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16/12/2022 | FRANCE | N°20/00264

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 16 décembre 2022, 20/00264


MINUTE N° 567/2022





























Copie exécutoire à



- Me CROVISIER



- Me CHEVALLIER-GASCHY





Le 16/12/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 16 décembre 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/00264 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HITG


r>Décision déférée à la cour : 10 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de MULHOUSE



APPELANTE et intimée incidente :



SA SWISS LIFE PREVOYANCE SANTE, prise en son établissement secondaire sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal,

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MINUTE N° 567/2022

Copie exécutoire à

- Me CROVISIER

- Me CHEVALLIER-GASCHY

Le 16/12/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 16 décembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/00264 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HITG

Décision déférée à la cour : 10 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de MULHOUSE

APPELANTE et intimée incidente :

SA SWISS LIFE PREVOYANCE SANTE, prise en son établissement secondaire sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège [Adresse 3]

représentée par Me Anne CROVISIER, avocat à la cour.

Plaidant : Me BOUYEURE, avocat à [Localité 4]

INTIMÉE et appelante incidente :

Madame [T] [D]

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020002061 du 23/06/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Dominique DONATH, faisant fonction

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 7 octobre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Dominique DONATH faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Mme [T] [D] a souscrit une assurance prévoyance auprès de la SA Swiss Life Prévoyance Santé le 13 décembre 2013.

En août 2014, elle a été victime d'un accident vasculaire cérébral qui a entraîné un arrêt de travail et elle a sollicité la mise en 'uvre de la garantie incapacité temporaire totale de travail, dans le cadre de ce contrat, se heurtant à un refus de prise en charge de la société Swiss Life Prévoyance et Santé. Celle-ci a invoqué de fausses déclarations intentionnelles dans le cadre des réponses au questionnaire médical rempli à l'occasion de la souscription de cette assurance.

En février 2017, Mme [D] a fait assigner son assureur devant le tribunal de grande instance de Mulhouse, afin d'obtenir la mise en 'uvre des garanties souscrites.

Par jugement du 10 décembre 2019, le tribunal a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, condamné la société Swiss Life Prévoyance et Santé :

- à réintégrer Mme [D] dans l'assurance et à régler toutes les indemnités journalières contractuelles entre août 2014 et la date marquant la limite des garanties contractuelles,

- à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- aux dépens de la procédure et à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Tout d'abord, le tribunal a retenu que Mme [D] avait librement consenti à ce que le questionnaire soit rempli par un courtier et transmis à l'assureur sans garantie de confidentialité, son accord justifiant l'atteinte à la vie privée.

Sur la régularité des réponses au questionnaire, après avoir rappelé les dispositions de l'article L.113-8 du code des assurances, le tribunal a analysé les réponses qualifiées de fausses par la société suisse.

Sur la question n°1, Mme [D] ayant répondu ne pas avoir suivi de traitement médical pendant plus de trois semaines consécutives et ne pas avoir subi d'examen spécialisé, notamment « biologie », ayant abouti au diagnostic d'une pathologie nécessitant la mise en 'uvre d'un traitement ou justifiant une surveillance médicale, le tribunal a relevé qu'au vu des éléments produits, Mme [D] avait ressenti des douleurs articulaires, au début de l'été 2013, qui avaient conduit son médecin traitant à lui prescrire une analyse de sang effectuée le 5 août 2013, laquelle avait révélé un syndrome inflammatoire et l'avait conduite à consulter un rhumatologue qui, en septembre 2013, avait prescrit un bilan radiographique et biologique complémentaire.

Cependant, le tribunal a considéré :

- qu'un syndrome n'était pas assimilable à une pathologie, de sorte que la réponse négative de Mme [D] ne pouvait être qualifiée d'inexacte du fait du diagnostic du syndrome inflammatoire, et divers éléments remettaient en cause l'existence d'un diagnostic de polyarthrite rhumatoïde posé en 2013,

- aucune pièce ne permettait d'établir qu'un traitement médical ait été prescrit à Mme [D] avant le 14 novembre 2013 ; si la prise d'anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) était évoquée, rien n'indiquait qu'elle ait été prescrite dans le cadre d'un traitement médical.

Sur la question n°3, Mme [D] ayant répondu ne pas recevoir de soins et/ou traitements médicaux, le tribunal a suivi le même raisonnement que précédemment pour considérer qu'il n'était pas établi que la réponse de Mme [D] à cette question était inexacte.

