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08/12/2022 | FRANCE | N°21/01725

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 08 décembre 2022, 21/01725


MINUTE N° 551/2022

























Copie exécutoire à



- Me Christine BOUDET



- Me Valérie SPIESER





Le 08/12/2022



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 08 décembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01725 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HRPO



Décision déf

érée à la cour : 06 Janvier 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANTS et intimés incidents :



Monsieur [V] [L]

Madame [O] [J] épouse [L]

demeurant tous deux [Adresse 4]

[Localité 5]



représentés par Me Christine BOUDET, avocat à la c...

MINUTE N° 551/2022

Copie exécutoire à

- Me Christine BOUDET

- Me Valérie SPIESER

Le 08/12/2022

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 08 décembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01725 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HRPO

Décision déférée à la cour : 06 Janvier 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTS et intimés incidents :

Monsieur [V] [L]

Madame [O] [J] épouse [L]

demeurant tous deux [Adresse 4]

[Localité 5]

représentés par Me Christine BOUDET, avocat à la cour.

INTIMES et appelants incidents :

Madame [D] [F]

demeurant [Adresse 1]

Monsieur [T] [U]

demeurant [Adresse 2]

représentés par Me Valérie SPIESER, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, président de chambre

Madame Myriam DENORT, conseiller

Madame Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Dominique DONATH faisant fonction

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Dominique DONATH faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Aux termes d'un acte authentique du 16 décembre 2016, Mme [D] [F] et M. [T] [U] ont vendu aux époux [V] [L] et [O] [L] née [E] une maison d'habitation sise [Adresse 3] moyennant le prix de 370.000 €. Cette vente a été conclue par l'intermédiaire de l'agence immobilière AIC Transactions représentée par M. [G].

Les époux [L] - exposant avoir découvert, au fur et à mesure de l'occupation et de l'utilisation des lieux de nombreuses malfaçons - ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg qui a fait droit à leur demande de désignation d'un expert, selon ordonnance du 21 août 2018. M. [P], désigné en qualité d'expert judiciaire, déposait son rapport d'expertise le 04 février 2019.

Les époux [L] ont alors saisi la juridiction strasbourgeoise aux fins d'obtenir la condamnation des défendeurs à leur payer les sommes de :

- 15.348,61 € TTC au titre du préjudice matériel tel que chiffré par l'expert judiciaire,

- 5.492,00 € TTC à titre complémentaire par rapport au chiffrage de l'expert judiciaire, pour les travaux de remplacement de l'escalier,

- 10.000 € TTC au titre de leur préjudice de jouissance,

- 55.000,00 € TTC à titre de dommages et intérêts,

- 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

Par jugement du 06 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Strasbourg a condamné solidairement [T] [U] et [D] [F] :

- à verser aux époux [C] la somme de 20.180,40 € indexée sur l'indice BT 01 à compter du 4 février 2019 au titre du préjudice matériel,

- aux entiers dépens comprenant ceux de la procédure en référé dont le coût de l'expertise judiciaire,

- au paiement d'une somme de 4 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le surplus des demandes des époux [C] était rejeté, tout comme l'était la demande formulée par les requérants en vue d'obtenir la condamnation des défendeurs aux frais de recouvrement et d'exécution de la décision.

L'exécution provisoire de la décision était limitée à l'octroi d'une somme d'un montant de 15.348,61 € avec indexation.

Les époux [L] ont interjeté appel de ce jugement le 28 avril 2021.

