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08/12/2022 | FRANCE | N°20/00620

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 08 décembre 2022, 20/00620


MINUTE N° 548/2022





























Copie exécutoire à



- Me Joseph WETZEL



- Me Patricia CHEVALLIER

-GASCHY





Le 08/12/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 8 décembre 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/00620 - N° Portalis DBVW-V-B

7E-HJGV



Décision déférée à la cour : 30 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de MULHOUSE





APPELANT et intimé sur appel incident :



Monsieur [B] [A]

demeurant [Adresse 4].



représenté par Me Joseph WETZEL, avocat à la cour.





INTIMÉES et appe...

MINUTE N° 548/2022

Copie exécutoire à

- Me Joseph WETZEL

- Me Patricia CHEVALLIER

-GASCHY

Le 08/12/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 8 décembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/00620 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HJGV

Décision déférée à la cour : 30 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de MULHOUSE

APPELANT et intimé sur appel incident :

Monsieur [B] [A]

demeurant [Adresse 4].

représenté par Me Joseph WETZEL, avocat à la cour.

INTIMÉES et appelantes sur incident :

Madame [E] [T] [A] épouse [Y]

demeurant [Adresse 5]

Madame [O] [A] épouse [S]

demeurant [Adresse 2]

représentées par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 Septembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Mme Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN.

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 10 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

M. [B] [A], Mmes [E] [A], épouse [Y] et [O] [A], épouse [S] sont les héritiers en ligne directe de M. [V] [A] et de Mme [D] [G] [I], épouse [A] décédée le 5 août 2016.

Aucun accord amiable n'ayant pu être trouvé par les co-partageants, le tribunal d'instance de Mulhouse a été saisi par Mmes [E] et [O] [A] aux fins d'ouverture d'une procédure de partage judiciaire.

Le 13 avril 2017, ledit tribunal y a donné suite favorable et a nommé pour ce faire, Me [C], notaire à [Localité 7].

Un premier procès-verbal des débats a été établi en date du 7 décembre 2017 devant le notaire et le 12 avril 2018, un procès-verbal a été dressé faisant état de plusieurs difficultés, ce qui a amené Mmes [E] et [O] [A] à saisir le tribunal de grande instance de Mulhouse pour les régler.

Par jugement du 30 décembre 2019, ce tribunal a notamment:

- dit que le reliquat de la parcelle à hauteur de 5,26 ares issue de la division de la parcelle [Cadastre 1] était attribué préférentiellement à M. [B] [A] pour une valeur de 15 024,19 euros l'are ;

- ordonné à M. [B] [A] de procéder à la restitution du solde du compte ouvert à son nom au Crédit Mutuel d'[Localité 6] sous le n°[XXXXXXXXXX03] entre les mains de Maître [C] et de produire le contrat de souscription et l'historique du compte, le tout sous astreinte ;

- débouté M. [B] [A] de sa demande tendant à ce que Mme [E] [A] soit condamnée à rapporter à la succession une indemnité d'occupation ;

- débouté Mmes [E] et [O] [A] de leur demande de dommages et intérêts au titre d'une résistance abusive ;

- débouté M. [B] [A] de sa demande tendant à obtenir le remboursement par Mmes [E] et [O] [A] de leur quote-part sur la somme de 15 054,43 euros ;

- débouté M. [B] [A] de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de Mmes [E] et [O] [A] ;

- débouté Mmes [E] et [O] [A] de leur demande de dommages et intérêts au titre d'une procédure dilatoire ;

- dit qu'en équité chaque partie supportera la charge de ses frais irrépétibles;

- condamné M. [B] [A] aux dépens de l'instance ;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision en ce compris s'agissant des dépens de l'instance.

S'agissant du compte ouvert par M. [A] au Crédit Mutuel d'[Localité 6] sous le n°[XXXXXXXXXX03] et de la demande de rapport de sommes, le tribunal a exposé qu'il était constant que ce compte contenait des fonds appartenant exclusivement à la défunte [G] [I] devant revenir à la succession, M. [A] indiquant que le solde de ce compte était de 11 000 euros sans toutefois le justifier.

