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02/12/2022 | FRANCE | N°21/04795

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 02 décembre 2022, 21/04795


MINUTE N° 530/22





























Copie exécutoire à



- Me Pégah HOSSEINI SARADJEH



- Me Laurence FRICK





Le 02/12/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 2 DECEMBRE 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/04795 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HWX5
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Décision déférée à la cour : 04 Novembre 2021 par le président du tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTS et intimés sur incident :



Madame [H] [J] épouse [Z]

Monsieur [Y] [Z]

demeurant tous les deux [Adresse 4]





Madame [C] [S]

demeurant [Adress...

MINUTE N° 530/22

Copie exécutoire à

- Me Pégah HOSSEINI SARADJEH

- Me Laurence FRICK

Le 02/12/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 2 DECEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/04795 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HWX5

Décision déférée à la cour : 04 Novembre 2021 par le président du tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTS et intimés sur incident :

Madame [H] [J] épouse [Z]

Monsieur [Y] [Z]

demeurant tous les deux [Adresse 4]

Madame [C] [S]

demeurant [Adresse 4]

représentés par Me Pégah HOSSEINI SARADJEH, avocat à la cour.

plaidant : Me DIABY, avocat à [Localité 18].

INTIMÉE et appelante sur incident :

La S.C.I. SCI PAULINE, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 9]

représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la cour.

plaidant : Me Nicolas MEYER, avocat au barreau de Strasbourg

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Mme Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 30 septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Les époux [Z] sont propriétaires d'une maison située [Adresse 4], édifiée sur des parcelles cadastrées section AX n° [Cadastre 5] et [Cadastre 1], ainsi que de la parcelle section AX n° [Cadastre 2].

Suite au décès de sa mère, Mme [C] [S] est devenue propriétaire d'une maison située au [Adresse 4], édifiée sur les parcelles cadastrée section AX n° [Cadastre 8] et [Cadastre 7], ainsi que d'une parcelle n° [Cadastre 10].

Selon acte du 13 décembre 2013 passé en l'étude de Me [X], notaire à Strasbourg, feue [U] [S] avait consenti à la SCI Pauline une servitude de passage et de canalisation grevant la parcelle section AX n° [Cadastre 10] lui appartenant au profit du lot n° [Cadastre 14] à usage de jardin privatif dépendant d'un ensemble immobilier en copropriété sis [Adresse 3], cadastré section AX n°[Cadastre 11] et [Cadastre 12], l'acte précisant qu'après modification du règlement de copropriété la SCI Pauline sera seule propriétaire de la parcelle n°[Cadastre 12], et que la servitude avait pour objet la desserte du lot n°[Cadastre 14] qui avait vocation à être distrait de la copropriété.

La SCI Pauline est propriétaire de la parcelle cadastrée section AX n° [Cadastre 13] sur laquelle elle a entrepris la construction d'un immeuble d'habitation.

Par acte du 14 juin 2021, la SCI Pauline se prétendant bénéficiaire d'une servitude de passage sur une voie privée dénommée '[Adresse 16]' a assigné devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg, Mme [S] et les époux [Z], au visa de l'article 835 du code de procédure civile, aux fins de les voir condamner in solidum et sous astreinte à enlever tout dispositif placé sur le 'chemin de la vieille ferme' ainsi qu'à déplacer tout véhicule ayant pour conséquence de gêner ou bloquer l'accès au chantier et de condamner Mme [S] à désinstaller les dispositifs de vidéo surveillance de l'accès à la servitude.

Par ordonnance du 4 novembre 2021, le juge des référés a rejeté l'exception d'incompétence soulevée, déclaré les demandes de la SCI Pauline recevables et a :

- condamné Mme [S] et les époux [Z] in solidum à supprimer tous dispositifs, tels que panneau, chaînette, barrière, grillage ou tout autre objet sur la parcelle cadastrée AX n°[Cadastre 10] objet de la servitude de passage résultant de l'acte notarié du 13 décembre 2013, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, passé un délai de quinze jours à compter de la signification de l'ordonnance et pendant une durée d'une année ;

- condamné Mme [S] à la désinstallation des dispositifs de vidéo surveillance orientés sur l'assiette de la servitude sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le même délai de quinze jours et pendant la même durée ;

- dit n'y avoir lieu à se réserver compétence pour liquider les astreintes et à référé pour le surplus ;

- condamné Mme [S] et époux [Z] in solidum aux dépens et au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les frais de constats (1191,69 euros).