PRETENTIONS DES PARTIES

Au terme de leurs conclusions récapitulatives notifiées par RPVA, les époux [L] sollicitent de la cour qu'elle :

Infirme partiellement le jugement entrepris

Statuant à nouveau

condamne solidairement Monsieur [U] et Mme [F] à leur payer les sommes :

* de 10 000 € au titre du préjudice de jouissance avec intérêts au taux légal à compter de la date de la date de la décision à intervenir ,

* de 55 500 € à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la date de la décision à intervenir

En tant que de besoin

Désigne tel expert qu'il lui plaira avec mission principale de donner un avis sur la moins-value éventuelle affectant l'immeuble en raison de l'absence de factures et d'assurance décennale pour plusieurs lots et la chiffrer,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

SUR APPEL INCIDENT

Le rejette

EN TOUT ETAT DE CAUSE

Condamne solidairement Monsieur [U] et Mme [F] à leur payer la somme de 10.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,

Condamne solidairement Monsieur [U] et Mme [F] à leur payer la somme de 6000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ,

Condamne solidairement les intimés aux entiers frais et dépens,

Condamne solidairement les intimés au paiement de l'intégralité des frais, émoluments et honoraires liés à une éventuelle exécution de la décision à intervenir par voie d'huissier et, en particulier, au paiement de tous les droits de recouvrement ou d'encaissement sans exclusion du droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du créancier (articles 10 à

12 du décret du 12 décembre 1996 modifié par le décret du 8 mars 2001).

Les appelants estiment que le jugement doit être confirmé en ce qu'il leur a alloué une somme de 20 180,40 euros en indemnisation leur préjudice matériel. En effet le juge a légitimement retenu qu'ils étaient en droit d'obtenir le remplacement de l'escalier pour des raisons de sécurité.

En revanche, sur l'indemnisation des autres préjudices il y aurait lieu de réformer le jugement.

Concernant le préjudice de jouissance, les époux [C] soutiennent qu'il est constitué par le fait que - depuis qu'ils ont remarqué que la douche de la salle de bain présente une fuite importante - ils ne peuvent l'utiliser pour ne pas entraîner de dégradations plus importantes. Ce n'est pas parce que l'expert ne s'est pas prononcé sur le trouble de jouissance qu'il est inexistant.

En outre, ils mettent en avant leur perte de confiance dans la solidité et la qualité de la maison de sorte qu'ils ne seraient pas 'sereins' (page 10 de leurs conclusions) craignant par exemple de voir 'la toiture s'envoler', 'de découvrir encore d'autres malfaçons'.

S'agissant de la question portant sur la moins-value, les appelants font référence aux articles 1104, 1112-1 du code civil concernant l'obligation d'information précontractuelle et 1130 du code civil portant sur les causes viciant le consentement.

Ils reprochent aux intimés de leur avoir dissimulé qu'ils ont réalisé eux-même un certain nombre de travaux et de ne pas leur avoir communiqué, avant la signature de l'acte de vente, l'avenant au contrat de maîtrise d'oeuvre dont la mission était très limitée, et de leur avoir fait croire que la maison avait été construite par un architecte.

En ne faisant pas preuve de transparence, les appelants estiment que les intimés auraient cherché à les tromper sur les qualités de la maison et que leur consentement a été vicié.

D'autre part ils estiment que le prix de revente sera nécessairement inférieur au prix auquel ils ont acheté la maison, dans l'hypothèse où ils arrivent à la vendre, et produisent à l'appui de leur argumentation deux attestations émanant des agences immobilières, 'Or Terra' (qui estime qu'il convient d'appliquer une décote de 15 % au prix de la maison du fait de l'absence d'assurance de garantie décennale sur des lots aussi importants que ceux de la couverture, de l'escalier principal, du carrelage, de l'électricité, des évacuation des eaux usées) et 'Terroine Immobilier' (qui conclut à une décote sur la valeur vénale oscillant entre 50 000 et 60 000 euros net vendeur). Ils ajoutent que la teneur de ces deux attestations est de nature à jeter le discrédit sur l'attestation produite sur le sujet par les intimés, émanant de M. [G].

Au cas où la juridiction s'estimerait insuffisamment éclairée par les pièces produites par les appelants pour pouvoir statuer, elle pourra ordonner une expertise pour obtenir un avis sur la moins-value éventuelle affectant l'immeuble en raison de l'absence de factures et d'assurance décennale pour plusieurs lots et la chiffrer.

