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13/12/2022 | FRANCE | N°21/02621

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 13 décembre 2022, 21/02621


CKD/KG





MINUTE N° 22/999





















































NOTIFICATION :



Pôle emploi Alsace ( )







Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées



Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMA

R

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 13 Décembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02621

N° Portalis DBVW-V-B7F-HTBH



Décision déférée à la Cour : 20 Mai 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE



APPELANT :



Monsieur [F] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représen...

CKD/KG

MINUTE N° 22/999

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 13 Décembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02621

N° Portalis DBVW-V-B7F-HTBH

Décision déférée à la Cour : 20 Mai 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE

APPELANT :

Monsieur [F] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la Cour

INTIMEE :

S.A. [S] ELECTRICITE

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 946 45 1 5 80

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Xavier PELISSIER, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [F] [I], né le 08 décembre 1972, a été engagé selon contrat de travail à durée indéterminée du 31 août 1999 par la société [S] & Cie SA, en qualité de cadre technique, position C, niveau 130, échelon 1 de la convention collective des cadres du bâtiment.

La société [S] & Cie SA, devenue la SAS Entreprise E [S] et Cie, est spécialisée dans l'installation électrique, et emploie plus de cinquante salariés.

Monsieur [F] [I] avait pour fonction d'étudier les projets courant fort et faible, de conduire toutes les discussions avec l'administration ou la clientèle, les fournisseurs de matériaux et matériel, de faire la mise à prix des affaires, de participer à la préparation et à l'organisation des chantiers, et à leur pilotage, de représenter l'entreprise dans le cadre de ses directives, et de rédiger les plans particuliers de sécurité et protection de la santé.

A partir du mois de juillet 2015, un véhicule de fonction de type Porsche Cayenne lui a été attribué.

Sa rémunération mensuelle globale, incluant l'avantage en nature véhicule, s'élevait à 7.966,37 € bruts.

Monsieur [I] s'est trouvé en arrêt de travail du 27 octobre au 31 octobre 2017, puis du 06 novembre 2017 au 24 juin 2018.

Par courrier du 23 mai 2018, le salarié a sollicité le paiement d'heures supplémentaires et demandait à pouvoir s'entretenir avec un représentant du personnel compte-tenu de la dégradation progressive de son état de santé.

Par avis du 26 juin 2018, le médecin du travail a déclaré le salarié «'inapte à la reprise du poste actuel. Aucun poste au sein de l'entreprise n'est compatible avec l'étant de santé actuel du salarié'».

Le 13 juillet 2018, le collaborateur médecin du médecin du travail a confirmé l'inaptitude, et a précisé que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Par courrier du 13 juillet 2018, la société [S] Electricité informait le salarié de l'impossibilité de procéder à son reclassement, puis le convoquait à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 25 juillet 2018.

Par lettre recommandée avec accusé réception en date du 30 juillet 2018, Monsieur  [I] a été licencié pour inaptitude d'origine non professionnelle, et impossibilité de reclassement.

Le 07 septembre 2018, il saisissait le conseil de prud'hommes de Mulhouse en contestation de son licenciement et formulait diverses demandes indemnitaires et salariales, des demandes dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, pour préjudice moral distinct, et pour travail dissimulé, ainsi que la rectification de documents contractuels.

Par jugement du 20 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Mulhouse a':

- dit et jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse';

- débouté Monsieur [I] de l'ensemble de ses demandes exceptées celles relatives au paiement des arriérés du treizième mois, et de rectification des documents contractuels';

- condamné la SA [S] Electricité à payer à Monsieur [I] les sommes de':

* 18.465 € bruts au titre d'arriérés du treizième mois';

* 1.700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- ordonné la rectification des documents contractuels en incluant le paiement des arriérés du treizième mois';

- déclaré le jugement exécutoire pour les créances salariales';

- condamné chacune des parties aux frais de l'instance.

Monsieur [F] [I] a, le 04 juin 2021, interjeté appel de ce jugement.

