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25/11/2022 | FRANCE | N°20/01594

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 25 novembre 2022, 20/01594


MINUTE N° 514/2022





































Copie exécutoire à



- Me Raphaël REINS



- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI



- Me Valérie BISCHOFF-DE OLIVEIRA



Le 25 novembre 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET MIXTE du 25 novembre 2022





Numéro d'insc

ription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01594 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HK2L



Décision déférée à la cour : 19 Mai 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE



APPELANTS :



Monsieur [W] [O]

Madame [G] [T] [S] épouse [O]

demeurant ensemble [Adresse 2]



Madame [Z] [D] [O]

de...

MINUTE N° 514/2022

Copie exécutoire à

- Me Raphaël REINS

- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI

- Me Valérie BISCHOFF-DE OLIVEIRA

Le 25 novembre 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET MIXTE du 25 novembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01594 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HK2L

Décision déférée à la cour : 19 Mai 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTS :

Monsieur [W] [O]

Madame [G] [T] [S] épouse [O]

demeurant ensemble [Adresse 2]

Madame [Z] [D] [O]

demeurant [Adresse 4]

Monsieur [F] [M] [O]

demeurant [Adresse 6]

Madame [K] [R] [O]

demeurant [Adresse 3]

représentés par Me Raphaël REINS, avocat à la cour.

INTIMÉES :

Madame [V] [H] épouse [U]

demeurant [Adresse 1]

représentée par la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI, avocat à la cour.

Madame [L] [Y]

demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Valérie BISCHOFF-DE OLIVEIRA, avocat à la cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Anne HOUSER

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 23 septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

M. [A] [O], né le 25 mars 1956, est décédé le 28 décembre 2007 à [Localité 7] (68). Il vivait en concubinage avec Mme [L] [Y].

Un certificat d'hérédité émis par le tribunal d'instance de Huningue le 8 septembre 2008 a désigné Mme [E] [H], venant en représentation de Mme [I] [O], sa mère prédécédée, nièce du défunt, ainsi que Mme [Z] [O], M. [X] [W] [O], Mme [K] [O] et M. [F] [O], tous les quatre frères et s'urs du défunt, héritiers ensemble pour la totalité ou chacun pour un cinquième des biens de la succession de M. [A] [O] en pleine propriété.

Par une ordonnance du 26 janvier 2012, le tribunal d'instance de Mulhouse a ordonné le partage judiciaire de la succession de M. [A] [O], confié à Me [N] [C], notaire à [Localité 8] (68).

Par une ordonnance du 12 novembre 2014, il a ordonné le partage judiciaire de l'indivision ayant existé entre Mme [L] [Y] et M. [A] [O], confié à Me [B], notaire à [Localité 9] (68).

Par actes d'huissier des 6 mai et 3 juillet 2014, Mme [Z] [O], M. [X] [W] [O], Mme [K] [O], Mme [G] [S], épouse [O], M. [F] [O] et Mme [K] [O] ont fait assigner Mme [L] [Y] devant le tribunal de grande instance de Mulhouse, en présence de Mme [E] [H], aux fins de condamnation de la première à rapporter différentes sommes à la succession de feu M. [A] [O].

Par une ordonnance du 17 décembre 2015, le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer dans l'attente d'un accord ou d'un procès-verbal de difficultés à intervenir dans le cadre de la procédure de partage judiciaire.

Par un procès-verbal de débats du 18 mai 2017, Me [B], notaire à [Localité 9], a déterminé les actifs à partager, fixé différentes créances dues aux héritiers par Mme [L] [Y] ainsi que des créances dues par les héritiers à cette dernière, établi le compte et dressé un procès-verbal des difficultés soulevées par les héritiers.

Par jugement du 19 mai 2020, le tribunal, devenu le tribunal judiciaire de Mulhouse a constaté que Mme [L] [Y] reconnaissait devoir les sommes de :

- 14 500 euros et 3 329 euros au titre du livret A,

- 10 000 euros au titre du solde du prix de vente de la voiture Nissan,

- 23 619,63 euros au titre du solde du prix de vente du studio,

- 185,86 euros au titre du solde du CCP.

