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02/12/2022 | FRANCE | N°22/00197

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 02 décembre 2022, 22/00197


MINUTE N° 562/2022





























Copie exécutoire à



- Me Thierry CAHN



- Me Anne CROVISIER



- Me Dominique HARNIST





Le 16/12/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 16 décembre 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/00197 - N°

Portalis DBVW-V-B7G-HX2T



Décision déférée à la cour : 17 décembre 2021 par le président du tribunal judiciaire de STRASBOURG.





APPELANTE et intimée incidente :



La S.A.R.L. MHC BY HOMELINES, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [A...

MINUTE N° 562/2022

Copie exécutoire à

- Me Thierry CAHN

- Me Anne CROVISIER

- Me Dominique HARNIST

Le 16/12/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 16 décembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/00197 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HX2T

Décision déférée à la cour : 17 décembre 2021 par le président du tribunal judiciaire de STRASBOURG.

APPELANTE et intimée incidente :

La S.A.R.L. MHC BY HOMELINES, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la cour.

INTIMÉS et appelants incidents :

Monsieur [J] [Z]

Madame [N] [S] épouse [Z]

demeurant tous les deux [Adresse 4] ALLEMAGNE

représentés par Me Anne CROVISIER, avocat à la cour.

INTIMÉE, appelante incidente et appelée en garantie :

La S.A.S. QBE EUROPE venant aux droits de la CIE QBE INSURAN CE EUROPE LIMITED, prise en la personne de son représentant légal -

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me HARNIST, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, conseiller

Mme Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 30 septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Selon acte sous seing privé du 1er mars 2017, les époux [J] [Z] et [N] [S] ont conclu un contrat de construction de maison individuelle avec la société Maisons home concept en vue de l'édification d'une maison d'habitation livrable le 11 octobre 2018, pour un prix de 216 926 euros, sur lequel les époux [Z] avaient réglé 86 770,41 euros en janvier 2018.

La société Maisons home concept a été placée en redressement judiciaire le 22 mai 2018, puis en liquidation judiciaire. Le 3 juillet 2018, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Saverne a arrêté le plan de cession de la société Maisons home concept au profit de la société Homelines, avec faculté de substitution par la société MHC by homelines, ce plan portant notamment sur la cession de contrats en cours dont celui conclu avec les époux [Z].

Selon acte du 26 août 2021, les époux [Z] ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg d'une demande dirigée contre la société MHC by homelines et contre la SAS QBE Europe intermediary services, garant de livraison, aux fins de voir la première condamnée à reprendre le chantier et à achever les travaux, sous astreinte, et de les voir condamner solidairement au paiement de pénalités de retard.

La société QBE Europe est intervenue volontairement à la procédure.

Par ordonnance du 17 décembre 2021, le juge des référés a :

- ordonné la mise hors de cause de la société QBE Europe intermediary services,

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société QBE Europe,

- condamné la société MHC by homelines à reprendre et achever ses travaux sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance dans la limite de six mois,

- condamné la société MHC by homelines au paiement d'une provision de 47 073,81 euros au titre des pénalités échues au 2 août 2021,

- dit n'y avoir lieu a référé pour le surplus,

- condamné la société MHC by homelines aux dépens non compris les frais de constat d'huissier, ainsi qu'à payer aux époux [Z], d'une part et à la société QBE Europe d'autre part, une somme de 2 000 euros, chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toutes autres demandes.

Le juge des référés a retenu que :

* sur l'achèvement des travaux :

- il n'était pas contesté que la société MHC by homelines n'intervenait plus sur le chantier depuis juillet 2021, ayant indiqué dès le 2 juin 2021 être dans l'incapacité d'achever les travaux en l'absence de paiement des appels de fonds du fait de la compensation opérée avec les pénalités de retard qui auraient dû être prises en charge par la société QBE Europe,

- il n'existait aucune contestation sérieuse quant à l'obligation de la société MHC by homelines de terminer le chantier au vu du plan de cession, aucun document contractuel ne subordonnant la reprise du chantier au paiement des pénalités de retard par le garant de livraison ;

* sur la provision :

- les pénalités de retard prévues dans les rapports entre les maîtres de l'ouvrage et la société MHC by homelines étaient dues, en revanche l'obligation au paiement de ces pénalités par la société QBE Europe était sérieusement contestable, en raison de la nécessité d'interpréter la notion de 'défaillance du constructeur' permettant de mobiliser la garantie ;

* sur l'appel en garantie de la société MHC by homelines :

- la demande se heurtait à une contestation sérieuse, la société QBE Europe opposant le non-respect par la société MHC by homelines de son obligation d'achever le chantier et sa volonté de l'induire en erreur sur l'état d'avancement des travaux en ayant fait état d'une réception intervenue en février 2021.