Sur la question n°4, Mme [D] ayant répondu négativement à la question « à votre connaissance, devez-vous effectuer des examens médicaux ' », le tribunal a relevé que cette dernière avait, en septembre 2013, consulté un rhumatologue qui lui avait prescrit un bilan radiographique et biologique complémentaire, si bien qu'au 14 novembre 2013, il lui avait été prescrit des examens médicaux qu'elle devait réaliser.

Il a estimé qu'elle justifiait cette réponse négative par des raisons convaincantes (disparition des douleurs suite à l'arrêt de la pratique de handball et à l'achèvement de travaux de bâtiment considérés comme la cause des douleurs), et que la notion de « devoir » était suffisamment imprécise pour que la jeune femme ait pu légitimement estimer qu'elle n'avait plus aucun examen à réaliser, dans la mesure où les circonstances qui, selon elle, les justifiaient, à savoir les douleurs ressenties, avaient disparu lorsqu'elle a répondu au questionnaire.

Sur la question n°5, Mme [D] ayant répondu négativement à la question de savoir si elle avait été ou si elle était atteinte d'une des maladies énumérées, et notamment des maladies des articulations et des muscles comme, par exemple, l'arthrose, sciatiques, rhumatismes, lombalgies, atteinte des genoux, épaule, hanche ('), le tribunal a considéré que, suivant les mêmes motifs énoncés à l'occasion de la question n°1, il n'était pas établi que sa réponse était inexacte.

Sur la demande de dommages-intérêts, se fondant sur l'article 1147 du Code civil, le tribunal a retenu que le refus de prise en charge par la société Swiss Life Prévoyance et Santé, jugé infondé, avait nécessairement causé un préjudice moral à Mme [D], lequel, en raison des circonstances dans lesquelles ce refus était intervenu, du courrier lapidaire de refus de prise en charge et de l'absence aux sollicitations de Mme [D] par lettre recommandée, devait être évalué à 5 000 euros.

La société Swiss Life Prévoyance et Santé a interjeté appel de ce jugement par déclaration datée du 8 janvier 2020.

Par ordonnance du 6 juillet 2021, le conseiller chargé de la mise en état a notamment fait injonction à Mme [D] de produire les comptes-rendus du bilan biologique des examens radiographiques prescrites par le docteur [N] le 23 septembre 2013, et ce dans un délai de deux mois.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 16 décembre 2021, au visa, notamment, des articles L 113-2 et L113-8 du code des assurances, la société Swiss Life Prévoyance et Santé sollicite la réformation du jugement déféré en toutes ses dispositions, et :

- que soit prononcée la nullité du contrat souscrit auprès d'elle par Mme [D], dénommé « Swiss Life Prévoyance Indépendants » sous le n°013621236, à effet du 1er décembre 2013,

- que Mme [D] soit déboutée de ses demandes,

- la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel principal et incident.

La société Swiss Life Prévoyance et Santé maintient que Mme [D] a effectué plusieurs fausses déclarations dans ses réponses au questionnaire médical, peu importe que les croix aient été cochées par l'assureur. Celui-ci ne pouvait le faire que sur les déclarations de l'assurée qui les a approuvées par sa signature.

Elle ajoute que Mme [D] continue à dissimuler une part importante du dossier médical relatif au présent litige

Reprenant la chronologie des consultations et examens subis par son assurée, elle soutient que cette dernière a utilisé des anti-inflammatoires depuis le 13 juin 2013, dans le cadre d'un traitement médical, et qu'elle continuait en prendre au 3 janvier 2014. Elle a effectué un bilan biologique qui a été présenté au docteur [N] en septembre 2013, cette analyse de sang ayant révélé un syndrome inflammatoire, qui caractérise une pathologie et qui a justifié la prescription d'examens complémentaires, plus particulièrement un bilan de polyarthrite rhumatoïde, dont le diagnostic a été évoqué dès le mois de septembre 2013.

De plus, ce rhumatologue a prescrit à Mme [D] des examens spécialisés, radiographiques, bilan biologique complémentaire, outre le bilan polyarthrite rhumatoïde, dont il résulte que des soins médicaux étaient en cours de réalisation lorsqu'elle a répondu au questionnaire, outre le traitement d'anti-inflammatoires. Elle devait présenter les résultats de ces examens complémentaires au docteur [N] qu'elle a revu le 3 janvier 2014, et elle savait parfaitement devoir les réaliser.