Il a rejeté la demande de restitution de la somme de 168 791,60 euros présentée par les consorts [O] et dit que, concernant le solde du compte personnel de feu M. [A] [O] à l'UBS AG et le rapport de la somme de 5 500 euros, les contestations seraient renvoyées devant le notaire pour production des pièces nécessaires, afin de permettre à ce dernier de constater l'éventuel accord des parties ou de dresser un nouveau procès-verbal de difficultés.

Il a rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, disant que chaque partie conserverait la charge de ses dépens et qu'il n'y avait pas lieu à exécution provisoire.

Le tribunal a relevé que Mme [L] [Y] reconnaissait devoir la somme de 14 500 euros.

Elle reconnaissait par ailleurs devoir celle de 3 329 euros au titre des loyers qu'elle avait encaissés, qui a été retenue dans la mesure où, si les héritiers revendiquaient la somme de 7 195,75 euros au titre de ces mêmes loyers, ils ne produisaient qu'un relevé de compte pour la période du 1er janvier 2008 au 31 mars 2008, mais aucun décompte de la période totale revendiquée, le tribunal observant que devaient se déduire du montant des loyers les honoraires du syndic et autres charges impayées.

Par ailleurs, Mme [L] [Y] reconnaissait devoir les sommes de 10 000 euros au titre du solde du prix de vente de la voiture Nissan et de 23 619,63 euros au titre du solde du prix de vente du studio.

Au titre du solde du CCP, le tribunal a retenu le montant réclamé par les héritiers, soit 185,86 euros, le relevé de compte du 27 décembre 2007 mentionnant un solde de 371,73 euros et Mme [L] [Y], qui reconnaissait devoir la moitié du solde du CCP, ne justifiant pas de la somme de 328,91 euros dont elle faisait état dans ses conclusions.

Sur les sommes contestées par Mme [L] [Y], le tribunal a relevé que, sur le compte personnel de M. [A] [O] ouvert auprès de l'UBS AG, il était produit un unique relevé de compte arrêté au 31 décembre 2007, d'un montant de 31 500 euros, le solde de ce compte, au 1er décembre 2007, étant de 32 892,65 euros, sans précision sur l'origine de cette somme. Le décompte faisait état d'une entrée de salaire d'un montant de 4 686,10 euros le 21 décembre 2007, sans plus de précisions, Mme [L] [Y] ne produisant pas de justificatif de ce que les sommes versées sur ce compte provenaient de ses salaires, comme elle le soutenait. Le tribunal a renvoyé les parties devant le notaire pour produire leurs pièces justificatives, aucune d'elles n'étant en mesure de justifier de ses prétentions.

De même, s'agissant de la somme de 5 500 euros versée par la société Mepha à son profit exclusif, la pièce produite par Mme [L] [Y] n'était pas traduite en langue française et elle devrait faire le nécessaire devant le notaire.

Enfin, sur le deuxième pilier, le tribunal a rejeté la demande en restitution des héritiers dans la mesure où feu M. [A] [O] avait, le 27 octobre 2004, rapatrié en France la somme de 168 791,66 francs suisses, qu'il avait versée sur un compte ouvert au nom de [O]-[Y] à la Caisse d'Epargne Alsace, un remboursement total de prêts ayant été effectué auprès de cette banque, depuis ce compte, pour la somme de 180 324,66 euros le 8 décembre 2004 et M. [A] [O] ayant eu la libre disponibilité de ses avoirs.

M. [W] [O] (il s'agit de [X], [W] étant son second prénom), Mme [G] [S], épouse [O], Mme [Z] [O], M. [F] [O] et Mme [K] [H] ont interjeté appel de ce jugement par une déclaration datée du 18 juin 2020.

