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25/11/2022 | FRANCE | N°20/00705

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 25 novembre 2022, 20/00705


MINUTE N° 508/2022

























Copie exécutoire à



- Me Joëlle LITOU-WOLFF



- Me Marion POLIDORI



- Me Anne CROVISIER



Le 25 novembre 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT MIXTE DU 25 novembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/00705 - N° Portalis DBVW-V

-B7E-HJLR



Décision déférée à la cour : 14 Février 2018 par le tribunal de grande instance de STRASBOURG



APPELANTE et intimée sur appel incident :



La S.C.I. SECCAMAF

ayant son siège social [Adresse 3]



représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF...

MINUTE N° 508/2022

Copie exécutoire à

- Me Joëlle LITOU-WOLFF

- Me Marion POLIDORI

- Me Anne CROVISIER

Le 25 novembre 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT MIXTE DU 25 novembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/00705 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HJLR

Décision déférée à la cour : 14 Février 2018 par le tribunal de grande instance de STRASBOURG

APPELANTE et intimée sur appel incident :

La S.C.I. SECCAMAF

ayant son siège social [Adresse 3]

représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la cour.

INTIMÉE et appelante sur appels incident et provoqué :

L'E.U.R.L. NOGHA CONSULTING représentée par son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

représentée par la SELARL ARTHUS, avocat à la cour

INTIMÉE sur appel principal et provoqué et appelante sur appel provoqué :

La Société LESER BAU GMBH Gmbh, représentée par son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 4])

représentée par Me Marion POLIDORI, avocat à la cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre, et Madame Nathalie HERY, conseiller chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique DONATH faisant fonction

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 18 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Selon contrat conclu le 30 décembre 2009, la SCI Seccamaf a confié à l'EURL Nogha consulting une mission de maîtrise d'oeuvre en vue de la construction d'un immeuble d'habitation, [Adresse 2]. Les travaux de gros oeuvre ont été confiés à la société de droit allemand Leser Bau GmbH, le 12 octobre 2009.

Le 20 octobre 2011, la société Socotec, contrôleur technique, a constaté le non-respect de certaines prescriptions relatives à l'accessibilité aux personnes à mobilité réduite. Le 7 février 2012, la ville de Strasbourg a refusé la délivrance du certificat de conformité, demandant à la SCI de réaliser les travaux de mise en conformité.

La réception des travaux est intervenue le 16 octobre 2012, avec une réserve concernant le lot gros oeuvre relative au nez de marche de l'escalier des communs.

Par arrêt du 19 mars 2014, la cour a annulé une ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg du 18 juin 2013 ayant alloué une provision à la société Nogha consulting, et par arrêt du 14 janvier 2015, a débouté cette dernière de sa demande de provision.

Le 10 septembre 2013, le juge des référés a rejeté une demande provision de la société Leser Bau et ordonné une expertise confiée à M. [I] qui a déposé son rapport le 15 novembre 2014.

La SCI Seccamaf a fait citer la société Nogha consulting devant le tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins d'indemnisation de son préjudice, selon exploit délivré le 6 février 2015. Cette dernière a appelé la société Leser Bau en garantie selon exploit du 9 juillet 2015. Les deux procédures ont été jointes.

Par jugement du 14 février 2018 le tribunal a :

- condamné l'EURL Nogha consulting à payer à la SCI Seccamaf la somme de 9 669,66 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné la SCI Seccamaf à payer à l'EURL Nogha consulting la somme de 8 730,80 euros au titre des honoraires de maîtrise d'oeuvre avec intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2015,

- condamné la société Nogha consulting à payer à la SCI Seccamaf la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, y compris ceux de la procédure RG 13/623,

- condamné la société Leser Bau GmbH à garantir l'EURL Nogha consulting à concurrence de la moitié des sommes dues à la SCI Seccamaf au titre des dommages et intérêts, dépens et article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile formées dans le cadre de l'appel en garantie et laissé à la société Nogha consulting et à la société Leser Bau la charge des dépens qu'elles ont exposés dans le cadre de l'appel en garantie,

- rejeté toute demande plus ample ou contraire.

