La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/12/2022 | FRANCE | N°22/00572

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 3 a, 12 décembre 2022, 22/00572


MINUTE N° 22/639

























Copie exécutoire à :



- Me Joëlle LITOU-WOLFF

- Me Laurence FRICK





Le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A



ARRET DU 12 Décembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/00572 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HYPF



Décision déférée

à la cour : jugement rendu le 07 janvier 2022 par le Juge de l'exécution de MULHOUSE





APPELANTS :



Madame [O] [W] épouse [M]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat au barreau de COLMAR, avocat postulant, et Me ...

MINUTE N° 22/639

Copie exécutoire à :

- Me Joëlle LITOU-WOLFF

- Me Laurence FRICK

Le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 12 Décembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 22/00572 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HYPF

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 07 janvier 2022 par le Juge de l'exécution de MULHOUSE

APPELANTS :

Madame [O] [W] épouse [M]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat au barreau de COLMAR, avocat postulant, et Me Valérie Reynaud, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant

Monsieur [K] [M]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat au barreau de COLMAR, avocat postulant, et Me Valérie Reynaud, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant

INTIMÉE :

Société CAISSE DE CREDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES Société coopérative à capital et personnel variables

Prise en la personne de son représentant légal.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurence FRICK, avocat au barreau de COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme MARTINO, Présidente de chambre, et Mme FABREGUETTES, Conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme MARTINO, Président de chambre

Mme FABREGUETTES, Conseiller

M. FREY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme HOUSER

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

Par ordonnance du 17 novembre 1992, le juge des référés du tribunal de grande instance de Mulhouse a condamné Madame [O] [W] épouse [M] à verser à la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d'Alsace une somme provisionnelle de 542 086,12 francs, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification de l'assignation, ainsi que la somme de 2 500 francs à titre d'indemnité pour frais non répétibles.

Cette ordonnance a été signifiée à Madame [M] le 7 avril 1993 à sa personne.

Selon procès-verbal du 10 septembre 2020, la Caisse de Crédit Agricole Alsace Vosges a fait procéder à la saisie-attribution des sommes détenues dans les livres de la Banque Populaire au nom de Madame [M], pour paiement d'une somme en principal de 82 640,50 €, de 380,12 € pour la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'une somme de 198 665,59 € au titre des intérêts échus, outre les frais, soit au total une somme de 258 603,88 €, sur le fondement de l'ordonnance de référé du 17 novembre 1992.

Cette saisie-attribution a été dénoncée à Madame [M] le 16 septembre 2020.

Par acte du 15 octobre 2020, Madame [O] [M] et Monsieur [K] [M] ont assigné la Caisse de Crédit Agricole Alsace Vosges devant le juge de l'exécution du tribunal

judiciaire de Mulhouse, aux fins de voir annuler la saisie-attribution, de voir condamner la défenderesse à restituer la somme de 26 194,78 €, à payer la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L 121-2 du code des procédures civiles d'exécution, ainsi que la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils ont fait valoir que le compte sur lequel la saisie-attribution a été pratiquée est un compte joint ; que le procès-verbal de saisie-attribution est nul comme ne respectant pas les dispositions de l'article R 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, le taux exact des intérêts appliqués et le mode de calcul n'étant pas mentionné ; que cette omission leur fait grief, la somme réclamée au titre des intérêts étant supérieure de plus du double au montant de la créance principale et toute vérification étant rendue impossible par l'ancienneté du titre invoqué ; que l'acte de dénonciation de la mesure d'exécution est entaché de plusieurs irrégularités, relatives au statut professionnel de Madame [M] et en ce qu'il ne mentionne pas son époux, cotitulaire du compte ; que la mesure est nulle en ce qu'elle porte sur un compte détenu conjointement par les époux, mariés sous le régime de la communauté universelle, alors qu'un seul est débiteur ; que l'acte de saisie n'a pas été dénoncé à Monsieur [M] ; que la mesure est illicite comme violant le principe d'interruption des poursuites, Monsieur [M] ayant bénéficié d'un redressement judiciaire suivant jugement du 7 novembre 1990 ; que la mesure d'exécution a été mise en 'uvre sur le fondement d'un titre prescrit ; qu'elle est nulle et abusive.