De plus, un document médical (compte rendu du professeur [P] du 25 février 2016) démontre qu'un traitement par Méthotrexate a été introduit dès 2013. L'appelante soutient qu'un lien a été effectué entre ce médicament et la pathologie neurologique de Mme [D] apparue en 2014, qui a pu apparaître comme un effet indésirable de celui-ci. Ce médicament ayant été prescrit dès 2013, le diagnostic de polyarthrite rhumatoïde avait donc été posé dès cette période, si bien que Mme [D] ne pouvait répondre négativement lorsqu'il lui était demandé si elle était atteinte d'une maladie des articulations et muscles, tels que par exemple un rhumatisme.

La société Swiss Life Prévoyance et Santé ajoute que les questions posées étaient particulièrement claires et précises, que Mme [D] ne pouvait prétendre ignorer sa pathologie et qu'elle a manifesté la volonté de dissimuler totalement cet antécédent médical, ces dissimulations intentionnelles ayant modifié l'appréciation du risque.

En effet, cette pathologie pouvait évoluer défavorablement et entraîner des arrêts de travail tout comme pouvaient le faire les effets secondaires des médicaments prescrits. Or, l'objet du contrat était précisément de garantir des arrêts de travail et, si elle en avait été informée, la société Swiss Life Prévoyance et Santé affirme qu'elle aurait refusé l'adhésion dans l'attente des résultats des examens complémentaires, qu'elle aurait exclu toute suite de cette pathologie ou appliqué une prime. De plus, il n'est pas exclu que celle-ci ait un lien avec l'arrêt de travail qui a pris effet en août 2014.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 6 décembre 2021, Mme [D] sollicite la confirmation du jugement déféré en les condamnations qu'il a prononcées à l'encontre de la société Swiss Life Prévoyance et Santé, et que la cour, au besoin y ajoutant :

- précise que la date marquant la limite des garanties contractuelles est celle du 1er août 2017,

- déboute la société Swiss Life Prévoyance et Santé de ses conclusions,

- juge l'appel incident recevable,

- infirme le jugement en ce qu'il limite la condamnation de la société Swiss Life Prévoyance et Santé à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- statuant à nouveau, condamne la société Swiss Life Prévoyance et Santé à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- en tous les cas, condamne la société Swiss Life Prévoyance et Santé aux entiers frais et dépens et à payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée précise avoir été démarchée par la société Swiss Life Prévoyance et Santé qui l'a incitée à souscrire le contrat prévoyance alors qu'elle venait d'ouvrir un restaurant créé en septembre 2013. Elle souligne qu'elle n'aurait pas créé sa propre entreprise, de surcroît un restaurant dont l'ouverture a nécessité de nombreux travaux, si elle avait su être atteinte d'une pathologie ayant conduit à un accident vasculaire cérébral, et la fausse déclaration intentionnelle doit s'apprécier à la date du contrat.

Elle soutient qu'à la date de souscription du contrat, aucun diagnostic de rhumatisme inflammatoire de type polyarthrite n'avait été posé, le docteur [N] l'ayant revue le 3 janvier 2014 et ayant écrit à cette date qu'un tel diagnostic était possible mais non certain et qu'il demandait d'autres examens. Elle ajoute que ce diagnostic n'a pas été confirmé ultérieurement puisqu'il est apparu qu'elle était en réalité atteinte d'une vascularite cérébrale, maladie auto-immune, conjuguée avec une maladie de Moya Moya. Elle ajoute que celle-ci a nécessité une transfusion sanguine tous les six mois à compter d'août 2014 et a entraîné de nouveaux accidents vasculaires cérébraux en 2016, où elle a dû subir un pontage cérébral. Elle bénéficie désormais du statut d'adulte handicapé.

Elle conteste avoir voulu dissimuler des éléments de son dossier médical, indiquant avoir eu des difficultés à obtenir certains d'entre eux.

Elle reprend les motifs du jugement déféré, souligne qu'aucune pathologie nécessitant un traitement médical n'avait été détectée le 14 novembre 2013 et que le compte rendu du docteur [P] du 25 février 2016 mentionne que la polyarthrite rhumatoïde était « possible » en 2013.

