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25/11/2022 | FRANCE | N°22/00472

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 25 novembre 2022, 22/00472


MINUTE N° 519/2022





























Copie exécutoire à



- Me Marion POLIDORI



- Me Laurence FRICK





Le 25/11/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 25 novembre 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/00472 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HYJ3

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Décision déférée à la cour : 07 Janvier 2022 par le président du tribunal judiciaire de MULHOUSE



APPELANTE :



Madame [O] [S] épouse [X]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 7]



représentée par Me Marion POLIDORI, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me GRUNENBERGE...

MINUTE N° 519/2022

Copie exécutoire à

- Me Marion POLIDORI

- Me Laurence FRICK

Le 25/11/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 25 novembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/00472 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HYJ3

Décision déférée à la cour : 07 Janvier 2022 par le président du tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTE :

Madame [O] [S] épouse [X]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 7]

représentée par Me Marion POLIDORI, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me GRUNENBERGER, avocat au barreau de Colmar

INTIMÉE :

COMMUNE DE [Localité 8] prise en la personne de son Maire en exercice.

[Adresse 1]

[Localité 6]

représenté par Me Laurence FRICK, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me NAHON, avocat au barreau de Strasbourg

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Septembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Monseur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats :

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 10 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Dominique DONATH faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Par voie de dévolution successorale, Mme [O] [S] épouse [X] est propriétaire de trois parcelles de terrain sises à [Localité 8], cadastrées section [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 3] lesquelles sont traversées par une voie, dénommée [Adresse 9].

Selon jugement du 23 mars 2018, le tribunal de grande instance de Mulhouse a constaté que la commune de [Localité 8] avait commis une voie de fait en réalisant une voie de circulation sur les parcelles appartenant à Mme [O] [S] et a ordonné à la commune de la faire cesser.

Par ordonnance du 19 juin 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Mulhouse a notamment débouté la commune de [Localité 8] de sa demande tendant à ce que Mme [O] [S] procède à l'enlèvement de toutes barrières, entraves et matériaux de toutes natures susceptibles de restreindre ou d'interdire l'accès et le libre passage sur les parcelles en cause.

Suivant arrêt de la cour d'appel de Colmar, en date du 17 juin 2019, Mme [O] [S] a été déboutée de sa demande tendant à voir assortir d'une astreinte la condamnation du jugement du 23 mars 2018.

Par assignation signifiée le 31 août 2021, Mme [O] [S] a attrait la commune de [Localité 8] devant la juridiction des référés, sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile, afin de la voir condamner à lui payer, à titre de provision, la somme de 42 000 euros, correspondant à l'indemnité d'occupation dont celle-ci lui est redevable, pour la période s'étendant du 23 mars 2018 au 21 septembre 2021.

Par ordonnance du 7 janvier 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse :

- s'est déclaré compétent pour statuer dans le cadre de la présente instance;

- a débouté Mme [O] [S] de sa demande de provision formée à l'encontre de la commune de [Localité 8] ;

- a débouté la commune de [Localité 8] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- a condamné Mme [O] [S] à payer à la commune de [Localité 8] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- a condamné Mme [O] [S] aux entiers dépens de la présente instance.

Après s'être déclaré compétent pour statuer, le juge a rejeté la demande de provision formée par Mme [S]. Il a considéré que s'avérait sérieusement contestable le fondement de l'obligation de paiement imputée par cette dernière, à titre d'indemnité d'occupation, à la commune de [Localité 8], relativement à l'exécution du jugement du tribunal de grande instance de Mulhouse du 23 mars 2018, ordonnant à cette dernière de faire cesser la voie de fait consistant en la réalisation d'une voie de circulation sur les parcelles appartenant à Mme [S].

Le juge a débouté la commune de [Localité 8] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive faute pour elle de rapporter la preuve que Mme [S] avait agi à son encontre dans l'intention de lui nuire.

Mme [S] a formé appel à l'encontre de cette ordonnance par voie électronique le 31 janvier 2022.