La Caisse régionale de Crédit Agricole mutuel Alsace Vosges a soulevé la caducité de l'assignation, qui ne satisfait pas aux obligations de l'article R 211-11 du code des procédures civiles d'exécution et a conclu au rejet des demandes, ainsi qu'à la condamnation in solidum des époux [M] à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que la mesure a été mise en 'uvre sur le fondement d'un titre exécutoire dont la prescription n'est pas acquise, en ce que le délai a été interrompu par des actes d'exécution forcée ; que Madame [M] a en outre procédé volontairement à des règlements ; que Madame [M] ne prouve pas que le compte saisi était joint et qu'il est de jurisprudence que le défaut de dénonciation de la saisie-attribution au cotitulaire d'un compte joint n'est pas susceptible d'en entraîner la caducité ; que l'omission de la profession de la débitrice n'est pas de nature à entraîner la nullité de la saisie.

Par jugement du 7 janvier 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Mulhouse a :

-déclaré recevable la contestation de Madame [O] [M] et Monsieur [K] [M],

-déclaré valable le procès-verbal de saisie-attribution,

-déclaré la saisie-attribution valable,

-condamné Madame [O] [M] et Monsieur [K] [M] aux entiers dépens,

-condamné Madame [O] [M] et Monsieur [K] [M] à verser la somme de 800 € à la Caisse de Crédit Agricole Alsace Vosges sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Cette décision a été notifiée à Madame [O] [W] épouse [M] et Monsieur [K] [M] par lettres recommandées avec avis de réception signés le 21 janvier 2022.

Ils en ont interjeté appel le 4 février 2022.

L'affaire a été fixée à bref délai en application de l'article 905 du code de procédure civile.

Par écritures notifiées le 21 mars 2022, Monsieur et Madame [M] concluent à l'infirmation du jugement déféré et demandent à la cour de :

-annuler, avec toutes conséquences de droit, la mesure de saisie-attribution dénoncée le 16 septembre 2020 à Madame [M], ainsi que les actes de poursuites antérieurs,

En tout état de cause,

-annuler, à tout le moins juger qu'il y a absence d'effet interruptif de prescription des actes invoqués par l'intimée, respectivement :

' le procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatri- culation du 23 juin 2014,

' le commandement de payer aux fins de saisie vente du 2 mai 2017,

' le procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatri- culation du 5 mai 2017,

' le commandement de payer du 16 juin 2019,

-prononcer la mainlevée de la mesure de saisie-attribution dénoncée le 16 septembre 2020 à Madame [O] [M], ainsi que les actes de poursuites antérieurs,

-ordonner la restitution à Madame [O] [M] de la somme de 26 194,78 € indûment versée par Madame [M] au profit de la Caisse régionale de crédit agricole Alsace Vosges, majorée des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

-condamner la Caisse régionale de Crédit Agricole Alsace Vosges à payer aux appelants la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L 121-2 du code des procédures civiles d'exécution,

-débouter la Caisse de Crédit Agricole Alsace Vosges de toutes conclusions contraires ainsi que de l'intégralité de ses fins, moyens, demandes et prétentions,

-condamner la Caisse de Crédit Agricole Alsace Vosges à payer à Monsieur et Madame [M] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner la Caisse de Crédit Agricole Alsace Vosges aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Ils font valoir que le procès-verbal de saisie signifié à la Banque Populaire le 10 septembre 2020 est entaché de nullité, dans la mesure où les mentions requises par l'article R 211-1 du code des procédures civiles d'exécution sont lacunaires et non vérifiables ; que le taux d'intérêt appliqué et le mode de calcul sont elliptiques et erronées ; que le décompte n'intègre pas la suspension du cours des intérêts pendant la durée de la procédure collective du débiteur principal, Monsieur [K] [M] ; que l'absence de communication du décompte complet, de la déclaration de créance et de l'acte de prêt opposé à Madame [M] ne permet aucune vérification, près de trente ans plus tard ; que ces lacunes font grief, les intérêts réclamés étant supérieurs de plus du double au montant principal ; que de même, l'acte de dénonciation de la mesure de saisie est entaché de plusieurs irrégularités, en ce que, outre l'impossibilité de vérifier les montants poursuivis, l'acte mentionne que Madame [M] est traductrice, ce qui est inexact puisqu'elle a fait valoir ses droits à la retraite ; que la mesure de saisie est également entachée de nullité en ce qu'elle porte sur un compte détenu en commun par Madame [M] et son époux, non débiteur, mariés sous le régime de la communauté universelle ; que la dette n'entre pas dans le champ d'application de l'article 1414 du code civil, en ce qu'elle n'a pas été souscrite pour l'entretien du

ménage ou l'éducation des enfants, mais est afférente à l'activité professionnelle de Monsieur [K] [M], éteinte à son égard par l'effet de la mesure de liquidation judiciaire postérieure ; que Monsieur [M] n'a cependant pu solliciter le bénéfice de cette disposition dès lors qu'il ne s'est pas vu dénoncer la mesure de saisie, contrairement aux dispositions de l'article R 211-22 du code de procédure civile d'exécution ; que la violation de ces dispositions, qui fait grief, rend nulle la mesure de saisie.