Elle affirme ne pas avoir suivi de traitement d'anti-inflammatoires pendant plus de trois semaines consécutives et soutient n'avoir pris le Méthotrexate qu'en mars 2014, ajoutant qu'il n'est pas certain que son accident vasculaire cérébral de 2014 ait été causé par ce médicament.

Elle ajoute avoir tardé à effectuer les radiographies prescrites par le docteur [N] en raison de la disparition de ses douleurs, si bien qu'elle estimait ne pas avoir d'examens à réaliser lorsqu'elle a rempli le questionnaire et pensait son problème réglé.

De plus, la biologie et les radiographies d'octobre 2013 ne démontraient rien d'anormal.

Elle invoque également l'imprécision des questions posées, soutient qu'elle a été de bonne foi, rappelant qu'elle n'était âgée que de 23 ans lors de la souscription du contrat et que le diagnostic de polyarthrite rhumatoïde n'a été posé qu'en 2014, et ce de façon erronée.

Enfin, elle invoque un préjudice financier, en raison d'une situation financière très délicate à compter d'août 2014 où elle s'est retrouvée dans l'impossibilité de travailler, avant d'être mise en invalidité à compter de 2017. Elle estime avoir été privée abusivement d'un complément de revenus et souligne que, vu la maladie qui a été décelée depuis, il lui sera très difficile d'obtenir un autre régime de prévoyance. Elle a également subi un préjudice moral du fait de l'annulation brutale du contrat de prévoyance par la société Swiss Life Prévoyance et Santé.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 04 janvier 2022.

MOTIFS

I ' Sur les demandes des parties relatives au contrat souscrit par Mme [D]

Le jugement déféré a rappelé les dispositions de l'article L.113-8 du code des assurances relatives à la nullité du contrat d'assurance en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré.

Dans la situation présente, la nullité du contrat d'assurance prévoyance souscrit par Mme [D], soulevée par la société Swiss Life Prévoyance et Santé, étant fondée sur les réponses négatives de l'assurée au questionnaire de santé rempli lors de la souscription de ce contrat, il convient de reprendre une à une les réponses invoquées à ce titre par l'assureur.

En premier lieu, la question n°1 s'intitulait :

« au cours des 5 dernières années, avez-vous :

- suivi un traitement médical pendant plus de 3 semaines consécutives '

- effectué un examen spécialisé, comme par exemple radio, scanner, IRM, biopsie, fibroscopie, (') échographie, biologie, ayant abouti au diagnostic d'une pathologie (d'origine traumatique ou non) nécessitant la mise en 'uvre d'un traitement ou justifiant une surveillance médicale ' »

S'agissant du traitement médical, il résulte des écritures des parties et des pièces versées aux débats que Mme [D] s'est vue prescrire des anti-inflammatoires durant les mois qui ont précédé la souscription du contrat, précisément le 2 février 2013, le 13 juin 2013, le 31 juillet 2013. Si cette dernière prescription a été faite pour 15 jours, la durée des précédentes n'est pas précisée et, en tout état de cause, il n'est pas établi qu'elle ait excédé trois semaines consécutives.

La lettre du docteur [N] du 9 janvier 2014 mentionnant que, lors de la consultation du 23 septembre 2013, Mme [D] souffrait d'une douleur articulaire évoluant depuis 4 mois avec une atteinte des MCP, des poignets, des hanches et des épaules, et que les AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens) étaient efficaces, et ajoutant plus loin, que la patiente était « bien soulagée par la prise d'AINS », ne démontre nullement le contraire.

En effet, elle ne prouve pas que de tels traitements aient été prescrits à la patiente de manière continue et en tout cas pour plus de trois semaines consécutives, antérieurement à la souscription du contrat d'assurance litigieux, ce que ne font pas non plus apparaître les ordonnances figurant à son dossier médical.

Le compte-rendu d'hospitalisation établi par le professeur [P] le 25 février 2016 ne contredit pas ces constatations, n'évoquant une prescription de méthotrexate qu'en mars 2014, soit postérieurement à la souscription du contrat. Il en est de même du rapport du docteur [Z], médecin expert missionné par l'assureur en octobre 2014.

