GLQ
MINUTE N° 22/973
NOTIFICATION :
Pôle emploi Alsace ( )
Clause exécutoire aux :
- avocats
- délégués syndicaux
- parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
ARRET DU 13 Décembre 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02670
N° Portalis DBVW-V-B7F-HTEC
Décision déférée à la Cour : 03 Mai 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SCHILTIGHEIM
APPELANT :
Maître [J] [S] Es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS CITYVEILLE sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Pégah HOSSEINI SARADJEH, avocat à la Cour
INTIMES :
Monsieur [Z] [N]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me Thomas BLOCH, avocat au barreau de STRASBOURG
Association L'UNEDIC, DELEGATION AGS/CGEA DE [Localité 5] Association déclarée, représentée par sa Directrice Nationale
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Patrick TRUNZER, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. PALLIERES, Conseiller
M. LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme THOMAS
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,
- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 16 décembre 2015, M. [Z] [N] a été embauché par la S.A.S. CITYVEILLE en contrat à durée indéterminée en qualité d'agent de sécurité privée. Lors de son embauche, il a été affilié à la mutuelle complémentaire santé proposée par la S.A.S. CITYVEILLE auprès de l'organisme MUT'EST.
La S.A.S. CITYVEILLE a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde judiciaire par jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 04 février 2019 puis placée en liquidation judiciaire par jugement du 25 mars 2019.
Le 13 mars 2019, M. [Z] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Schiltigheim pour obtenir la réparation d'un préjudice lié au changement de mutuelle santé complémentaire suite à son embauche et le paiement de jours de congés.
Le 14 mai 2019, M. [Z] [N] a été licencié pour motif économique.
Dans le dernier état de ses demandes devant le conseil de prud'hommes, M. [Z] [N] a renoncé à sa demande de paiement de jours de congés et a sollicité le paiement d'un rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires et le versement d'une indemnité pour travail dissimulé.
Par jugement du 03 mai 2021, le conseil de prud'hommes a :
- débouté le salarié de sa demande liée aux frais et dépenses de santé ainsi qu'aux dommages et intérêts formulés à ce titre,
- fixé les créances de M. [Z] [N] à l'encontre de la S.A.S. CITYVEILLE prise en la personne de son liquidateur judiciaire aux montants suivants :
* 54,85 euros bruts au titre des arriérés de salaire de mai 2019,
* 1 507,17 euros bruts au titre des heures supplémentaires sur la période de mars 2016 à mai 2017,
* 150,72 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur les heures supplémentaires,
* 8 745,12 euros nets au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
* 1 500 euros nets au titre des frais irrépétibles,
- débouté sur l'exécution provisoire sur le tout, qui reste de droit pour les créances salariales,
- condamné la S.A.S. CITYVEILLE prise en la personne de son liquidateur judiciaire aux dépens,
- déclaré le jugement opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 5],
- dit que la garantie de l'AGS ne s'exercera qu'à titre subsidiaire en l'absence de fonds disponibles.
Maître [J] [S], es-qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.S. CITYVEILLE, a interjeté appel le 03 juin 2021.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 septembre 2022, Maître [J] [S], es-qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.S. CITYVEILLE, demande à la cour d'infirmer le jugement du 03 mai 2021 en ce qu'il a fixé les créances de M. [Z] [N] à l'encontre de la S.A.S. CITYVEILLE prise en la personne de son liquidateur judiciaire aux montants suivants :
- 54,85 euros bruts au titre des arriérés de salaire de mai 2019,
- 1 507,17 euros bruts au titre des heures supplémentaires sur la période de mars 2016 à mai 2017,
- 150,72 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur les heures supplémentaires,
- 8 745,12 euros nets au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
- 1 500 euros nets au titre des frais irrépétibles.
Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de :
- déclarer les demandes de rappel de salaire, d'heures supplémentaires et d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé irrecevables en application de l'article 70 du code de procédure civile et subsidiairement mal fondées,
- déclarer la demande de rappel d'heures supplémentaires prescrite et, subsidiairement, mal fondée,
- débouter M. [Z] [N] de l'intégralité de ses demandes,
- faire droit à l'appel incident formé par l'AGS.