Dans ses conclusions récapitulatives transmises au greffe par voie électronique le 10 octobre 2022, Monsieur [I] demande à la cour de':

- infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la SA [S] Electricité à lui payer les sommes de 18.465 € bruts au titre de l'arriéré de treizième mois, ainsi que 1.700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il a ordonné sous astreinte la rectification des documents contractuels en incluant un paiement des arriérés du treizième mois';

- dire et juger que l'employeur a commis des manquements à son obligation de sécurité fondés sur la pression de l'employeur et la charge de travail ;

- déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse';

- condamner l'entreprise [S] à lui verser les sommes suivantes':

* 45.685,26 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 4.568,52 € au titre des congés payés afférents';

* 45.685,26 € au titre des arriérés de treizième mois sur trois ans';

* 59.528,13€ au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement rectifiée';

* 228.426,30 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif';

* 10.000 € pour manquement à obligation de prévention et de sécurité';

* 15.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral';

* 182.741,01 € à titre de dommages et intérêts pour les manquements à la procédure et à l'obligation de reclassement';

* 91.368 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé';

* 157.334 € au titre des heures supplémentaires,

* 15.733,40 € au titre des congés payés afférents';

- ordonner la rectification des documents contractuels (fiche de paie, reçu pour solde de tout compte, attestation pôle emploi...) sous astreinte de

100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement (sic)';

- débouter l'entreprise [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions';

- condamner l'entreprise [S] au paiement de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens';

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir en toutes ses dispositions.

Par conclusions responsives transmises par voie électronique le 29 septembre 2022, la SAS Entreprise E [S] et Cie (SIRET 946'451'580) demande à la cour de :

- déclarer la demande de Monsieur [I] mal fondée';

- confirmer le jugement déféré';

- dire et juger que le licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- constater la qualité de cadre dirigeant de Monsieur [I]';

- constater l'absence de réalisation d'heures supplémentaires';

- débouter Monsieur [I] de sa demande au titre d'un rappel d'heures supplémentaires ainsi que de toutes ses demandes ayant trait à la rupture de son contrat, et de l'ensemble de ses demandes';

- condamner M. [I] à lui verser une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le jour de l'audience, le 18 octobre 2022.

Il est, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits moyens et prétentions des parties, renvoyé aux conclusions ci-dessus visées.

MOTIFS

I. Sur les heures supplémentaires

Monsieur [I] qui conteste être cadre dirigeant réclame le paiement d'heures supplémentaires. En réplique, la société affirme que l'appelant avait le statut de cadre dirigeant et qu'il n'était, à ce titre, tenu à aucun horaire de travail.

1. Sur l'application du statut de cadre dirigeant

Selon les dispositions de l'article L.3111-2 du code du travail, les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III relatifs la durée du travail, à la répartition, et à l'aménagement des horaires, au repos, et aux jours fériés.

Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome, et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

Ces critères cumulatifs impliquent que seuls relèvent de cette catégorie les cadres participant à la direction de l'entreprise.

Au soutien de sa démonstration la société intimée fait valoir que, dès son embauche, Monsieur [I] a exercé d'importantes responsabilités dans l'entreprise.

Elle se réfère au contrat de travail, mais également aux attestations de Messieurs [T] [E], [A] et [H], salariés de l'entreprise, et des contrats signés par Monsieur [I] en qualité de représentant de la SAS, pièces desquelles il résulte que ce dernier disposait d'une habilitation pour conduire toutes discussions avec l'administration, la clientèle, les fournisseurs de matériaux et matériel, qu'il participait à la préparation, à l'organisation des chantiers, ainsi qu'à leur pilotage, et qu'il avait sous sa responsabilité les chargés d'affaires.

A titre d'illustration, elle expose que Monsieur [I] négociait et signait, en qualité de représentant de la SAS, des devis et marchés, dont l'important marché de plusieurs millions d'euros de la mosquée [4] de [Localité 5] le 07 avril 2015.

S'il est produit un courrier d'accompagnement du 22 août 2014 adressé à une société partenaire du projet (pièce n°22 de l'appelant), il n'apparaît pas anormal que le dirigeant de la société soit investi dans ce projet d'ampleur, et qu'il lui en soit rendu compte. Il est cependant démontré que, c'est bien Monsieur [I], par sa signature, qui a engagé la SAS dans ce projet.