Les appelants indiquent ne pas avoir eu accès aux factures des travaux préalablement à la signature de l'acte notarié, et que le classeur contenant lesdites factures ne leur a été remis qu'environ 2 semaines après la signature. Ce n'est qu'à sa consultation qu'ils ont pris conscience du recours très large à l'auto-construction.

Le premier juge ne pouvait alors rejeter la demande d'indemnisation des époux [C] au motif que la preuve de la faute des intimés dans la phase pré-contractuelle n'est pas rapportée alors que les appelants ont été maintenus dans l'ignorance, au moins en partie, de la situation d'auto construction.

Enfin, au sujet de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au cas d'espèce, il y aurait lieu d'infirmer le premier jugement, les 4000 euros alloués étant manifestement insuffisants.

***

Les consorts [F] et [U], dans leurs écritures notifiées par RPVA le 17 janvier 2022, demandent à la cour de bien vouloir :

Rejeter l'appel principal :

Débouter les époux [L] de leur appel, de leurs prétentions, fins et moyens.

Débouter les époux [L] de leurs demandes de condamnation des défendeurs à leur payer les sommes de 10.000 € TTC au titre de leur préjudice de jouissance, 55.000,00 € TTC à titre de dommages et intérêts (moins-value), 16.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Sur l'appel incident, réformer le jugement en ce qu'il a octroyé aux époux [L] au titre du préjudice matériel (en ce compris la reprise de l'escalier et du garde-corps) une somme de 20.180,40 euros supérieure au montant de 15.348,61 € TTC retenu par l'expert,

Statuant à nouveau :

Limiter le montant des sommes allouées aux époux [L] au titre de leur préjudice matériel (en ce compris l'escalier et le garde-corps) au chiffrage de l'expert judiciaire, à savoir 15.348,61 € TTC,

Débouter les époux [L] de leurs demandes de condamnation à leur payer les sommes de 5.492,00 € TTC à titre complémentaire par rapport au chiffrage de l'expert judiciaire pour l'escalier, 10.000 € TTC au titre de leur préjudice de jouissance, 55.000,00 € TTC à titre de dommages et intérêts,

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux [L] de leurs demandes au titre de leur prétendu préjudice de jouissance, de la prétendue moins-value (demande de 55.000 € de dommages et intérêts) ou d'expertise judiciaire,

Réformer le jugement en ce qu'il octroyé aux époux [L] une somme excessive de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Réduire à de plus justes proportions la somme allouée aux époux [L] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Débouter les époux [L] de leur demande d'expertise judiciaire.

A titre subsidiaire :

Débouter les époux [L] de leur demande consistant à donner mission à l'expert judiciaire « de donner son avis sur la moins-value éventuelle affectant l'immeuble en raison de l'absence de factures et d'assurance décennale pour plusieurs lots et la chiffrer », sinon limiter la mission de l'expert judiciaire à celle de procéder à l'évaluation de la valeur vénale du bien immobilier,

Mettre l'avance des frais d'expertise à la charge des époux [L],

Condamner les époux [L] aux dépens des deux instances et à payer une somme de l'article 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

Concernant les prétentions des époux [L] au titre de leur préjudice matériel, les intimés précisent ne pas entendre 'se défausser de leur responsabilité en qualité de «castor » (auto-constructeur)' (page 3 de leurs écritures).

Ils reconnaissaient l'existence de certains désordres relevés par l'expert judiciaire portant sur des travaux réalisés en direct par eux à savoir au niveau de l'escalier qui permet d'accéder aux différents étages de la maison et du garde-corps, au niveau de l'étanchéité de la douche de la salle de bain, des tuiles de rives, du puits de lumière et des volets roulants motorisés.

Les intimés ne comprennent pas pourquoi le tribunal s'est fondé sur le pré rapport pour décider qu'il fallait allouer une somme permettant de remplacer l'escalier, alors que le rapport définitif précisait qu'il pouvait être maintenu en ajoutant des fixations aux limons.

