La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/12/2022 | FRANCE | N°20/02464

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 08 décembre 2022, 20/02464


MINUTE N° 545/2022



























Copie exécutoire à



- Me Noémie BRUNNER



- la SELARL LEXAVOUE COLMAR





Le 08/12/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 8 décembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/02464 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HMJL



Déc

ision déférée à la cour : 23 Juin 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANT et intimé sur appel incident :



Monsieur [Z] [N]

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Noémie BRUNNER, avocat à la cour.





INTIMES et appelant sur appel inci...

MINUTE N° 545/2022

Copie exécutoire à

- Me Noémie BRUNNER

- la SELARL LEXAVOUE COLMAR

Le 08/12/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 8 décembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/02464 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HMJL

Décision déférée à la cour : 23 Juin 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANT et intimé sur appel incident :

Monsieur [Z] [N]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Noémie BRUNNER, avocat à la cour.

INTIMES et appelant sur appel incident :

Monsieur [O] [F]

Madame [I] [F]

demeurant ensemble [Adresse 2]

représentés par la SELARL LEXAVOUE COLMAR, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre, et Madame Myriam DENORT, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, conseiller

Madame Myriam DENORT, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 29 septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Ayant acquis une maison d'habitation à [Localité 3] (67), M. [O] [F] et Mme [I] [F] ont confié à M. [Z] [N] des travaux de rénovation de cet immeuble, selon devis accepté le 15 juillet 2014, d'un montant total de 170 000 euros. Les travaux ont commencé en décembre 2014 et les époux [F] ont aménagé en juin 2015, alors que les travaux n'étaient pas achevés, la deuxième des trois tranches de travaux prévues étant en cours.

Les époux [F] ont versé trois acomptes d'un montant total de 107 666 euros, le premier, de 17 000 euros, lors de la signature du devis, et les deux suivant, de 45 333 euros chacun, en décembre 2014 puis en février 2015. Les relations contractuelles ont été rompues avant la fin de la réalisation de la deuxième tranche de travaux et M. [N] a restitué un montant de 13 000 euros sur les acomptes perçus.

Les époux [F] ont saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg d'une demande de dommages-intérêts dirigée à son encontre et, par jugement du 23 juin 2020, le tribunal, devenu le tribunal judiciaire de Strasbourg a condamné M. [N] à leur payer les sommes de 22 759,81 euros et de 4 793 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement.

Il a débouté les époux [F] de leur demande en réparation du préjudice moral et, déboutant M. [N] de sa demande reconventionnelle, il l'a condamné aux dépens et à payer aux époux [F] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Soulignant qu'en l'absence de réception des travaux, la demande des époux [F] était fondée sur la responsabilité de droit commun, et rappelant l'obligation de résultat du constructeur dans l'exécution du contrat, le tribunal a retenu, en réparation du préjudice matériel des époux [O], les montant suivants :

- 29 985,56 euros pour réaliser l'isolation thermique extérieure prévue au devis et non réalisée, le défendeur ne contestant ni l'absence d'isolation, ni le montant du devis,

- 5 060 euros pour terminer les travaux de parquet et d'escalier, qui avaient été poncés mais non vernis, ainsi qu'en attestait un constat d'huissier, M.[N] ne contestant pas le montant du devis,

- 714,25 euros pour une réfection de carrelage dans les salles de bain, un constat d'huissier attestant des malfaçons et M. [N] ne contestant pas le montant du devis produit.

Un montant de 13 000 euros ayant déjà été remboursé par M. [N] aux époux [F], au titre des travaux non réalisés, le préjudice matériel s'élevait, non pas à 35 759,81 euros mais à 22 759,81 euros.

Le tribunal a également retenu un montant de 4 793 euros au titre du remplacement d'un auvent et du poteau d'entrée enlevés par M. [N], selon l'attestation d'une voisine, le montant des devis produits n'étant pas contesté.

