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16/12/2022 | FRANCE | N°21/01188

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 16 décembre 2022, 21/01188


MINUTE N° 563/2022

























Copie exécutoire à



- Me Stephanie ROTH



- la SELARL ARTHUS



- la SELARL ACVF associés





Le 16/12/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 16 Décembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01188 - N° Portalis DBVW-V-B7

F-HQR4



Décision déférée à la cour : 17 Décembre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANTS :



Monsieur [N] [V]

demeurant [Adresse 4]



Monsieur [M] [V]

demeurant [Adresse 3]



représentés par Me Stephanie ROTH, avocat à la cour.


...

MINUTE N° 563/2022

Copie exécutoire à

- Me Stephanie ROTH

- la SELARL ARTHUS

- la SELARL ACVF associés

Le 16/12/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 16 Décembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01188 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HQR4

Décision déférée à la cour : 17 Décembre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTS :

Monsieur [N] [V]

demeurant [Adresse 4]

Monsieur [M] [V]

demeurant [Adresse 3]

représentés par Me Stephanie ROTH, avocat à la cour.

INTIMES :

1/ Monsieur [U] [O]

demeurant [Adresse 7]

2/ Monsieur [W] [Y]

demeurant [Adresse 6]

1 et 2/ représentés par la SELARL ARTHUS, avocats à la cour.

3/ Monsieur [P] [W]

demeurant [Adresse 5]

(ordonnance d'irrecevabilité d'appel du 16 décembre 2021)

4/ La Compagnie d'assurance MMA IARD ASSURANCES SA, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

(ordonnance d'irrecevabilité d'appel du 16 décembre 2021)

5/ La SCP [L]-[E]-[R]-[G]

-[G] prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

(ordonnance d'irrecevabilité d'appel du 16 décembre 2021)

6/ La Compagnie d'assurance MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES Prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

(ordonnance d'irrecevabilité d'appel du 16 décembre 2021)

3 à 6/ représentés par la SELARL ACVF Associés, avocats à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre et Madame Myriam DENORT, conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Selon acte authentique du 8 octobre 2013 passé en l'étude Me [P], notaire à la résidence de [Localité 8], MM. [U] [O] et [W] [Y] ont consenti à M. [N] [V] un prêt d'un montant en principal de 250 000 euros garanti par le cautionnement solidaire de M. [M] [V], père de l'emprunteur, qui a consenti une affectation hypothécaire sur des lots de copropriété lui appartenant.

Le prêt n'ayant pas été remboursé, MM. [O] et [Y] ont engagé une procédure d'exécution forcée immobilière en vertu de la copie exécutoire de l'acte de prêt. MM. [N] et [M] [V], contestant le caractère authentique de l'acte de prêt et le quantum de la créance, ont assigné MM. [O] et [Y], le 27 juillet 2018, devant le tribunal de grande instance de Strasbourg. Ces derniers ont appelé en garantie la SCP [L] [E] [R] et [G], ainsi que Me [P] et leur assureur, les sociétés MMA IARD assurances SA et MMA IARD assurances mutuelles.

Par jugement du 17 décembre 2020, le tribunal a débouté MM. [N] et [M] [V] de leurs demandes, les a condamnés au paiement à MM. [O] et [Y] des sommes de :

- 250 000 euros augmentée des intérêts contractuels de 10% l'an à compter du 28 octobre 2015 sous déduction de la somme de 26 228 € au titre des intérêts déjà perçus,

- 25 000 euros au titre de la pénalité contractuelle calculée par tranche,

- 17 500 euros au titre de l'indemnité forfaitaire,

- 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

et a déclaré le jugement commun à la SCP [L] [E] [R] et [G], Me [P] et aux sociétés MMA IARD assurances SA et MMA IARD assurances mutuelles.