En tout état de cause, elle demande de :
- confirmer le jugement pour le surplus,
- condamner M. [Z] [N] aux dépens et à payer à l'appelante la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [Z] [N] aux éventuels frais d'exécution du jugement à intervenir.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 février 2022, M. [Z] [N] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a :
- déclaré ses demandes régulières et recevables,
- fixé ses créances à l'encontre de la S.A.S. CITYVEILLE prise en la personne de son liquidateur judiciaire aux montants suivants:
* 54,85 euros bruts au titre des arriérés de salaire de mai 2019,
* 8 745,12 euros net au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
* 1 500 euros nets au titre des frais irrépétibles,
- condamné la S.A.S. CITYVEILLE prise en la personne de son liquidateur judiciaire aux dépens de l'instance,
- déclaré le jugement opposable à l'AGS,
- dit que la garantie de l'AGS ne s'exercera qu'à titre subsidiaire en l'absence de fonds disponibles.
Il demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande liée aux frais et dépenses de santé ainsi qu'aux dommages et intérêts formulés à ce titre et en ce qu'il a limité ses droits concernant les heures supplémentaires à la somme de 1 507,17 euros au titre de 77 heures supplémentaires et de 150,72 euros au titre des congés payés y afférent. A titre subsidiaire, il demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a limité ses droits concernant les heures supplémentaires.
Il demande à la cour de débouter la S.A.S. CITYVEILLE, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, et l'AGS de leurs demandes et, statuant à nouveau, de :
- fixer la créance de M. [Z] [N] au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.S. CITYVEILLE aux sommes de :
* 7 012,90 euros au titre des frais et dépenses de santé supportés par M. [Z] [N],
* 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,
* 54,85 euros bruts à titre de reliquat de salaire sur la période de d'avril à mai 2019,
* 2 516,73 euros bruts à titre de rappels d'heures supplémentaires,
* 251,67 euros bruts d'indemnité de congés payés afférent aux heures supplémentaires,
* 8 745,12 euros bruts au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
* 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire qu'à défaut de fonds disponibles, cette créance sera garantie par l'AGS,
- condamner la S.A.S. CITYVEILLE prise en la personne de son liquidateur judiciaire aux dépens.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 novembre 2021, l'association UNEDIC, délégation AGS/CGEA de [Localité 5], demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a :
- rejeté les exceptions d'irrecevabilité et de prescription partielle de la demande,
- fixé les créances de M. [Z] [N] à l'encontre de la liquidation judiciaire de la S.A.S. CITYVEILLE aux montants suivants :
* 54,85 euros bruts au titre des arriérés de salaire de mai 2019,
* 1 507,17 euros bruts au titre des heures supplémentaires sur la période de mars 2016 à mai 2017,
* 150,72 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur les heures supplémentaires,
* 8 745,12 euros nets au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
* 1 500 euros nets au titre des frais irrépétibles,
- déclaré le jugement opposable à l'AGS,
Elle demande de confirmer le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau, de :
- déclarer M. [Z] [N] irrecevable en ses demandes de rappel de salaire et de congés payés s'y rapportant pour la période antérieure au 23 décembre 2017, subsidiairement au 13 mars 2016, comme étant prescrites,
- débouter la partie demanderesse et intimée de ses demandes,
- la condamner aux dépens,
Sur la garantie de l'AGS, elle demande à la cour de :
- dire que la garantie de l'AGS est exclue s'agissant d'un éventuel remboursement des frais de dépenses et de santé, comme sollicité par M [Z] [N],
- dire que la garantie de l'AGS ne s'exercera qu'à titre subsidiaire, en l'absence de fonds disponibles,
- arrêter le cours des intérêts légaux en application de l'article L.622-28 du code de commerce au jour d'ouverture de la procédure collective de la S.A.S. CITYVEILLE,
- dire que la garantie de l'AGS n'est acquise que dans les conditions de l'article L.3253-8 du code du travail ainsi que dans les limites, toutes créances avancées, d'un des trois plafonds résultant des articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail.
Pour un exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux écritures précitées, en application de l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 04 octobre 2022. L'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 18 octobre 2022 et mise en délibéré au 13 décembre 2022.
