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15/12/2022 | FRANCE | N°21/02949

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 15 décembre 2022, 21/02949


MINUTE N° 564/2022

























Copie exécutoire à



- Me Claus WIESEL



- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI





Le 15 décembre 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 15 Décembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02949 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HTUN



©cision déférée à la cour : 21 Mai 2021 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE





APPELANT :



Monsieur [F] [C]

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Claus WIESEL, avocat à la cour.





INTIMEE :



La Compagnie d'assurance SA ACM IARD, prise en l...

MINUTE N° 564/2022

Copie exécutoire à

- Me Claus WIESEL

- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI

Le 15 décembre 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 15 Décembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02949 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HTUN

Décision déférée à la cour : 21 Mai 2021 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANT :

Monsieur [F] [C]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Claus WIESEL, avocat à la cour.

INTIMEE :

La Compagnie d'assurance SA ACM IARD, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI, avocats à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre, et Madame Nathalie HERY, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller :

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [F] [C], propriétaire d'une maison d'habitation située [Adresse 1], a souscrit une assurance habitation auprès des ACM suivant contrat du 21 avril 2012. Le 19 septembre 2017, il a été victime d'un cambriolage.

Il a déclaré le sinistre à son assurance en date du 19 septembre 2017, déposé une plainte auprès de la gendarmerie de [Localité 3] deux jours plus Iard. Le 29 novembre 2017, un complément de plainte était déposé par Mme [V] [T].

En date du 27 novembre 2017, consécutivement à l'expertise diligentée par le cabinet Saretec désigné par l'assureur, M. [C] s'est vu indemniser dans un premier temps à hauteur de la somme de 7.091,40 € (1.766,40 € au titre des détériorations immobilières, 800 euros au titre d'embellissement, 4.600 euros au titre des biens mobiliers déclarés volés), puis a obtenu le 29 janvier 2018 une somme de 441,60 euros correspondant au remplacement de la fenêtre et de la porte fenêtre fracturées, et enfin le 27 décembre 2019 une dernière indemnisation de 200 euros.

Monsieur M. [C] a contesté les montants alloués au titre de son indemnisation des bijoux dérobés et a transmis aux ACM, en date du 9 décembre 2017, une estimation des bijoux manquants.

Par courrier daté du 26 mars 2018, les ACM ont indiqué à Monsieur [C] leur refus de prendre en compte cette estimation dans la mesure où celle-ci a été produite sur la base exclusive des dires de ce dernier et d'une évaluation du bijoutier M. [G] réalisée sur les seuls propos de l'assuré.

Monsieur [C] a alors produit une nouvelle estimation effectuée par la bijouterie Bollwerk du 26 février 2018, avant de faire parvenir à l'assureur un courrier du 7 mars 2019 le mettant en demeure de lui régler une somme de 20.580,50 euros correspondant au plafond d'indemnisation déduction faite de la provision d'ores et déjà réglée.

En réponse, la compagnie d'assurance a proposé à Monsieur [C] la somme complémentaire de 5.000 euros, tout en indiquant qu'en cas de désaccord, la proposition serait caduque.

Par acte d'huissier délivrée le 12 août 2019, Monsieur [C] a assigné devant le tribunal de grande instance de Mulhouse les ACM et sollicitait leur condamnation à payer la somme de 20.580,50 euros au titre de la garantie en cas de vol, ainsi que les sommes de 5.000 euros en réparation de son préjudice moral et 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 21 mai 2021, le tribunal judiciaire de Mulhouse a débouté M. [C] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné aux entiers frais et dépens ainsi qu'à payer la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer comme il l'a fait, le premier juge a rappelé que la charge de la preuve incombe à l'assuré, et a estimé que M. [C] « n'a fourni aucune facture d'achat », de sorte que «le Tribunal n'est pas en mesure de comprendre pourquoi des bijoux évalués, par exemple 300 euros par Saretec, vaudraient en réalité 4.400 euros, ou celui expertisé de 250 euros est réévalué à 9.250 euros ».

Par acte du 07 juin 2021, M. [C] interjetait appel de cette décision.

PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions d'appel du 18 août 2021, M. [C] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau, de condamner les ACM, outre aux dépens des deux instances, à lui payer les sommes de 20 580,50 euros correspondant à la limite du montant garanti en cas de vol d'objets précieux diminué de la provision perçue et ce en réparation du préjudice subi lors du cambriolage survenu le 19 septembre 2017, et 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de son appel, M. [C] :

- produit une évaluation des objets volés faite par la bijouterie Bollwerk, qui les estime à un montant légèrement supérieur à 29 000 euros,

- produit aux débats des certificats de valeur d'origine datés des années 1985 et 1986 de quelques bijoux, qui permettent de retenir un montant avoisinant 10 000 euros pour ces seules pièces,

- estime que l'évaluation faite par l'assureur est sous évaluée et que pour s'en rendre compte il suffirait de se pencher sur le cas particulier d'une bague dans laquelle ont été sertis les dents de lait du fils de M. [C], évaluée à 30 euros, montant qui ne couvrirait ni la valeur de la bague en or ni celle du travail minutieux réalisé pour y sertir les dents,

- indique avoir toujours veillé à entretenir les bijoux et les avoir remis régulièrement pour entretien et nettoyage au bijoutier Bollwerk, qui a pu ainsi les évaluer car il en avait une parfaite connaissance,

- souligne le fait que l'assureur n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause l'évaluation faite par ce professionnel,

- verse à nouveau aux débats les photographies des bijoux volés.

Les ACM concluent pour leur part dans les écritures du 16 novembre 2021 à la confirmation du jugement et à la condamnation de M. [C] au règlement d'une indemnité de procédure de 2 500 euros.

Elle se réfèrent à l'article 538 du CGI qui prévoit pour les bijoutiers l'obligation d'inscrire sur un registre de police 'les ouvrages' qui leur sont remis 'en dépôt, à quelque titre que ce soit et notamment pour réparation (...) au moment de l'entrée et de la sortie', et affirment avoir sollicité en vain de la bijouterie la production de ce livre de police.

Aussi en l'absence de production aux débats du registre de police de cette bijouterie, des contrats de dépôt des bijoux à entretenir ou à nettoyer, des fiches de réparation ou encore des factures, il ne serait pas démontré que la bijouterie connaissait ces bijoux de sorte qu'il n'y aurait pas lieu de tenir compte de son évaluation et de confirmer la position du premier juge dans la mesure où M. [C] ne parvient manifestement pas à contredire l'estimation effectuée par le cabinet Saretec.

En outre, l'assureur souhaite attirer l'attention de la cour sur le fait que M. [C] n'a pas immédiatement déclaré l'intégralité des biens volés, puisqu'un pendentif ainsi que 3 rubis ont omis d'être listés dans les objets dérobés déclarés à la gendarmerie. Ce n'est que le 13 décembre 2017 qu'il a effectué une déclaration complémentaire portant sur des bijoux manquants.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le premier juge a rappelé à juste titre les dispositions de l'article L 121-1 du code des assurances qui précise que l'indemnité due par l'assureur à l'assuré ne peut dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre et que l'indemnité doit correspondre au montant de la perte éprouvée.

Le débat porte sur l'évaluation des bijoux qui ont été dérobés au domicile de M. [C].

L'assureur fonde son évaluation sur une expertise réalisée par le cabinet Saretec, au vue de trois certificats produits - qui seront étudiés plus loin - et sur l'étude de photographies de ces bijoux portés. Elle les évalue pour une somme de 5 200 euros.

De son côté, M. [C] se fonde sur une évaluation faite par le bijoutier Bollwerk qui affirme avoir entretenu régulièrement les bijoux, pour les avoir nettoyés de manière régulière, et donc les connaître. La bijouterie les évalue à près de 29 330 euros.

L'assureur soutient que le fait que la bijouterie n'ait pas produit aux débats copie de son registre tenu en application de l'article 538 du CGI, discrédite son évaluation.

La bijouterie Bollwerk a adressé aux ACM un courrier daté du 30 mars 2018 dans lequel elle explique la méthode suivie pour lui permettre de donner 'à chaque pièce' une valeur d'assurance au jour du sinistre en précisant que la bijouterie connaissait tous les bijoux de M. [C] 'car ils ont fait l'objet d'un entretien régulier dans nos ateliers'.

Dans un second courrier du 1er décembre 2018, la même bijouterie explique à l'assureur que lorsque ses clients déposaient leurs bijoux afin d'être vérifiés et nettoyés, ils étaient restitués à leurs propriétaires le jour même de sorte qu'ils n'étaient pas mentionnés sur le livre de police.

Ces explications sont crédibles. De toute façon, l'absence de production du registre de police du bijoutier n'est en soi pas de nature à écarter son évaluation, ce d'autant que les ACM ne rapportent pas la preuve de ce que le bijoutier serait de mauvaise foi.