Le tribunal a retenu que :

- au vu des déclarations de M. [N] [V] selon lesquelles le prêt n'était pas destiné à financer une acquisition immobilière à usage d'habitation ou des travaux sur un tel immeuble d'habitation, il n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions du code de la consommation, de sorte que le taux d'intérêt de 9% ne pouvait être qualifié d'usuraire puisqu'inférieur au taux de l'usure fixé à 10,52 % pour les prêts autres qu'immobiliers,

- la clause intitulée 'garantie du paiement des intérêts' n'était pas entachée de nullité, l'acte prévoyant que l'emprunteur ne paierait aucune mensualité avant de restituer le principal au bout de 24 mois, une somme de 45 000 euros étant séquestrée au titre des intérêts dont les modalités de remboursement étaient clairement explicitées, MM. [N] et [M] [V] ne pouvant arguer d'un vice du consentement alors qu'ils avaient expressément accepté de rembourser les intérêts d'avance, et la somme empruntée étant bien de 250 000 euros, peu important que la somme séquestrée soit prélevée sur ce montant,

- les dispositions du code de la consommation relatives au TEG n'étaient pas applicables lorsque le prêteur n'est pas un professionnel, au surplus la preuve du caractère erroné d'au moins une décimale n'était pas rapportée.

MM. [N] et [M] [V] ont interjeté appel de ce jugement le 23 février 2021, intimant toutes les parties.

Par ordonnance du 23 juin 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'appel interjeté par MM. [N] et [M] [V].

Par arrêt du 16 décembre 2021, la cour statuant sur déféré, a confirmé l'ordonnance entreprise, et y ajoutant, a dit que l'appel est irrecevable dans les rapports entre MM. [N] et [M] [V] et les sociétés MMA IARD assurances SA et MMA IARD assurances mutuelles, la SCP [L] [E] [R] et [G] et M. [W] [P], et constaté que MM. [O] et [Y] ne contestaient pas la recevabilité de l'appel dirigé contre eux.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 1er mars 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 21 mai 2021, MM. [N] et [M] [V] demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris, d'annuler le contrat de prêt pour non-conformité à l'objet du contrat et vice du consentement, subsidiairement d'annuler le taux d'intérêt contractuel comme étant usuraire, plus subsidiairement d'annuler les intérêts contractuels pour non-conformité du TEG à la réglementation en vigueur, en tout état de cause condamner solidairement les intimés aux dépens et au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir que la clause intitulée 'garantie du paiement des intérêts' organise en réalité un système d'intérêts précomptés permettant aux prêteurs d'encaisser des intérêts non échus, au surplus les intérêts sont calculés sur une partie du principal non remis à l'emprunteur puisque la totalité de la somme de 250 000 euros n'a pas été remise à M. [V] mais a été amputée d'un montant forfaitaire de 45 000 euros, de sorte que l'objet du contrat est affecté dans son quantum, l'emprunteur ayant été mis devant le fait accompli.

Subsidiairement ils soutiennent que le taux de 9% est usuraire, le taux de l'usure pour les crédits immobiliers à la date du prêt étant de 5,03%, et le taux pour les crédits consommation étant de 10,52%, or rien n'indique qu'il s'agissait d'un crédit consommation, l'objet du prêt étant le financement de travaux sur un lot de copropriété affecté à un usage professionnel détenu par une SCI familiale constituée entre le père et le fils. A défaut de précision dans l'acte les dispositions les plus favorables au consommateur doivent s'appliquer.

Très subsidiairement, ils invoquent un calcul erroné du TEG, les prêteurs semblant professionnels, or le taux indiqué ne répond à aucun des critères de calcul prescrits par les textes et notamment n'intègre pas le coût de l'information des cautions.

Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 7 juin 2021, MM. [O] et [Y] concluent au rejet de l'appel principal, au débouté de MM. [N] et [M] [V] et à leur condamnation au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, subsidiairement sur appel provoqué, ils sollicitent la condamnation solidaire ou in solidum de M. [P] et des sociétés MMA à les indemniser de leur préjudice et en conséquence, au paiement des sommes de :

- 250 000 euros en principal,

- 87 780,82 euros, représentant l'intérêt contractuel de 9 % l'an à compter du 28 octobre 2015, majoré de 3 points en cas de retard, arrêtée au 27 octobre 2018, sous déduction des sommes de 11 300 euros pour la période du 28 octobre 2015 au 28 avril 2016, 9 754 euros et 3 000 euros, pour la période du 28 avril 2016 au 27 décembre 2016, et 2 174 euros réglée le 3 février 2017,

- 133 500 euros représentant la pénalité contractuelle de 5 €/jour par tranches de 10 000 euros, pour la période du 28 octobre 2015 au 27 octobre 2018,

- 22 881,34 euros représentant l'indemnité forfaitaire de 5%,

- les frais des procédures d'exécution forcée intentées à l'encontre de Messieurs [N] [S] et [M] [V],.