Aussi les consorts [F] et [U] demandent la réformation du jugement en ce qu'il a octroyé aux époux [L] une somme supérieure à 15.348,61 € TTC telle que fixée dans le rapport d'expertise au titre du préjudice matériel en ce compris la reprise de l'escalier et du garde-corps.

S'agissant du préjudice de jouissance, les intimés estiment qu'il est inexistant dans la mesure où les consorts [L] n'ont jamais cessé d'habiter la maison et en ont toujours eu le plein usage. En outre l'expert judiciaire - qui avait notamment pour mission de « déterminer s'il y a un trouble de jouissance » ou la nécessité d'entreprendre des travaux en urgence - n'a rien dit à ces sujets.

En tout état de cause, les désordres sont mineurs, et ne nécessitent qu'une reprise.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la moins-value, pour répondre aux développements des époux [L] selon lesquels les vendeurs n'auraient pas contracté de bonne foi et auraient caché une information déterminante, les intimés avancent que :

- chaque partie avait son propre notaire et que l'acte de vente a été rédigé par le notaire des acquéreurs,

- la maison n'a jamais été vendue comme une « maison d'architecte », ce que reconnaît expressément le premier juge considérant qu'il n'y avait aucun élément dans le dossier établissant qu'il s'agissait d'une vente d'une 'maison d'architecte',

- l'acte de vente, en pages 7 et 8, rédigé par le notaire des acquéreurs précisait bien qu'aucune assurance dommage-ouvrage n'a été souscrite et que seuls certains lots avaient été réalisés par des entreprises couvertes par la garantie décennale,

- il aurait été systématiquement indiqué à la fois par M. [U] et par l'agent immobilier M. [G] au moment des visites (au nombre de trois), que certains travaux avaient été réalisés en auto-construction, l'agent immobilier M. [G] en attestant sur l'honneur en des termes particulièrement clairs,

- les attestations fournies par les consorts [L] des agences immobilières 'Terroine Immobilier' et 'Or Terra' ne sauraient emporter la conviction de la cour, en ce qu'elles ne sont pas rédigées sur le modèle réglementaire et avancent des propos faux comme par exemple que le gros oeuvre a été réalisé sans facture,

- les époux [L] ne justifient pas leur allégations selon lesquelles la moins value découlerait du fait qu'en cas de revente le bien serait vendu moins cher que son prix d'acquisition ; il s'agit en tout état de cause là d'un préjudice hypothétique et non avéré, et ce d'autant plus qu'à l'issue des réparations les désordres disparaîtront,

- la demande d'expertise est infondée, en ce sens qu'il est même probable que la valeur de la maison a considérablement augmenté depuis la date de son achat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur le préjudice matériel

Le premier juge a écarté les conclusions de l'expert selon lesquelles l'escalier peut être conservé si des fixations des limons peuvent être ajoutées, solution 'qui apparaît possible' (sic l'expert). Le premier juge a qualifié cet avis de 'hypothétique' de sorte qu'il a décidé de retenir la première solution avancée par l'expert dans son pré rapport, qui consistait à changer l'escalier avec un coût de 20 180,40 euros.

L'étude du rapport et plus particulièrement de ses développements portant sur l'escalier, démontre que :

- la première volée en béton ne pose pas de difficulté,

- la deuxième et troisième volées, composées d'un double limon latéral métallique et de marches en bois, présentent des malfaçons résultant de l'absence de fixations suffisantes par vis dans la maçonnerie,

- le garde corps métallique présente lui aussi un défaut de fixation et comporte un vide trop important de 450 mm.

Pour retenir sa solution finale à 15 348,61 euros, l'expert fait référence à un devis particulièrement précis, établi par la société '[Adresse 6] le 18 décembre 2018 qui permet de conserver l'escalier et de le sécuriser.

La cour constate que toutes les malfaçons décrites par l'expert, sont résolues par le rajout de fixations supplémentaires sur chaque limon avec scellement chimique et par le remplacement intégral du garde corps.