Le tribunal a retenu que si l'expert avait relevé différents défauts de conformité au niveau de la cage d'escalier, des accès, des circulations intérieures, de la position des poignées de porte d'entrée des logements..., de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination et donc susceptibles de relever de la garantie décennale, ces non-conformités étaient toutefois les mêmes que celles signalées en octobre 2011 par le contrôleur technique, et visées dans le courrier de la ville de Strasbourg demandant la mise en conformité des travaux avec les règles relatives à l'accessibilité, de sorte que le maître de l'ouvrage en était parfaitement informé au moment de la réception et aurait dû émettre des réserves. Le tribunal en a déduit que la SCI Seccamaf ne pouvait plus invoquer la responsabilité décennale des constructeurs pour ces désordres apparents.

S'agissant du seul désordre ayant fait l'objet d'une réserve à la réception, le tribunal a considéré que la non-conformité de l'escalier provenait d'une erreur de conception - cage d'escalier trop étroite - ce qui a conduit à la réalisation de marches dont le giron était d'une taille inférieure à celle prescrite par le bureau de contrôle et ne respectait pas les normes en matière d'accessibilité, cette faute engageant la responsabilité contractuelle de la société Nogha consulting. Après avoir écarté le chiffrage de l'expert qui portait sur tous les défauts de conformité, le tribunal a retenu le devis établi par la société Dos Santos.

Se fondant sur les conclusions de l'expert qui estimait que la responsabilité était partagée entre le maître d'oeuvre et l'entreprise de gros oeuvre qui n'avait pas respecté les prescriptions du maître d'oeuvre s'agissant du nombre de marches, de leur hauteur et la largeur du giron, et avait établi des plans non conformes aux prescriptions du bureau de contrôle et du maître d'oeuvre sans les avertir de l'impossibilité de réaliser un escalier conforme aux normes d'accessibilité, le tribunal a accueilli l'appel en garantie de la société Nogha consulting dirigée contre la société Leser Bau à concurrence de moitié.

Sur la demande reconventionnelle en paiement du solde des honoraires de la société Nogha consulting, le tribunal a constaté que ce solde n'était pas contesté, que la SCI Seccamaf ne pouvait se prévaloir des manquements du maître d'oeuvre à l'origine des désordres puisqu'ils avaient donné lieu à indemnisation, mais que néanmoins un montant de 1 196 euros devait être déduit correspondant à la rémunération des DOE - dossiers des ouvrages exécutés - qui n'avaient pas été transmis.

La SCI Seccamaf a interjeté appel de ce jugement, le 10 février 2020, en ce qu'il a limité à 9 669,66 euros le montant qui lui a été alloué, l'a condamnée au paiement d'une somme de 8 730,80 euros à la société Nogha consulting, et a rejeté le surplus de ses demandes, intimant seulement la société Nogha consulting.

Cette dernière a formé un appel provoqué contre la société Leser Bau GmbH.

Par ordonnance du 23 avril 2021, le conseiller de la mise en état a rejeté la requête de la société Leser Bau aux fins d'irrecevabilité de cet appel provoqué.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 5 avril 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 9 février 2022, la SCI Seccamaf demande à la cour d'infirmer le jugement des chefs visés dans sa déclaration d'appel, et statuant à nouveau de condamner la société Nogha consulting à lui payer la somme de 63 600 euros augmentée par le jeu de l'indice BT01 du 15 novembre 2014 au jour de l'arrêt à intervenir, et la somme de 7 500 euros, le tout augmenté des intérêts légaux successifs, à compter du jour de l'arrêt à intervenir ; dire la demande reconventionnelle de la société Nogha consulting irrecevable en tous cas mal fondée et en débouter la société Nogha consulting ; la condamner en tous les frais et dépens, outre la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel. Elle demande la confirmation de la décision entreprise pour le surplus, le rejet de l'appel incident de la société Nogha consulting, et demande à la cour de déclarer irrecevable, en tous cas mal fondé, l'appel incident de la société Leser Bau.