MOTIFS
Sur la recevabilité des demandes additionnelles
Aux termes de l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Il résulte par ailleurs de l'article 70 du même code que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Me [S] soulève l'irrecevabilité des demandes additionnelles formées par M. [Z] [N] au titre du rappel de salaire, des heures supplémentaires et de l'indemnité pour travail dissimulé en l'absence de lien suffisant avec les demandes initiales.
Dans la requête introductive d'instance datée du 11 mars 2019, M. [Z] [N] sollicitait la condamnation de la S.A.S. CITYVEILLE à lui payer la somme de 7 012,90 euros au titre des frais et dépenses de santé outre 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi suite au changement de mutuelle. Il sollicitait par ailleurs la somme de 5 557,06 euros bruts à titre d'indemnité pour 73,83 jours de congés payés non pris.
Dans un acte de reprise d'instance après radiation déposé le 24 décembre 2020, M. [Z] [N] a repris les demandes relatives aux frais de santé et abandonné sa demande relative à l'indemnité pour congés payés non pris. A titre de demandes additionnelles, il a sollicité les sommes suivantes :
- 54,85 euros à titre de reliquat de salaire sur la période d'avril à mai 2019,
- 2 516,73 euros bruts à titre de rappels d'heures supplémentaires ainsi que 251,67 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Dans des conclusions du 12 février 2021, il a ajouté une demande de 8 745,12 euros bruts au titre de l'indemnité pour travail dissimulé.
Me [S] soulève l'irrecevabilité de ces demandes additionnelles au motif qu'elles ne présentent pas un lien suffisant avec les demandes initiales. Il convient toutefois de constater que, dans sa demande initiale, M. [Z] [N] sollicitait une indemnité au titre de congés acquis non payés. Contrairement à ce que soutient le mandataire judiciaire, il ne s'agissait pas d'une demande relative à la rupture du contrat de travail mais d'une demande de nature salariale, relative à l'exécution du contrat de travail. Les demandes additionnelles de rappel de salaire, d'heures supplémentaires et d'indemnité pour travail dissimulées ont également une nature salariale et sont relatives à l'exécution du contrat de travail. Elles présentent dès lors un lien suffisant avec la demande initiale de paiement de jours de congés. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré recevables ces demandes additionnelles.
Sur le rappel de salaire
M. [Z] [N] justifie que, pour le mois de mai 2019, la somme de 527,26 euros a été versée sur son compte bancaire alors que l'employeur était redevable de la somme de 582,11 euros. Si le mandataire judiciaire et l'AGS demandent à la cour d'infirmer le jugement sur ce point, ils ne font état d'aucun élément susceptible de remettre en cause le bien fondé de cette demande. Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé la créance de M. [Z] [N] au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.S. CITYVEILLE à la somme de 54,85 euros au titre d'un rappel de salaire pour le mois de mai 2019.
Sur les heures supplémentaires
Sur la prescription
Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
En l'espèce, M. [Z] [N] sollicite le paiement d'heures supplémentaires pour la période de décembre 2015 à juillet 2016. Le contrat ayant été rompu le 14 mai 2019, M. [Z] [N] n'est recevable à solliciter la condamnation de l'employeur au paiement des heures supplémentaires effectuées qu'à compter du 14 mai 2016. Il convient donc d'infirmer le jugement du 03 mai 2021 en ce qu'il a déclaré recevable la demande de rappel d'heures supplémentaires pour la période antérieure au 14 mai 2016 et de déclarer la demande prescrite pour la période antérieure au 14 mai 2016.
Sur la demande de rappel d'heures supplémentaires
Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
L'article L. 2232-12 du code du travail, dans sa version applicable au 18 août 2014, date de la signature de l'accord relatif à l'annualisation du temps de travail au sein de la S.A.S. CITYVEILLE, prévoit par ailleurs que la validité d'un accord d'entreprise ou d'établissement est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, et à l'absence d'opposition d'une ou de plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants.
M. [Z] [N] justifie des heures de travail qu'il a effectué au mois de mai 2016 et au mois de juillet 2016 en produisant le planning récapitulatif des heures travaillées chaque mois et un décompte des heures effectuées qui fait apparaître un nombre d'heures travaillées supérieur au nombre d'heures payées pour la période du 14 mai 2016 au 20 juillet 2016, date à laquelle il a été placé en arrêt de travail. Ces éléments apparaissent suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'apporter ses propres éléments.