Le juge des référés a constaté que la SCI Pauline, propriétaire de la parcelle section AX n°[Cadastre 13] bénéficiait d'une servitude de passage sur la parcelle cadastrée AX n°[Cadastre 10] appartenant désormais à Mme [C] [S], en vertu de l'acte notarié du 13 décembre 2013, et qu'il était établi par des constats d'huissier, attestations, rapport de la police municipale... que des véhicules dont il n'était pas

contesté qu'ils appartenaient aux défendeurs, barrière de chantier, portillon, grillage etc.. restreignaient le passage à partir de la parcelle appartenant aux époux [Z], et que ces obstacles étaient destinés à bloquer l'accès au chantier de la SCI Pauline. Il a considéré que le fait, non démontré, que le chantier soit terminé ne pouvait justifier la limitation du droit de passage, la servitude n'étant pas consentie pour la durée dudit chantier.

S'agissant de la demande dirigée contre les époux [Z], propriétaires des parcelles AX n° [Cadastre 2] et [Cadastre 1] qui constituent avec la parcelle appartenant à Mme [S] la voie d'accès au chantier le juge des référés a retenu un abus de droit, constitué par le fait qu'ils avaient bloqué l'accès avec leurs véhicules et contribué à entraver le passage en facilitant la mise en place d'une chaînette par Mme [S].

Le juge des référés a considéré qu'il était établi que le dispositif de vidéo surveillance mis en place par Mme [S] donnait sur la propriété de la SCI Pauline dont le consentement n'avait pas été recueilli, ce qui constituait un trouble manifestement illicite du fait de l'atteinte portée à l'intimité de la vie privée.

Mme [S] et les époux [Z] ont interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions le 22 novembre 2021.

Par ordonnance de la présidente de la chambre en date du 30 novembre 2021, l'affaire a été fixée d'office à bref délai en application de l'article 905 du code de procédure civile.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions transmises par voie électronique le 17 février 2022, Mme [S] et les époux [Z] demandent à la cour de :

- déclarer l'appel recevable et bien fondé,

- déclarer irrecevable la nullité de la signification soulevée par la SCI Pauline ;

A titre principal,

- infirmer l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus ;

Et statuant à nouveau,

- débouter la SCI Pauline de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour confirmerait l'ordonnance en ce qu'elle a condamné les appelants à supprimer la chaînette, la barrière et le grillage, infirmer l'ordonnance entreprise pour le surplus, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus ;

- débouter la SCI Pauline de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Sur l'appel incident,

- déclarer l'appel incident formé par la SCI Pauline mal fondé, le rejeter et l'en débouter, En tout état de cause :

- condamner la SCI Pauline à verser 2 500 euros à Madame [S] et 2 500 euros aux époux [Z] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

Ils contestent que 'le chemin de la vieille ferme' soit une voie privée ouverte à la circulation publique, raison pour laquelle l'obtention du permis de construire par la SCI Pauline avait été conditionné à la constitution d'une servitude de passage, et observent que la question de la qualification de la voie qui ne relève pas de la compétence du juge judiciaire est soumise au tribunal administratif saisi du recours formé par Mme [S] contre deux arrêtés municipaux réglementant la circulation dans cette voie. Ils ajoutent que cette voie a toujours servi au stationnement des véhicules de Mme [S] et des époux [Z].

Ils font valoir que le trouble manifestement illicite n'est pas caractérisé et que :

- le propriétaire du fonds dominant a le droit de se clore,

- la présence d'une barrière munie d'un crochet à retirer et à remettre est prévue par l'acte constitutif de la servitude qui envisage la pose d'un portail à refermer après passage,

- la servitude a un caractère accessoire et n'a vocation à s'exercer qu'à défaut d'accès au chemin principal par le domaine privé, or la SCI Pauline n'a jamais démontré une impossibilité d'accès,

- ils ne sont animés d'aucune intention de nuire et n'ont fait preuve d'aucune obstruction, le panneau indiquant que la voie est privée et non ouverte au public ayant été mis en place avant le début des travaux,

- ils établissent que les engins de chantier ont pu y accéder,

- les travaux étant achevés, il n'y a donc aucune gêne ou diminution de l'usage de la servitude, ni urgence.