Selon ordonnance du 14 février 2022, la présidente de la chambre, en application de l'article 905 du code de procédure civile, a fixé d'office l'affaire à l'audience du 2 septembre 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 11 mars 2022, Mme [S] demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé ;

en conséquence :

- infirmer, à tout le moins réformer, l'ordonnance du 7 janvier 2022 rendue par le président du tribunal judiciaire de Mulhouse, en ce qu'elle :

* l'a déboutée de sa demande de provision,

* l'a condamnée à 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

et, statuant à nouveau :

- constater l'absence de contestation sérieuse en ce que le juge des référés n'a à trancher aucune question de fond, déjà tranchée par les jugements du 23 mars 2018 et du 4 février 2022 ;

- condamner la commune de [Localité 8] à lui payer une provision au titre de l'indemnité d'occupation de 1 000 euros par mois fois 48 mois de mars 2018 à mars 2022, soit 48 000 euros ;

en tout cas :

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de la commune de [Localité 8] ;

- condamner la commune de [Localité 8] à lui payer :

* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile concernant la procédure de première instance,

* 3 500 euros au titre de 1'article 700 du code de procédure civile concernant la procédure d'appel ;

- condamner la commune de [Localité 8] aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Sur sa demande de provision au titre d'une indemnité d'occupation, Mme [S] expose que la commune de Morschwiller-le-Bas n'a jamais fait cesser la voie de fait, depuis le jugement du 23 mars 2018 rendu par le tribunal de grande instance de Mulhouse et a même tenté de la rétablir dans le cadre d'une procédure de référé.

Elle précise que la commune, par l'intermédiaire de son directeur général des services, M. [V] [E] a franchi une clôture qu'elle avait installée et ce, pour pénétrer dans sa propriété, ce qui l'a amenée à porter plainte le 4 janvier 2021.

Elle ajoute que depuis plus de quatre ans, la commune de [Localité 8] n'a jamais déposé de dossier d'expropriation pour cause d'utilité publique dans le but

de régulariser juridiquement cette voie de fait alors même que le tribunal de grande instance de Mulhouse l'avait expressément invitée à y procéder, ce comportement constituant une faute au sens de l'article 1240 du code civil.

Elle indique encore que le maintien des ouvrages illégalement implantés par la commune, constitutifs d'une voie de fait selon un jugement définitif fait obstacle à toute possibilité d'aménagement et d'extension de sa maison, les deux parcelles étant coupées en leur milieu par la route implantée illégalement et par l'ensemble des réseaux enterrés sous celle-ci.

Mme [S] fait valoir que le trouble qu'elle subit est manifestement illicite et non contestable puisqu'il a été constaté dans deux jugements définitifs au moins et qu'elle justifie qu'il persiste.

Elle ajoute que sa demande de provision ne relève pas des hypothèses imposant au juge des référés d'avoir à trancher une question de fond ou de l'interprétation ou de l'appréciation de la validité d'un acte juridique.

Elle s'étonne de la contradiction sérieuse existant dans la motivation de l'ordonnance entreprise, le juge ayant retenu l'existence d'une contestation sérieuse tout en se reconnaissant compétent pour connaître de cette assignation alors que la contestation sérieuse est précisément un critère d'incompétence du juge des référés.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 8 avril 2022, la commune de [Localité 8] demande à la cour de :

- déclarer l'appel de Mme [O] [S] mal fondé ;

- le rejeter ;

- débouter la demanderesse de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer la décision entreprise en l'ensemble de ses dispositions ;

- condamner Mme [O] [S] à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [O] [S] aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel.

La commune de [Localité 8] expose que les différentes démarches amiables qu'elle a entreprises ont toutes été refusées par Mme [S] laquelle avait la possession de sa parcelle bien avant la saisine du juge de l'exécution puisqu'elle y a apposé des barrières lesquelles sont toujours en place.

Elle ajoute qu'en se plaignant des dégradations qu'elle subirait sur ses barrières, Mme [S] reconnaît la pleine possession de sa propriété, de sorte qu'aucun grief ne peut être retenu à son égard.

La commune de [Localité 8] précise qu'elle n'est pas responsable des dégradations sur des ouvrages privés qui ne concernent pas le terrain communal et que les suites de la plainte pénale déposée par Mme [S] sont à ce jour inconnues.

Elle indique qu'elle a engagé les démarches préalables à la procédure DUP et qu'elle s'est rapprochée de Mme [S] pour acquérir les parcelles sur la base d'une estimation du service des domaines.