Considérant que le rapport de ce solde ainsi que la production de l'historique du compte étaient nécessaires à la reconstitution par le notaire de l'actif successoral aux fins de partage, il a ordonné sous astreinte, à M. [B] [A] de procéder à la restitution du solde de ce compte entre les mains de Maître [C] et de produire le contrat de souscription et l'historique du compte.

Précisant qu'il résultait du procès-verbal de difficulté du 12 avril 2018 que la contestation portait sur l'occupation par Mme [E] [A] du temps du vivant de la mère des co-partageants, le tribunal a considéré que, sous-couvert d'une demande d'indemnité d'occupation, M. [B] [A] sollicitait que Mme [E] [A] rapporte à la succession l'avantage indirect né de son occupation du logement de la défunte à titre gratuit pendant seize ans. Se fondant sur les dispositions de l'article 843 du code civil et faisant état de ce que, seule une libéralité, laquelle supposait un appauvrissement du disposant, était rapportable à la succession, le tribunal a considéré qu'il était constant que la cohabitation de Mme [E] [A] avec sa mère n'avait pas entraîné d'appauvrissement de la masse successorale puisque Mme [G] [I] avait continué à jouir du logement jusqu'à son décès et qu'il s'agissait de déterminer si cette dernière avait entendu gratifier particulièrement sa fille par l'octroi d'une occupation de son logement, la charge de la preuve de l'intention libérale pesant sur M. [B] [A].

Après l'analyse des trois actes testamentaires rédigés par Mme [G] [I] le 1er mai 2012, le 15 septembre 2015 et le 15 avril 2016, le tribunal a retenu que si la référence dans le deuxième testament à un avantage hors part successorale pouvait laisser présumer une intention libérale, ce document avait été annulé par celui du 15 avril 2016 et qu'en conséquence, la volonté du défunt devait être recherchée dans le testament originaire du 1er mai 2012 lequel, d'une part, ne faisait pas référence à une intention de gratifier l'un de ses enfants plutôt qu'un autre, Mme [I] soulignant qu'elle souhaitait un partage équitable entre ses trois enfants au jour de l'ouverture de la succession et, d'autre part, indiquait que les charges afférentes au bien avaient, pour partie, été supportées par Mme [E] [A].

A défaut de preuve de l'intention libérale, le tribunal a décidé de rejeter la demande de M. [B] [A] tendant à ce que Mme [E] [A] rapporte à la succession la libéralité dont elle a fait l'objet.

Sur la demande de M. [B] [A] tendant à la condamnation de Mmes [A] à lui verser la somme de 30 000 euros suite à la dégradation de la maison d'habitation du fait d'un dégât des eaux ayant été à l'origine d'une baisse significative du prix de vente, le tribunal a considéré que M. [A] ne démontrait pas avoir obtenu une offre à 370 000 euros avant le dégât des eaux et ne justifiait pas d'un préjudice, la propriété évaluée à 420 000 euros ayant vu sa valeur portée à 473 177,24 euros après cession par lots.

Le 31 janvier 2020, M. [B] [A] a formé appel à l'encontre de ce jugement par voie électronique.

Par ordonnance du 23 avril 2021, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné à la Caisse de Crédit Mutuel d'[Localité 6] de communiquer à la cour l'historique du compte n°[XXXXXXXXXX03] au nom de M. [B] [A] faisant apparaître l'ensemble des mouvements du compte sur les dix dernières années jusqu'à sa clôture ainsi que le contrat et tout document d'ouverture de ce compte et ses éventuels avenants.

Le 3 mai 2021, la banque a adressé à la cour l'historique de compte sollicité mais l'a informée de ce qu'elle ne disposait plus de la formule d'ouverture de compte.

L'instruction de l'affaire a été clôturée le 1er février 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions transmises par voie électronique le 27 octobre 2021, M. [B] [A] demande à la cour de :

- dire et juger l'appel régulier et bien fondé ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* jugé que le prix de vente de référence pour la cession d'une parcelle de terrain à son bénéfice par la masse successorale sera fixé à un montant à hauteur de 15 024,19 euros/l'are,

* en ce qu'il a débouté les demanderesses et intimées de leur demande de dommages et intérêts ainsi que pour procédure dilatoire ;

- lui donner acte de ce qu'il a procédé au virement du montant de 11 000 euros entre les mains du notaire chargé de la succession, Me [K] ;