Les appelants ne font pas la démonstration de l'inefficacité de la méthode préconisée par 'Ambiance escalier' pour assurer la stabilité de l'escalier et sa sécurité.

Dans ces conditions, force est de constater que le démontage intégral de l'escalier ne s'impose pas et qu'il existe une solution permettant de mettre fin aux désordres, comme l'expert le préconise dans son rapport final.

La solution du premier juge - tendant à ordonner le remplacement de l'escalier aux frais de M. [U] et Mme [F] - sera de ce fait infirmée.

Les intimés seront condamnés à verser la somme de 15 348,61 aux appelants au titre de ce préjudice matériel.

2) Sur la question du préjudice de jouissance

La mission confiée à l'expert, comportait notamment la phrase 'donner des éléments de nature à déterminer s'il y a un trouble de jouissance'.

M. [P] n'a pas retenu l'existence d'un tel trouble.

Les consorts [L] ne peuvent sous entendre que l'expert aurait omis de répondre à cette question.

Il est établi que les appelants n'ont jamais cessé d'habiter la maison et d'en avoir usage.

Cependant, il est établi que la douche du rez de chaussée souffre d'un défaut d'étanchéité entraînant des fuites d'eau importantes dans le sous sol.

Les allégations des appelants, selon lesquelles ils n'ont pas utilisé cette salle de bain en attendant la fin de l'expertise et la réalisation des travaux préconisés (une dépose du carrelage du sol, puis l'application d'une résine d'étanchéité) sont crédibles.

La cour indemnisera le préjudice de jouissance issu de cette non utilisation de la douche par l'allocation d'une somme de 1 500 euros.

En revanche, les allégations des appelants selon lesquelles ils souffrent d'une 'perte de sérénité', découlant du fait qu'ils n'ont plus confiance dans la solidité de leur maison, ne pourra donner lieu à une indemnisation à ce titre, en ce que ce 'sentiment', par nature subjectif, n'est pas justifié par des éléments de preuve.

3) Sur la moins value de la maison

Les époux [L] entendent se prévaloir des dispositions des articles 1104, 1112-1 et 1130 du code civil et soutiennent que les vendeurs n'auraient pas contracté de bonne foi et leur auraient caché une information déterminante, à savoir que certains travaux n'ont pas été exécutés par des entreprises, n'ont pas fait l'objet d'un suivi par un architecte et ne sont pas couverts par une garantie, de sorte que leur consentement ayant été trompé, ils auraient droit à l'octroi d'une somme de 55.000 € à titre de 'restitution d'une partie du prix qui ne pourra être inférieure à 15% du prix de vente (370.000)', au motif que la réalisation de travaux en «auto-construction diminue incontestablement la valeur de la maison ».

Il résulte de l'acte notarié de vente et de ses développements présents en pages 7 et 8 qu'il est mentionné :

- qu'aucune assurance dommage-ouvrage n'a été souscrite ;

- que le notaire a dûment informé l'acquéreur des risques que pouvait présenter pour lui l'acquisition d'un immeuble imparfaitement assuré mais que ce dernier a persisté dans son intention d'acquérir ;

- que le vendeur précise que les entreprises qui ont participé à la construction de l'immeuble ont été chargées uniquement des lots « gros-'uvre » (WEHREL), « carrelage chape » (WIRTH), «menuiserie extérieure » (MOSER), « menuiserie intérieure » (MT POSE), « sanitaire et chauffage » (ENERGIES NOUVELLES).

Il s'en évince que les acquéreurs - dûment accompagnés de leur propre notaire qui a été le rédacteur de l'acte authentique - ne peuvent aujourd'hui feindre d'avoir ignoré le fait qu'une partie des travaux de la maison n'a pas été réalisée par des professionnels du bâtiment. Les acquéreurs savaient à la simple lecture de cette liste, que les travaux de charpente, de couverture, d'électricité (qui a fait l'objet d'un avis conforme du consuel), de pose de l'escalier et du garde-corps n'ont pas fait l'objet d'interventions de professionnels, et donc n'étaient pas garantis par une assurance décennale.