En revanche, ils considèrent que l'usage que fait la SCI Pauline de la servitude et ses demandes relèvent de l'abus de droit, son intention étant manifestement de remettre en cause la possibilité d'installer un portail prévue par l'acte ayant institué la servitude puisqu'il est demandé que l'astreinte courre sur 10 ans. Ils estiment que la SCI Pauline est animée d'une intention de leur nuire et que les mesures ordonnées sont disproportionnées, la SCI Pauline allant jusqu'à faire constater par huissier la présence d'un pot de fleurs, ou de briques à l'entrée du garage de Mme [S].

Si la décision devait être confirmée s'agissant de la condamnation des appelants à retirer la barrière sur la parcelle d'assiette de la servitude, ils demandent alors à la cour de l'infirmer subsidiairement sur la suppression d'un panneau ou de tout objet, motifs pris de ce que le panneau existait bien avant le commencement des travaux, la parcelle litigieuse ayant en outre toujours servi au stationnement des véhicules même du vivant de feue [U] [S], que les travaux sont achevés et que l'impossibilité d'un autre accès n'est pas démontrée, outre le fait que les tiers risquent de croire qu'il s'agit d'un chemin public, et que l'interdiction a un caractère trop général.

S'agissant du dispositif de vidéo-surveillance, Mme [S] fait valoir qu'aucun dispositif n'est positionné en direction de la parcelle objet de la servitude mais sur son jardin, ce dispositif étant destiné à la surveillance de ses chats.

Les appelants contestent enfin devoir supporter les frais de constat qui ne sont pour la plupart pas lien avec le litige et concluent au rejet de l'appel incident.

Par conclusions transmises par voie électronique le 13 juin 2022, la SCI Pauline demande à la cour de :

- déclarer l'appel des consorts [Z] et de Madame [S] irrecevable et mal fondé.

- débouter les consorts [Z] et Madame [S] de l'ensemble de l'ensemble de leurs demandes,

- confirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés sauf en ce qu'elle a limité le montant et la durée de l'astreinte comminatoire ;

Formant appel incident, elle demande l'infirmation de l'ordonnance de ce chef et que la cour statuant à nouveau et dans cette limite :

- fixe le montant de l'astreinte à 1 500 euros par jour de retard, à l'expiration d'un délai de [Cadastre 5] jours à compter de la date de signification de l'ordonnance de référé du 4 novembre 2021, par infraction et par jour constatés, pendant une durée de dix ans, à charge des propriétaires et/ou occupants des parcelles situées [Adresse 4].

Subsidiairement,

- ordonner qu'à compter de la date de l'arrêt à intervenir, les condamnations prononcées à l'encontre des propriétaires et/ou occupants des parcelles situées [Adresse 4], seront assorties de l'astreinte de 1 000 euros par jour de retard et par infraction constatée, sans limitation de la durée.

En tout état de cause,

- débouter les consorts [Z] et Madame [S] de l'ensemble de leurs prétentions,

- les condamner in solidum à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers frais et dépens de l'instance.

Elle soutient en substance que la voie en question est une voie privée ouverte à la circulation du public comme l'admet la Ville de [Localité 18] et que dès le début des travaux, Mme [S] a tout fait pour y faire obstacle, le panneau interdisant l'accès et les caméras de vidéo surveillance ayant été mis en place suite à l'introduction par l'intimée d'un référé préventif avant le démarrage des travaux.

Elle soutient que le trouble manifestement illicite est caractérisé, puisque la servitude de passage doit permettre l'accès à sa propriété et notamment assurer le passage des engins de chantier pendant les travaux entrepris, or il est démontré que Mme [S] persiste à bloquer l'accès, en stationnant ses véhicules, en installant des barrières de chantier et des grillages, ayant d'ailleurs reconnu avoir mis en place des dispositifs pour « entraver la circulation de tous véhicules » et exposé sa motivation sur un panonceau apposé sur l'une des barrières de chantier.

Elle estime que les agissements de Mme [S] caractérisent un manquement de celle-ci aux obligations pesant sur elle en qualité de propriétaire du fonds servant, telles que prévues par l'article 701 du code civil, et ont pour conséquence de diminuer l'usage de la servitude, de la rendre plus incommode et de modifier l'état des lieux, et que la responsabilité délictuelle des époux [Z] est également engagée, en raison de leurs agissements fautifs qui ont pour but d'entraver l'exercice des droits du bénéficiaire de la servitude de passage qui s'imposent à tous.