La société MHC by homelines a interjeté appel de ce jugement le 12 janvier 2022, en toutes ses dispositions.

L'affaire a été fixée d'office à bref délai, en application de l'article 905 du code de procédure civile, par ordonnance de la présidente de la chambre du 31 janvier 2022.

Par ordonnance du 10 juin 2022, la présidente de chambre déléguée de la première présidente a rejeté la demande de radiation de l'affaire formée par les époux [Z] en application de l'article 524 du code de procédure civile.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 7 avril 2022, la société MHC by homelines demande à la cour de rejeter les prétentions adverses, d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de :

- constater l'absence de trouble manifestement illicite et le caractère sérieusement contestable de l'obligation, de sorte à déclarer les époux [Z] irrecevables en leurs demandes,

- déclarer la mise en cause de la société QBE Europe recevable et bien fondée,

- déclarer l'exception d'inexécution soulevée par la société MHC by homelines recevable et bien fondée,

subsidiairement,

- condamner la société QBE Europe à la garantir de toutes condamnations éventuellement prononcées à son encontre,

A titre infiniment subsidiaire,

- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a fixé le montant des indemnités de retard à la somme de 47 073,81 euros,

En tout état de cause,

- condamner solidairement les époux [Z] aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à lui payer une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et de 3 000 euos pour l'appel.

Elle invoque sa bonne foi et le fait qu'elle n'est pas responsable des retards imputables à la société Maisons home concept. Elle indique avoir accepté de compenser les pénalités correspondant à 193 jours de retard avec les appels de fonds, mais ne pouvoir poursuivre les travaux sans paiement des appels de fonds.

Elle soutient que le premier juge a mal interprété les dispositions du plan de cession qui supposaient que la société QBE Europe prenne en charge les pénalités de retard et estime que l'ordonnance est contraire aux dispositions dudit plan.

La société MHC by homelines relève que les époux [Z] ont agi sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile qui suppose qu'un trouble manifestement illicite soit caractérisé, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisqu'en l'absence de paiement des appels de fonds, elle est fondée à opposer l'exception d'inexécution, le non-paiement des pénalités de retard ne lui étant pas imputable. Elle en déduit que son obligation d'achèvement est sérieusement contestable.

Subsidiairement, elle demande la garantie de la société QBE Europe, faisant valoir que la garantie de livraison est une garantie légale, d'ordre public qui ne disparaît pas en cas de liquidation judiciaire du constructeur, outre que le plan de cession prévoyait expressément le paiement des pénalités par le garant ce qu'a omis le premier juge.

Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 21 avril 2022, les époux [Z] concluent au rejet de l'appel, au débouté de la société MHC by homelines, à la confirmation de l'ordonnance sous réserve de leur appel incident et provoqué. Ils demandent l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus et rejeté les autres chefs de demandes, et sollicitent la condamnation solidaire de la société MHC by homelines et de la société QBE Europe au paiement de la somme de 47 073,81 euros au titre des pénalités de retard échues au 2 août 2021, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel et d'une indemnité de procédure de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir qu'ils rapportent la preuve de l'inachèvement des travaux, et de l'existence de malfaçons, et que l'achèvement du chantier n'est subordonné à aucune condition.

Ils considèrent que les pénalités de retard sont dues tant par la société MHC by homelines que par la société QBE Europe, cette dernière ne pouvant contester devoir sa garantie alors que l'abandon du chantier par la société MHC by homelines est établi, ce qui constitue la défaillance visée à l'article L.231-6-1 du

code de la construction et de l'habitation, cette notion devant être entendue au sens large. Ils soutiennent que l'engagement du garant n'est pas limité, et qu'il résulte expressément du plan de cession qu'il appartenait à la société QBE Europe de verser un acompte à la société MHC by homelines pour permettre la reprise du chantier, le 'plafond' visé ne concernant que les pénalités dues suite au retard de la société Maisons home concept.