Par ailleurs, Mme [D] a sollicité la consultation du 31 juillet 2013 auprès du docteur [F] pour des douleurs articulaires et un syndrome inflammatoire a alors été évoqué par le médecin généraliste. Un bilan biologique prescrit le 23 septembre 2013 par le docteur [N], réalisé le 2 octobre 2013, a notamment mis en évidence un « profil compatible avec un syndrome inflammatoire modéré », mais le bilan radiologique du 31 octobre 2013 a révélé l'absence « d'argument radiographique en faveur de signes de polyarthrite rhumatoïde ». Il ne peut donc nullement en être conclu que des examens spécialisés ont alors abouti au diagnostic d'une pathologie « nécessitant la mise en 'uvre d'un traitement justifiant une surveillance médicale », au sens de la question n°1 rappelée plus haut.

De plus, si, selon la lettre du docteur [N] du 9 janvier 2014 au médecin généraliste de Mme [D], cette dernière avait tardé à réaliser le « bilan radiographique et biologique complémentation » prescrit, le rhumatologue indiquait dans cette même lettre que le diagnostic d'un rhumatisme inflammatoire de type polyarthrite était possible mais non certain et qu'elle prescrivait donc un bilan biologique complémentaire ainsi qu'une IRM des mains. Elle précisait notamment que la recherche des facteurs rhumatoïdes était négative.

D'ailleurs, dans un certificat du 27 février 2015, le docteur [N] écrit « le diagnostic d'une polyarthrite rhumatoïde n'a été posé avec certitude qu'en mars 2014 et en janvier 2014 le diagnostic était encore incertain ». Le professeur [P] ne le contredit pas en indiquant, dans son compte-rendu du 25 février 2016, qu'une polyarthrite rhumatoïde était « possible » en 2013. S'il écrit également à la page suivante qu'en 2013, Mme [D] a présenté des arthalgies pour lesquelles un tel diagnostic a été posé et un traitement par Méthotrexate introduit, il ne précise pas la date du diagnostic et du traitement dont il a mentionné à la page précédente celle de mars 2014. Le rapport du docteur [Z], expert missionné par l'assureur, ne contredit pas non plus les indications du docteur [N], mentionnant, quant à ce diagnostic, qu'il était seulement évoqué par ce spécialiste le 9 janvier 2014.

En outre, c'est bien le docteur [N] qui était en charge du suivi de Mme [D] lors de la souscription du contrat et qui a prescrit l'ensemble des examens et bilans destinés à établir un diagnostic précis, quant à une éventuelle polyarthrite rhumatoïde. C'est également ce rhumatologue qui a posé ce diagnostic et prescrit le Méthotrexate.

Cette incertitude relative au diagnostic ayant perduré jusqu'au cours des mois ayant suivi immédiatement la souscription du contrat d'assurance, elle permet donc d'établir que les examens spécialisés réalisés n'avaient pas abouti, dans la période antérieure à cette souscription, au diagnostic d'une pathologie « nécessitant la mise en 'uvre d'un traitement ou justifiant une surveillance médicale ».

Il en résulte que c'est à bon droit que le premier juge a retenu qu'il n'était pas établi que la réponse de Mme [D] à cette question n°1 était inexacte.

Quant à la question n°3 intitulée « Actuellement, recevez-vous des soins et/ou traitements médicaux ' (...) », il ne résulte d'aucune pièce versée aux débats qu'un traitement ou des soins aient été prescrits à Mme [D] à la date de la signature du questionnaire de santé, le 14 novembre 2013, et jusqu'à la souscription du contrat, le 13 décembre 2013.

En effet, les différentes pièces médicales évoquées plus haut ne font nullement état de telles prescriptions, de même qu'aucun autre document médical produit par l'une ou l'autre des parties. Elles font au contraire apparaître que Mme [D] se trouvait, à cette période, en parcours d'investigation et non de soin. C'est donc également à bon droit que le premier juge a retenu également qu'il n'était pas établi que la réponse de Mme [D] à cette question n°3 était inexacte.

S'agissant de la question n°4, intitulée « A votre connaissance, devez-vous effectuer des examens médicaux ' être hospitalisé(e) ' », il résulte des pièces versées aux débats que les seuls examens médicaux prescrits à compter de la consultation du 23 septembre 2013 auprès du docteur [N] l'ont été par ce spécialiste. Or, contrairement à ce qu'a mentionné le tribunal, aucun élément n'établit que des examens complémentaires auraient été prescrits le 14 novembre 2013. Cette date est seulement celle de la signature du questionnaire médical par l'intimée. En effet, dans sa lettre du 9 janvier 2014, le docteur [N] évoque une première consultation en septembre 2013 et un nouveau rendez-vous prévu à l'issue des examens complémentaires prescrits, lequel a eu lieu seulement le 3 janvier 2014 car la patiente a tardé à effectuer ces examens. Mais il ne fait nullement état d'une consultation intermédiaire.