Au soutien de son appel, la SCI Seccamaf reprend les nombreux défauts de conformité constatés par l'expert et fait valoir que :

- ces défauts de conformité ont été cachés au maître de l'ouvrage par la société Nogha consulting,

- suite au rapport Socotec et au courrier de la ville de [Localité 5], le maître d'oeuvre a essayé de contourner sa responsabilité en prétendant avoir trouvé une solution, qui ne concernait en fait qu'un seul des points de non-conformité relevés, la solution proposée n'ayant de plus pas pu être mise en oeuvre,

- ces défauts de conformité relèvent d'erreurs de conception et d'un défaut de direction du chantier imputables à l'architecte,

- la société Nogha consulting a manqué à sa mission d'assistance et de conseil lors des opérations de réception en n'attirant pas l'attention du maître de l'ouvrage sur la nécessité de faire des réserves et sur les conséquences d'une absence de réserves,

- le premier juge a relevé d'office le moyen tiré de l'absence de réception pour en déduire une acceptation de l'ouvrage par la SCI, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la réception ne privant pas le maître de l'ouvrage de son action en responsabilité contre le maître d'oeuvre pour manquement à son devoir de conseil lors des opérations de réception,

- la faute de la société Nogha consulting étant démontrée celle-ci doit être condamnée à l'indemniser intégralement de son préjudice évalué à 63 600 euros par l'expert, s'agissant du coût des travaux de mise en conformité, outre 7 500 euros au titre des frais d'architecte.

Elle conteste devoir le solde d'honoraires réclamé par la société Nogha consulting faisant valoir que celle-ci a été défaillante dans l'exécution de sa mission, notamment d'assistance au maître de l'ouvrage lors de la réception, que sa mission n'est pas achevée, les DOE définitifs ne pouvant être confectionnés tant qu'il n'a pas été remédié aux défauts de conformités.

Elle soutient que l'appel incident sur provocation formé contre elle par la société Leser Bau qui tend pour la première fois à voir déclarer son appel irrecevable, en tous cas mal fondé, devra être rejeté en l'absence de lien d'instance entre les parties et de moyen développé à son soutien.

*

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 15 mars 2022, la société Nogha consulting demande à la cour de rejeter l'appel principal et de confirmer le jugement, sous réserve de l'appel incident et provoqué, et de condamner l'appelante aux entiers frais et dépens ainsi qu'à payer à l'EURL Nogha consulting un montant de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur appel incident, elle demande l'infirmation du jugement en tant qu'il a prononcé des condamnations contre elle au profit de la SCI Seccamaf et en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de sa demande reconventionnelle, et sollicite que la cour, statuant à nouveau, déboute la société Nogha consulting de l'intégralité de ses demandes et la condamne au paiement de la somme de 9 926,80 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 15 février 2011, outre les entiers frais et dépens de la procédure de première instance en ce compris ceux de la procédure d'expertise RG 13/00623 ainsi qu'à lui payer pour la procédure de 1ère instance un montant de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur appel incident et provoqué à l'égard de la société Leser Bau, elle demande, en cas de condamnation de l'EURL Nogha consulting au profit de la SCI Seccamaf, l'infirmation du jugement en ce qu'il a limité la condamnation à garantie de la société Leser Bau à hauteur seulement de la moitié des sommes dues à la SCI Seccamaf, rejeté sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et laissé à sa charge les dépens qu'elle a exposés dans le cadre de l'appel en garantie, et que la cour, statuant à nouveau de ces chefs, condamne la société Nogha consulting à la garantir de l'intégralité des condamnations prononcées contre elle, en principal, intérêts, frais et dépens et indemnités au profit de la SCI Seccamaf, ainsi qu'aux entiers frais et dépens des deux instances en ce compris ceux de la procédure d'expertise RG 13/00623 et au paiement d'un montant de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- le problème de dimensionnement de la cage d'escalier provient du fait que le bureau de contrôle a fait changer l'emplacement d'un exutoire de fumée et du refus du maître de l'ouvrage de réduire de 4 à 3 le nombre de chambres à cet étage,

- 10 réunions de chantier ont eu lieu mais le maître de l'ouvrage a refusé la solution proposée,

- les défauts de conformité n'empêchent pas la SCI Seccamaf d'exploiter toutes ses chambres,

- la mise en conformité n'est pas possible sans destruction de l'immeuble ou suppression d'une chambre à chaque étage,

- le premier juge a exactement tiré les conséquences de l'absence de réserves, réfutant tout défaut de conseil à ce stade, puisque toutes les parties étaient parfaitement informées du problème.