Ils soutiennent que le contrat qu'ils ont conclu avec la société QBE Europe doit s'appliquer, en l'absence d'acceptation de leur part d'une modification, qu'ils sont étrangers aux rapports existants entre la société MHC by homelines et la société QBE Europe, et qu'aucune de ces sociétés n'entend respecter ses engagements.

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 3 juin 2022, la société QBE Europe demande à la cour de rejeter les appels, de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, subsidiairement de condamner la société MHC by homelines à la garantir en cas de condamnation et de la condamner au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus des entiers dépens.

Elle fait valoir que la garantie ne s'applique qu'en cas de défaillance du constructeur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, puisque la société MHC by homelines n'est pas dans l'impossibilité d'exécuter ses obligations mais refuse de les exécuter.

Elle ajoute qu'en vertu du plan de cession son engagement était limité à 132 666 euros et qu'elle a déjà versé plus qu'elle ne devait, le plan visant les pénalités échues et à échoir sur près d'une année.

Elle estime que les époux [Z] ne peuvent soutenir ne pas avoir consenti à une modification du contrat alors qu'ils ont été consultés dans le cadre du plan de cession et ont accepté que la société MHC by homelines poursuive le chantier.

La société QBE Europe conclut au rejet de l'appel en garantie de la société MHC by homelines, qui se heurte à des contestations sérieuses, seul le maître de l'ouvrage pouvant se prévaloir de l'article L.231-6-1 du code de la construction et de l'habitation.

Elle soutient en outre que seules les dispositions du plan de cession s'appliquent entre elles, or son engagement était limité et strictement subordonné à la reprise du chantier, et la société MHC by homelines tente de lui faire supporter des pénalités qui lui sont exclusivement imputables, puisque le chantier aurait dû être réceptionné le 1er juillet 2019. Au surplus, l'appelante a tenté de l'induire en erreur en évoquant l'existence d'une réception, et une procédure est actuellement pendante devant le tribunal de commerce de Nanterre relative aux chantiers cédés.

Au soutien de son appel en garantie dirigé contre la société MHC by homelines, elle fait valoir que les pénalités de retard sont exclusivement imputables à cette dernière et qu'elle a déjà payé plus qu'elle ne devait.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

En cours de délibéré, le 7 octobre 2022, la société MHC by homelines a déposé des conclusions aux fins d'interruption de l'instance suite à son placement en redressement judiciaire par jugement de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Mulhouse du 1er juin 2022.

Le jugement d'ouverture est certes antérieur à l'ouverture des débats, toutefois en l'absence de désignation d'un administrateur judiciaire, il n'emporte ni assistance ni dessaisissement, de sorte qu'il n'interrompt pas l'instance en applications de l'article 369 du code de procédure civile

En outre, s'agissant d'une instance en référé tendant d'une part à l'exécution d'une obligation de faire, d'autre part au paiement d'une provision, il ne s'agit pas d'une instance en cours au sens de l'article L. 622-21 du code de commerce, puisqu'elle ne tend pas à obtenir d'une juridiction saisie au principal une décision définitive sur l'existence et le montant de la créance. Il n'y a donc pas lieu, à ce stade, de constater l'interruption de l'instance d'appel à l'égard de la société MHC by homelines.

1- Sur la demande des époux [Z] dirigées contre la société MHC by homelines

1 - 1 Sur la demande d'achèvement des travaux

La demande des époux [Z] étant fondée sur les dispositions de l'article 835, alinéa 2 du code de procédure civile qui énonce que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire, le moyen tiré de l'absence de démonstration d'un trouble manifestement illicite est inopérant.

Comme l'a relevé le premier juge il est établi par un procès-verbal de constat d'huissier du 8 juillet 2021que la société MHC by homelines n'intervenait plus à cette date sur le chantier, celle-ci ayant en outre reconnu par un courriel du 2 juin 2021 être dans l'incapacité de finir le chantier du fait de l'imputation sur les appels de fonds des pénalités de retard qui auraient dû être supportées par la société QBE Europe.