- infirmer le jugement pour le surplus ;

- dire et juger que Mme [E] [A] est redevable d'une indemnité d'occupation à hauteur de 1 500 euros par mois au regard de la jouissance par elle du bien, objet de la succession et dire que cette indemnité est rapportable à la succession soit un montant de 288 000 euros ;

- dire et juger que Mmes [E] [A] et [O] [A] sont redevables d'un montant à hauteur de 30 000 euros au titre du préjudice qu'il a subi en raison de la perte de la valeur de la maison qui a été vendue, suite à un sinistre dégâts des eaux, leur responsabilité étant intégrale ;

- dire et juger qu'il y aura lieu à Me [K], Notaire chargé du partage judiciaire de recalculer les taxes sur la succession des héritiers en tenant compte de la donation de son terrain et rectifier le décompte établi initialement par Me [R] ;

- condamner Mmes [E] [A] et [O] [A] à payer une indemnité à hauteur de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

M. [A] indique qu'il n'a jamais été opposé à la restitution de la somme de 11 000 euros figurant sur le compte libellé à son nom n°[XXXXXXXXXX03] au Crédit Mutuel d'[Localité 6] et qu'il justifie avoir procédé au virement de cette somme entre les mains de Me [K] le 9 avril 2020, de sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur ce point.

Il ajoute que la banque a confirmé l'impossibilité de délivrer les documents visés par le tribunal de grande instance au regard du délai qui s'est écoulé depuis plus de dix ans.

Il précise que les écritures de la partie adverse font état de ce que Mmes [A] ont été détentrices des comptes au moins jusqu'au 31 décembre 2003 et que ces dernières reconnaissent que [D] [I] s'est fait remettre les extraits de compte par son fils jusqu'au 31 décembre 2003, le solde du compte à cette date étant de 10 197, 81 euros, lui-même n'étant pas détenteur des extraits du compte bancaire.

S'agissant de l'occupation de la maison par Mme [E] [A], M. [A] considère qu'elle a généré un avantage impliquant un rapport à la succession.

Il rappelle que, pour que l'avantage indirect soit assujetti au rapport à succession, il est nécessaire de faire la preuve qu'il constitue une libéralité, ce qui est alors suffisant puisque la donation de fruits et revenus est dorénavant présumée rapportable, la preuve de la libéralité ayant pour objet ses deux éléments constitutifs, à savoir un élément matériel, l'appauvrissement du disposant auquel répond l'enrichissement sans contrepartie du gratifié, et un élément intellectuel, l'intention libérale du disposant, la preuve de cette intention étant libre.

Procédant à l'analyse des trois testaments olographes de [D] [I] du 1er mai 2012, du 15 septembre 2015 et du 15 avril 2016, il en a déduit que c'est la disposition testamentaire du 1er mai 2012 qui s'appliquait où ne transparaissait aucune volonté de gratifier Mme [E] [A] étant souligné que cette disposition testamentaire n'évoquait que Mme [E] [A] et non son époux qui a également bénéficié de ce domicile.

Il ajoute que le rapport à la succession doit être réalisé en valeur et prendre la forme d'une indemnité d'occupation, calculée, en principe, en considération de la valeur locative de l'immeuble occupé à titre gratuit et de la durée de l'occupation.

M. [A] conteste la portée des dispositions du testament du 15 septembre 2015 qui prévoit que les divers avantages liés à la cohabitation de [D] [I] avec sa fille [E] ont été consentis en compensation des peines et soins prodigués gracieusement lesquels ne sont pas démontrés, lesdits avantages devant être considérés en plus et hors de sa part, cette disposition ne concernant pas, au demeurant, l'époux de Mme [E] [A] qui a profité de cette gracieuse mise à disposition.

Il ajoute que les différentes factures ont été imputées sur la succession alors qu'elles auraient dû être à la charge exclusive de Mme [E] [A] puisque [D] [I] a été hospitalisée le 6 décembre 2015 et est restée en long séjour jusqu'à son décès en août 2016, sauf à prendre en compte un retour à la maison de trois semaines.

M. [A] estime cette indemnité d'occupation à un montant minimal de 1 500 euros par mois sur seize années, soit un total de 288 000 euros.