Le tribunal a par ailleurs retenu qu'en l'absence de délai contractuellement prévu pour la réalisation des travaux et de mise en demeure de les terminer, l'aménagement de la

famille [F] en juin 2015 s'était effectué à leurs risques et périls, leur préjudice de jouissance n'ayant pas été causé par une faute de M. [N]

Sur la demande reconventionnelle de M. [N] portant sur un montant de 10 766,67 euros, représentant 10 % du montant des travaux qui, selon lui, devait être réglés à la fin de chantier, le tribunal a relevé qu'avec raison, les parties, étaient convenues, lors de la rupture du contrat, que le paiement serait à la hauteur des travaux effectivement réalisés, ce dont il résultait que la somme de 10 % du montant des travaux devant être versée à la réception du chantier, réclamée par M. [N], était mal fondée.

M. [N] a interjeté appel de ce jugement par déclaration datée du 25 août 2020.

Par une ordonnance de référé du 24 mars 2021, le magistrat délégué par la première présidente de la cour a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire de ce jugement, condamnant les époux [F] aux dépens de cette instance et rejetant les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses conclusions transmises par voie électronique le 6 mai 2021, M. [N] sollicite l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté les époux [F] de leur demande formée au titre du préjudice moral.

Il sollicite que la cour, statuant à nouveau, déboute les époux [F] de l'ensemble de leurs demandes et les condamne solidairement à lui verser la somme de 10 766,67 euros au titre de la quote-part de 10 % du prix pour les travaux terminés.

Subsidiairement, si une quelconque condamnation devait être prononcée à son encontre, il sollicite des délais de grâce sur une période de 24 mois.

En tout état de cause, l'appelant demande la condamnation in solidum des époux [F] à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des procédures de première instance et d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de ces procédures.

Tout d'abord, M. [N] soutient qu'aucun délai contractuel n'avait été fixé et qu'il n'a pris aucun engagement à ce titre, concernant la réalisation des travaux qui ont été effectués dans des délais raisonnables, compte tenu des circonstances. Les époux [F] ont décidé unilatéralement d'aménager en début de chantier, ce qui a considérablement compliqué ses travaux.

Par ailleurs, l'appelant conteste les malfaçons et dégâts allégués par les époux [F], faisant valoir que le rapport d'expertise du 25 mai 2016 sollicité par l'assurance mentionne que, lors d'une réunion sur site du 10 mai 2016, M. [F] a précisé ne pas avoir constaté de malfaçons et que l'huissier de justice qui en a relevé n'a fait que reprendre les allégations de son mandant dans son constat qui est en contradiction avec un rapport d'expertise postérieur.

M. [N] ajoute que la fin anticipée de la relation contractuelle a été décidée par les époux [F], avant de donner lieu à un accord sur le versement, par lui-même à ces derniers, d'un montant de 13 000 euros en remboursement d'une partie de l'acompte réglé pour la seconde tranche, en compensation des travaux de celle-ci non réalisés, en l'absence d'achèvement de la cuisine, de l'isolation, du carrelage de la salle de bain et de la rénovation des escaliers.

L'appelant soutient que son versement de 13 000 euros devait solder les comptes entre les parties et qu'en l'acceptant, les époux [F] ont considéré comme effective la rupture des relations contractuelles intervenue dès février 2016 d'un commun accord, aucun abandon de chantier n'étant à déplorer et les intimés l'ayant ainsi relevé de son obligation d'achever les travaux en cause. Ils ne peuvent donc lui réclamer des frais d'achèvement de certains postes (isolation, vitrification). De plus, M. [N] souligne que seuls des devis sont produits et non pas des factures, alors que la fin de leurs relations contractuelles date de début 2016. Enfin, il conteste la réfection de carrelage fondée sur le constat d'huissier et tout frais de cette nature.

Concernant les dommages causés à un poteau et à un auvent que lui imputent les époux [F], l'appelant fait valoir que ces derniers ne fournissent aucun élément de preuve de la réalité de ces dégâts et de sa responsabilité à ce titre, la seule attestation de témoin produite, non recevable car ne reprenant pas la formule de l'article 441-7 du code pénal, étant particulièrement imprécise, de même que le constat d'huissier, et seuls des devis étant là aussi produits, dont il conteste les montants.

Par ailleurs, les intimés n'ont jamais exposé en quoi consisterait le préjudice moral qu'ils invoquent, de même que le trouble de jouissance, en l'absence de délai fixé pour réaliser des travaux et de concertation concernant la décision d'aménager au cours de ces derniers.