Par leurs dernières écritures datées du 13 mars 2021, les consorts [O] sollicitent que leur appel soit déclaré recevable et bien-fondé, de même que l'ensemble de leurs demandes, et qu'il y soit fait droit. Ils sollicitent l'infirmation partielle du jugement déféré et que la cour, statuant à nouveau, constate que les montants non contestés par Mme [L] [Y] représentent un montant global de 28 499,56 euros et non pas 28 014,86 euros, qu'il soit jugé qu'elle reste devoir les intérêts de droit applicables sur cette somme à compter du 28 décembre 2007, et qu'elle soit condamnée à leur régler lesdits intérêts de retard à compter de la demande.

Sur les contestations de Mme [L] [Y] relevées par eux dans le procès-verbal de difficultés du 18 mai 2017, les appelants demandent à la cour de :

- juger que le solde du compte personnel de feu M. [A] [O] ouvert au sein de la société UBS AG n°0233-1D121883.0, à hauteur de 36 501,75 francs suisses au jour du décès, devra être rapporté à la succession, outre les intérêts de droit sur ce montant à compter du décès, et condamner corrélativement Mme [L] [Y] à leur payer la somme de 36 501,75 francs suisses, outre les intérêts de droit à compter du décès,

- juger que le solde du compte ouvert pour le compte de feu M. [A] [O] auprès de la caisse d'épargne n°20 101 3011 à hauteur de 168 412,50 francs suisses doit être rapporté à la succession, ainsi que les intérêts de droit à compter du décès, et de condamner Mme [L] [Y] à leur verser ce montant avec les intérêts de droit à compter du décès,

- juger que le solde du compte personnel de feu M. [A] [O] ouvert au sein de la caisse d'épargne d'Alsace à hauteur de 4 764,01 euro au jour du décès devra être rapporté à la succession, outre les intérêts de droit sur ce montant à compter du décès et, corrélativement, condamner Mme [L] [Y] à leur payer ce montant, outre les intérêts de droit à compter du décès.

En toute hypothèse, les consorts [O] sollicitent la confirmation du jugement déféré pour le surplus et la condamnation de Mme [L] [Y] aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel, y compris ceux liés à la procédure de partage judiciaire de la succession, ainsi qu'à leur verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les appelants reprennent les diverses sommes que Mme [L] [Y] a reconnu devoir reverser à la succession, dans le cadre du procès-verbal de difficultés du 18 mai 2017, précisant qu'elle reconnaît avoir encaissé seule le solde du compte livret A du défunt au sein de la caisse d'épargne de [Localité 8], soit un montant de 14 984,70 euros et non 14 500 euros comme reconnu par le tribunal, ce qui porte le montant total à 28 499,56 euros.

Les appelants ajoutent qu'ils sont fondés à solliciter la condamnation de Mme [L] [Y] aux intérêts de droit applicables sur cette somme à compter du 28 décembre 2007, le tribunal ayant omis de statuer sur ce point.

Sur l'irrecevabilité en appel de cette demande, les consorts [O] contestent qu'il s'agisse d'une demande nouvelle, affirmant l'avoir présentée dans leurs conclusions en première instance et ne pas y avoir renoncé, les différences de chiffrage résultant notamment de l'intégration des intérêts dans les condamnations de première instance et d'erreurs de calcul et décomptes. De plus, les demandes relatives aux intérêts sont accessoires aux demandes principales dont la recevabilité n'est pas contestée par l'intimée.

Sur le compte personnel de feu M. [A] [O] ouvert au sein de la société UBS, les consorts [O] soutiennent qu'il présentait un solde à hauteur de 36 501,75 francs suisses au jour du décès, que, contrairement à ce qu'a relevé le premier juge, leur décompte est précis et que ce montant doit être intégré à la succession, s'agissant d'un compte propre du défunt, Mme [L] [Y] devant en conséquence verser ce montant à la succession. Ils soulignent que le montant figurant sur le compte au jour du décès, avant règlement de sa dernière paie, s'élève bien à 36 501,75 francs suisses et non pas à 31 500 francs suisses comme l'a retenu le tribunal.