- dire que ces montants seront revalorisés à partir du 28 octobre 2018, jusqu'au jour du paiement de la somme de 250 000 euros.

- condamner solidairement ou in solidum M. [P] et les compagnies MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d'appel principal et provoqué, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir que les intérêts précomptés désignent des intérêts payables d'avance dans le cadre d'un emprunt, d'un placement, ou d'une créance. Les intérêts précomptés se rencontrent notamment dans le cadre d'un crédit entièrement remboursable à son échéance, comme en l'espèce, dans ce cas, l'emprunteur ne paie aucune mensualité avant de restituer le principal emprunté, ce système étant parfaitement légal et usuel et dépendant de la seule volonté des parties, or MM. [N] et [M] [V] qui étaient assistés de leur notaire ne soutiennent pas qu'ils n'y auraient pas consenti. Le fait qu'une partie des fonds prêtés soit séquestrée ne change rien à la finalité de l'opération, ni au résultat, puisque l'emprunteur a remboursé par ce biais une partie de l'emprunt.

S'agissant de l'objet du prêt et du taux d'intérêt, ils approuvent les motifs du jugement qui a retenu que seules les indications données aux prêteurs au moment de la conclusion du contrat devaient et pouvaient être prises en compte, or M. [N] [V] a indiqué qu'il ne s'agissait pas d'un prêt immobilier et ne démontre pas une affectation contractuelle du prêt à une opération immobilière, ni la connaissance d'une telle affectation par les prêteurs et les notaires, ni même d'une affectation quelconque des sommes empruntées à une opération de consolidation d'une acquisition immobilière.

S'agissant du caractère prétendument erroné du TEG, ils contestent la qualification de prêteurs professionnels. Au surplus l'acte rappelle d'ailleurs expressément que le prêt n'est pas soumis aux dispositions de la loi du 13 juillet 1979, et donc à celles du code de la consommation. Enfin ni la preuve du caractère prétendument erroné de ce TEG, ni celle d'un écart ' à supposer qu'il en existe un ' supérieur à la décimale, ne sont rapportées.

Subsidiairement, ils forment un appel en garantie contre le notaire qui est responsable de la validité et de la pleine efficacité de l'acte qu'il est amené à rédiger et doit répondre de la perte du taux convenu dans le contrat de prêt et donc de la nullité de la clause d'intérêts précomptés et de celle subséquente du contrat de prêt, et donc de la perte des garanties attachées au cautionnement de M. [M] [V] et à l'affectation hypothécaire de son bien immobilier. Les notaires doivent également, le cas échéant, répondre du calcul prétendument erroné du taux effectif global et de la nullité de ce taux.

Les notaires et leur assureur ne peuvent soutenir que l'acte aurait été négocié directement entre les parties, l'acte ayant été rédigé par Me [K], notaire stagiaire en l'étude de Me [P].

Les intimés font valoir en outre que M. [N] [V] étant totalement insolvable, la perte serait dès lors réelle et totale pour MM. [O] et [Y], le notaire et la compagnie d'assurance ne pouvant soutenir que la prise en charge du montant principal du prêt ne constituerait pas un préjudice indemnisable.

Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 18 août 2021 les sociétés MMA IARD assurances et MMA IARD assurances mutuelles, la SCP [L] [E] [R] et [G], et M. [P] demandent à la cour de confirmer le jugement, et en tout état de cause, de déclarer irrecevable la demande dirigée à l'encontre de la SCP [L] [E] [R] et [G], et de condamner MM. [V] à payer à M. M. [P], à la SCP et aux sociétés MMA la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts, et tout succombant à leur payer une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir que la responsabilité du notaire est personnelle et que seule l'action dirigée à l'encontre de Maître [W] [P], rédacteur de l'acte, peut être déclarée recevable.