C'est par une exacte appréciation des éléments de la cause que le premier juge, après avoir analysé les termes du jugement du 3 juillet 2018 ayant arrêté le plan de cession, a considéré que l'exception d'inexécution soulevée dont il ne lui appartenait pas d'apprécier le bien fondé, ne constituait pas une contestation sérieuse à l'obligation d'achèvement du chantier de la société MHC by homelines. En effet, aux termes de son offre de reprise cette société s'est engagée à reprendre, aux lieu et place du cédant, la totalité des chantiers non réceptionnés et à les achever dans les meilleurs délais, en rétablissant les éventuels désordres de construction, précisant que son engagement portait également sur les délais de livraison dont les retards d'ores et déjà constatés et à venir seront financés par les organismes garants, sans pour autant que la poursuite du chantier soit subordonnée au paiement desdites pénalités par le garant de livraison, contrairement à ce que soutient la société MHC by homelines, le tribunal ayant en effet expressément relevé que l'offre de reprise permettait 'un redémarrage assez rapide des chantiers des différents clients sans attendre une reprise de ces chantiers à l'initiative des différentes sociétés garantes, après mise en cause des clients, procédure nettement plus longue (...)'.

En outre, si le plan prévoit, au titre du prévisionnel de trésorerie de la société MHC by homelines, le paiement par les quatre sociétés garantes des maîtres de l'ouvrage, dont la société QBE Europe, des pénalités de retard dues aux clients à concurrence d'un certain montant, et le paiement à la société MHC by homelines d'un acompte, à la suite de la reprise, afin d'assurer le financement du redémarrage des chantiers, l'appelante ne peut opposer aux maîtres de l'ouvrage le non-respect de cette clause, à le supposer démontré ce qui est contesté, au titre de l'exception d'inexécution, dans la mesure où elle ne s'applique que dans les rapports de la société MHC by homelines avec la société QBE Europe.

Les époux [Z] ne peuvent quant à eux se voir reprocher aucune défaillance dans le paiement des appels de fonds, la société MHC by homelines ne précisant d'ailleurs pas quels seraient les appels de fonds demeurés impayés et n'ayant formulé aucune demande reconventionnelle à ce titre. Elle ne peut pas non plus leur reprocher d'avoir opéré compensation entre les montants dus par eux et les pénalités de retard échues, alors qu'elle a elle-même procédé, pour partie, à une telle compensation, et que le plan de cession mettait à la charge du repreneur le paiement desdites pénalités, quand bien même le financement devait-il être assuré par la société QBE Europe.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en tant qu'elle a fait droit à ce chef de demande.

1-2 Sur la demande de provision

Si l'instance n'est pas interrompue du fait du placement en redressement judiciaire de la société MHC by homelines, en revanche la demande de provision formée par les époux [Z] est désormais irrecevable puisqu'il s'agit d'une créance antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective relevant de la procédure de vérification des créances.

L'ordonnance entreprise sera donc infirmée de ce chef, et la demande de provision formée par les époux [Z] déclarée irrecevable.

2- Sur la demande des époux [Z] dirigée contre la société QBE Europe

Selon acte de cautionnement du 18 octobre 2017, la société QBE Europe a consenti à la société Maisons Home concept une garantie de livraison, en application de l'article L.231-6 du code de la construction et de l'habitation. La clause de cet acte intitulée 'obligations du maître de l'ouvrage bénéficiaire' dispose que 'QBE ne pourra être valablement mis en cause par le maître de l'ouvrage bénéficiaire qu'en cas de défaillance du constructeur cautionné et pour autant que le bénéficiaire ait lui-même rempli ses obligations telles que fixées par le contrat de construction et notamment en ce qui concerne ses propres paiements'.