Sur le compte CODEVI du défunt, les appelants soutiennent que le solde s'élevait, au jour du décès, à 4 764,01 euros et qu'il doit lui aussi intégrer la succession. Ils ajoutent que, contrairement à ce qu'affirme Mme [L] [Y], leur demande portant sur ce montant est recevable, en l'absence de motif de l'exclure de la succession.

Sur l'intégration du pilier suisse débloqué par M. [A] [O], contestée par Mme [L] [Y], les consorts [O] soulignent que, si le compte personnel ouvert par M. [A] [O] au sein de la banque UBS AG présentait un solde créditeur de 379,10 francs suisses au 5 octobre 2010, ce solde s'élevait à 168 791,60 francs suisses au 27 octobre 2004. Or, ce montant, qui a été rapatrié par M. [A] [O], n'a pas été utilisé pour l'acquisition d'un bien immobilier et doit donc être pris en considération dans le cadre de la succession.

En effet, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, M. [A] [O] et sa compagne ont acheté une maison à Hegenheim le 10 mars 2003, chacun d'eux ayant apporté 37 131 euros. Or, d'après le procès-verbal de partage judiciaire du 5 juillet 2012, cette maison a été acquise en indivision, M. [A] [O] a investi 168 791,60 francs suisses et Mme [L] [Y] 12 300 francs suisses, le prêt étant de 180 223 francs suisses.

Or, cette maison a été vendue le 24 septembre 2004 pour un prix perçu de 257 000 euros, ayant acquis un autre bien au prix de 205 000 euros, couvert par le prix de vente du bien précédent. Ils en concluent que le déblocage de la somme de 168 000 francs suisses n'avait pas pour objet l'acquisition ou la réalisation de travaux dans la nouvelle maison. Cette somme doit donc être intégrée dans la succession, à défaut d'explication de Mme [L] [Y] sur ce qu'il est advenu des sommes perçues, qui devaient profiter au défunt.

Par ses dernières conclusions récapitulatives datées du 3 décembre 2021, Mme [L] [Y] sollicite que les appelants soient déclarés irrecevables, en tout cas mal fondés en leur appel et que leurs demandes nouvelles soient déclarées irrecevables, leur appel rejeté et le jugement confirmé en toutes ses dispositions.

Elle demande également la condamnation des appelants aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel ainsi qu'à lui verser la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'irrecevabilité des demandes, Mme [L] [Y] soutient que les consorts [O] ont modifié leurs demandes au regard de l'acte introductif d'instance, que, dans leurs derniers écrits du 27 septembre 2018, ils n'ont pas repris les demandes de condamnation aux intérêts, qu'ils sont réputés avoir abandonnées en application de l'article 768 du code de procédure civile, ce dont il résulte que leurs demandes tendant à des condamnations aux intérêts formulées en appel sont irrecevables en ce qu'il s'agit de demandes nouvelles en appel interdites en application de l'article 564 du code de procédure civile et surtout en raison de cette renonciation, qui ne permet pas de les considérer comme étant l'accessoire des demandes principales.

Il en est de même de la demande relative au solde du compte Codevi de M. [A] [O] à la caisse d'épargne Alsace, d'un montant de 4 764,01 euros, qui n'était pas non plus contenue dans les écrits antérieurs au 27 septembre 2018.

Sur le fond, Mme [L] [Y] fait valoir qu'il serait « particulièrement inique » qu'elle soit condamnée à payer des intérêts, alors qu'elle est prête, depuis le début, à payer les sommes qu'elle reconnaît devoir à la succession, soit un total de 28 014,86 euros, dont il convient de déduire la somme de 9 952,37 euros de passif.

C'est en effet en raison de la seule attitude des appelants que la succession n'est pas encore réglée et que ces fonds sont bloqués chez le notaire, sous réserve de la somme de 14 500 euros, et qu'ils ne leur ont pas encore été versés.