Au fond, ils soutiennent que la clause relative aux intérêts précomptés est parfaitement valable et résulte de la volonté des parties, que le taux de 9% n'est pas usuraire, puisque le prêt n'était pas destiné à financer une acquisition concernant un usage d'habitation ou des travaux sur un tel immeuble et n'entrait donc pas dans le champ d'application de la loi du 13 juillet 1979, de sorte qu'il ne pouvait revêtir la qualification de prêt immobilier, outre le fait que les dispositions du code de la consommation ne s'appliquent pas aux consorts [V], le prêteur n'étant pas un professionnel. De plus, ils ne rapportent pas la preuve que le TEG serait erroné alors qu'ils le calculent sur un principal de 205 000 euros et non de 250 000 euros.

Ils ajoutent que le notaire qui intervient pour authentifier les conventions des parties, n'a pas à procéder à des vérifications portant sur l'exactitude des déclarations de celles-ci, s'il n'a aucune raison de les mettre en doute, l'obligation d'efficacité étant limitée à sa sphère de compétence professionnelle, soit la validité des clauses juridiques rédigées. Or en l'espèce, l'ensemble des clauses est parfaitement valable. De plus, si les clauses relatives au taux d'intérêt devaient être annulées, le notaire ne pourrait en être tenu pour responsable dès lors que tant s'agissant de l'objet du prêt - non soumis au code de la consommation -, que de la qualité des parties - prêteurs non professionnels -, ces informations lui ont été données par les parties.

Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que les restitutions dues à la suite de l'anéantissement d'un contrat de prêt ne constituent pas en elles-mêmes un préjudice réparable. Par ailleurs, si M. [N] [V] est devenu insolvable, ce qui n'est pas démontré, cette circonstance ne résulterait pas de la faute du notaire et il conviendrait aussi pour MM. [O] et [Y] de démontrer l'insolvabilité du garant. En tout état de cause, seule la perte de chance constituerait un préjudice indemnisable s'agissant d'un manquement à l'obligation de conseil, laquelle doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

Ils estiment enfin être fondés à demander des dommages et intérêts à MM. [N] et [M] [V] au regard de la vacuité de leur argumentaire.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

Sur la nullité de la clause d'intérêts précomptés et du contrat de prêt

Aux termes de du 28 octobre 2013, MM. [O] et [Y] ont consenti à M. [N] [V] un prêt d'un montant en principal de 250 000 euros, moyennant un taux d'intérêt de 9% l'an, et un taux effectif global de 10,90 %, remboursable en une échéance d'un montant de 250 000 euros, dans le délai maximum de 2 ans, soit au plus tard le 28 octobre 2015.

Un avenant non daté a été établi sous seing privé entre les parties pour proroger ce délai jusqu'au 28 avril 2016.

L'acte comporte une clause 'Garantie du paiement des intérêts' ainsi libellée : « La somme de 45 000 euros représentant le montant total des intérêts stipulés au présent acte, due par l'emprunteur aux prêteurs, constitués séquestres et dépositaires de la somme ci-dessus, en vue de garantir le paiement desdits intérêts sera composée par la somme de même montant prélevée sur le montant du prêt

viré en comptabilité du notaire soussigné. Les prêteurs emploieront à due concurrence la somme séquestrée au paiement des intérêts mensuels stipulés, mandat irrévocable lui étant donné à cet effet par l'emprunteur. »

Les appelants invoquent l'article 1108, ancien du code civil, et prétendent que cette clause, et par voie de conséquence, le contrat de prêt lui-même seraient entachés de nullité pour violation de l'objet du contrat, puisque la somme de 250 000 euros n'a pas été remise en totalité à l'emprunteur.