M. [A] expose encore qu'en août 2017, il avait informé ses soeurs qu'il y avait des coulures à l'extérieur sur la façade de la maison dont elles avaient refusé de lui donner les clés, ce qui laissait présumer la survenance d'un sinistre de type dégât des eaux, lequel, faute de réactivité de Mmes [A] a été constaté tardivement.

Il ajoute qu'à la suite de ce dégât des eaux, la maison a été vendue à 315 000 euros alors qu'auparavant, il avait trouvé un acheteur pour un montant de 370 000 euros sans frais d'agence, le compromis de vente faisant état d'un chauffage et d'une colonne d'arrivée d'eau hors d'usage et de de la présence de mérule due à l'humidité. Il évalue son préjudice à un montant de 30 000 euros.

Il indique que la demande relative à l'occupation irrégulière du bien indivis est irrecevable car nouvelle à hauteur de cour d'appel et n'est, au demeurant, étayée par aucun document.

M. [A] expose que les frais relevés par Me [R], notaire sont erronés ainsi que son décompte puisque, lors de l'ouverture de la succession, un décompte au titre des frais fiscaux a été établi sur la base commune de 184 049 euros alors qu'il s'est vu attribuer un terrain en guise de donation qui n'a pas été pris en considération par le notaire afin de diminuer ses droits et qui vient déduire ses frais mais augmenter ceux de Mmes [A], ce qui nécessite que, dans le cadre des opérations de succession, Me [K] recalcule ses droits.

Aux termes de leurs conclusions transmises par voie électronique le 22 juin 2021, Mmes [E] et [O] [A] demandent à la cour de :

- avant dire droit, écarter l'annexe 21 de M. [B] [A] ;

- déclarer l'appel de M. [A] mal fondé ;

- le rejeter ;

- le déclarer irrecevable en sa demande d'indemnité d'occupation pour toute demande antérieure de cinq ans au 12 avril 2018 ;

subsidiairement :

- le déclarer irrecevable en raison de l'indétermination de sa demande, quant à la période visée ;

plus subsidiairement :

-le déclarer mal fondé en l'ensemble de ses fins et conclusions ;

- l'en débouter ;

encore plus subsidiairement :

- si la cour devait considérer qu'il y a lieu à rapport, dire et juger que celui-ci s'imputera sur la quotité disponible établie sur la totalité de la succession;

sur appel incident et demande modifiée :

- ordonner la production du contrat de souscription et de l'historique de compte par M. [A] ;

- dire et juger que l'historique de compte à produire par ses soins devra l'être au minimum à compter de 2006 voire 2007, subsidiairement, entre janvier 2010 et le 31 décembre 2011 ;

- infirmer le jugement entrepris, en tant qu'il a limité le montant de l'astreinte à 100 euros s'agissant de la production de tout document bancaire, historiques de compte et extraits de compte ;

- porter 1'astreinte à 1 000 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours, après signification de l'arrêt à intervenir ;

- dire et juger que le montant à rapporter à la succession par M. [A] s'élève à 13 013,72 euros au titre du compte CCM [Localité 6] n°[XXXXXXXXXX03] ;

-appliquer la peine du recel successoral sur la somme de 2 013,72 euros ;

- dire que M. [A] n'aura aucune part sur cette somme dans le cadre des opérations de partage

- condamner M. [B] [A] à 1 500 euros de dommages et intérêts au regard de son comportement préjudiciable quant au bien dont il sollicite l'attribution préférentielle ;

- condamner M. [B] [A] à un montant de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure et réticence abusive ;

- le condamner aux entiers frais et dépens ainsi qu'à une indemnité de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Rappelant que la cour n'est saisie que par le seul dispositif des conclusions adverses et faute pour M. [A] de conclure au débouté de leurs demandes, Mmes [A] indiquent que la cour ne pourra que confirmer le fait que M. [A] doit être condamné sous astreinte à produire le contrat de souscription et l'historique du compte Crédit Mutuel d'[Localité 6] n° [XXXXXXXXXX03], cette condamnation devenant sans objet si la banque fournit les éléments.

Sur l'indemnité d'occupation demandée à Mme [E] [A], Mmes [A] indiquent que M. [B] [A] réclame une indemnité d'occupation sur seize ans sans donner d'explications sur cette période, précisant qu'elles n'avaient plus accès à la maison à compter de juin 2016.