Pour déterminer laquelle des deux évaluations doit être retenue, il est nécessaire dans un premier temps de se pencher sur le cas des trois bijoux dérobés qui avaient fait l'objet d'une estimation probablement au moment de leur acquisition dans les années 1985.

Il s'agit de deux bijoux d'oreille en or gris sertis de deux diamants de 0,18 carats expertisés en 1983 à 5 940 francs ( environ 900 euros), d'un solitaire de 0,3 carat estimé seul (sans la bague) à 6.900 francs en 1985 (soit environ 1 050 Euros) et une bague en or jaune 18 carats sertie d'un diamant de 0,41 carat et d'un saphir de 0,43 carat dont la valeur était fixée en 1986 à 17 100 francs (soit environ 2 600 euros).

La bijouterie Bollwerk estime la valeur actuelle de ces trois bijoux respectivement à 1 580 euros, 2 300 euros, et 5 150 euros.

De son côté, le bureau Saretec évalue ces mêmes biens à 800 euros, 1 000 euros et 2 000 euros.

Force est de constater que Saretec a manifestement sous évalué ces bijoux, leur attribuant une valeur nominale inférieure en 2018 à celle qui était la leur en 1985 et 1987, alors pourtant que le cours et l'appréciation des métaux et pierres précieuses a fortement augmenté ces 20 dernières années. En outre le cabinet semble ne pas avoir tenu compte du phénomène de l'inflation et de la hausse du coût de la vie.

En revanche, le bijoutier Bollwerk a pris en considération l'augmentation du coût de la vie subi depuis et celui du cours des métaux et des pierres précieuses, et propose une estimation retenant une valeur (en euros nominal, et non constant) globalement deux fois plus importante qu'en 1985.

L'attention de la cour s'est également portée sur les estimations de biens par Saretec portant sur une montre en or estimée à 100 euros, ou encore d'un bracelet en or estimé à 250 euros, figurant sur des photographies.

Ces estimations méconnaissent manifestement le niveau du cours de l'or et le grammage des pièces en question.

Il est à noter que les évaluations de valeur de ces deux pièces par le bijoutier - soit 3 500 euros et 9 250 euros - sont bien plus cohérentes et réalistes.

Enfin, la cour rejoint l'appelant qui évoque le cas particulier de la bague en or qui a été sertie à sa demande de dents de lait d'un de ses enfants et estime que son évaluation par Saretec, à 30 euros, est manifestement trop faible.

La seule valeur de l'or présent dans cette bague, est largement supérieure à ce montant, et ce, sans tenir compte de la valeur du travail du créateur.

Dans ces conditions, la cour constate que l'estimation des bijoux présentée par le bijoutier Bollwerk est pertinente, et considère que l'appelant rapporte la preuve de ce que l'évaluation des bijoux réalisée par la bijouterie Bollwerk est plus sérieuse que celle produite par l'assureur.

Il y a par conséquent lieu de s'y référer et de tenir pour acquises les évaluations présentées par ce professionnel, qui connaissait les bijoux pour les avoir entretenus.

Le jugement sera de ce fait entièrement réformé. La valeur des bijoux dérobés doit être fixée à la somme de 29 330 euros.

Les biens de valeurs étaient assurés à hauteur de 25 180,50 euros, déduction faite de la somme de 4 600 déjà perçue par M. [C], il y a lieu de condamner l'assureur à régler à ce dernier la somme résiduelle de 20 580,50 euros.

La SA ACM Iard, partie succombante, sera condamnée aux dépens des deux instances et à verser à l'appelant une somme de 3 000 au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles, cette condamnation emportant nécessairement rejet de la propre demande de la société tendant à être indemnisée de ses frais.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 21 mai 2021 rendu entre les parties par le tribunal judiciaire de Mulhouse,

statuant à nouveau

CONDAMNE la SA ACM Iard à payer à M. [F] [C] la somme de 20 580,50 euros (vingt mille cinq cent quatre vingt euros et cinquante centimes),

CONDAMNE la SA ACM Iard aux dépens de la première instance,

et y ajoutant

CONDAMNE la SA ACM Iard aux dépens de la procédure d'appel,

CONDAMNE la SA ACM Iard à payer à M. [F] [C] la somme de 3 000 euros (trois mille euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de la SA ACM Iard fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/02949
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;21.02949 ?
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