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01/12/2022 | FRANCE | N°20/01387

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 01 décembre 2022, 20/01387


MINUTE N° 525/2022





























Copie exécutoire à



- Me Guillaume HARTER



- Me Valérie BISCHOFF

- [J]





Le 1er décembre 2022



Le Greffier













REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 1er décembre 2022





Numéro d'inscription au répertoir

e général : 2 A N° RG 20/01387 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HKPX



Décision déférée à la cour : 28 Avril 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE





APPELANTS et intimés sur incident :



1/ Monsieur [U] [W]

demeurant [Adresse 9]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2020/0020...

MINUTE N° 525/2022

Copie exécutoire à

- Me Guillaume HARTER

- Me Valérie BISCHOFF

- [J]

Le 1er décembre 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 1er décembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01387 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HKPX

Décision déférée à la cour : 28 Avril 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTS et intimés sur incident :

1/ Monsieur [U] [W]

demeurant [Adresse 9]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2020/002059 du 07/07/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

2/ Madame [R] [H] épouse [W]

dmeurant à la même adresse.

1 & 2/ représentés par Me Guillaume HARTER, avocat à la cour.

INTIMÉS et appelants sur incident :

1/ Monsieur [L] [N]

2/ Madame [Z] [G] épouse [N]

demeurant ensemble [Adresse 13]

représentés par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 22 septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [U] [W] et Mme [R] [H] ont acquis, le 24 novembre 2008 et le 6 février 2009, des parcelles à bâtir cadastrées commune de [Localité 19] Section [Cadastre 12] n°[Cadastre 3]/[Cadastre 11], [Cadastre 4]/[Cadastre 11], [Cadastre 5]/[Cadastre 11], [Cadastre 6]/[Cadastre 11] et [Cadastre 7]/[Cadastre 11] sur lesquelles ils ont édifié une maison d'habitation située au [Adresse 9]. Ces parcelles sont contiguës à des parcelles cadastrées section [Cadastre 12] n° [Cadastre 1]/[Cadastre 10] et [Cadastre 2]/[Cadastre 10], issues de la division d'une parcelle n°[Cadastre 16]/[Cadastre 10], appartenant aux époux [L] et [Z] [N], qui les ont reçues en donation de Mme [V] [F], veuve [G], selon acte du 13 septembre 1996, sur lesquelles est édifiée une maison d'habitation sise au [Adresse 13].

Les consorts [W] - [H] prétendant que le muret édifié entre les deux propriétés empiétait sur leur fonds, ont par acte introductif d'instance du 5 avril 2019, fait citer les époux [N] devant le tribunal de grande instance de Mulhouse aux fins de voir ordonner la suppression de l'empiètement et obtenir des dommages et intérêts.

Les époux [N] ont opposé la prescription acquisitive.

Par jugement du 28 avril 2020, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a :

- déclaré les consorts [W] - [H] recevables mais mal fondés en leur demande et les en a déboutés,

- constaté que les époux [N] pouvaient se prévaloir de la prescription acquisitive de l'emprise dénoncée sur la parcelle section 3 n°[Cadastre 5]/[Cadastre 11],

- ordonné la transcription au Livre foncier,

- débouté les époux [N] de leur demande reconventionnelle et de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné les consorts [W] - [H] aux dépens et au paiement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a considéré que la demande était recevable puisque l'empiètement n'était pas contesté et a retenu que :

- s'il ressortait d'un certificat établi par M. [B], géomètre-expert, que les limites avaient été reconnues et acceptées par les époux [E], qui avaient vendu leur fonds aux consorts [W] - [H], il n'en résultait pas la preuve de l'acceptation de l'empiètement par les époux [E], qui pour être opposable à l'acquéreur aurait dû être mentionné dans l'acte de vente ou publié,

- de plus les époux [N] qui avaient acquis leur fonds par donation, postérieurement à la construction du muret, ne pouvaient se prévaloir d'une acceptation de l'empiètement, ni invoquer la prescription abrégée car l'acte de donation ne leur avait pas transféré la propriété de l'emprise litigieuse,

- ils établissaient par une déclaration de travaux de 1952 et cinq attestations, une possession répondant aux critères de l'article 2261 du code civil, depuis plus de 30 ans, l'état récent du muret démontrant qu'ils avaient probablement procédé à sa reprise et qu'ils s'étaient donc comportés comme propriétaires des mètres d'empiètement jusqu'audit muret,

- l'élément intentionnel ne pouvait être écarté du fait qu'en janvier 2019, ils avaient proposé, en réponse à un courrier des époux [W] invoquant l'empiètement, d'acquérir la portion de terrain correspondant à l'empiètement, reconnaissant ainsi le droit de propriété de ces derniers.

