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24/11/2022 | FRANCE | N°22/01313

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 24 novembre 2022, 22/01313


MINUTE N° 512/2022

































Copie exécutoire à



- Me Nadine HEICHELBECH



- Me Valérie SPIESER





Le 24 novembre 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 24 Novembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/01313 - N° Portalis DBVW-V

-B7G-HZYE



Décision déférée à la cour : 10 Mars 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTS :



Monsieur [W] [X]

Madame [Z] [N] épouse [X]

demeurant ensemble [Adresse 1]



représentés par Me Nadine HEICHELBECH, avocat ...

MINUTE N° 512/2022

Copie exécutoire à

- Me Nadine HEICHELBECH

- Me Valérie SPIESER

Le 24 novembre 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 24 Novembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/01313 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HZYE

Décision déférée à la cour : 10 Mars 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTS :

Monsieur [W] [X]

Madame [Z] [N] épouse [X]

demeurant ensemble [Adresse 1]

représentés par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me SCHAEFFER, avocat au barreau de Mulhouse substituant Me Julien SCHAEFFER, avocat au barreau de Strasbourg

INTIMÉS :

Monsieur [A] [B]

Madame [V] [C] épouse [B]

demeurant ensemble [Adresse 2]

représentés par Me Valérie SPIESER, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me LANTZ, avocat au barreau de Strasbourg

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre, et Madame Myriam DENORT, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Dominique DONATH, faisant fonction.

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Dominique DONATH faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [A] [B] et Mme [V] [B] née [C] sont propriétaires d'une maison d'habitation sise [Adresse 3] qu'ils ont acquise auprès des époux [X], selon acte reçu par Maître [Y] le 27 février 2014.

Ce bien immobilier a été fortement sinistré dans la nuit du 31 mai au 1er juin 2018, suite à une inondation provoquée par un violent orage, l'eau ayant atteint une hauteur de 1,90 mètres dans leur sous sol. Cet événement a fait l'objet d'une reconnaissance d'état de catastrophe naturelle, par arrêté du 9 juillet 2018, publié au Journal Officiel du 27 juillet 2018.

M. [W] [X] et Mme [Z] [N] épouse [X] ont été assignés par les époux [B] devant le tribunal judiciaire de Strasbourg par acte d'huissier délivré le 20 août 2020.

Ces derniers sollicitaient la condamnation des vendeurs au paiement de dommages et intérêts de l'ordre de 165 000 euros sur le fondement des articles 1641 et 1240 du Code civil, au titre d'une part de la garantie des vices cachés et d'autre part de leur réticence dolosive à communiquer des informations liées à un sinistre précédent subi le 17 juin 1997.

Les défendeurs ont saisi le juge de la mise en état pour soulever l'irrecevabilité de la demande des époux [B] en raison de la prescription.

Par ordonnance en date du 10 mars 2022, le juge de la mise en état de la troisième chambre civile a déclaré recevables les demandes des consorts [B] et renvoyé le dossier à la mise en état pour conclusions au fond des défendeurs.

Le juge faisant une application combinée des articles 1648 et 2232 du code civil - et fixant le point de départ de la prescription au jour de la découverte du vice (à savoir le caractère inondable de la maison) au jour de l'inondation du 1er juin 2018 - estimait que le délai s'achevait en principe au 1er juin 2020.

Il ajoutait cependant, qu'au regard des articles 1 et 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020 qui prévoient que tout acte devant être accompli entre le 12 mars et le 23 juin 2020 sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder la limite de deux mois à compter de la fin de cette période, les demandeur pouvaient régulièrement assigner dans le temps de la prescription avant le 23 août 2022, ce qu'ils avaient fait.

Les époux [X] ont interjeté appel par déclaration en date du 29 mars 2022, enregistrée au greffe le 1er avril 2022.

PRETENTIONS DES PARTIES

Dans leur déclaration du 29 mars 2022, les époux [X] indiquent que leur appel contre l'ordonnance du 10 mars 2022 tend à son infirmation, voire à sa réformation en ce qu'elle déclare recevables les demandes des consorts [B] sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Dans leurs dernières écritures notifiées par RPVA le 5 octobre 2022, ils demandent à la cour, statuant à nouveau, de déclarer irrecevable l'action des époux [B] et de les condamner, outre aux dépens, au paiement d'une somme de 2 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Ils estiment que l'analyse opérée par 1e premier juge serait erronée pour trois raisons:

- premièrement, elle ferait « l'impasse sur la distinction opérée par l'article 2224 du Code Civil entre les faits que le titulaire d'un droit connaissait - c'est-à-dire connaissait effectivement- et ceux qu'il aurait dû connaître '', tout en demandant à ce qu'il soit tenu compte de l'article L 110-4 du code de commerce,

- deuxièmement, l'analyse ferait « l'impasse sur la nature du délai de l'action en garantie des vices cachés qui est considéré comme un délai de forclusion'' ; selon les appelants, l'article 2232 du Code Civil ne devrait pas s'appliquer en l'espèce compte tenu de son emplacement dans ledit Code sous le chapitre XX du livre 2 du code civil qui ne concernerait pas les délais de forclusion,

- troisièmement, l'analyse « ferait l'impasse sur l'incompatibilité entre l'article 2232 et l'article 1648 du Code Civil lesquels consacrent l'un et l'autre un report du point de départ de la prescription '' ; par ailleurs, le premier juge se serait « affranchi un peu rapidement de l'article 2224 du Code Civil ''.