En tout état de cause, elle estime que la société Leser Bau qui avait parfaitement connaissance du problème n'a pas respecté les prescriptions de l'architecte s'agissant de la cage d'escalier, le changement de dimensionnent ne l'empêchant pas de réaliser le balancement prévu, et qu'elle engage donc sa responsabilité délictuelle à son égard et devra la garantir en totalité.

Elle réitère sa demande reconventionnelle en intégralité sans toutefois développer aucun moyen au soutien de sa demande d'infirmation du jugement qui a réduit le montant alloué.

*

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique, le 7 décembre 2021, la société Leser Bau conclut à l'irrecevabilité en tous cas au rejet de l'appel de la SCI Seccamaf, à l'irrecevabilité en tous cas au rejet de l'appel provoqué de la société Nogha consulting et formant appel incident demande l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à garantir la société Nogha consulting et le rejet de l'appel en garantie. À titre subsidiaire, elle demande la confirmation du jugement. En tout état de cause, le rejet des prétentions adverses et la condamnation solidaire de la société Nogha consulting et de la SCI Seccamaf aux dépens et au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que le périmètre de l'escalier qui s'est avéré trop court de 66 cm et trop étroit de 26 cm ne permettait pas d'insérer un escalier conforme, que le dimensionnement de la cage d'escalier a été effectué sans changement des plans établis par la société Nogha consulting, que la répartition des marches a été opérée par un logiciel en fonction des données transmises par cette dernière, et que la réalisation de l'ouvrage était impossible sur la base des plans initiaux, de sorte qu'aucune condamnation ne peut être prononcée contre elle.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

1 - Sur la recevabilité de l'appel principal et de l'appel provoqué de la société Leser Bau contre la SCI Seccamaf

La société Leser Bau conclut à l'irrecevabilité de l'appel principal, sans toutefois soulever aucun moyen précis. Cette fin de non-recevoir n'ayant pas été soumise au conseiller de la mise en état qui a compétence exclusive pour en connaître, la demande est irrecevable en tant que formée devant la cour. En l'absence de cause d'irrecevabilité susceptible d'être soulevée d'office, l'appel de la SCI Seccamaf sera donc déclaré recevable

La SCI Seccamaf conclut quant à elle à l'irrecevabilité de l'appel incident sur provocation de la société Leser Bau en tant que celle-ci conclut, pour la première fois, à l'irrecevabilité ou au rejet des demandes de l'appelante, et en raison de l'absence de lien d'instance entre elles.

Cette demande n'ayant pas non plus été soumise au conseiller de la mise en état qui a compétence exclusive pour en connaître est irrecevable en tant que portée devant la cour, étant observé que si la cour a seule compétence pour se prononcer sur le caractère nouveau des prétentions formées en appel, ce moyen ne peut tendre qu'à l'irrecevabilité des demandes et non de l'appel incident.

2 - Sur la demande de la SCI Seccamaf

2-1 sur les défauts de conformité de la cage d'escalier

Le tribunal a exactement retenu, par des motifs pertinents que la cour fait siens, que les défauts de conformités relevés par l'expert avaient déjà été signalés au maître de l'ouvrage par le contrôleur technique, la société Socotec, et avaient motivé le refus de délivrance par la mairie de l'attestation de conformité des travaux, la SCI Seccamaf ayant en effet été mise en demeure, le 7 février 2012, soit plusieurs mois avant la réception, de mettre les travaux en conformité. L'appelante avait d'ailleurs admis dans un courrier adressé à la société Nogha consulting, le 6 novembre 2011, avoir connaissance des non-conformités relevées par le bureau de contrôle Socotec le 25 octobre 2011, interrogeant l'architecte sur les travaux à prévoir pour une mise en conformité.