Le prix de vente du studio, qui doit être réparti à hauteur de la moitié pour les consorts [O] et la moitié pour elle, soit 23 619,63 euros chacun, est également bloqué chez le notaire.

Sur le solde du livret A, si le solde s'élevait à 14 984,70 euros, Mme [L] [Y] affirme n'avoir encaissé que 14 500 euros et qu'il n'est pas démontré qu'elle ait perçu intégralement le solde de ce compte.

Sur le « compte de M. [A] [O] » ouvert à la banque UBS AG, Mme [L] [Y], qui conteste devoir rapporter la somme de 36 501,75 francs suisses, soutient qu'elle l'utilisait depuis 1992, détenant d'ailleurs une carte bancaire sur ce compte où étaient versés les revenus des deux conjoints, la Mepha attestant lui avoir versé 5 500 francs suisses en janvier 2008, en sa qualité de conjointe de M. [A] [O], sur ce compte.

Sur la restitution du montant de 168 791,60 francs suisses, Mme [L] [Y] soutient que celui-ci a été versé sur le compte commun avec M. [A] [O] à la caisse d'épargne et a servi à rembourser partiellement et par anticipation les prêts contractés pour l'acquisition de la maison, dont le prix de vente de 257 000 euros a servi au remboursement du reste de la dette et au paiement de travaux pour environ 10 000 euros, chacun des concubins ayant contracté une assurance-vie de 90 000 euros au profit de l'autre, le reste ayant été partagé à égalité et chacun ayant disposé de ses fonds comme il l'entendait.

Elle ajoute qu'elle perçoit une rente au titre des trois piliers suisses de M. [A] [O], qui a été réduite de 53,20 % dans la mesure où il avait touché une part de ses piliers, de son vivant, pour financer une acquisition immobilière.

Par ses conclusions le 14 juin 2021, Mme [E] [H] sollicite la confirmation du jugement déféré et la condamnation des consorts [O] aux entiers dépens d'appel.

Elle reprend les motifs du jugement déféré sur la somme de 168 791,66 francs suisses, estimant qu'il n'est pas démontré que Mme [L] [Y] ait pu bénéficier de cet argent, sauf à considérer l'existence d'une intention libérale totalement présumée au regard du concubinage notoire ayant existé entre elle et M. [A] [O].

Elle considère que M. [A] [O], qui a vécu depuis 1974 avec Mme [L] [Y], a perçu une part des fonds de son vivant pour financer une acquisition immobilière, voire les travaux nécessaires à ce titre.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 1er février 2022.

MOTIFS

I ' Sur les demandes des consorts [O]

A ' Sur les demandes relatives à la somme de 28 499,56 euros

En premier lieu, les consorts [O] demandant qu'il soit constaté que les montants non contestés par Mme [L] [Y] représentent un total de 28 499,56 euros (14 984,70 + 3 329 + 10 000 + 185,86) et non pas 28 014,86 euros comme l'a retenu le tribunal, la différence porte sur le montant de 14 984,70 euros qu'ils estiment être dû par l'intimée au titre du solde du livret A, au lieu du montant de 14 500 euros.

A l'appui de leur demande, ils produisent l'arrêté des comptes de M. [A] [O] à la date de son décès, qui mentionne que le solde du livret A s'élevait alors à 14 984,70 euros. Mme [L] [Y] se réfère quant à elle au procès-verbal de difficultés du 18 mai 2017, dans lequel il est inscrit qu'elle « a encaissé seule le solde d'un compte livret A ouvert par le défunt à la Caisse d'Epargne de [Localité 8], précisant que le montant exact de ce compte était de 14 984,70 euros, mais qu'elle a encaissé seule seulement 14 500 euros et qu'elle reconnaît devoir cette somme. Il est ajouté « Il faudra cependant vérifier où est le reste de ce compte.