Le fait que le vendeur n'ait remis les factures afférentes aux travaux pris en charge par des sociétés qu'après la signature de l'acte de vente n'a aucune incidence sur la validité de leur consentement, suffisamment éclairé sur ce point par les dispositions évoquées plus haut.

Enfin, l'agent immobilier chargé de la vente de la maison, M. [G], atteste clairement et sans équivoque que les consorts [L] ont été informés de cette situation lors des visites ; le témoin précise avoir informé les candidats acquéreurs de ce que certains travaux 'ont été réalisés par le vendeur lui-même, c'est pourquoi il n'y a pas de facture' ( = des entreprises) et que 'cette notion d'auto-construction était bien claire et énoncée lors de la visite'.

Dans ces conditions, les acquéreurs ne peuvent alors valablement soutenir que leur consentement a été vicié par dissimulation d'information avant, ou au moment de la signature de l'acte de vente, au sens de l'article 1130, ou encore que l'article 1104 et 1112-1 du code civil qui imposent que les contrats doivent être négociés et exécutés de bonne foi, et que la partie connaissant une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer.

Ils ne peuvent prétendre utilement avoir été persuadés que la maison avait été intégralement 'construite par des entreprises'.

Les pièces au dossier ne démontrent pas que M. [U] et Mme [F] ont commis une faute de dissimulation à l'égard des appelants, qui ne produisent aucun élément de preuve portant sur cette question, les attestations émanant des agences immobilières Or Terra et Terroine Immobilier, n'étant nullement de nature à établir l'existence d'une faute de dissimulation d'information de la part de M. [U] et Mme [F].

Dans ces conditions il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point, et de rejeter corrélativement d'une part la demande d'indemnisation formée par les consorts [L], d'autre part leur demande subsidiaire de désignation d'un expert.

4) Sur les autres demandes de réformation

Les consorts [L] estiment que la somme qui leur a été octroyée en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile serait insuffisante.

Cependant, sachant que l'intégralité des frais et coût de l'expertise ont été mis à la charge de M. [U] et Mme [F], la somme de 4000 euros qui leur a été allouée au titre de ces dispositions ne paraît nullement dépourvue de sens.

La décision sera confirmée, tant sur la question des dépens, que de l'article 700 du code de procédure civile.

5) Sur les frais de l'instance d'appel

Chacune des parties en présence ayant obtenu partiellement gain de cause, les dépens seront partagés à part égale, chacune d'entre elle supportant la moitié.

Il sera en outre équitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au cas d'espèce.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 6 janvier 2021 sauf en ce qu'il a

* condamné solidairement M. [T] [U] et Mme [D] [F] à verser aux époux [L] [E] la somme de 20.180,40 € indexée sur l'indice BT 01 à compter du 4 février 2019 au titre du préjudice matériel,

* rejeté la demande des époux [L] [E] tendant à obtenir indemnisation de leur préjudice de jouissance,

statuant à nouveau sur ces seuls points:

* CONDAMNE solidairement M. [T] [U] et Mme [D] [F] à verser à M. [V] [L] et Mme [O] [L] née [E] la somme de 15 348,61 euros (quinze mille trois cent quarante huit euros et soixante et un centimes) indexée sur l'indice BT 01 à compter du 4 février 2019 au titre du préjudice matériel,

* CONDAMNE solidairement M. [T] [U] et Mme [D] [F] à verser à M. [V] [L] et Mme [O] [L] née [E] la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) augmentée des intérêts au taux légal à compter de ce jour au titre de leur de jouissance,

y ajoutant

- REJETTE la demande d'expertise formulée par les époux [L] [E]

- PARTAGE les dépens par moitié et dit que M. [V] [L] et Mme [O] [L] née [E] en supporteront la moitié, M. [T] [U] et Mme [D] [F] supportant l'autre moitié,

- DIT n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/01725
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;21.01725 ?
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