À l'appui de sa demande reconventionnelle, M. [N], qui rappelle qu'avait été convenu contractuellement le règlement, à la fin des travaux, d'un montant représentant 10 % du prix total de ces derniers, fait valoir qu'il a totalement terminé la première tranche des travaux et 90 % de la deuxième tranche, et que les époux [F] l'ont empêché de terminer ses prestations, l'ayant ainsi privé du solde du prix forfaitaire des travaux. Il s'estime en droit de prétendre à la quote-part des 10 % pour chaque tranche terminée, soit 5 666,67 euros pour la première tranche et 5 100 euros pour la deuxième.

A titre infiniment subsidiaire, l'appelant sollicite des délais de grâce sur une période de 24 mois, soulignant que ces derniers peuvent être sollicités en tout état de cause, y compris pour la première fois en appel.

Il indique exercer désormais une activité d'intérimaire, avoir perçu des revenus imposables de 2 051 euros par mois en 2019 et percevoir des aides sociales de 494 euros, ayant, avec son épouse, sans emploi, cinq enfants à charge, dont l'aîné, âgé de 20 ans (né en 2000), est actuellement scolarisé à la [4] de [Localité 5]. Il évoque des charges de 1 892 euros par mois, Sa situation financière étant particulièrement fragile et le domicile familial en péril.

Par leurs conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 1er octobre 2021, les époux [F] sollicitent que leur appel incident soit déclaré recevable et bien fondé et que les demandes de M. [N] soient, quant à elles, déclarées irrecevables, à tout le moins mal fondées et qu'il en soit débouté.

Les intimés sollicitent la confirmation du jugement, sauf en ce qui les a déboutés de leur demande en réparation du préjudice moral et que la cour, statuant à nouveau, déboute M. [N] de l'ensemble de ses demandes et le condamne à leur verser :

- la somme de 35 759,81 euros au titre du préjudice matériel subi,

- la somme de 4 793 euros au titre des dommages engendrés par sa présence sur le chantier,

- la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral.

En tout état de cause, les époux [F] sollicitent la condamnation de M. [N] aux entiers frais et dépens de l'instance ainsi qu'à leur régler la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils demandent que leur soient réservés « tous les autres droits, dus, moyens et actions.»

Observant que l'entreprise individuelle de M. [N] n'est plus inscrite au RCS depuis le 5 juillet 2015, les époux [F] indiquent fonder leur demande sur la responsabilité civile contractuelle de M. [N], dont une partie des travaux est entachée de vices, de malfaçons et de non-façons, en l'absence de réception intervenue.

Ils invoquent précisément une obligation de résultat de l'entrepreneur de travaux vis-à-vis de ses clients et ajoutent que la réalisation défectueuse de ses travaux et l'abandon du chantier dès juillet 2015 suffisent à déduire l'inexécution de son obligation.

Sur l'abandon du chantier, les époux [F] affirment tout d'abord avoir résilié le bail de leur habitation après avoir reçu une assurance concernant la date à laquelle ils pourraient emménager dans leur maison, soulignant que cet emménagement est intervenu presque un an après la signature du devis et le versement du premier acompte, ce qui était largement suffisant pour la réalisation de ces travaux.

Les époux [F] reprochent à M. [N] d'avoir abandonné le chantier, qu'il a d'abord délaissé du 1er juillet au 5 septembre 2015, eux-mêmes ayant résilié le contrat conclu avec lui. Ils précisent que cette résiliation ne concernait que la troisième tranche des travaux et qu'elle ne devait prendre effet qu'après l'achèvement de la deuxième tranche. Or, les deux premières tranches n'ont jamais été terminées, ainsi que le démontre un constat d'huissier du 30 mars 2016, ce dont il résulte que les travaux ne sont toujours pas achevés.

Les époux [F] reprochent également à M. [N] des malfaçons dans les travaux réalisés, contestant avoir dit devant l'expert qu'il n'existait aucune malfaçon et précisant que M. [F] entendait dire alors que les malfaçons affectant les travaux de M. [N] étaient rattrapables et ne risquaient pas de provoquer l'effondrement de la maison.

Ils font valoir que, tant l'expert que l'huissier de justice, dans son constat du 30 mars 2016, ont constaté de nombreuses malfaçons.