Ils font valoir qu'ils sont fondés à se prévaloir de l'extinction de la créance, le titre exécutoire dont l'exécution est poursuivie par l'intimée étant dépourvu de l'autorité de chose jugée et subsidiairement prescrit ; que l'ordonnance de référé, dépourvue de l'autorité de chose jugée, a été rendue sur la base de motifs erronés en fait et en droit et ne peut servir de fondement à la mesure d'exécution ; que l'intimée n'a jamais communiqué l'acte de prêt établissant l'engagement de Madame [M], dont la date reste inconnue, ce qui rend impossible la vérification du principe, des délais et limites de l'obligation à paiement ; qu'elle n'a jamais communiqué de décompte précis et vérifiable afférent à ce prêt pour obtenir un titre assorti de l'autorité de chose jugée ; que conformément aux dispositions de l'article L 621-46 du code de commerce, la créance est éteinte ; que le titre est en toute de cause prescrit, en ce que le délai décennal issu de la loi du 17 juin 2008 a expiré le 19 juin 2018 ; qu'il n'a pas été interrompu en ce que les actes invoqués par l'intimée ne comportent aucun décompte vérifiable des sommes poursuivies, notamment au titre des intérêts qui en constituent l'essentiel du montant ; qu'au demeurant, la Cour de cassation a retenu dans ce cas le principe de l'interversion de prescription ; que les versements intervenus ne sauraient être considérés comme ayant interrompu la prescription ; que la mesure est illicite dès lors qu'elle viole le principe d'interruption des poursuites attaché au jugement d'ouverture du redressement judiciaire prononcé le 7 novembre 1990 par le tribunal de grande instance de Mulhouse, ayant abouti à la liquidation judiciaire de Monsieur [K] [M], qui a nécessairement affecté la communauté universelle existante entre les époux.

Ils soutiennent que la mesure, entachée de nullité est abusive pour avoir était régularisé sur la base d'une créance prescrite et en violation du principe de suspension des poursuites, justifie l'allocation à leur bénéfice de dommages et intérêts.

Par écritures notifiées le 4 août 2022, la Caisse de Crédit Agricole Alsace Vosges a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement déféré. Elle demande condamnation in solidum de Monsieur et Madame [M] aux entiers frais et dépens de la

procédure d'appel, ainsi qu'à lui payer une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que le procès-verbal de saisie attribution répond aux conditions posées à l'article R 211-1 3° en ce qu'il comporte un décompte des sommes réclamées en principal, intérêts échus et frais, avec précision des modalités de calcul des intérêts échus et du taux appliqué ; que l'ordonnance de référé fondant la poursuite a été signifiée à personne à Madame [M], qui avait parfaite connaissance des éléments de calcul des montants dus ; qu'elle n'avait pas à justifier de sa déclaration de créance dans le cadre de la procédure collective ouverte à l'égard de Monsieur [M] ni à signifier à la débitrice le contrat fondant la créance, constatée par une décision de justice ; que l'acte de dénonciation est de même régulier et que l'erreur éventuelle quant à la profession de la débitrice, dont la mention n'est pas obligatoire dans la dénonciation, ne cause aucun grief ; qu'au regard des dispositions des articles 1413 et 1415 du code civil, il importe peu que la saisie ait été pratiquée sur un compte joint ; que les époux [M] étant co emprunteurs, ainsi qu'il résulte de l'ordonnance de référé du 17 novembre 1992, ils ont respectivement nécessairement consenti à l'engagement de l'autre ; que Monsieur [M] ne peut invoquer la non dénonciation de la saisie attribution à son égard ; que cette obligation n'est sanctionnée par aucun texte et n'est pas susceptible d'entraîner sa remise en cause.

Elle fait valoir que l'ordonnance de référé du 17 novembre 1992, munie de la clause d'exécution et signifiée à la débitrice, constitue un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, pouvant fonder la mesure d'exécution ; qu'il importe peu que l'ordonnance de référé n'ait pas autorité de chose jugée et que l'acte de prêt par lequel Madame [M] s'est engagée ne soit pas produit aux débats ; que le titre n'est pas prescrit en ce que le délai, qui expirait le 19 juin 2018 par application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008, a été interrompu conformément aux dispositions de l'article 2244 du code civil, par les différents actes d'exécution signifiés à la débitrice et les paiements effectués par celle-ci entre les mains de l'huissier jusqu'au 21 juin 2018 ; que les appelants ne sont pas fondés à se prévaloir du principe de suspension des poursuites du fait de la procédure collective dont Monsieur [K] [M] a fait l'objet, puisque les mesures d'exécution ne sont entreprises qu'à l'égard de Madame [M], redevable à titre personnel de la créance qu'elle détient ; que la saisie étant régulière et non abusive, les demandes des époux [M] doivent être rejetées.