Elles indiquent que la libéralité rapportable à la succession suppose de la part du disposant l'intention de gratifier son héritier et un appauvrissement du disposant, ce qui ne résulte d'aucun testament de [D] [I], la preuve des charges que Mme [E] [A] a payées entre 2001 et 2012 résultant du testament olographe de Mme [I] et des factures que Mme [E] [A] a été en mesure de retrouver sur la période allant de 2012 à 2016.

Elles estiment que Mme [E] [A] payait un montant annuel de 5 000 euros au titre des charges pour toute la maisonnée ce dont Mme [I] a bénéficié, étant souligné qu'elle se chargeait également de faire la cuisine, de s'occuper du linge et des travaux d'entretien.

Elles ajoutent qu'à défaut de justifier d'une intention libérale et d'un appauvrissement du de cujus, la qualification de libéralité ne peut être retenue et le rapport à succession ne peut qu'être écarté, et si la cour devait estimer qu'un montant doit être rapporté, elles demandent que la libéralité s'impute éventuellement sur la quotité disponible, qui doit être établie sur l'intégralité de la masse successorale.

S'agissant de la dégradation de la maison familiale, Mmes [A] indiquent que la maison a été fermée le 17 juin 2016, aucune d'elles n'ayant bénéficié d'une clef.

Elles sollicitent que l'attestation de Mme [Z] soit écartée des débats dès lors que cette dernière a demandé par courrier recommandé qu'elle ne soit pas produite.

Elles précisent que le 16 février 2018 a été découvert le dégât des eaux en compagnie de Maître [C] et qu'à la suite Mme [E] [A] a fait intervenir un plombier, en la présence du clerc de notaire, qui a apporté les clés, aucune faute ne leur étant imputable.

Elles soulignent que M. [A] ne rapporte pas la preuve de ce qu'il aurait pu avoir un acquéreur pour un montant plus important.

S'agissant du compte bancaire à la CCM, Mmes [A] prennent note de ce que M. [A] a adressé un chèque de 11 013,72 euros au notaire le 9 avril 2020, en règlement de la décision du tribunal de grande instance mais soulignent que les renseignements auraient pu être obtenus par M. [A] lui-même, sa mauvaise foi étant, en outre, confirmée par les pièces obtenues puisque les mouvements sur le compte révèlent que M. [A] a régulièrement prélevé des montants sur ce compte à compter de 2015.

Mmes [A] ajoutent que le montant exact du solde du compte à la date du décès est inconnu mais que ce compte présentait un solde de 12 013,72 euros au 26 janvier 2016, M. [A] ayant retiré, le 26 janvier 2016, un montant de 1 000 euros, ce dont il n'a pas à profiter.

Considérant que sans ce débit, le solde au 31 décembre 2015 aurait été, au minimum, de 13 013,72 euros, elles revendiquent un rapport à hauteur de cette somme.

Faisant état du comportement de M. [A], elles entendent voir appliquer les peines du recel successoral sur la somme de 2 013,72 euros (13 013,72 euros moins 11 000 euros), M. [A] ne devant avoir aucune part sur ce montant.

Au motif que M. [A], d'une part, a déjà accaparé le bien dont il sollicite l'attribution préférentielle sur lequel il a entrepris de réaliser des travaux sans aucun permis de construire, alors que le bien ne lui appartient pas encore privativement et, d'autre part, fait obstacle à l'exercice de la servitude dont M. [F] bénéficie, ce qui leur est aussi préjudiciable, Mmes [A] sollicitent la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en raison des tracasseries et du préjudice moral subis.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le compte ouvert par M. [B] [A] au Crédit Mutuel d'[Localité 6] sous le n°[XXXXXXXXXX03]

Sur la demande de production du contrat de souscription et de l'historique de compte par M. [A]

Au regard de la pertinence de la motivation du jugement entrepris sur ce point, et de l'absence de prétention formulée par M. [A] à cet égard, il y a lieu de le confirmer sans que l'augmentation de l'astreinte soit nécessaire, la production devant toutefois se limiter à la période allant de janvier 2006, tel que demandé par Mmes [A], au 31 décembre 2011, considération prise de ce que, suite à la demande du conseiller chargé de la mise en état, le Crédit Mutuel concerné a produit l'historique de ce compte pour la période allant du 31 décembre 2011 au 31 décembre 2020, étant souligné qu'il appartient à M. [A], en sa qualité de titulaire du compte ouvert à son nom mais destiné à recevoir des fonds de [D] [I], de justifier de l'ouverture et de la gestion de ce compte.