Par ailleurs, les époux [F] contestent tout accord entre les parties relatif au remboursement, par M. [N], des frais avancés pour les travaux de la deuxième tranche non effectués, à hauteur de 13 000 euros, et ils affirment n'avoir jamais reçu le courrier que l'appelant prétend leur avoir adressé.

Ils soutiennent avoir, pour leur part, demandé le remboursement de la somme totale de 31 000 euros représentant leur évaluation des travaux non effectués, ajoutant que les parties se sont accordées sur un remboursement par échéances, compte tenu des difficultés financières de M. [N], le versement de 13 000 euros effectué le 26 mars 2016 correspondant à la première échéance. Ils précisent avoir réitéré leur demande de versement de la somme totale de 31 000 euros pour les travaux non effectués, lors de l'expertise amiable de mai 2016, M. [N] s'étant engagé à soumettre à l'expert sa propre estimation du montant des frais à rembourser, ce qu'il n'a jamais fait.

Concernant leur préjudice matériel, les époux [F] reprennent les motifs du jugement déféré sur le montant de 35 759,81 euros, soulignant que M. [N] a été mis en demeure par un courrier du 3 janvier 2017. Sur le montant de 4 793 euros au titre des travaux de remplacement de la marquise au-dessus de la porte d'entrée et du poteau à l'entrée de la cour, les époux [F] font valoir que l'attestation qu'ils produisent est suffisamment probante, l'entreprise de M. [N] ayant été la seule présente sur le chantier au moment où ces dégradations ont été commises. De plus, cette attestation reproduit bien les dispositions de l'article 441-7 du code pénal.

Par ailleurs, les époux [F] affirment avoir subi un préjudice moral en raison du retard pris par le chantier, ainsi qu'un préjudice de jouissance dans la mesure où, M. [N] n'ayant pas respecté son engagement selon lequel ils pouvaient emménager mi juin 2015, ils ont été contraints d'habiter dans une maison en chantier, ce qui ne leur a pas permis de jouir paisiblement de leur bien, et alors que les malfaçons affectant les travaux réalisés par M. [N] (installation électrique non conforme aux normes en vigueur, peinture « hasardeuse » dans la pièce de vie et parquet mal posé à l'étage) ne leur permettaient pas une vie saine.

Sur la demande reconventionnelle de M. [N], les époux [F] soulignent que c'est en raison du comportement de ce dernier que le chantier n'est pas parvenu à son terme, invoquant son abandon du chantier, contestant l'avoir empêché de poursuivre les travaux correctement. De plus, non seulement le chantier n'a pas été mené à son terme mais l'appelant a perçu des sommes supérieures au coût des travaux effectués.

Enfin, les intimés soutiennent que la demande de délai de grâce formulée par M. [N] en appel est, s'agissant d'une demande nouvelle, irrecevable.

Subsidiairement, sur le fond, ils soulignent que leur créance remonte à l'année 2015, que M. [N] a souscrit des crédits dans l'intervalle, qu'il doit rapporter la preuve des charges qu'il invoque, et qu'il ne donne aucune information sur son patrimoine et son épargne, ne justifiant que de ses revenus de 2019. De plus, il est en mesure de dégager plus de 300 euros par mois.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 1er février 2022.

MOTIFS

I ' Sur les demandes des époux [F]

- Sur la responsabilité de M. [N]

Le fondement sur lequel la responsabilité de l'appelant est recherchée n'est pas réellement contesté, s'agissant de la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur,

aucune réception n'étant intervenue puisque le contrat de louage d'ouvrage ayant lié les parties a été résilié avant l'achèvement des travaux.

- Sur l'accord invoqué par M. [N] concernant le montant de 13 000 euros reversé aux époux [F]

Au soutien de ses allégations relatives à un accord des époux [F] relatif au remboursement, par lui, d'une somme de 13 000 euros qu'ils avaient réglés au titre des travaux non réalisés lors de la résiliation du contrat, M. [N] produit copie d'un écrit signé de sa part, adressé à M. [F] et expliquant qu'il ne pourra satisfaire à leur demande tendant à ce qu'il leur restitue la somme de 19 000 euros correspondant au coût de la cuisine et de la salle de bain et à ce qu'il refasse le carrelage de la salle de bain et rénove les escaliers, tout en indiquant leur avoir adressé un planning pour ces travaux. Il propose de lui verser la somme de 13 000 euros, affirmant qu'il ne peut régler un montant plus élevé.