MOTIFS

Vu les dernières écritures des parties ci-dessus spécifiées et auxquelles il est référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu les pièces régulièrement communiquées ;

Sur la nullité du procès-verbal de saisie-attribution :

En vertu des dispositions de l'article R 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, l'acte de saisie contient, à peine de nullité :

3° Le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d'une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d'un mois prévu pour élever une contestation.

En l'espèce, le procès-verbal de saisie attribution délivrée le 10 septembre 2020 contient bien un décompte distinguant le principal de 82 640,50 €, la somme réclamée au titre de l'article 700 à hauteur de 381,12 €, les intérêts échus à hauteur de 198 665,59 €, ainsi que les autres postes réclamés au titre des frais. Le taux des intérêts est de même précisé, ainsi que la date à laquelle ils ont débuté et celle de la majoration du taux.

Les appelants n'expliquent pas en quoi le mode de calcul des intérêts serait erroné, étant relevé qu'une erreur dans les montants n'est en tout état de cause pas de nature à entraîner la nullité de l'acte. Il est par ailleurs sans incidence que l'acte de prêt ayant donné lieu à l'ordonnance de référé du 17 novembre 1992 n'ait pas été communiqué à la débitrice, les poursuites étant fondées sur cette ordonnance, titre exécutoire se suffisant à lui seul.

Madame [M] ne peut prétendre ne pas avoir pu vérifier les montants mis en 'uvre, dans la mesure où cette ordonnance lui a été signifiée à sa personne et où elle avait ainsi parfaite connaissance du montant initial du principal, ainsi que du taux d'intérêt et de leur point de départ.

Par ailleurs, la créance ne concernant que Madame [M], le décompte des intérêts n'avait pas à intégrer la suspension de leur cours pendant la durée de la procédure collective de Monsieur [M].

Le procès-verbal de saisie attribution n'encourt, en conséquence, pas l'annulation.

Sur la nullité de l'acte de dénonciation délivrée le 16 septembre 2020 :

L'article R 211-3 du code des procédures civiles d'exécution énumère les mentions que doit comporter, à peine de nullité, l'acte

de dénonciation de la saisie-attribution au débiteur.

Il ne prévoit cependant pas que l'acte doit préciser la profession du débiteur, de sorte que le moyen soulevé par les appelants de ce fait ne peut prospérer.

Il sera relevé au demeurant au regard des dispositions combinées des articles 649, 112 à 114 du code de procédure civile, que l'irrégularité de forme susceptible d'entraîner la nullité de l'acte ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief qui en est résulté ; que les appelants n'articulent ni ne démontrent le grief qui résulterait de l'erreur dans le statut professionnel de la débitrice.

Enfin, l'article R 211-22 dispose que lorsque la saisie est pratiquée sur un compte joint, elle est dénoncée à chacun des titulaires du compte.

Cependant, les dispositions précitées n'édictent pas de sanction du fait de l'absence de dénonciation de la saisie à Monsieur [K] [M], qui n'entraîne dès lors pas la nullité de l'acte, mais seulement, le cas échéant, l'inopposabilité au cotitulaire du compte joint du délai pour agir en contestation de la saisie.

Sur le caractère saisissable du compte joint de Monsieur et Madame [M] :

Il est établi que le compte sur lequel la saisie a été pratiquée est un compte joint des époux [M], mariés sous le régime de la communauté universelle.

Aux termes des dispositions impératives de l'article 1415 du code civil, applicables à la communauté universelle, chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres.

Il résulte en l'espèce des énonciations de l'ordonnance de référé du 17 novembre 1992 que Madame [M] s'est engagée envers l'intimée au titre d'un prêt contracté conjointement avec son époux, destiné à l'aménagement de locaux dans lesquels ce dernier a exploité un commerce, qui a ultérieurement fait l'objet d'une liquidation judiciaire.

S'agissant d'un emprunt souscrit par les deux époux dans un même acte, la banque poursuivante est fondée à soutenir que chacun d'eux a nécessairement expressément consenti à l'engagement de l'autre, de sorte qu'elle a valablement pu saisir le compte joint des époux, alimenté par leurs revenus respectifs.