Elle soutient que les appelants tentent d'inverser la charge de la preuve, en invoquant la cessation de l'état d'enclave ce qu'il leur appartient de démontrer, et que ce n'est pas à elle de démontrer qu'elle ne peut pas utiliser un autre accès, l'état d'enclavement résultant de la situation géographique de la parcelle.

Elle fait valoir également que le fait que les travaux soient achevés ne fait pas disparaître le trouble manifestement illicite, et que si l'acte mentionne que ' s'il y a des portails d'accès au chemin et au fonds dominant, ils devront toujours être refermés après leur ouverture  , aucun autre dispositif n'est visé, ni la possibilité pour le

propriétaire du fonds servant d'installer ou de maintenir des panneaux de quelque nature que ce soit sur l'assiette de la servitude, ce qui suppose l'accord du propriétaire du fonds dominant. Elle ajoute que le fait que le propriétaire du fonds dominant ait pu tolérer le stationnement des véhicules et/ou l'installation des panneaux par le propriétaire du fonds servant ne constitue pas un accord implicite de modification des droits et obligations, tels que prévus par l'acte instituant la servitude de passage, et qu'aucune obligation de concertation ne pesait sur elle pour l'exécution des travaux, enfin que la référence à l'urgence est inopérante.

S'agissant des dispositifs de vidéo surveillance, Mme [S] a adressé au voisinage une correspondance, aux termes de laquelle elle précise que « l'intégralité de l'impasse située à l'arrière de l'immeuble est placée sous vidéo surveillance », et a également installé un panneau à l'entrée de « cette impasse », informant de la présence des dispositifs de vidéo surveillance. L'intimée soutient que ces caméras permettent de filmer et d'enregistrer les images de toute personne empruntant la '[Adresse 17]', ce qui résulte d'ailleurs des photographies produites par l'appelante. L'installation d'un tel dispositif constitue un trouble manifestement illicite et s'analyse en une atteinte disproportionnée au droit de respect de la vie privée du propriétaire du fonds dominant, au sens de l'article 9 du code civil.

Subsidiairement, elle fonde ses demandes sur l'abus de droit.

Sur appel incident, la SCI Pauline sollicite, afin d'assurer l'exécution parfaite de l'ordonnance du premier juge et de l'arrêt à intervenir, que le montant de l'astreinte soit porté à 1 500 euros par jour de retard et par infraction, et que la limitation de durée soit supprimée. Elle demande enfin que les frais des trois constats d'huissier soient imputés aux appelants puisqu'ils concernent le litige.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

L'intimée conclut à l'irrecevabilité de l'appel, sans toutefois soulever aucun moyen précis. En l'absence de cause d'irrecevabilité susceptible d'être soulevée d'office, l'appel sera déclaré recevable.

Sur la demande dirigée contre Mme [S]

A titre liminaire, il convient de rappeler que l'article 835 du code de procédure civile qui permet au juge des référés de prendre les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite n'exige pas que soit caractérisée une situation d'urgence.

Aux termes d'un acte de constitution de servitude du 13 décembre 2013, Mme [U] [S] aux droits de laquelle vient désormais, Mme [C] [S], en sa qualité de propriétaire de la parcelle cadastrée Ville de Strasbourg section AX n° [Cadastre 10] lieudit '[Localité 15]' a consenti au profit du lot n°[Cadastre 14] de la copropriété sise [Adresse 3], propriété de la SCI Pauline, ayant vocation à être distrait de la copropriété pour devenir la parcelle cadastrée Section AX n°[Cadastre 13], une servitude de passage destinée à assurer les besoins de la desserte de ladite parcelle pour le raccordement aux différents réseaux publics. L'acte prévoit que la servitude s'exercera en tous points de la parcelle cadastrée section AX n°[Cadastre 10].

Il est en outre stipulé que 'à titre d'accessoire nécessaire à l'usage de cette servitude de divers réseaux, le propriétaire du fonds dominant bénéficie du droit de passage afin d'effectuer ou de faire effectuer tous les ouvrages nécessaires, toutes les vérifications

utiles, ainsi que tous les travaux d'entretien, de réparation ou de reconstruction de toute ou partie du réseau', et que 'ce droit de passage pourra être exercé à pied ou avec tout engin nécessaire'.