Or, les résultats des examens prescrits à l'occasion de la consultation du 23 septembre 2014 ont été obtenus le 2 octobre 2013 pour le bilan biologique et le 31 octobre 2013 pour le bilan radiographique, au vu des documents produits. Ils sont donc tous antérieurs au 14 novembre 2013 et rien ne démontre que des examens médicaux prescrits restaient à effectuer à cette date et jusqu'à la souscription du contrat d'assurance litigieux.

En conséquence, ainsi que l'a à bon droit retenu le premier juge, il n'est pas établi que la réponse de Mme [D] à cette question n°4 ait été inexacte.

S'agissant de la question n°5, à savoir « Avez-vous ou êtes-vous atteint(e) d'une des affections suivantes : (') e/ Maladies des os, articulations et des muscles : Comme par exemple : arthrose, sciatique, rhumatisme, lombalgie, atteinte des genoux, épaules, hanche, hernie discale, cheville, ligaments, tendons (') ', ainsi qu'il a été souligné plus haut, Mme [D] se trouvait encore, en novembre et décembre 2013, dans un parcours d'investigations au cours duquel, à cette période, aucun diagnostic n'avait encore pu être posé. Il en résulte qu'aucune « maladie des os, articulations et des muscles » n'avait encore été mise en évidence, l'énumération qui suit n'étant constituée que d'exemples des articulations et muscles susceptibles d'être la localisation de telles maladies, mais non pas des maladies elles-mêmes.

Il en résulte que c'est là encore à bon droit que le premier juge a retenu qu'il n'est nullement établi que la réponse de Mme [D] à cette question n°5 ait été inexacte.

Au vu de l'ensemble des développements qui précèdent, la demande de la société Swiss Life Prévoyance et Santé tendant au prononcé de la nullité du contrat d'assurance litigieux, infondée, sera rejetée et le jugement déféré complété en ce qu'il a omis de statuer sur ce point dans son dispositif. Le jugement sera par ailleurs confirmé en l'ensemble des condamnations de la société Swiss Life Prévoyance et Santé prononcées au profit de Mme [D] en exécution de ce contrat. Il y sera ajouté, conformément à la demande de l'assurée, que la date marquant la limite des garanties contractuelles est celle du 1er août 2017, qui est la date à laquelle elle a été placée en invalidité.

II ' Sur la demande de dommages et intérêts de Mme [D]

Il résulte de ce qui précède que la demande de dommages et intérêts de Mme [D] est fondée, le refus de prise en charge par la société Swiss Life Prévoyance et Santé, totalement injustifié, lui ayant causé un préjudice moral, s'ajoutant au retard en paiement des sommes dues. Le tribunal a cependant fait une exacte appréciation des éléments de la cause en évaluant l'entier préjudice de l'assurée au montant de 5 000 euros.

III - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais non compris dans les dépens engagés à l'occasion de la première instance.

Pour les mêmes motifs, la société Swiss Life Prévoyance et Santé assumera la charge des dépens de l'appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés en appel. En revanche, à ce même ce titre et sur le même fondement, elle sera condamnée à verser la somme de 1 500 euros à l'intimée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties par le tribunal de grande instance de Strasbourg le 10 décembre 2019,

Y ajoutant,

REJETTE la demande de la SA Swiss Life Prévoyance et Santé tendant à ce que soit prononcée la nullité du contrat souscrit auprès d'elle par Mme [T] [D], dénommé « Swiss Life Prévoyance Indépendants » sous le n°013621236, à effet du 1er décembre 2013,

PRECISE que la date marquant la limite des garanties contractuelles est celle du 1er août 2017,

CONDAMNE la SA Swiss Life Prévoyance et Santé aux dépens de l'appel,

CONDAMNE la SA Swiss Life Prévoyance et Santé à payer à Mme [T] [D] la somme de 1 500,00 (mille cinq cents) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de la SA Swiss Life Prévoyance et Santé présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/00264
Date de la décision : 16/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-16;20.00264 ?
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