Le tribunal a déduit du tout que les époux [N] pouvaient se prévaloir de la prescription acquisitive ce qui commandait le rejet des demandes des époux [W] - [H], y compris au titre d'un trouble anormal de voisinage.

Le tribunal a enfin rejeté la demande des époux [N] en dommages et intérêts et en suppression de la clôture brise-vue mise en place par les consorts [W] - [H] pour non-respect de l'article 643 du code civil et des prescriptions applicables, motif pris de ce qu'ils n'en rapportaient pas la preuve ni celle d'un préjudice, écartant par ailleurs tout abus de droit.

Les époux [W] ont interjeté appel de ce jugement, le 19 mai 2020 en toutes ses dispositions.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 1er février 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions transmises par voie électronique le 15 février 2021, les époux [W] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 28 avril 2020 en ce qu'il a déclaré M. et Mme [W] mal fondés en leur demande, en ce qu'il a constaté que M. et Mme [N] pouvaient se prévaloir de la prescription acquisitive, et en ce qu'il a condamné M. et Mme [W] au paiement de la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, ainsi qu'en ce qu'il a rejeté leur demande de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau de :

- condamner solidairement les époux [N] à procéder à tous travaux nécessaires à la suppression de l'empiètement de leur muret sur la propriété des époux [W],

- dire que les travaux devront être réalisés sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois courant à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner solidairement les intimés à verser aux appelants la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts assortie des intérêts au taux légal à compter de la demande,

Sur l'appel incident de :

- débouter les intimés de leur demande formée au titre de leur appel incident,

En tout état de cause :

- condamner solidairement les intimés à payer aux appelants la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens des deux instances.

Ils font valoir que les époux [N], qui ont acquis leur bien immobilier postérieurement à la construction du muret litigieux, ne sont pas fondés à se prévaloir d'une quelconque acceptation par les appelants de l'empiètement constaté, puisqu'il est admis que l'opposabilité à l'acquéreur d'un bien immobilier d'un accord verbal consenti par son auteur à un empiètement suppose que celui-ci ait été publié ou mentionné dans l'acte de vente, ce qui n'est pas le cas.

Ils estiment que c'est à tort que le tribunal a retenu la prescription acquisitive contestant la valeur probante des pièces produites par les époux [N]. Ils soulignent l'aspect récent dudit muret réalisé en partie en béton préfabriqué, alors qu'il n'a jamais été question d'une reprise du muret, ajoutant que les époux [N] qui avaient proposé d'acquérir l'emprise du muret ont ainsi reconnu le droit de propriété des appelants et ne peuvent donc prétendre avoir possédé en tant que propriétaires. En outre, lorsqu'ils ont édifié en 2009 un jardin d'hiver la nouvelle construction a été implantée en respectant les limites cadastrales sans empièter sur les parcelles n° [Cadastre 4]/[Cadastre 11] et [Cadastre 5]/[Cadastre 11] qu'ils revendiquent.

Ils sollicitent un montant de 5 000 euros en indemnisation du trouble anormal de voisinage causé par cet empiètement car ils ne disposent que d'une petite parcelle et ont été limités dans leurs possibilités de construction.

Ils approuvent enfin les motifs du jugement s'agissant du brise-vue et du rejet de la demande de dommages et intérêts.

Par conclusions transmises par voie électronique le 19 novembre 2020, les époux [N] demandent à la cour de déclarer l'appel principal irrecevable et mal fondé, de confirmer le jugement dans la limite de l'appel incident et statuant à nouveau sur appel incident de réformer le jugement en ce qu'il a rejeté leurs demandes reconventionnelles et de :

- condamner les appelants à leur verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et frustratoire,

- condamner les appelants à supprimer, sous astreinte d'un montant de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du 'jugement' à intervenir, le brise vue installé illégalement par eux en limite de propriété de M. et Mme [N],