Elle s'étonne de ce que Mme [S] sollicite un montant de 1000 euros par jour sans plus de justification alors même qu'elle ne souffre d'aucun préjudice puisqu'elle jouit de sa propriété, étant précisé qu'elle-même n'est pas à l'origine de la création du passage et que les parents de Mme [S] y avaient consenti.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de provision

Aux termes des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut, en référé, accorder une provision au créancier.

Selon jugement définitif du 23 mars 2018, le tribunal de grande instance de Mulhouse a constaté que la commune de [Localité 8] avait commis une voie de fait en réalisant une voie de circulation sur les parcelles appartenant à Mme [O] [S] et a ordonné à la commune de la faire cesser.

Le tribunal y a fait état de ce que la commune se comportait comme si elle était propriétaire de la totalité de la [Adresse 9] notamment en organisant la circulation sur la totalité du tronçon et en entretenant la totalité de la rue (revêtement, éclairage, alimentation en eau, gaz et électricité).

Du fait de l'installation de barrières par Mme [S], l'organisation de la circulation par la commune n'est plus d'actualité, s'agissant du tronçon appartenant à cette dernière, les intrusions dénoncées par Mme [S] étant la résultante de comportements individuels de leurs auteurs.

Toutefois, il n'en demeure pas moins que, sur la portion de la [Adresse 9] lui appartenant, Mme [S] a subi cette circulation organisée par la commune jusqu'à cette installation.

De plus, sur cette même portion, à défaut pour la commune de démontrer le contraire, Mme [S] subit toujours la présence des éléments d'entretien installés par la commune et visés par le jugement du 23 mars 2018 susvisé à savoir le revêtement, l'éclairage l'alimentation en eau, en gaz et en électricité.

La voie de fait retenue par le tribunal de grande instance de Mulhouse le 23 mars 2018 n'a pas été contestée et est toujours d'actualité, de sorte qu'au regard de l'occupation par la commune des parcelles appartenant à Mme [S], cette dernière est en droit de demander une provision à valoir sur l'indemnité d'occupation due par la commune, l'existence de cette obligation n'étant pas sérieusement contestable.

Mme [S] entend solliciter, à ce titre, la somme de 1000 euros par mois pour la période allant de mars 2018 à mars 2022.

Considérant que c'est en mars 2018 que le tribunal de grande instance de Mulhouse a retenu l'existence de la voie de fait et que celle-ci perdurait encore en mars 2022, il y a lieu de faire droit à la demande de provision de Mme [S] à hauteur de 3840 euros, ce qui correspond à une indemnité d'occupation de 80 euros par mois sur 48 mois.

Il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise de ce chef et de condamner la commune de [Localité 8] à payer à Mme [S] la somme de 3840 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnité d'occupation due pour la période susvisée.

Sur les dépens et les frais de procédure

L'ordonnance entreprise est infirmée sur ces chefs. Ainsi, la commune de [Localité 8] est condamnée aux dépens et est déboutée de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Constatant que le juge des référés n'a pas statué sur la demande d'indemnité formulée par Mme [S] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu de condamner la commune de [Localité 8] à payer à Mme [S] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A hauteur d'appel, la commune de [Localité 8] est condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à Mme [S] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; elle est déboutée de sa demande d'indemnité sur le fondement de ce même article.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l'appel, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

INFIRME l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse du 7 janvier 2022 en ce qu'elle a :

- débouté Mme [O] [S] de sa demande de provision formée à l'encontre de la commune de [Localité 8] ;

- condamné Mme [O] [S] à payer à la commune de [Localité 8] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [O] [S] aux entiers dépens de la présente instance;

Statuant de nouveau sur ces seuls points et y ajoutant :

CONDAMNE la commune de [Localité 8] à payer à Mme [O] [S] la somme de 3840 euros (trois mille huit cent quarante euros) à titre de provision à valoir sur l'indemnité d'occupation due pour la période allant du mois de mars 2018 au mois de mars 2022 ;

CONDAMNE la commune de [Localité 8] aux dépens des procédures de premier ressort et d'appel ;

CONDAMNE la commune de [Localité 8] à payer à Mme [O] [S] la somme de 1500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure exposés en premier ressort ;

CONDAMNE la commune de [Localité 8] à payer à Mme [O] [S] la somme de 1500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure exposés en appel ;

DEBOUTE la commune de [Localité 8] de ses demandes d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en premier ressort et à hauteur d'appel.

Le greffier, Le président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/00472
Date de la décision : 25/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-25;22.00472 ?
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