L'étude de poste réalisée par le service de santé au travail le 22 juin 2018 confirme que le président de la SAS a laissé au salarié une marge de man'uvre dans laquelle celui-ci pouvait négocier les prix d'achats des matières premières avec les fournisseurs, et signer l'affaire avec les clients, celui-là relevant que Monsieur [I] était placé sous la responsabilité directe du Président de la SAS chargé de piloter son activité.

En signant des devis, ou appels d'offre aux montants conséquents, Monsieur [I] ne se contentait pas de rechercher des chantiers et de soumettre les projets à Monsieur [S]. Il prenait des décisions de nature à avoir un impact sur la marche de l'entreprise.

Il ressort en outre des attestations versées aux débats par l'intimée qu'il avait des missions de management des équipes en ce qu'il organisait les équipes, ainsi que des réunions au bureau en fin de journée pour suivre l'évolution des travaux.

Son autonomie dans l'organisation de ses fonctions n'est pas débattue. Aussi, Monsieur [I] ne recevait aucune consigne, ni ordre quant à ses horaires, organisant son emploi du temps, sans jamais devoir en rendre compte à l'employeur.

Par ailleurs, tant l'organigramme de la société, que le profil LinkedIn de Monsieur [I], et la grille des salaires de l'entreprise font apparaître de manière concordante qu'il occupait le poste de cadre technique, et était le numéro 2 de l'entreprise après Monsieur [S].

Ainsi sa rémunération mensuelle brute se trouvait, en janvier 2018, la plus élevée de la société après celle du dirigeant'; elle était près de deux fois supérieure au troisième salaire le plus élevé de l'entreprise. Avec l'avantage en nature véhicule (Porsche Cayenne évalué à plus de 1.100 € bruts mensuels), sa rémunération atteignait 7.966,37 € bruts, contre 8.780 € bruts pour le dirigeant de la société. Dès la signature du contrat de travail, il était convenu entre les parties que cette rémunération couvrait de manière forfaitaire l'ensemble des prestations, sans assise sur une quelconque durée du travail.

Il ressort des éléments susvisés que l'appelant était également chargé de représenter l'entreprise dans le cadre de ses directives, notamment en réunion, et qu'il était contractuellement tenu de rédiger des plans particuliers de sécurité et de protection de la santé.

Son profil professionnel numérique précisait qu'il était tenu d'adapter les ressources pour l'optimisation du fonctionnement de l'activité.

Il résulte enfin du procès-verbal des décisions de la SARL Assistance courant faible- ACF que Monsieur [I] a démissionné le 25 avril 2018 de ses fonctions de gérant. Or l'associé unique de la SARL Assistance courant faible- ACF est la SAS [S] Invest dirigée par M. [C] [S].

Quand bien même Monsieur [I] n'avait ni délégation bancaire, ni pouvoir disciplinaire au sein de la SAS Entreprise E [S] et Cie, il était associé aux activités économiques des sociétés dirigées par Monsieur [S], et disposait d'un statut spécifique dépassant largement la fonction d'un cadre ordinaire au sein de la société.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Monsieur [I] satisfaisait aux conditions légales visées par l'article L.3111-2 du code du travail, et qu'il avait au sein de la SAS Entreprise E [S] et Cie le statut de cadre dirigeant. Il se trouve par conséquent exclu des dispositions relatives à la durée du travail, et donc de la réglementation relative aux heures supplémentaires.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [I] de ses demandes de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, ainsi que du complément de l'indemnité conventionnelle de licenciement évalué sur le rappel de salaire sollicité.

II. Sur la demande de rappel de salaire au titre de la prime de 13ème mois

Aucun appel incident n'ait été formulé sur le bienfondé de cette demande par l'intimée.

L'appelant sollicite l'infirmation du jugement entrepris au titre du quantum alloué.

Il reproche au conseil de prud'hommes d'avoir limité la somme à 18.465 € bruts alors qu'il évalue sa créance à 45.685,26 €, calculée sur la moyenne mensuelle brute augmentée des heures supplémentaires sollicitées.