La société QBE Europe oppose que la demande des époux [Z] se heurte à une contestation sérieuse tenant à l'absence de défaillance du constructeur qui refuse d'exécuter ses obligations. En l'absence de toute définition légale ou contractuelle de la notion de 'défaillance du constructeur', et de toute clause du contrat susceptible d'en restreindre la portée, la cour qui exerce les pouvoirs du juge des référés, juge de l'évidence, ne peut que constater ainsi que cela a été retenu ci-dessus, que la société MHC by homelines qui a abandonné le chantier et déclare ne pas être en capacité d'achever ses travaux est de toute évidence défaillante, sans qu'il soit nécessaire d'interpréter le contrat, la société QBE Europe reconnaissant d'ailleurs en page 12 de ses conclusions que ' la société MHC by homelines a manqué à ses obligations en ne respectant pas son engagement visant à achever les chantiers dans les meilleurs délais et avant le 1er juillet 2019  .

Les époux [Z] sont donc fondés à solliciter de la société QBE Europe le paiement d'une provision au titre des pénalités de retard, sans que celle-ci puisse leur opposer une éventuelle limitation de garantie qui résulterait des engagements qu'elle a souscrits à l'égard de la société MHC by homelines dans le cadre du plan de cession qui ne sont pas opposables aux maîtres de l'ouvrage, quand bien même auraient-ils été consultés avant l'adoption de ce plan, le plafond dont se prévaut la société QBE Europe n'étant pas mentionné dans le jugement du 3 juillet 2018, qui fait état au contraire du maintien des engagements des garants sur les contrats en cours.

L'ordonnance entreprise sera donc infirmée et il sera fait droit à la demande de provision des époux [Z] dirigée contre la société QBE Europe dont le montant n'est pas discuté.

3- Sur les appels en garantie réciproques de la société MHC by homelines contre la société QBE Europe

Le premier juge a retenu à bon droit que l'appel en garantie formé par la société MHC by homelines contre la société QBE Europe se heurtait à des contestations sérieuses. Il sera en effet rappelé que l'article L.231-6 du code de la construction et de l'habitation ne joue qu'en faveur du maître de l'ouvrage et non au profit du constructeur défaillant. En outre, l'étendue et la portée des engagements réciproquement souscrits entre la société MHC by homelines et la société QBE Europe dans le cadre du plan de cession est discutée, et une procédure est pendante entre ces deux sociétés devant le tribunal de commerce de Nanterre sur ce point.

Pour les mêmes motifs, l'appel en garantie formé par la société QBE Europe se heurte à des contestations sérieuses tenant à la nature et à la portée des obligations respectives.

La décision entreprise doit donc être confirmée en tant qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de l'appel en garantie formé par la société MHC by homelines et complétée en ce sens en ce qui concerne l'appel en garantie formé par la société QBE Europe.

4- Sur les dépens et frais exclus des dépens

La décision entreprise étant confirmée en ses dispositions principales, elle le sera également en celles relatives aux dépens et frais irrépétibles.

En considération de la solution du litige, la société MHC by homelines et la société QBE Europe seront condamnées in solidum aux dépens d'appel ainsi qu'à payer aux époux [Z] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, leurs propres demandes sur ce fondement étant rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

DIT n'y avoir lieu à interruption de l'instance ;

INFIRME l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 17 décembre 2021, en ce qu'elle a :

- condamné la société MHC by homelines au paiement d'une provision de 47 073,81 euros au titre des pénalités échues au 2 août 2021

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision formée par les époux [Z] contre la société QBE Europe et rejeté cette demande ;

CONFIRME la décision entreprise pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant à l'ordonnance,

DECLARE irrecevable la demande de provision formée contre la société MHC by homelines en raison de son placement en redressement judiciaire le 1er juin 2022 ;

CONDAMNE la SAS QBE Europe à payer aux époux [J] [Z] et [N] [S], ensemble, une provision de 47 073,81 euros (quarante sept mille soixante treize euros et quatre-vingt un centimes) au titre des pénalités de retard échues au 2 août 2021 ;

DIT n'y avoir lieu à référé s'agissant de l'appel en garantie de la société QBE Europe contre la société MHC by homelines ;

CONDAMNE la SAS QBE Europe in solidum avec la SARL MHC by homelines aux dépens d'appel ainsi qu'à payer aux époux [J] [Z] et [N] [S], ensemble, une somme de 2 000 euros (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE les autres demandes sur ce fondement.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/00197
Date de la décision : 02/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-02;22.00197 ?
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