- débouter les époux [W] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

en tout cas, de condamner les appelants à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Ils font valoir que le muret litigieux a été édifié par la donatrice, Mme [G] dans les années 1950, et que selon les appelants il serait construit sur les parcelles n°[Cadastre 4]/[Cadastre 11] et [Cadastre 5]/[Cadastre 11], or cette dernière parcelle appartient à l'indivision [G]. Ils soutiennent que les propriétés des parties proviennent de la division d'un ensemble immobilier, le fonds appartenant aux époux [W] ayant antérieurement appartenu à M. [X], oncle de Mme [N], qui l'a vendu en 2002 aux époux [E], et que le muret qui existait déjà à l'époque de la donation en 1996, a été 'complété' en 1980 par M. [X]. Ils soutiennent que la situation a été acceptée en l'état par les époux [E] qui ont reconnu les nouvelles limites en 2004, ce qui ressort de l'acte de vente des appelants auquel sont annexés les plans cadastraux acceptés par le vendeur.

Ils prétendent être possesseurs de bonne foi, que leur possession légitime résulte de l'acte de donation auquel est annexé un plan faisant apparaître le mur, ce qui leur permet d'invoquer la prescription abrégée de l'article 2272 du code civil, et que les conditions de la prescription acquisitive trentenaire sont par ailleurs réunies.

Au soutien de leur demande reconventionnelle, ils invoquent la mauvaise foi des appelants qui étaient parfaitement au courant de la situation, et leur reprochent d'avoir installé un brise-vue qui dépasse les hauteurs autorisées par le plan local d'urbanisme.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

Les intimés concluent à l'irrecevabilité de l'appel, sans toutefois soulever aucun moyen précis. Cette fin de non-recevoir n'ayant pas été soumise au conseiller de la mise en état qui a compétence exclusive pour en connaître, la demande est irrecevable en tant que formée devant la cour. En l'absence de cause d'irrecevabilité susceptible d'être soulevée d'office, l'appel sera déclaré recevable.

1- Sur l'empiètement et la prescription acquisitive

A titre liminaire, il sera constaté en premier lieu que si les époux [W] visent dans leurs conclusions une parcelle n° [Cadastre 1]/[Cadastre 8] appartenant aux époux [N], il s'agit en réalité de la parcelle n°[Cadastre 1]/[Cadastre 10] qui leur a été transmise par acte de donation du 13 septembre 1966, et en second lieu que la parcelle n°[Cadastre 5]/[Cadastre 11] n'appartient pas à l'indivision [G] mais aux époux [W] qui l'ont acquise selon acte du 24 novembre 2008.

Le tribunal a exactement retenu, par des motifs pertinents que la cour fait siens, que les époux [N] ne peuvent opposer aux époux [W] l'accord qu'aurait prétendument donné en 2004 leurs vendeurs, les époux [E], à l'empiètement, en l'absence de publication ou de mention dans leur acte de vente. Cet acte comporte en effet seulement une mention relative à un hangar partiellement construit sur la parcelle n°[Cadastre 4]/[Cadastre 11] par le propriétaire de l'immeuble n°[Cadastre 1]/[Cadastre 10] mais ne fait aucune référence au muret litigieux situé à l'arrière de ce hangar. En outre, l'accord des époux [E] qui ne porte que sur les limites parcellaires ne vaut pas acceptation de l'empiètement. Enfin, le plan annexé à l'acte de vente du 24 novembre 2008 ne matérialise pas le muret litigieux.

De même, c'est à bon droit que le tribunal a retenu que les époux [N] ne pouvaient se prévaloir de la prescription abrégée de l'article 2272, alinéa 2 du code civil, faute de justifier d'un juste titre, l'acte de donation du 13 septembre 1996 ne faisant en effet aucune référence aux parcelles sur lesquelles le muret litigieux est édifié, et le plan annexé à cet acte ne faisant pas apparaître ledit mur contrairement à ce qu'affirment les intimés, mais seulement la limite cadastrale.

Il n'est pas contesté que le muret litigieux, qui a été édifié par les auteurs des intimés, empiète sur le fonds des époux [W], les parcelles n°[Cadastre 4]/[Cadastre 11] et [Cadastre 5]/[Cadastre 11] correspondant en grande partie à la portion de terrain située entre ledit muret et la limite cadastrale des deux fonds. Le fait que les époux [W] aient pu avoir connaissance de l'empiètement au moment de leur acquisition n'implique pas renonciation non équivoque de leur part à demander qu'il soit mis fin à l'atteinte portée à leur droit de propriété.