Monsieur [I] ayant été débouté de sa demande de paiement des heures supplémentaires et le conseil de prud'hommes ayant exactement calculé le montant de la créance réclamée en application du salaire mensuel du salarié (6.155 €), le jugement sera confirmé sur ce point.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a ordonné la rectification des documents contractuels en incluant le paiement des arriérés de treizième mois.

III. Sur le travail dissimulé

Eu égard à la solution donnée par la cour sur la demande de paiement des heures supplémentaires, et faute de caractérisation de l'élément matériel ou intentionnel du travail dissimulé, il convient de rejeter la demande de paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé prévue par l'article L.8223-1 du code du travail.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

IV. Sur le licenciement pour inaptitude

1. Sur l'obligation de reclassement

Aux termes de l'article L.1226-2 du code du travail, lorsque le salarié victime d'une maladie, ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L.4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise, ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national, et dont l'organisation, les activités, ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L.233-1, aux I et II de l'article L.233-3 et à l'article L.233-16 du code de commerce.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail, et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

En l'espèce, il résulte de l'avis d'inaptitude du 26 juin 2018 du docteur [D] [O], médecin du travail, que Monsieur [I] a été déclaré «'Inapte à la reprise du poste actuel. Aucun poste au sein de l'entreprise n'est compatible avec l'état de santé actuel du salarié'».

Dans sa proposition de mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail, ou de mesures d'aménagement du temps de travail du 13 juillet 2018, émise suite au courrier de l'employeur du 29 juin 2018 sollicitant de connaître les possibilités de reclassement de son salarié, puis un échange avec l'employeur le 10 juillet 2018, le docteur [W] [P], collaborateur du médecin du travail référent, indique que «'Mr [I] [F] est inapte à la reprise de son poste de cadre technique. Par ailleurs, l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi (art R.4624-42 du CT)'».

Ni l'avis du médecin du travail, ni le document complémentaire du 13 juillet 2018, qui indiquaient chacun les voies et délais de recours, et dont il n'est pas débattu que chaque partie fut destinataire, n'ont fait l'objet de contestation.

Quand bien même la case du cas de dispense de l'obligation de reclassement n'a pas été cochée dans l'avis d'inaptitude du 25 juin 2018, le médecin du travail a expressément précisé, après son avis d'inaptitude, et avant l'engagement de la procédure de licenciement, que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. Et surtout l'avis complémentaire du 13 juillet 2018 conclut quant à lui que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement, et vise expressément l'article R.4624-42 du code du travail.

Il en résulte que l'employeur était exonéré de rechercher un reclassement tant interne qu'externe, et qu'il n'est au demeurant pas établi que la SAS appartenait à un groupe.

Au surplus, la cour constate que l'employeur a, par courrier du 13 juillet 2018, indiqué au salarié les raisons de l'impossibilité de procéder à son reclassement.

2. Sur l'absence de consultation des représentants du personnel

Le salarié réclame le versement de dommages et intérêts au motif que l'employeur aurait méconnu la consultation des représentants du personnel qui, selon lui, constitue une formalité substantielle.

Malgré les nombreuses pièces versées aux débats concernant l'organisation des élections des délégués du personnel (procès-verbal de carence, courriel de la DIRECCTE, attestations, significations par voie d'huissier), la cour rappelle qu'il résulte de l'article L.1226-2 du code du travail précité que lorsque le salarié victime d'une maladie, ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L.4624-4, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, et que cette proposition doit prendre en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise.

De plus, selon l'article L.1226-2-1 du même code, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L.1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Il s'ensuit que, lorsque le médecin du travail a mentionné, tel le cas en l'espèce, que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'; l'employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n'a pas l'obligation de consulter le comité social et économique, cette solution s'étendant, durant la période transitoire de mise en place du CSE, aux délégués du personnel.

Il n'est par ailleurs aucunement établi que la rupture du contrat de travail ait été décidée hâtivement, et que l'employeur aurait manqué à ses obligations dans la mise en 'uvre de la procédure de licenciement.

Il résulte des développements qui précèdent que la procédure de licenciement est régulière.