Sur la restitution du solde de ce compte

Le jugement entrepris a ordonné à M. [B] [A] de procéder, sous astreinte, à la restitution du solde de ce compte entre les mains de Me [C].

A hauteur de cour, M. [A] indique qu'il a procédé au virement du solde de ce compte soit 11 000 euros entre les mains du notaire.

Mmes [A] considèrent que c'est une somme de 13 013,72 euros qui doit être rapportée à la succession considération prise de ce qu'au 26 janvier 2016, le solde du compte était de 12 013,72 euros, un retrait de 1 000 euros ayant été effectué le même jour ainsi que le 26 août 2015.

L'analyse des relevés de compte produits pas le Crédit Mutuel à hauteur d'appel permet de vérifier les dires de Mmes [A].

A défaut pour M. [A] de justifier de ce que les retraits de 1 000 euros ont été faits sur ordre ou dans l'intérêt de [D] [I], il y a lieu de dire qu'il doit

rapporter à la succession la somme de 13 013,72 euros au titre de ce compte, sans qu'une astreinte soit nécessaire.

Le jugement entrepris est donc confirmé sur le principe de la restitution mais infirmé sur l'astreinte.

Sur le recel successoral

M. [A], titulaire du compte auprès du Crédit Mutuel destiné à recueillir des fonds de sa mère, [D] [I] n'a pas déféré aux demandes de production des extraits de ce compte laquelle ne s'est faite que partiellement, par la banque, suite à l'intervention du conseiller chargé de la mise en état.

Les éléments produits par le Crédit Mutuel qui auraient pu être obtenus en amont directement pas M. [A] ont révélé qu'il avait procédé à des retraits non justifiés et dont il n'a pas spontanément évoqué l'existence, ce qui démontre une dissimulation et une volonté de rompre l'égalité du partage.

Les éléments matériel et intentionnel caractéristiques du recel successoral étant réunis, il y a lieu d'appliquer la peine du recel successoral sur la somme de 2 013,72 euros, M. [A] ayant indiqué, dans ses conclusions qu'il avait restitué la somme de 11 000 euros au notaire au titre du solde du compte bancaire en cause.

Il s'en déduit que M. [A] n'a droit à aucune part sur cette somme dans le cadre des opérations de partage.

Sur la demande d'une indemnité d'occupation

Faisant état de ce que Mme [E] [A] et son mari ont occupé la maison de [D] [I], M. [A] estime qu'il y a lieu à rapport à la succession de l'avantage indirect né de cette occupation lequel doit se faire sous forme d'une indemnité d'occupation.

Mmes [A] s'y opposent faisant état de ce qu'il ne résulte d'aucun testament de leur mère que cette dernière a voulu gratifier Mme [E] [A] et qu'il n'y a pas eu d'appauvrissement de la masse successorale.

La contestation porte sur l'occupation par Mme [E] [A] et son mari du logement de la défunte sur une période antérieure au décès, de sorte que M. [A], sous couvert d'une demande d'une indemnité d'occupation, demande à celle-ci de rapporter à la succession l'avantage en nature née de l'occupation du logement de la défunte à titre gratuit pendant plusieurs années.

Le mari de Mme [E] [A] n'étant pas héritier de [D] [I], la question du rapport de l'avantage dont il a bénéficié ne se pose pas.

S'agissant de Mme [E] [A], il convient de rappeler les dispositions de l'article 843 du code civil aux termes duquel tout héritier venant à une succession doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement.

[D] [I] avait remis avant son décès à Me [U], notaire, trois actes testamentaires, le dernier en date, du 15 avril 2016 ayant clairement spécifié qu'il annulait celui du 1er avril 2016 et que les documents antérieurs à cette date, à savoir le testament du 1er mai 2012 et son codicille restaient en vigueur.