En fait il faudrait rajouter à ces sommes le solde restant encore sur le compte à la Caisse d'Epargne mais dont personne ne connaît le montant. »

Or, aucune des parties ne produit de document mentionnant le solde de ce livret A après le retrait effectué par Mme [L] [Y] ou démontrant que le retrait auquel elle a procédé a excédé le montant de 14 500 euros qu'elle reconnaît. Dès lors, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a retenu ce dernier montant.

Concernant les intérêts ainsi dus sur la somme totale de 28 014,86 euros, et non celle de 28 499,56 euros, ainsi qu'il vient d'être retenu, les consorts [O] sollicitent que leur point de départ soit fixé au 28 décembre 2007, Mme [L] [Y] soulevant l'irrecevabilité de cette demande.

En application des articles 564 à 566 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Par ailleurs, l'article 768, alinéa 3 du code de procédure civile mentionne :

« (') Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées. »

En première instance, les consorts [O] ont, initialement, demandé la condamnation de Mme [L] [Y] à leur régler notamment les sommes de 14 500 euros avec intérêts de droit à compter du 29 décembre 2007 + 10 000 euros avec intérêts de droit à compter du 24 janvier 2008 + 3 329 euros avec intérêts de droit à compter du 31 mars 2010 + 164,46 euros au titre du CCP avec intérêts de droit à compter du jugement à intervenir.

Cependant, par leurs dernières écritures du 11 septembre 2018, ils ont ôté toute référence aux intérêts légaux, s'agissant de leurs demandes portant sur ces sommes, celle de 164,46 euros ayant été portée à 185,86 euros, celle de 14 500 euros à 14 984,70 euros et celle de 3 329 euros à 5 195,75 euros. Leurs allégations selon lesquelles le tribunal aurait omis de statuer sur leur demande relative à ces intérêts sont donc erronées.

Désormais, les appelants sollicitent, s'agissant des intérêts légaux dus sur les montants non contestés par Mme [L] [Y], que la cour juge que l'intimée reste les devoir à compter du 28 décembre 2007, et la condamne à les régler à compter de la demande.

Il résulte de la combinaison des dispositions légales rappelées plus haut que, si la demande portant sur le point de départ des intérêts dus sur les sommes en cause a été abandonnée en première instance, elle constitue l'accessoire des demandes en paiement des sommes assorties de ces intérêts et, à ce titre, n'est pas prohibée par les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile. En l'absence de renonciation non équivoque des appelants à solliciter le paiement des intérêts, leur demande est donc recevable.

Sur le point de départ de ces intérêts, si les appelants demandent qu'il soit jugé que Mme [L] [Y] les doit à compter du 28 décembre 2007, qui est la date du décès de son compagnon, ils sollicitent la condamnation de l'intimée à les régler à compter de la demande. Il convient donc de retenir la date du 30 juillet 2014, qui est précisément la date de la signification de la demande à l'intimée.

B - Sur la demande relative au solde du compte de M. [A] [O] au sein de UBS AG

Il ressort des débats et des pièces produites que feu M. [A] [O] était titulaire d'un compte personnel ouvert au sein de la société UBS AG n°0233-1D121883.0, dont le solde s'élevait à 36 501,75 francs suisses au jour de son décès.

Mme [L] [Y] affirme que les revenus des deux conjoints étaient versés sur ce compte, qu'elle-même utilisait depuis 1992. Elle justifie que ses salaires lui ont été versés sur ce compte par la société Express Personal AG en mars 2003 et par la société Micro-Motor AG de septembre à décembre 2003. Cependant, ces périodes sont largement antérieures au décès de M. [A] [O], survenu le 28 décembre 2007. De plus, le fait qu'elle disposait d'une carte bancaire sur ce compte et qu'elle l'utilisait ne constitue pas une preuve qu'elle l'ait régulièrement alimenté et que le solde de ce compte, à la date du décès de son compagnon, était constitué, au moins partiellement, de fonds lui appartenant.