Pour s'opposer à la demande, les époux [N] invoquent la prescription acquisitive.

Conformément à l'article 2261 du code civil, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.

Pour considérer que les époux [N] ont acquis par usucapion la portion de terrain entre la limite cadastrale et le muret, le tribunal s'est notamment fondé sur une déclaration d'achèvement de travaux datant de 1952, en réalité du 1er octobre 1956, laquelle fait référence à un permis de construire n° 13.170 en date du 19 septembre 1952 et du 7 juillet 1953.

Les appelants relèvent toutefois, à juste titre, que cette déclaration d'achèvement de travaux ne fait mention que de la construction d'une remise-buanderie sur un terrain sis au [Adresse 18] et d'une clôture et non d'un mur maçonné. Il n'est par ailleurs pas établi que la clôture visée correspondrait au mur litigieux. En effet, le permis de construire n° 13.710 délivré le 19 septembre 1952 vise la construction d'une clôture sur un terrain sis au n°[Adresse 14]. Les époux [N] affirment qu'il s'agirait d'une erreur car il n'existerait pas de n°8 bis mais ne démontrent toutefois pas cette erreur, le plan joint à la déclaration d'achèvement de travaux ne matérialisant pas ladite clôture. En outre, il résulte du témoignage de Mme [S] [D] domiciliée au [Adresse 15] et des photographies qui y sont jointes qu'il existe un muret de clôture surmonté d'un grillage entre les propriétés n° 6 et [Adresse 15]. Enfin, l'arrêté portant autorisation de construire une clôture en date du 23 mai 1952, également joint à la déclaration de travaux susvisée vise une clôture en façade Nord en bordure du CD 20, qui est la rue de [Localité 17]. Il n'est dès lors pas établi que ces autorisations d'urbanisme concernaient le mur litigieux.

La photographie aérienne de l'institut national géographique de 1960 produite en annexe 3 n'est par davantage explicite.

Les époux [W] démontrent au surplus par des photographies non contestées que le mur litigieux est réalisé en parpaings ou en béton, et qu'il est de construction manifestement récente, alors que les époux [N] n'ont jamais prétendu avoir procédé à une reprise du mur comme l'a supposé le tribunal. Ils indiquent seulement que M. [X], oncle de Mme [N], ancien propriétaire du fonds des époux [W] aurait 'complété' ce mur en 1980. Le plan joint à la demande de permis de construire déposée par ce dernier est toutefois peu explicite et semble, au contraire, situer la construction projetée à l'emplacement du mur en cause.

Comme le rappellent les appelants et les époux [N] eux-mêmes, la prescription acquisitive suppose que soient démontrés des actes matériels accomplis sur la chose en qualité de propriétaires.

À cet égard, les intimés produisent cinq attestations. M. [T] [O], voisin des parties, indique que le mur séparant les propriétés des numéros 4A et 6A est au même emplacement depuis 1974. Si la valeur probante de ce témoignage est contestée par les appelants en raison de l'existence d'un litige les opposant au témoin, il est toutefois conforté par le témoignage de Mme [Y] [G], cousine de l'intimée, qui évoque l'existence d'un mur de séparation du terrain de M. [P] [G] et de M. [K] [X] depuis sa plus tendre enfance (1970-1971), le lien de parenté existant entre le témoin et les intimés ne suffisant pas à écarter ce témoignage.

Les autres témoignages produits sont par contre peu probants. Mme [C] [G], soeur de Mme [N], qui est née en 1956, indique qu'étant enfant elle interpellait son oncle et sa tante - les époux [X] - de l'autre côté du mur et qu'ils lui donnaient des fruits et friandises, mais ne précise toutefois aucune date ni de quel mur il s'agit, étant rappelé que M. [X] a lui-même construit un mur séparatif en 1980. Mme [I] et M. [A] font quant à eux état de l'existence d'un mur mitoyen ou séparatif sans aucune précision de localisation, ni de date pour la première.

Les seuls témoignages de M. [O] et de Mme [Y] [G] qui ne font par ailleurs état d'aucun acte matériel de possession de la part des époux [N] ou de leurs auteurs sur les parcelles n°[Cadastre 4]/[Cadastre 11] et [Cadastre 5]/[Cadastre 11] concernées par l'empiètement ne sont pas suffisants pour caractériser une possession à titre de propriétaire qui ne peut résulter de la seule présence du muret édifié à une date qui reste indéterminée.