Comme l'a retenu le tribunal, M. [N] [V] qui était assisté de son propre notaire et n'invoque aucun vice du consentement précis, ne démontre pas 'avoir été mis devant le fait accompli' comme il l'affirme, ni en quoi son consentement aurait été vicié alors que les clauses de l'acte sont claires et dépourvues d'ambiguïté. Il ne peut pas davantage soutenir que l'objet du prêt aurait été méconnu, le fait qu'une somme de 45 000 euros soit prélevée sur le montant du principal pour être séquestrée en garantie du paiement des intérêts n'étant pas de nature à modifier le montant de ce principal, s'agissant seulement d'une modalité de remboursement librement convenue entre les parties, en contrepartie d'un remboursement du capital en une seule échéance, à l'issue d'un délai initialement de deux années.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de la clause de précompte des intérêts et subséquemment, de nullité du contrat de prêt.

Sur la nullité de la stipulation d'intérêts

Le jugement doit également être confirmé en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de la stipulation d'intérêts à raison de son caractère prétendument usuraire, les appelants ne pouvant soutenir qu'il s'agirait d'un prêt immobilier, alors que l'emprunteur a expressément déclaré dans l'acte que le prêt n'était pas destiné à financer une acquisition concernant un immeuble à usage d'habitation ou des travaux sur un tel immeuble, et qu'en conséquence, il n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions de la loi du '19 juillet 1979 modifiée', en réalité 13 juillet 1979.

Enfin, comme l'a exactement retenu le premier juge il n'est pas démontré que MM. [O] et [Y] auraient la qualité de prêteurs professionnels, l'acte indiquant au contraire qu'ils n'effectuent pas à titre habituel des opérations de crédit en qualité de prêteur et qu'en conséquence le prêt n'est pas soumis aux dispositions de la loi du '19 juillet 1979 modifiée', et MM. [N] et [M] [V] ne rapportant pas la preuve contraire qui ne peut être déduite du seul fait que MM. [O] et [Y] ont indiqué que le montant des intérêts perçus serait déclaré chaque année aux services fiscaux, ce qui n'implique nullement qu'ils effectuent, à titre habituel, des opérations de crédit.

Les dispositions du code de la consommation dont se prévalent les appelants ne sont donc pas applicables. Au surplus, ils ne démontrent pas en quoi le TEG qui devait être calculé sur un principal de 250 000 euros et non de 205 000 euros serait erroné, ni que cette erreur leur serait préjudiciable d'au moins une décimale.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en tant qu'il a rejeté les demandes de MM. [N] et [M] [V]. Il le sera également en ce qu'il a fait droit à la

demande reconventionnelle de MM. [O] et [Y], les montants alloués n'étant pas discutés.

Sur les autres chefs de demande

L'appel en garantie formé par MM. [O] et [Y] contre Me [P], la SCP [L] [E] [R] et [G] et leur assureur est sans objet.

Me [P], la SCP [L] [E] [R] et [G] et les sociétés MMA forment, à hauteur de cour, contre MM. [N] et [M] [V] une demande additionnelle en paiement de dommages et intérêts au regard de la vacuité de leur argumentation. Cette demande sera déclarée irrecevable puisque l'appel formé par MM. [N] et [M] [V] contre M. [P], la SCP et leur assureur a été déclaré irrecevable.

En considération de la solution du litige, le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais exclus dépens. Les entiers dépens d'appel seront supportés par MM. [N] et [M] [V]. Il sera alloué à MM. [O] et [Y], d'une part et à Me [P], la SCP [L] [E] [R] et [G] et aux sociétés MMA, d'autre part une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la demande de MM. [N] et [M] [V] sur ce fondement étant par contre rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME dans les limites de l'appel le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 17 décembre 2020 ;

Y ajoutant,

DECLARE la demande additionnelle de dommages et intérêts formée par Me [P], la SCP [L] [E] [R] et [G] et les sociétés MMA IARD et MMA assurances mutuelles contre MM. [N] et [M] [V] irrecevable ;

CONDAMNE MM. [N] et [M] [V] aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer à MM. [U] [O] et [W] [Y], d'une part et à Me [P], la SCP [L] [E] [R] et [G] et les sociétés MMA IARD et MMA assurances mutuelles, ensemble, d'autre part, la somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros), chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

DEBOUTE MM. [N] et [M] [V] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/01188
Date de la décision : 16/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-16;21.01188 ?
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