association, etc... jusqu'au logiciel permettant de faire les montages vidéos avec les musiques, les introductions, les rush". M. [O] [M] soutient qu'il a uniquement nettoyer le matériel informatique pour que celui-ci puisse être utilisé par une autre personne et qu'il n'a supprimé aucun document nécessaires ou qui n'aurait pas été conservé sur un support papier.

L'employeur ne justifiant pas des documents qui auraient été supprimés par M. [O] [M], elle ne démontre pas la réalité du préjudice allégué et il convient de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de la demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts pour allégations mensongères

La demande de l'association ALTER-EGO, qui reproche à M. [O] [M] son action en justice pour obtenir la requalification du contrat de travail et les éléments développés à l'appui de cette demande par le salarié, s'analyse en une demande en dommages et intérêts pour abus du droit d'agir en justice.

L'exercice d'une action en justice ne dégénère toutefois en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s'il s'agit d'une erreur équipollente au dol. La seule appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'une faute susceptible de justifier l'octroi de dommages et intérêts pour procédure ou résistance abusive.

Une telle faute n'est manifestement pas démontrée à l'encontre de M. [O] [M] dès lors qu'il a été fait droit à sa demande de requalification du contrat de travail. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté l'association ALTER-EGO de cette demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'association ALTER-EGO aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera en revanche infirmé en ce qu'il a inclus dans les dépens les éventuels frais et honoraires d'huissier, étant rappelé que la juridiction ne peut statuer que sur les dépens de la procédure.

Compte tenu de l'issue du litige, il convient de condamner l'association ALTER-EGO aux dépens de la procédure d'appel et de débouter les parties des demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Schiltigheim du 20 mai 2021 en ce qu'il a :

- condamné l'association ALTER-EGO à payer à M. [O] [M] la somme de 6 159 euros bruts à titre de rappel pour heures supplémentaires,

- condamné l'association ALTER-EGO à payer à M. [O] [M] la somme de 615,90 euros bruts à titre de rappel sur congés payés,

- condamné l'association ALTER-EGO à payer à M. [O] [M] la somme de 2 217,52 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné l'association ALTER-EGO à payer à M. [O] [M] la somme de 3 175,30 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du contingent d'heures supplémentaires,

- condamné l'association ALTER-EGO à payer à M. [O] [M] la somme de 2 217,52 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de prévention des risques,

- condamné l'association ALTER-EGO au paiement des éventuels frais et honoraires d'huissier ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

CONDAMNE l'association ALTER-EGO à payer à M. [O] [M] la somme de 1 000 euros (mille euros) bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DÉBOUTE M. [O] [M] de ses demandes de rappel pour heures supplémentaires, de rappel sur congés payés afférents, de dommages et intérêts pour non-respect du contingent d'heures supplémentaires, de dommages et intérêts pour défaut de prévention des risques ;

CONDAMNE l'association ALTER-EGO aux dépens de la procédure d'appel ;

DÉBOUTE M. [O] [M] et l'association ALTER-EGO de leurs demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/02768
Date de la décision : 16/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-16;21.02768 ?
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