Ces non-conformités qui étaient donc apparentes et connues du maître de l'ouvrage n'ayant fait l'objet d'aucune réserve à la réception, c'est à bon droit que le tribunal a considéré qu'elles étaient couvertes par la réception sans réserves et que la SCI Seccamaf ne pouvait agir contre l'architecte sur le fondement de la garantie décennale pour obtenir sa condamnation à supporter le coût des travaux de mise en conformité.

Néanmoins, l'appelante fait valoir à juste titre que la réception sans réserves ne fait pas obstacle à ce qu'elle puisse rechercher la responsabilité du maître d'oeuvre pour manquement à sa mission d'assistance du maître de l'ouvrage lors des opérations de réception. À cet égard, la société Nogha consulting ne peut se contenter d'affirmer qu'il n'y a pas eu de défaut de conseil de sa part à la réception, 'car toutes les parties étaient parfaitement informées du problème', sans démontrer d'une part avoir dûment conseillé à la SCI Seccamaf, maître de l'ouvrage profane, de formuler des réserves sur les non-conformités signalées, d'autre part l'avoir informée des conséquences d'une absence de réserves à la réception, quand bien même les défauts de conformité seraient-ils connus de tous.

S'agissant d'un manquement de l'architecte à son devoir de conseil, le préjudice subi par la SCI Seccamaf ne peut correspondre au coût des travaux de mise en conformité, mais s'analyse en une perte de chance d'avoir pu formuler des réserves à la réception.

Les parties n'ayant pas conclu sur ce point, il convient, après avoir infirmé le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de l'appelante à ce titre, d'inviter les parties à conclure sur le préjudice découlant de cette faute contractuelle.

2- 2 Sur les désordres réservés

Comme l'a exactement relevé le tribunal, un seul désordre a été réservé à la réception concernant le lot gros oeuvre, la réserve étant relative au nez de marche de l'escalier des communs, avec mention d'une proposition de l'entreprise consistant à reprendre en hauteur et en profondeur les marches. Il n'est pas soutenu que cette proposition a été effectivement mise en oeuvre, l'expert ayant au contraire constaté que les marches présentaient des hauteurs et girons inégaux.

Bien que concluant à l'infirmation du jugement sur ce point, la société Nogha consulting ne conteste pas sa responsabilité, ni le montant retenu par le tribunal pour ce désordre, son appel ne visant en réalité qu'à obtenir la garantie totale de la société Leser Bau.

La SCI Seccamaf critique le jugement en ce qu'il a limité la condamnation de la société Nogha consulting à la somme de 9 669,66 euros et rejeté sa demande pour les autres défauts de conformité mais ne conteste pas ce montant. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

3 - Sur la demande reconventionnelle de la société Nogha consulting

Comme l'a exactement retenu le tribunal, la SCI Seccamaf ne peut s'opposer au paiement du solde des honoraires dus au maître d'oeuvre en arguant de ses défaillances dans l'exécution de sa mission, dans la mesure où celles-ci ouvrent droit à indemnisation à son profit. La société Nogha consulting est donc fondée à obtenir la rémunération de ses prestations à l'exception de celles qu'elle n'a pas réalisées.

A cet égard, ainsi que cela été relevé ci-dessus, l'intimée qui demande l'infirmation du jugement en ce qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande reconventionnelle au titre de ses honoraires ne soulève toutefois aucun moyen de nature à justifier l'infirmation du jugement en ce qu'il a déduit de sa réclamation la rémunération des DOE qui n'ont pas été transmis.

Par voie de conséquence, le jugement sera confirmé en tant qu'il a condamné la SCI Seccamaf au paiement de la somme de 8 730,80 euros au titre des honoraires de maîtrise d'oeuvre, avec intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2015, date de la demande reconventionnelle.

4 - Sur l'appel en garantie dirigé contre la société Leser Bau GmbH

Le maître d'oeuvre et l'entrepreneur, liés au maître de l'ouvrage par des conventions distinctes, étant dans leurs rapports personnels des tiers, ne peuvent agir en responsabilité l'un à l'égard de l'autre que sur un fondement quasi-délictuel.