Cependant, l'appelant ne verse aux débats aucune preuve de ce que sa proposition a été acceptée par les époux [F], en solde de leurs comptes, comme il l'affirme, étant observé que ces derniers contestent même l'avoir reçue. De plus, cette proposition incluait également la reprise du carrelage de la salle de bain et la rénovation des escaliers, qui n'ont pas été réalisées. Enfin, l'attestation de paiement signée conjointement par M. [F] et lui-même le 26 mars 2016, selon laquelle le maître de l'ouvrage reconnaît avoir été payé de la somme de 13 000 euros au total, ne constitue qu'une preuve du paiement de cette somme, mais nullement celle de ce qu'il s'en est satisfait.

Dès lors, force est de constater qu'aucun accord contractuel intervenu entre les parties ne s'oppose à ce que les époux [F] puissent réclamer, au titre de travaux non achevés comme de désordres imputables à l'appelant, un montant supérieur aux 13 000 euros qu'ils ont déjà reçus de M. [N] en restitution d'une partie des acomptes versés à ce dernier.

- Sur la réparation du préjudice matériel

* Sur l'isolation thermique extérieure

Il résulte du document intitulé « Travaux et acomptes » signé le 4 décembre 2012 par M. [N] et M. [F], faisant apparaître le contenu des trois tranches de travaux successives convenues entre les parties et le montant des acomptes correspondant, que chaque tranche de travaux incluait des travaux d'isolation, les 2ème et 3ème mentionnant des travaux d'isolation extérieure, que M. [N] ne prétend nullement avoir réalisés, alors qu'il en avait toute possibilité avant la résiliation du contrat à l'initiative du maître de l'ouvrage. L'appelant a donc commis une faute en n'achevant pas ces travaux d'isolation sans motif légitime, alors qu'il avait perçu du maître de l'ouvrage la rémunération prévue à ce titre et que la résiliation du contrat est intervenue 17 mois après la signature du devis.

C'est pourquoi, étant observé qu'aucun document contractuel ne permet de déterminer le chiffrage précis de ces travaux d'isolation prévu par l'appelant, il y a lieu de faire droit à la demande des intimés tendant à ce que le préjudice relatif à l'absence de leur réalisation soit fixé au montant de 29 985,56 euros, qui correspond au montant du devis du 26 octobre 2016 émis par la SARL Nord Isolation, produit par les intimés.

En effet, quand bien même ce devis est ancien, il suffit au chiffrage de ces travaux, sans que la production d'une facture soit nécessaire à cette fin.

* Sur les travaux de rénovation de l'escalier et des parquets

Le constat d'huissier du 30 mars 2016 produit par les intimés fait apparaître l'absence d'achèvement de la rénovation de l'escalier, dont les marches ont seulement été poncées, le bois étant resté à nu. Il convient de souligner que l'absence de réalisation de la rénovation de l'escalier a été expressément admise par M. [N] dans son écrit non daté adressé à M. [F], évoqué plus haut. Ce dernier a donc là aussi commis une faute en n'achevant pas ces travaux sans motif légitime, alors qu'il avait perçu du maître de l'ouvrage la rémunération prévue à ce titre. Les mêmes observations que celles émises plus haut peuvent être faites concernant le chiffrage de ce poste de préjudice relatif à des travaux inachevés et il y a donc lieu de prendre en compte à ce titre le devis de la société Carrelages Lang produit par les intimés, d'un montant de 5 060 euros.

* Sur la réfection du carrelage des salles de bain

Le constat d'huissier du 30 mars 2016 produit par les intimés fait apparaître des défauts d'alignement et de planéité dans la pose du carrelage, précisément des bosses, manques et débordements, ainsi que des effritements de celui-ci, les mêmes désordres concernant la faïence. Il convient de souligner que le courrier du 7 février 2016 adressé par M. [F] à l'appelant a mentionné des malfaçons concernant le carrelage et la réfection de ce carrelage a été expressément admise par M. [N], dans son écrit non daté adressé à M. [F], évoqué plus haut.