Les appelants ne sont pas fondés à exciper du principe de suspension des poursuites attaché au jugement d'ouverture du redressement judiciaire prononcé le 7 novembre 1990 au bénéfice de Monsieur [K] [M], dans la mesure où la créance de la banque ne concerne que Madame [M], seule débitrice à titre personnel sur le fondement de l'ordonnance de référé fondant la mesure d'exécution.

Pour les mêmes motifs, les appelants ne peuvent soutenir que la créance est éteinte au regard des dispositions de l'article L 621-46 du code de commerce, alors que la procédure collective ne concernait pas la débitrice et que la banque n'avait dès lors pas à déclarer sa créance constatée par l'ordonnance de référé précitée.

Il convient de relever que cette ordonnance, signifiée à personne à Madame [M] le 7 avril 1993 a force exécutoire, bien que n'ayant pas autorité de chose jugée au principal ; qu'elle constitue un titre exécutoire au sens de l'article L 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, constatant une créance liquide et exigible, autorisant dès lors le créancier à mettre en 'uvre la mesure de saisie attribution conformément à l'article L 211-1 du même code.

Sur la prescription :

Aux termes des dispositions de l'article L 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, l'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.

Le délai de prescription applicable à l'ordonnance de référé rendue le 17 novembre 1992, qui était initialement de trente ans, a été réduit à dix ans par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008.

En vertu de l'article 26 de cette loi, selon lequel les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, le délai de prescription raccourcie est venu à expiration le 19 juin 2018.

Les dispositions des articles 2240 et suivants du code civil prévoient l'interruption de la prescription par la reconnaissance du débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit, ainsi que par une mesure conservatoire ou un acte d'exécution forcée prise en application du code des procédures civiles d'exécution.

En l'espèce, la créancière est fondée à se prévaloir d'une interruption de prescription résultant d'un procès-verbal

d'indisponibilité du certificat d'immatriculation signifié le 23 juin 2014 et dénoncé à Madame [M] le 25 juin 2014, d'un commandement de payer aux fins de saisie vente signifié le 2 mai 2017 à Madame [M], d'un procès-verbal d'indisponibilité du certificat d'immatriculation dressé le 5 mai 2017 et dénoncé à la débitrice le 12 mai 2017, d'un commandement de payer aux fins de saisie vente signifié le 16 juillet 2019 à la débitrice, l'ensemble de ces actes d'exécution étant fondés sur l'ordonnance de référé du 17 novembre 1992 et comportant un décompte distinct des sommes réclamées en principal, intérêts échus et frais.

De même, le décompte établi par l'huissier poursuivant pour le recouvrement de la créance litigieuse permet de constater l'existence de versements réguliers par Madame [M] depuis le 11 janvier 2002, ininterrompus jusqu'au 21 juin 2018.

De ce fait, bien que les intérêts courus sur le principal constaté dans le titre exécutoire se prescrivent par cinq ans au regard des dispositions de l'article 2224 du code civil, il convient de constater qu'en raison des versements ininterrompus de la débitrice, qui reconnaissait ainsi le droit de la banque au titre de sa créance, et qui ont à chaque fois fait courir un nouveau délai de cinq ans, les sommes réclamées ne sont pas prescrites.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré valable la saisie-attribution pratiquée sur la base d'un titre non prescrit conforme aux dispositions de l'article L 111-3 du code de procédure civile d'exécution.

La demande de Madame [O] [M] tendant à la restitution de la somme de 26 194,78 € sera corrélativement rejetée.

La mesure d'exécution forcée n'étant pas abusive, il convient de rejeter la demande indemnitaire formée par les appelants sur le fondement de l'article L 121-2 du code des procédures civiles d'exécution, sur laquelle le premier juge ne s'est pas prononcé.

Sur les frais et dépens :

Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.

Partie perdante, les appelants seront condamnés aux dépens de l'instance d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et seront déboutés de leur demande fondée sur l'article 700 du même code.

Il sera fait droit à la demande de l'intimée sur le même fondement à hauteur d'une somme de 1 500 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré,

Y ajoutant,

DEBOUTE Madame [O] [W] épouse [M] de sa demande tendant à la restitution de la somme de 26 194,78 €,

DEBOUTE Madame [O] [W] épouse [M] et Monsieur [K] [M] de leur demande en dommages et intérêts,

CONDAMNE in solidum Madame [O] [W] épouse [M] et Monsieur [K] [M] à payer à la Caisse de Crédit Agricole Alsace Vosges la somme de 1 500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE Madame [O] [W] épouse [M] et Monsieur [K] [M] de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame [O] [W] épouse [M] et Monsieur [K] [M] aux dépens de l'instance d'appel.

La Greffière La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 3 a
Numéro d'arrêt : 22/00572
Date de la décision : 12/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-12;22.00572 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award