Le paragraphe intitulé 'servitude de passage' dispose en outre que : 'en tant que de besoin, le propriétaire du fonds servant ci-avant désigné consent à constituer au profit du propriétaire du fonds dominant ci-avant désigné, un droit de passage sans aucune restriction, par le propriétaire du fonds dominant les membres de sa famille, ses invités et visiteurs, puis ultérieurement dans les mêmes conditions, par les propriétaires successifs du fonds dominant', et que 'ce droit de passage pourra s'exercer à pied, avec ou sans animaux, avec ou sans véhicules, à moteur ou non, sans aucune limitation, et pour tous les besoins actuels et futurs d'habitation dudit fonds. S'il y a des portails d'accès au chemin et au fonds dominant, ils devront toujours être refermés après leur ouverture (...). cette servitude de passage ne s'exercera qu'à défaut d'accès au fond dominant par le domaine privé ou en cas d'accès insuffisant pour les secours ou d'autres besoins sur le chemin privé'.

Comme l'a exactement retenu le premier juge, la servitude de passage n'ayant pas été instituée uniquement pour la durée du chantier, il importe peu que les travaux soient achevés. Par ailleurs, si l'acte constitutif de la servitude prévoit expressément qu'elle est accessoire à la servitude de canalisations et de réseaux, et instituée en cas d'absence ou d'insuffisance d'accès au fond dominant par le domaine privé, il appartient toutefois aux appelants, et non à la SCI Pauline, de démontrer que le fonds de cette dernière disposerait d'un accès suffisant ce qu'ils ne font pas.

Dès lors que la SCI Pauline bénéficie d'une servitude de passage sur la parcelle cadastrée section AX n°[Cadastre 10], la question de la qualification de voie ouverte ou non à la circulation du public de la voie privée anciennement dénommée [Adresse 17] est sans emport, la SCI Pauline étant en effet fondée, en application de l'article 701 du code civil qui impose au propriétaire du fonds servant de ne rien faire qui tende à diminuer l'usage de la servitude ou à la rendre plus incommode, à demander la suppression de tout obstacle entravant l'exercice de son droit de passage.

Comme l'a exactement retenu le premier juge, il résulte suffisamment des constats d'huissiers et attestations produits par l'intimée émanant notamment de voisins et du maître d'oeuvre en charge de la construction de l'immeuble d'habitation de la SCI Pauline, ainsi que d'un entrepreneur, M. [R], qui indique que Mme [S] a volontairement mis en place son véhicule automobile en travers de la voie pour entraver le passage de camions livrant du béton, ainsi que d'un rapport de la police municipale du 8 janvier 2021 reprenant les déclarations de l'intimée qui avait reconnu avoir disposé volontairement les obstacles dans le but d'entraver la circulation de tous véhicules, que Mme [S] a volontairement mis en place, et de façon répétée différents objets ou dispositifs (véhicules, chaînette, barrière, grillage...) afin de faire obstacle au droit de passage dont bénéficie la SCI Pauline.

L'intimée invoque vainement le fait que l'acte du 13 décembre 2013 prévoit expressément l'hypothèse de l'installation d'un portail d'accès, et le droit pour le propriétaire du fonds servant de se clore, dès lors que les véhicules et dispositifs mis en place ne peuvent être assimilés à un portail ou une clôture et qu'ils ont été mis en place afin de restreindre l'accès, ainsi que Mme [S] l'a elle-même reconnu

et que cela résulte tant de l'affiche qu'elle a apposée sur son véhicule, que du panonceau mis en place sur une barrière de chantier à l'entrée du chemin rappelant qu'il s'agit d'une propriété privée et que l'accès est interdit sauf pour les services de la poste et personnes résidant aux numéros 12, 12 a, 18 a et [Adresse 6].

Le trouble manifestement illicite allégué étant suffisamment établi, l'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a condamné Mme [S], sous astreinte, à supprimer tout dispositif ou objet y compris les panneaux interdisant le passage, quand bien même auraient-ils été installés antérieurement au litige, la disproportion alléguée des mesures ordonnées n'étant pas caractérisée. Le dispositif de l'ordonnance sera toutefois précisé en ce que les objets visés sont ceux qui font obstacle au passage.

S'agissant des dispositifs de vidéo surveillance, Mme [S] ne peut soutenir qu'ils ne filmeraient que l'intérieur de sa propriété et non l'assiette de la servitude alors qu'elle indiquait elle-même sur les affichette et panonceau sus-évoqués, ainsi que dans un avis adressé aux occupants de la copropriété [Adresse 3], dont elle ne conteste pas être l'auteur, que l'impasse était sous vidéo surveillance et que les caméras installées filmaient et enregistraient tout mouvement sur la propriété.