De plus, au vu de la clarté du constat d'huissier de justice et de ce courrier, les observations de l'expert d'assureur des maîtres de l'ouvrage, dans le rapport d'expertise amiable, selon lesquelles M. [F] aurait précisé ne pas avoir constaté de malfaçons, n'apparaissent pas crédibles et ne peuvent être prises en compte, dans la mesure où les intimés ont initié le constat d'huissier un mois auparavant pour faire constater les inachèvements et désordres affectant les travaux réalisés par M. [N], qu'ils les ont évoqués également dans leur courriel du 10 février 2016, ainsi que dans les échanges avec M. [N], y compris par l'intermédiaire de leur conseil. D'ailleurs, ce rapport d'expertise amiable mentionne lui-même le manque de planimétrie de certains carreaux. La responsabilité de l'appelant, qui se trouve à l'origine de ces désordres affectant le carrelage de la salle de bain et a ainsi manqué à son obligation de résultat de fournir un ouvrage exempt de vices, est donc établie.

Les mêmes observations que celles émises plus haut peuvent être faites concernant le chiffrage de ce poste de préjudice et il y a donc lieu de prendre en compte à ce titre le devis de la société Carrelages Lang produit par les intimés, d'un montant de 714,25 euros.

Il résulte de l'ensemble des éléments développés ci-dessus que c'est à bon droit que le tribunal a relevé que le coût total de l'achèvement des travaux de la 2ème tranche non réalisés par l'entrepreneur et celui de la réparation des désordres causés par l'appelant s'élèvent au total à 35 759,81 euros, dont doit être déduit celui de 13 000 euros déjà remboursé par ce dernier sur le 3ème acompte réglé par les maître de l'ouvrage, relatif à la seconde tranche de travaux inachevée, si bien que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a condamné M. [N] à verser aux intimés la somme de 22 759,81 euros, après déduction de ce montant.

* Sur les dégâts occasionnés pendant les travaux

Le constat d'huissier du 30 mars 2016 mentionne la présence d'un poteau du portail qui n'est pas en béton mais en profilé métallique en T, sur lequel les gonds du portail ont été soudés. Il évoque également la présence de vestiges d'un poteau en béton sous le profilé métallique et, par ailleurs, des « vestiges de points d'ancrage d'une marquise ou d'un auvent » au-dessus de la porte d'entrée, M. [F] ayant expliqué que le poteau avait été percuté par M. [N] avec une pelleteuse et que la marquise avait été enlevée par l'entrepreneur afin de réaliser l'isolation extérieure, qui n'était pas posée à ce jour.

Une voisine, Mme [W], épouse [U], écrit dans une attestation du 2 mai 2018 qu'avant le démarrage des travaux, en décembre 2014, il y avait une marquise vitrée au-dessus de la porte d'entrée ainsi qu'un poteau à gauche de l'entrée dans la cour, mais qu'au début des travaux, ces deux éléments ont été enlevés par l'entreprise présente sur le chantier.

Il en résulte des preuves suffisantes que le poteau a été détérioré et la marquise enlevée par l'appelant à l'occasion des travaux qui lui avaient été confiés par les époux [F] et qu'en conséquence et à défaut de réfection du poteau et de remise en place de la marquise, dont il ne révèle nullement le lieu où il l'a entreposée, il doit aux maîtres de l'ouvrage la réparation du préjudice causé par cette faute de sa part. A ce titre, il convient de prendre en compte les devis produits par les intimés, étant observé que sera privilégié le devis d'un montant de 1 232 euros de la société RC Denis, qui concerne le remplacement du seul poteau en béton, et non pas celui de la société Seybel Fils, qui inclut également le remplacement du poteau détérioré, mais aussi celui du second poteau et du portail avec pose d'une gâche électrique.

En revanche ce dernier devis sera retenu, s'agissant du remplacement de la marquise, ce qui représente 2 967,50 euros HT, soit 3 561 euros TTC. Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné M. [N] à régler aux époux [F] la somme de 4 793 euros au titre des dégradations causées durant les travaux.