Tout au plus produit-elle, au-delà de l'année 2003, une attestation de la société Mepha du 9 octobre 2009 selon laquelle la somme de 5 500 francs suisses versée sur ce compte en janvier 2008 « revient légitimement à la conjointe du défunt, Mme [L] [Y] », sans autre précision, l'intimée ne précisant ni ne justifiant que cette société était son propre employeur à l'époque du décès de M. [A] [O].

En tout état de cause, cette somme, versée en janvier 2008, ne figurait pas sur le relevé de compte arrêté au 31 décembre 2007 et sur le montant objet de la demande des appelants, Mme [L] [Y] ayant manifestement clôturé ce compte dans les mois qui ont suivi. En revanche, elle avait opéré un retrait sur celui-ci de 5 000 francs suisses le 29 décembre 2007, lendemain du décès de M. [A] [O], et ne justifie pas de ce qu'il s'agissait de fonds lui appartenant. En effet, elle ne fournit aucune précision sur son éventuelle activité professionnelle fin 2007 et un courrier qu'elle a adressé à la société UBS AG le 30 novembre 2009 tend à démontrer au contraire qu'elle n'avait pas perçu de salaires versés sur ce compte depuis début 2004.

Il apparaît donc que la succession de feu M. [A] [O] est titulaire d'une créance à l'égard de Mme [L] [Y] d'un montant de 36 501,75 francs suisses au titre du solde de ce compte personnel du défunt ouvert au sein de la société UBS AG. En conséquence, il convient, afin de statuer en ce sens, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que, concernant le solde du compte personnel de feu M. [A] [O] à l'UBS AG, les contestations seraient renvoyées devant le notaire.

Cependant, chacun des héritiers ne peut réclamer personnellement que sa part sur une créance successorale, donc sur ce montant, en application de l'article 1220 ancien du code civil, alors que quatre d'entre eux sollicitent une condamnation globale de Mme [L] [Y] à leur égard. De plus, il apparaît que Mme [E] [H], l'une des héritières, n'a pas formulé d'autre demande à ce titre que la confirmation du jugement qui a renvoyé les contestations devant le notaire. Il est donc nécessaire qu'elle prenne position sur le fond.

Dès lors, il convient d'inviter les parties à préciser leurs demandes, s'agissant de cette créance.

A cette fin, le dossier sera renvoyé à une audience de mise en état et le présent arrêt sera rendu partiellement avant dire droit.

C ' Sur la demande relative au CODEVI

Sur la recevabilité de la demande des consorts [O] au titre du solde du compte CODEVI ouvert à la Caisse d'Epargne d'Alsace au nom du défunt, il doit être souligné qu'en matière de partage, les parties sont respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, de telle sorte que toute demande doit être considérée comme une défense à la prétention adverse. Il en résulte que, quand bien même, en première instance, les consorts [O] n'ont présenté aucune demande relative au solde de ce compte, leur demande formée à ce titre en appel doit être déclarée recevable.

Sur le fond, les consorts [O] justifient de ce que le solde de ce compte, qui s'élevait à 4 764,01 euros au 3 juin 2006, a fait l'objet d'un virement à cette date, ce qui a conduit à un solde nul à la date du décès de M. [A] [O].

Cependant, rien ne démontre que le virement du 3 juin 2006 ait été effectué au profit de Mme [L] [Y], aucune référence du compte bénéficiaire ne figurant sur le relevé produit, étant souligné que ce virement a été effectué du vivant de M. [A] [O].

En conséquence, aucun rapport du montant de 4 764,01 euros ne peut être imposé à l'intimée et il convient de rejeter la demande des consorts [O] présentée en ce sens.

D ' Sur la demande portant sur la somme de 168 412,50 francs suisses

Les consorts [O] sollicitent la condamnation de Mme [L] [Y] à leur verser la somme de 168 412,50 francs suisses, au motif que cette somme doit être rapportée à la succession de M. [A] [O], s'agissant du montant du capital perçu par ce dernier au titre de son 2ème pilier de retraite suisse. Ils justifient de ce que cette somme a été versée le 27 octobre 2004 sur un compte commun de ce dernier et de l'intimée n°04201013001 ouvert à la Caisse d'Epargne, compte alimenté également par cette dernière et dont elle a aussi bénéficié.