Elle ne démontre pas avoir déposé toutes les caméras orientées en direction de l'assiette de la servitude, le constat d'huissier en date du 27 août 2021 qu'elle produit étant contredit par celui qu'a fait établir la SCI Pauline, le 1er septembre 2021, qui révèle la présence d'une caméra posée sur la tablette d'une fenêtre de la maison de Mme [S], parfaitement visible depuis la parcelle objet de la servitude, l'appelante ne démontrant pas que cette caméra ne filmerait que son propre jardin comme elle l'affirme, les photographies auxquelles elle se réfère à cet égard - annexe 19 - n'étant pas suffisamment probantes rien ne permettant d'affirmer qu'elles proviennent de cette caméra.

L'ordonnance entreprise sera donc également confirmée en ce qu'elle a condamné Mme [S] à supprimer les dispositifs de vidéo surveillance orientés sur l'assiette de la servitude.

Sur la demande dirigée contre les époux [Z]

Les époux [Z] ne démontrant pas que leurs véhicules seraient stationnés sur leur propriété et non sur l'assiette de la servitude de passage, et ayant accepté l'installation en partie sur leur fonds d'une chaînette ou de dispositifs empêchant l'accès à la parcelle AX n°[Cadastre 10], c'est à bon droit que le premier juge a retenu qu'ils avaient, par leur comportement, contribué à entraver le passage et porté atteinte aux droits de la SCI Pauline dont ils ne contestent pas avoir eu connaissance, et ainsi commis une faute justifiant leur condamnation in solidum avec Mme [S] à supprimer tout objet entravant le passage.

Sur l'appel incident

L'astreinte fixée par le premier juge étant adaptée à la nature du litige tant en ce qui concerne sa durée que son montant, l'appel incident de la SCI Pauline tendant à la majoration du montant de l'astreinte et à ce que sa durée ne soit pas limitée sera rejeté.

Sur le coût des constats d'huissier, les dépens et frais irrépétibles

L'ordonnance entreprise étant infirmée en ses dispositions principales, elle le sera également en celles relatives aux dépens et frais irrépétibles.

S'agissant du coût des constats d'huissier mis à la charge des appelants, ceux-ci contestent à juste titre devoir supporter le coût de l'un des deux constats établis le 28 avril 2021 qui concerne le stade d'achèvement des travaux de construction et qui est sans lien avec le présent litige. En revanche, le constat du 17 novembre 2020 relatif à l'état de la voirie et au stationnement de véhicules devant les numéros 12 et 12 a rue Kempf, quand bien même est-il antérieur au démarrage des travaux dont il est indiqué qu'ils débuteront le lendemain, démontre la présence de véhicules stationnés, dont l'un est celui de Mme [S], au milieu de la voie empêchant l'accès des camions. Il est donc en lien avec le présent litige puisque le droit de passage n'est pas seulement lié au chantier.

La décision entreprise sera donc infirmée en ce qui concerne le coût des constats d'huissier mis à la charge des appelants qui sera fixé à 1 191,69 - 189,20 = 1 002,49 euros.

Les dépens d'appel seront supportés par les appelants qui seront déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel. Il sera par contre alloué à la SCI Pauline, sur ce fondement une somme de 3 000 euros en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

DECLARE l'appel recevable ;

CONFIRME l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 4 novembre 2021, sauf en ce qu'il a condamné Mme [S] et les époux [Z] in solidum à payer à la SCI Pauline la somme de 1 191,69 euros au titre des constats d'huissier ;

INFIRME la décision entreprise de ce seul chef ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

CONDAMNE in solidum Mme [C] [S] et les époux [Y] [Z] et [H] [J] à payer à la SCI Pauline la somme de 1 002,49 € (mille deux euros quarante-neuf centimes) au titre du coût des constats d'huissier ;

Y ajoutant,

DIT que la condamnation prononcée par l'ordonnance déférée concerne, outre les dispositifs qui y sont visés, tout autre objet faisant obstacle à l'exercice du droit de passage ;

DEBOUTE Mme [S] et les époux [Z] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE in solidum Mme [C] [S] et les époux [Y] [Z] et [H] [J] aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SCI Pauline la somme de 3 000 € (trois mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/04795
Date de la décision : 02/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-02;21.04795 ?
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