- Sur la réparation du préjudice moral et du préjudice de jouissance

Ni le devis du 10 juillet 2014, ni aucun document contractuel n'a fixé de délai à M. [N] pour effectuer les travaux. Si ce dernier affirme que ceux-ci ont été ralentis par l'aménagement prématuré de la famille [F], il ne conteste pas que celui-ci n'a eu lieu qu'en juin 2015, soit près d'un an après la signature du devis entre les parties, ce dont il résulte que l'appelant a disposé d'un délai raisonnable pour achever les travaux et que ses manquements sont donc à l'origine d'un préjudice de jouissance pour les maître de l'ouvrage, mais aussi d'un préjudice moral résultant de tous les désagréments auxquels ces derniers ont dû faire face, suite à ces manquements.

Ces deux préjudices justifient l'octroi d'une indemnisation aux époux [F]. Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté leur demande présentée à ce titre et M. [N] sera condamné à leur régler la somme de 1 500 euros en réparation de ces postes de préjudice.

II - Sur les demandes reconventionnelles de M. [N]

A - Sur la demande de la quote-part des 10 % du prix total des travaux

Le document contractuel intitulé « Travaux et acomptes » mentionne, ainsi qu'il a été rappelé plus haut, le paiement, par les époux [F], de trois acomptes d'un montant total de 107 666 euros, le premier, de 17 000 euros, lors de la signature du devis, et les deux suivants, de 45 333 euros chacun, en décembre 2014 puis fin février 2015, lors de la première puis de la deuxième tranche de travaux. Un autre acompte de 45 333 euros devait être réglé lors de la troisième tranche de travaux, qui n'a pas été réalisée, et un dernier acompte de 10 % devait l'être à la fin des travaux. Le devis avait quant à lui prévu des acomptes successifs de 10 %, 40 %, 40 % et 10 % à la réception.

En tout état de cause, tant le devis que le document intitulé « Travaux et acomptes », seuls documents contractuels faisant état des différents acomptes, mentionnent que le dernier acompte de 10 % du montant total des travaux était dû à leur terme, ce dont il résulte que la demande de M. [N] tendant à son paiement ne peut qu'être rejetée.

B - Sur la demande de délai de grâce

En application de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Cette demande peut être formée en tout état de cause, même pour la première fois en appel.

Dans la situation présente, M. [N] justifie avoir perçu des revenus imposables de 24 620 euros en 2019, soit 2 051 euros/mois. Le couple ayant 5 enfants de 7 ans à 21 ans, il partage avec son épouse, qui ne percevait que les prestations familiales de 494 euros/mois en 2020, le remboursement d'un prêt immobilier aux mensualités de 754,25 euros, d'un second prêt à raison de 168,55 euros, et l'ensemble des charges courantes ainsi que les frais relatifs à l'entretien et l'éducation des enfants.

Au vu des revenus de l'appelant et du montant de sa dette à l'égard des époux [F], la mise en place d'un échéancier de 24 mois pour la régler apparaît totalement irréaliste et sa demande de délais de paiement ne peut qu'être rejetée.

III - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant pour l'essentiel confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais non compris dans les dépens.

Les demandes de M. [N] étant toutes rejetées, il sera condamné aux dépens d'appel.

Pour les mêmes motifs, il ne serait pas équitable de laisser à la charge des époux [F] les frais non compris dans les dépens, engagés par ces derniers en appel. En conséquence, il sera fait droit à leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 2 000 euros.

En revanche, M. [N] sera débouté de sa demande formulée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement rendu entre les parties par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 23 juin 2020, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de M. [O] [F] et de Mme [I] [F] en réparation de leur préjudice de jouissance et de leur préjudice moral,

INFIRME le jugement entrepris de ce seul chef,

Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant au jugement,

CONDAMNE M. [Z] [N] à payer à M. [O] [F] et Mme [I] [F] la somme totale de 1 500,00 (mille cinq cents) euros en réparation de leur préjudice de jouissance et de leur préjudice moral,

CONDAMNE M. [Z] [N] aux dépens d'appel,

CONDAMNE M. [Z] [N] à payer à M. [O] [F] et Mme [I] [F] la somme de 2 000,00 (deux mille) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de M. [Z] [N] présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/02464
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;20.02464 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award