Cette possession apparaît en outre entachée d'équivoque. Les époux [N] admettent en effet que les parcelles n°[Cadastre 4]/[Cadastre 11] et [Cadastre 5]/[Cadastre 11] n'ont été créées qu'en 2004, en réalité 2002, - cf croquis de M. [B] du 19 septembre 2002, annexe 25 des appelants - pour matérialiser les empiètements du muret et de la remise, ce qui n'a pas suscité de protestation de leur part, et ce qui démontre au surplus que les époux [E], qui ont acquis les parcelles en cause de M. [X] le 8 août 2002, considéraient que ces parcelles leur appartenaient.

En outre, lorsqu'ils ont fait procéder à la construction d'un jardin d'hiver en 2009, les époux [N] ont implanté leur ouvrage en limite en se référant à la limite cadastrale et non à celle qu'ils revendiquent, ce qui exclut toute intention de leur part de se comporter en tant que propriétaires des parcelles en cause.

Par voie de conséquence, les époux [N] ne rapportant pas la preuve d'une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaires depuis plus de trente ans, le jugement doit donc être infirmé en tant qu'il a retenu que les époux [N] pouvaient se prévaloir de l'usucapion et a rejeté la demande des époux [W] en suppression de l'empiètement.

L'empiètement étant avéré, il convient donc d'en ordonner la suppression suivant les modalités indiquées au dispositif du présent arrêt.

2 - Sur les dommages et intérêts pour trouble anormal de voisinage

Les époux [W] prétendent que l'empiètement, en les privant d'une partie de leur propriété, aurait limité leurs possibilités de construction mais n'en rapportent pas la preuve, étant observé que l'empiètement ne concerne qu'une portion extrêmement minime de leur fonds.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'ils les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts.

3 - Sur la demande reconventionnelle en suppression des brise-vue et en paiement de dommages et intérêts

Les époux [N] prétendent que les appelants ont installé un brise-vue qui dépasse de loin les hauteurs admises, en l'occurrence 2 mètres le long des limites séparatives, la hauteur étant mesurée à partir du niveau du domaine public au droit du terrain - article 11 UC 3 du plan local d'urbanisme de [Localité 19], annexe 22 des appelants -.

Force est de constater que les intimés produisent les mêmes éléments de preuve qu'en première instance. Comme l'a retenu le premier juge, la photographie et les plans versés aux débats sont insuffisants à établir que la hauteur des voiles brise-vue excéderait la hauteur admise, en l'absence de tout constat indiquant la cote du terrain par rapport à la voie publique et la hauteur de la clôture.

Le jugement sera donc également confirmé de ce chef.

Il le sera également en ce qu'il a rejeté la demande des époux [N] en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, la demande des époux [W] ayant été partiellement admise.

4 - Sur les dépens et frais exclus des dépens

Le jugement étant infirmé en sa disposition principale, il le sera également en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles.

En considération de la solution du litige, les dépens de première instance et d'appel seront supportés par les époux [N] qui seront déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera en revanche alloué sur ce fondement une somme de 3 000 euros aux époux [W].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

DECLARE l'appel recevable ;

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse en date du 28 avril 2020 sauf en ce qu'il déclare la demande des époux [W] recevable et les déboute de leur demande de dommages et intérêts et en ce qu'il déboute les époux [N] de leur demande reconventionnelle et en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Statuant à nouveau pour le surplus,

DIT que les époux [N] ne peuvent se prévaloir de la prescription acquisitive sur la parcelles sise à [Localité 19] Section [Cadastre 12] n° [Cadastre 5]/[Cadastre 11] ;

CONDAMNE les époux [L] [N] et [Z] [G] à supprimer l'empiètement de leur muret de clôture sur les parcelles section [Cadastre 12] n° [Cadastre 4]/[Cadastre 11] et [Cadastre 5]/[Cadastre 11] appartenant aux époux [U] [W] et [R] [H] dans un délai de six mois à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 50 € (cinquante euros) par jour de retard passé ce délai, et pendant une durée de trois mois ;

CONDAMNE les époux [L] [N] et [Z] [G] aux entiers dépens de première instance ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;

Y ajoutant,

DEBOUTE les époux [L] [N] et [Z] [G] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE les époux [L] [N] et [Z] [G] aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer aux époux [U] [W] et [R] [H] une somme de 3 000 euros (trois mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/01387
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;20.01387 ?
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