3. Sur l'obligation de sécurité

Par application des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances, et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Sa responsabilité est engagée à ce titre dès lors que le salarié a été confronté à une situation de danger, et que l'employeur n'a pris aucune mesure concrète pour la prévenir et éviter son renouvellement, et pour l'en protéger.

À l'appui de sa demande, Monsieur [I] fait valoir, pour l'essentiel, que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité et de prévention, tant par son comportement qu'en ce qu'il l'aurait empêché de requérir le soutien des représentants du personnel en raison du défaut de mise en place des institutions représentatives du personnel. Il réclame 10.000 € de dommages et intérêts à ce titre.

D'après l'intimée, Monsieur [I] a souhaité quitter la société, d'abord en prétextant une démission, puis en tentant de négocier son départ.

La cour constate que les circonstances entourant l'envoi du courrier de démission ont donné lieu à de nombreuses explications entre les parties qui, finalement, sont convenues de ne pas en tenir compte eu égard au doute subsistant sur l'origine de son expéditeur, Monsieur [I] ayant contesté en être l'auteur.

Il est dès lors établi que la Société a, au mois de juin 2017, maintenu le salarié dans ses effectifs conformément à la demande de ce dernier qui apparaît contradictoire avec l'existence d'une dégradation de ses conditions de travail.

L'appelant n'apporte aucune preuve d'une dégradation de ses conditions de travail et d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Monsieur [I], opérant une confusion entre les conséquences du défaut de consultation des délégués du personnel sur le licenciement, et un manquement de l'employeur à son obligation de prévention, se contente de rappeler l'ensemble des démarches entreprises en vue de déterminer si les élections des délégués du personnel ont eu lieu en 2016. Il ne démontre cependant aucun lien de causalité entre l'absence de mise en place des institutions représentatives du personnel, et la dégradation de son état de santé.

Tout au plus se borne-t-il à invoquer ses «'conditions de travail'» sans autre précision ni pièce permettant de donner crédit à ses allégations qui contrediraient ses propres échanges de SMS avec le dirigeant de la SAS, notamment en ce qu'il remerciait Monsieur [S] pour ses «'gestes de reconnaissance quotidiens'» (pièce n°8 de l'appelant).

Si le docteur [Y] [L], médecin psychiatre, fait état dans sa lettre du 13 juin 2018 d'un contexte de souffrance psychique au travail, aucun élément ne permet pour autant de retenir un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

L'existence d'un lien de causalité entre l'inaptitude et l'environnement professionnel n'est pas démontrée.

Par conséquent, le jugement qui débouté Monsieur [I] tant de sa demande de dommages et intérêts au titre du manquement de l'employeur à son obligation de prévention et de sécurité, que de sa demande au titre de l'indemnité spéciale de licenciement, sera confirmé de ces chefs.

4. Sur les conséquences financières

Eu égard aux développements qui précèdent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement pour impossibilité de reclassement suite à une inaptitude d'origine non professionnelle repose sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement doit également être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [I] de ses demandes au titre de l'indemnité de préavis, des congés payés afférents, des demandes de dommages et intérêts pour licenciement abusif, et pour manquement à l'obligation de reclassement.

Monsieur [I] ne démontrant pas que l'attitude de l'employeur soit à l'origine de sa souffrance psychique invoquée, le jugement sera enfin confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

V. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions de première instance seront confirmées s'agissant des frais irrépétibles et des dépens.

Compte tenu de l'issue du litige, Monsieur [I] qui succombe est condamné aux dépens de la procédure d'appel.

L'équité s'oppose en revanche à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel. Monsieur [I] et la SAS Entreprise E [S] et Cie seront donc déboutés de leurs demandes présentées sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Mulhouse du 20 mai 2021 en toutes ses dispositions';

Y ajoutant,

CONDAMNE Monsieur [F] [I] aux dépens de la procédure d'appel';

DÉBOUTE Monsieur [F] [I] et la SAS Entreprise E [S] et Cie de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2022, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine'Thomas, Greffier.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/02621
Date de la décision : 13/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-13;21.02621 ?
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