Le tribunal a rappelé les conclusions de l'expert qui d'une part a relevé que si le plan de la société Leser Bau respectait le périmètre de l'escalier, il prévoyait une marche de plus que ce que prescrivait la société Nogha consulting, et que pour adapter l'escalier aux plans périphériques du prescripteur la société Leser Bau avait réduit la largeur du giron des marches et réduit leur hauteur pour 'faire rentrer seize marches à la place des quinze projetées', et d'autre part a considéré que l'origine des non-conformités était partagée entre l'entreprise et le maître d'oeuvre en raison d'une incompréhension mutuelle des prescriptions indiquées sur les plans (15 ou 16 marches), et d'une inobservation des prescriptions du bureau de contrôle.

Le tribunal a exactement retenu qu'au vu de ces conclusions expertales, la société Nogha consulting et la société Leser Bau avaient commis des fautes de gravité équivalente, la première pour ne pas avoir respecté les prescriptions du bureau de contrôle, et la seconde pour ne pas avoir respecté, contrairement à ce qu'elle prétend, les prescriptions du maître d'oeuvre et pour n'avoir formulé aucune réserve quant à l'impossibilité de réaliser un escalier conforme compte tenu du périmètre prévu, ce qui justifiait qu'il soit fait droit à l'appel en garantie de la société Nogha consulting à hauteur de moitié.

La société Nogha consulting ne peut toutefois obtenir la garantie de la société Leser Bau pour les montants susceptibles d'être mis à sa charge au titre de son manquement à son devoir de conseil lors des opérations de réception, l'entreprise n'étant en effet tenue d'aucune obligation envers le maître de l'ouvrage ou le maître d'oeuvre à cet égard.

Le jugement sera donc infirmé en tant qu'il a condamné la société Leser Bau GmbH à garantir l'EURL Nogha consulting à concurrence de la moitié des sommes dues à la SCI Seccamaf au titre des dommages et intérêts, dépens et article 700 du code de procédure civile, l'appel en garantie étant accueilli, s'agissant des dommages et intérêts, uniquement pour la condamnation prononcée au titre des désordres réservés.

Il sera réservé à statuer sur l'appel en garantie en tant qu'il porte sur les dépens et frais irrépétibles que al cour réserve..

5- sur les dépens et les frais exclus des dépens

En considération de la solution du litige, il convient de réserver à statuer sur les dépens et frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,  prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

DECLARE irrecevables les demandes tendant à l'irrecevabilité de l'appel principal et de l'appel provoqué de la société Leser Bau GmbH dirigé contre la SCI Seccamaf ;

DECLARE l'appel principal et l'appel provoqué recevables ;

CONFIRME Le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg en ce qu'il a :

- condamné l'EURL Nogha consulting à payer à la SCI Seccamaf la somme de 9 669,66 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné la SCI Seccamaf à payer à la société Nogha consulting la somme de 8 730,80 euros au titre des honoraires de maîtrise d'oeuvre avec intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2015,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :

- rejeté la demande indemnitaire de la SCI Seccamaf pour le surplus ;

- condamné la société Leser Bau GmbH à garantir l'EURL Nogha consulting à concurrence de la moitié des sommes dues à la SCI Seccamaf au titre des dommages et intérêts, dépens et article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

CONDAMNE la société Leser Bau GmbH à garantir l'EURL Nogha consulting à concurrence de la moitié de la condamnation prononcée contre elle, en principal et intérêts au titre du désordre réservé ;

DIT que l'EURL Nogha consulting a manqué à son obligation de conseil dans le cadre de sa mission d'assistance au maître de l'ouvrage lors des opérations de réception ;

RESERVE à statuer sur le préjudice ;

INVITE les parties à s'expliquer sur la perte de chance subie par la SCI Seccamaf en lien avec cette faute ;

DIT que la société Leser Bau Gmbh ne doit pas sa garantie à l'EURL Nogha consulting au titre des conséquences de cette faute ;

RÉSERVE à statuer sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, tant pour la première instance que pour l'appel et sur l'appel en garantie en tant qu'il porte sur ces chefs de demande ;

ORDONNE la réouverture des débats et la révocation de l'ordonnance de clôture ;

RENVOIE l'affaire à l'audience de mise en état du 7 février 2023.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/00705
Date de la décision : 25/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-25;20.00705 ?
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