Le premier de ces documents antérieurs indique qu'il est demandé de laisser à [E] le temps de se retourner, de trouver la bonne solution pour se reloger et quitter la maison, que pendant ce temps, elle paiera les charges, et que depuis 2001 elle a payé toute l'eau et le fioul.

Le second datant du 15 septembre 2015 prévoit que les divers avantages liés à la cohabitation avec [E] ont été consentis en compensation des peines et soins que cette dernière a gracieusement prodigués à [D] [I] et qu'ils devront être considérés en plus et hors de sa part successorale.

Seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession. Or, il résulte de l'analyse des actes testamentaires susvisés que [D] [I] a clairement indiqué que l'hébergement de sa fille [E] se faisait en contrepartie des soins prodigués et du paiement des charges sans qu'il soit exigé de cette dernière qu'elle justifie du paiement de ces charges, de sorte que, nonobstant la mention du second testament selon laquelle les avantages consentis à Mme [E] [A] « devront être considérés en plus et hors de sa part successorale », l'existence d'une intention libérale n'est pas caractérisée chez la défunte, étant, de surcroît, souligné que, d'une part, M. [A] ne démontre pas que Mme [E] [A] n'a pas payé de charges et que, d'autre part, celle-ci justifie, par plusieurs attestations, des soins qu'elle a prodigués à sa mère malade, et avoir réglé des factures de fioul.

Dès lors, M. [A] est mal fondé à demander que Mme [E] [A] rapporte à la succession de [D] [I] la donation indirecte dont elle aurait bénéficié du fait de l'occupation de la maison de leur mère.

Le jugement entrepris est donc confirmé de ce chef.

Sur la demande de M. [A] pour perte de valeur la maison de la défunte

M. [A] soutient que, du fait de l'inaction de ses soeurs, la maison de [D] [I] a été dégradée par un dégât des eaux à l'origine d'une baisse significative du prix de vente du bien.

Le 17 juin 2016, Me [X], huissier de justice a dressé un inventaire des biens de [D] [I], alors placée sous sauvegarde de justice laquelle devait être hospitalisée pour un long séjour, aux termes duquel il a notamment indiqué que les serrures de l'habitation avaient été changées et que les clés avaient été remises au mandataire judiciaire.

A cette date, Mme [E] [A] et son mari n'occupaient donc plus les lieux.

[D] [I] est décédée le 5 août 2016.

Le 28 février 2017, Mmes [A] ont fait une requête en ouverture de partage judiciaire auprès du tribunal d'instance de Mulhouse lequel, le 13 avril 2017, a désigné Me [C] pour procéder aux opérations de partage judiciaire.

Dans un courrier du 27 septembre 2017, la SCP notariale [U]-[R] indique que les clés de la maison lui ont été confiées par les trois enfants de [D] [I] à l'issue de l'inventaire effectué le 6 décembre 2016 et qu'elles sont destinées à être remises à Me [C] suite à sa désignation dans le cadre du partage judiciaire.

M. [A] se prévaut d'un document signé par Mme [L] [Z] le 9 octobre 2020 aux termes duquel elle indique qu'elle est allée plusieurs fois faire le ménage dans la maison après le départ de Mme [E] [A] et de son mari le 17 juin 2016, ce dernier ayant caché la clé sous une pelle.

Toutefois, considérant que Mme [L] [Z] est ultérieurement revenue sur ses affirmations en précisant qu'après le 17 juin 2016, elle n'était plus retournée travailler dans la maison, il y a lieu d'écarter des débats son courrier du 9 octobre 2020 dont l'analyse permet de constater que les mentions exigées par l'article 202 du code de procédure civile n'ont pas été toutes respectées.

Par courrier du 25 septembre 2017, l'avocat de M. [A] a écrit à l'avocat de Mmes [A] pour lui faire part de ce que la maison avait subi un dégât des eaux, ce qu'avait constaté M. [A] à son retour de congés soit, après le 31 juillet 2017.

A cette date, Mmes [A] n'avaient pas les clés de la maison qui étaient en possession du notaire.

Dès lors, M. [A] est malvenu d'imputer à ses s'urs la responsabilité d'une perte de valeur de la maison en raison du dégât des eaux qu'elles n'auraient pas considéré avec diligence alors qu'à la date où il en a eu connaissance, aucune d'elles n'avait les clés et qu'un notaire avait été désigné par le tribunal d'instance que M. [A] était, lui-même, en mesure d'informer.