Pour s'opposer à sa demande, Me [S] produit en revanche un accord sur l'annualisation du temps de travail au sein de l'entreprise CITYVEILLE daté du 18 août 2014. Le mandataire judiciaire ne produit toutefois aucun élément permettant de justifier que les organisations syndicales signataires de l'accord représentaient au moins 30 % des suffrages exprimés lors des dernières élections alors que cet élément est contesté par le salarié. Il n'est dès lors pas établi que l'accord est opposable à ce dernier.
Le mandataire judiciaire relève également que le décompte produit par M. [Z] [N] comprend des périodes d'astreinte qui ont déjà fait l'objet d'une contrepartie financière. L'examen des plannings permet au contraire de constater que ces périodes d'astreintes ne sont pas comptabilisées comme des heures de travail.
Il convient en revanche de tenir compte du fait que, pour le mois de mai 2016, les heures supplémentaires effectuées avant le 14 mai 2016 sont couvertes par la prescription. Par ailleurs, le décompte opéré par le salarié doit être corrigé dès lors qu'il n'est pas établi sur une base hebdomadaire, conformément aux dispositions légales, mais sur une base mensuelle.
Compte tenu de ces éléments, la cour est en mesure de fixer la créance de M. [Z] [N] à la somme de 1 000 euros bruts au titre des heures supplémentaires et à 100 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Sur le travail dissimulé
Vu l'article L. 8221-5 du code du travail,
En l'espèce, l'employeur, qui établissait les plannings de travail du salarié, ne pouvait ignorer que les heures effectuées par le salarié excédait le nombre d'heures rémunérées. Il apparaît cependant que la S.A.S. CITYVEILLE appliquait les stipulations de l'accord collectif prévoyant l'annualisation du temps de travail et le paiement des heures supplémentaires au-delà de la durée annuelle maximale de travail fixée à 1 607 heures. Dans le cadre de la présente procédure, le mandataire judiciaire a échoué à démontrer l'opposabilité de cet accord au salarié. Mais son existence et le fait que M. [Z] [N] ne justifie d'aucune demande de paiement de ces heures supplémentaires avant un courriel du 20 juin 2019 permettent de considérer que le caractère intentionnel du travail dissimulé, exigé par les dispositions légales précitées, n'est pas établi.
Il convient donc d'infirmer le jugement du 03 mai 2021 en ce qu'il a fixé la créance de M. [Z] [N] au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé à 8 745,12 euros nets et de débouter M. [Z] [N] de cette demande.
Sur les frais de santé
Aux termes de l'article L.911-1 du code de la sécurité sociale, à moins qu'elles ne soient instituées par des dispositions législatives ou réglementaires, les garanties collectives dont bénéficient les salariés, anciens salariés et ayants droit en complément de celles qui résultent de l'organisation de la sécurité sociale sont déterminées soit par voie de conventions ou d'accords collectifs, soit à la suite de la ratification à la majorité des intéressés d'un projet d'accord proposé par le chef d'entreprise, soit par une décision unilatérale du chef d'entreprise constatée dans un écrit remis par celui-ci à chaque intéressé.
L'article 7 du contrat de travail signé par M. [Z] [N] le 16 décembre 2015 précise que 'le salarié est également informé que l'entreprise a souscrit un contrat à adhésion obligatoire de complémentaire santé auprès de Mut'Est, selon un accord d'entreprise signé le 29 janvier 2007. L'adhésion obligatoire du salarié prend effet au 1er jour du 4ème mois d'ancienneté. Le salarié reconnaît avoir reçu les brochures d'information de Mut'Est et AG2R détaillant les garanties des contrats de complémentaire santé et de prévoyance ainsi que les conditions de leur mise en oeuvre'.
M. [Z] [N] soutient que l'affiliation à l'assurance complémentaire santé souscrite par l'employeur lors de la signature du contrat de travail lui a fait perdre le bénéfice du contrat qu'il avait souscrit à titre individuel et qui proposait une prise en charge mieux adaptée à sa situation de handicap. Il reproche à la S.A.S. CITYVEILLE de ne pas lui avoir remis les documents qui lui auraient permis d'être informé sur les conséquences de l'affiliation à l'assurance complémentaire santé souscrite par l'employeur et de ne pas lui avoir proposé une garantie adaptée à sa situation.