Les appelants ne se satisfont pas des explications de Mme [L] [Y] selon lesquelles, notamment, ces fonds ont servi à rembourser partiellement et par anticipation les prêts contractés pour l'acquisition de la maison, ultérieurement vendue, et ils sollicitent en conséquence son « intégration » à la succession. Cependant, ils n'indiquent pas le fondement de leur demande, qui, dans les circonstances ainsi décrites, ne peut être que celui de l'enrichissement sans cause.

Dès lors, la cour envisageant de retenir ce fondement, il est nécessaire d'inviter les parties à conclure sur ce point, s'agissant de cette demande.

A cette fin, le dossier sera renvoyé à une audience de mise en état et le présent arrêt sera rendu partiellement avant dire droit.

Dès lors, les dépens seront réservés, de même que la demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

DECLARE recevables les demandes présentées par Mme [Z] [O], M. [X] [W] [O], Mme [K] [O], Mme [G] [S], épouse [O], et M. [F] [O], au titre des intérêts légaux portant sur les sommes de 14 984,70 euros, de 3 329 euros, de 10 000 euros et de 185,86 euros, et portant sur la somme de 4 764,01 euros,

CONFIRME le jugement rendu entre les parties par le tribunal de grande instance de Strasbourg le 18 août 2020 en ce qu'il a constaté que Mme [L] [Y] reconnaissait devoir les sommes de :

- 14 500 euros et 3 329 euros au titre du livret A,

- 10 000 euros au titre du solde du prix de vente de la voiture Nissan,

- 23 619,63 euros au titre du solde du prix de vente du studio,

- 185,86 euros au titre du solde du CCP,

Ajoutant à ces dispositions,

DIT que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2014,

INFIRME ledit jugement en ce qu'il a renvoyé devant le notaire les contestations concernant le solde du compte personnel de feu M. [A] [O] à l'UBS AG et le rapport de la somme de 5 500 euros,

Statuant à nouveau sur ces chefs,

REJETTE la demande de Mme [L] [Y] portant sur la somme de 4 764,01 euros représentant le solde du compte CODEVI ouvert au nom de M. [A] [O],

DIT que la succession de feu [A] [O] est titulaire d'une créance de 36 501,75 francs suisses à l'égard de Mme [L] [Y] au titre du solde, à la date du décès du de cujus, du compte personnel n°0233-1D121883.0 ouvert à son nom au sein de la société UBS AG,

SURSOIT à statuer sur la demande de Mme [Z] [O], M. [X] [W] [O], Mme [K] [O], Mme [G] [S], épouse [O], et M. [F] [O] tendant à la condamnation de Mme [L] [Y] à leur payer la somme de 36 501,75 francs suisses, outre les intérêts de droit, ainsi que sur les demandes portant sur la somme de 168 412,50 euros,

ORDONNE la réouverture des débats et la révocation de l'ordonnance de clôture sur ces deux chefs,

Avant dire-droit sur ces chefs,

INVITE Mme [Z] [O], M. [X] [W] [O], Mme [K] [O], Mme [G] [S], épouse [O], et M. [F] [O] à préciser leur demande au titre de la créance successorale du montant de 36 501,75 francs suisses à l'égard de Mme [L] [Y], au regard de ce que chacun des héritiers ne peut réclamer personnellement que sa part sur une créance successorale,

INVITE Mme [E] [H] à conclure sur le fond, s'agissant de cette créance successorale à l'égard de Mme [L] [Y],

INVITE les parties à conclure sur le fondement de l'enrichissement sans cause, s'agissant de la demande portant sur la somme de 168 412,50 euros,

RENVOIE à cette fin le dossier à l'audience de mise en état du 7 février 2023,

RESERVE les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/01594
Date de la décision : 25/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-25;20.01594 ?
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