M. [A] est donc débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour occupation irrégulière du bien indivis

Le jugement entrepris a dit que le reliquat de la parcelle à hauteur de 5,26 ares issue de la division de la parcelle [Cadastre 1] était attribué préférentiellement à M. [B] [A] pour une valeur de 15 024,19 euros l'are.

L'appel ne porte pas sur ce point, de sorte que le jugement entrepris est définitif de ce chef.

Mmes [A] sont donc malvenues de reprocher à M. [A] d'occuper un bien qui lui a été attribué de manière préférentielle.

Elles ne démontrent pas subir un préjudice résultant du trouble occasionné par M. [A] à la servitude d'un tiers qui, pour le même motif que précédemment, ne peut leur être imputé.

Leur demande de dommages et intérêts formulée de ce chef est donc rejetée.

Sur les frais et sur le décompte de Me [R]

A l'appui de sa demande, M. [A] ne produit qu'une page du décompte contesté, ce qui est insuffisant.

De surcroît, les difficultés réglées depuis vont nécessairement amener à établir un nouveau décompte prenant en compte l'évolution des masses successorales.

Cette demande est donc rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Considérant que ce sont Mmes [A] qui ont saisi le tribunal de grande instance de Mulhouse, ces dernières ne sont pas à mêmes de solliciter des dommages et intérêts pour procédure abusive.

Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour réticence abusive

Considérant que M. [A] n'a pas fait les diligences nécessaires à fin de production de l'historique du compte ouvert à son nom mais destiné à recueillir les fonds de [D] [I] et que ce n'est que sur demande expresse faite par le conseiller chargé de la mise en état auprès de la banque qu'une partie de cet historique a été produit, il y a lieu de condamner M. [A] à payer à Mmes [A] la somme de 1 000 euros à ce titre.

Sur les dépens et sur les frais de procédure

Le jugement entrepris est confirmé de ces chefs.

A hauteur d'appel, M. [A] est condamné aux dépens, débouté de sa demande d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et est condamné à payer à Mmes [A] la somme de 2 000 euros sur le fondement du même article.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l'appel, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

INFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Mulhouse du 30 décembre 2019 en ce qu'il a assorti d'une astreinte la restitution par M. [B] [A] du solde du compte ouvert à son nom au Crédit Mutuel d'[Localité 6] sous le n°[XXXXXXXXXX03] entre les mains de Maître [C] ;

CONFIRME, pour le surplus, le jugement du tribunal de grande instance de Mulhouse du 30 décembre 2019, sauf à limiter la période de production de l'historique du compte ouvert au nom de M. [B] [A] au Crédit Mutuel d'[Localité 6] sous le n°[XXXXXXXXXX03] de janvier 2006 au 31 décembre 2011,

Statuant de nouveau sur le point infirmé et ajoutant au jugement :

DIT que le montant à restituer à la succession par M. [B] [A], au titre du compte ouvert à son nom d au Crédit Mutuel d'[Localité 6] sous le n°[XXXXXXXXXX03] est de 13 013,72 euros (treize mille treize euros et soixante douze centimes) ;

DIT n'y avoir lieu d'assortir cette restitution d'une astreinte ;

DIT y avoir lieu d'appliquer la peine du recel successoral sur la somme de 2 013,72 euros (deux mille treize euros et soixante douze centimes) et qu'en conséquence, M. [B] [A] n'a droit à aucune part sur cette somme dans le cadre des opérations de partage ;

REJETTE la demande de dommages et intérêts formulée par Mmes [E] et [O] [A] du chef d'une occupation irrégulière du bien indivis ;

REJETTE la demande de M. [B] [A] concernant les frais et le décompte de Me [R] ;

CONDAMNE M. [B] [A] à payer à Mme [E] [A] et [O] [A] la somme de 1 000 euros (mille euros) à titre de dommages et intérêts pour réticence abusive ;

CONDAMNE M. [B] [A] aux dépens de la procédure d'appel ;

CONDAMNE M. [B] [A] à payer à Mme [E] [A] et Mme [O] [A] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais de procédure exposés à hauteur d'appel ;

DEBOUTE M. [B] [A] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/00620
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;20.00620 ?
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