M. [Z] [N] justifie qu'il bénéficiait d'une couverture complémentaire santé en produisant un courrier adressé le 24 mai 2016 (annexe n°9) par l'organisme MVS dans lequel celui-ci répond favorablement à la demande de résiliation de la couverture complémentaire individuelle adressée par M. [Z] [N] par courrier reçu le 07 mai 2016, avec effet au 31 mai 2016.
Il résulte de ce document que la résiliation du contrat d'assurance complémentaire santé est intervenue à l'initiative de M. [Z] [N] plusieurs mois après la signature du contrat de travail. Le salarié ne soutient pas qu'avant de procéder à cette résiliation, il aurait cherché à obtenir des éléments d'informations sur les conditions de prise en charge proposées par le contrat souscrit par la S.A.S. CITYVEILLE ou sur la possibilité de refuser l'adhésion à ce contrat, étant rappelé que la souscription d'un tel contrat correspond à une obligation légale pour l'employeur.
M. [Z] [N] ne démontre donc pas de faute imputable à la S.A.S. CITYVEILLE. Il sera relevé au surplus qu'il ne démontre pas davantage la réalité du préjudice allégué puisqu'il ne produit aucun élément permettant de comparer les conditions de prise en charge des soins proposées par chacun des contrats et qu'il ne justifie pas que les conditions du contrat Mut'Est étaient moins favorables pour lui que celles du contrat MVS. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [Z] [N] de ses demandes de remboursement des frais et dépenses de santé supportés par le salarié et de dommages et intérêts à ce titre.
Sur la garantie de l'AGS
Dès lors qu'il n'a pas été fait droit à la demande de M. [Z] [N] au titre de ses frais de santé, la demande de l'AGS d'exclure cette créance de sa garantie devient sans objet.
Le jugement sera par ailleurs confirmé en ce qu'il a été déclaré opposable à l'AGS, étant rappelé que, s'agissant des créances salariales, celle-ci ne doit sa garantie qu'à titre subsidiaire, en l'absence de fonds disponibles et dans la limite des plafonds légaux.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Me [S], es-qualité de mandataire judiciaire de la S.A.S. CITYVEILLE aux dépens et en ce qu'il a fixé la créance de M. [Z] [N] au titre des frais irrépétibles à 1 500 euros.
Compte tenu de l'issue du litige, il convient de condamner M. [Z] [N] aux dépens de la procédure d'appel. L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel et les parties seront déboutées des demandes présentées sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Schiltigheim du 03 mai 2021 en ce qu'il a :
- déclaré recevable la demande de M. [Z] [N] au titre des heures supplémentaires,
- fixé la créance de M. [Z] [N] à l'encontre de la S.A.S. CITYVEILLE, prise en la personne de Me [S], es-qualité de mandataire judiciaire, à :
* 1 507,17 euros bruts au titre des heures supplémentaires sur la période de mars 2016 à mai 2017,
* 150,72 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur les heures supplémentaires
* 8 745,12 euros nets au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,
DÉCLARE prescrite la demande au titre des heures supplémentaires pour la période antérieure au 14 mai 2016 ;
FIXE la créance de M. [Z] [N] à l'encontre de la S.A.S. CITYVEILLE, prise en la personne de Me [S], es-qualité de mandataire judiciaire, à :
* 1 000 euros ( mille euros) bruts au titre des heures supplémentaires pour la période du 14 mai 2016 au 20 juillet 2016,
* 100 euros (cent euros) bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur les heures supplémentaires ;
DÉBOUTE M. [Z] [N] de sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
CONDAMNE Me [S], es-qualité de mandataire judiciaire de la S.A.S. CITYVEILLE, aux dépens de la procédure d'appel ;
DIT n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [Z] [N], Me [S], es-qualité de mandataire judiciaire de la S.A.S. CITYVEILLE, ou de l'ASSOCIATION UNEDIC, délégation AGS/CGEA de [Localité 5].
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2022, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.
Le Greffier Le Président