Aussi, les appelants indiquent faire référence à la jurisprudence de la première chambre et de la chambre commerciale de la Cour de cassation qui exige que l'action en garantie des vices cachés doit être engagée dans un délai de 2 ans à compter de la découverte du vice sans toutefois pouvoir dépasser le délai de 5 ans de l'article 2224 de ce même code. Ils appellent de leur voeux que la Cour de cassation se réunisse pour mettre un terme entre la divergence d'interprétation entre ses différentes chambres sur cette question.

* * *

Les époux [B] concluent à la confirmation de l'ordonnance prononcée le 10 mars 2022, à ce que la procédure soit renvoyée devant le tribunal judiciaire de Strasbourg sur le fond, et à ce que Monsieur et Madame [X] soient condamnés à leur payer la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Ils invoquent les termes de l'arrêt de la troisième chambre civile du 1er octobre 2020 (n°19-16986) qui prévoit que le point de départ de l'action en garantie des vices cachés est reporté « au jour où l'acquéreur a eu connaissance du vice dans toute son ampleur »,et que le jour de la naissance du droit, au sens de l'article 2232 du code civil, doit être fixé « au jour du contrat, qui consacre l'obligation à la garantie des vices cachés du vendeur ''.

C'est à bon droit que le juge de la mise en état a indiqué que 'le droit à garantie des vices cachés découlant de la vente, l'action en garantie des vices cachés doit donc être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser un délai de vingt ans à compter du jour de la vente'.

Dès lors, si l'on applique en l'espèce les textes adéquats et la jurisprudence les concernant, il y a lieu de mettre en application des délais de prescription de :

- 2 ans à compter de la découverte du vice, soit en l'espèce le jour de l'inondation du 1er juin 2018, conformément à l'article 1648 du code civil avec une fin du délai initialement prévue au 1er juin 2020 mais prorogée au 23 août 2020 du fait de la survenue de la période de pandémie,

- 5 ans à compter de la découverte du vice en date du 1er juin 2018, en application de l'article 2224 du code civil, avec une fin du délai au 1er juin 2023,

- 20 ans à compter de la vente notariée du 27 février 2014, conformément à l'article 2232 du code civil (soit une fin de délai pour le 27 février 2034).

En l'espèce, ce sont les articles 1648 et 2232 qui sont applicables, avec comme points de départ respectif des prescriptions la découverte du vice le 1er juin 2018 et la date de la vente du 27 février 2014.

Aussi, du fait de ce double encadrement, il convenait d'assigner les vendeur avant le 23 août 2020, ce qu'ils ont fait puisque l'acte d'huissier est du 20 août 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La troisième chambre civile de la cour de cassation a été appelée à statuer dans un arrêt du 8 décembre 2021 (20-21.439) sur la manière dont il convient d'articuler certains régimes de prescription entre eux, et notamment ceux résultant des articles :

- 1648 du code civil, qui concerne l'action résultant des vices rédhibitoires qui doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice,

- 2224 du code civil qui porte sur les actions personnelles ou mobilières qui se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer,

- 2232 du code civil qui prévoit que le report du point de départ du délai de prescription, la suspension ou l'interruption de celle-ci, ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.

Il résulte de cet arrêt que, avant la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, la garantie légale des vices cachés, qui ouvre droit à une action devant être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, devait également être mise en oeuvre à l'intérieur du délai de prescription extinctive de droit commun.

L'article 2224 du code civil, qui a réduit ce délai à cinq ans, en a également fixé le point de départ au jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, ce qui annihile toute possibilité d'encadrement de l'action en garantie des vices cachés, le point de départ de la prescription extinctive du droit à garantie se confondant avec le point de départ du délai pour agir prévu par l'article 1648 du même code, à savoir la découverte du vice.

En conséquence, l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut être assuré, comme en principe pour toute action personnelle ou mobilière, que par l'article 2232 du code civil qui édicte un délai butoir de vingt ans à compter de la naissance du droit.

L'action en garantie des époux [B] des vices cachés découlant de la vente doit donc être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser un délai de vingt ans à compter du jour de la vente.

L'argumentation soutenue par les appelants portant sur l'application de l'article L 110-4 du Code du commerce n'a aucun sens, puisqu'aucune des parties n'a la qualité de commerçant.

En l'espèce, les époux [B] n'ont découvert l'existence du vice qu'au jour de l'inondation majeure qu'ils ont subie, et qui a failli leur coûter la vie puisqu'ils se sont retrouvés bloqués dans une pièce du sous sol totalement inondée.

On ne saurait prétendre sérieusement que les époux [B] étaient censés connaître l'existence d'un risque majeur pour leur maison à la seule lecture des pièces annexées à l'acte de vente et notamment celle intitulée 'Information sur les risques naturels et technologiques majeurs', qui bien que comportant la liste des arrêtés de catastrophes naturelles (7 depuis 1983), n'apportait aucune précision portant sur la maison vendue ou son quartier.

La date de la découverte du vice alléguée doit alors être fixée au jour de l'inondation du 1er juin 2018. Le délai prescriptif de 2 ans a donc commencé à courir à compter de cette date et devait s'achever le 1er juin 2020.

Du fait de la survenue du contexte sanitaire découlant de la pandémie de la COVID, l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 « relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période '' a prévu aux termes de ses articles 1 et 2 du Titre Ier que pour « les délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent (...) tout acte, recours, action en justice qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er (c'est à dire entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus) sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peux excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ''.

La limite étant le 23 août 2020, l'action en justice introduite par l'assignation délivrée le 20 août 2020 a donc été faite avant l'extinction du délai de prescription.

Par conséquent il y a lieu de confirmer la décision du juge de la mise en état.

Les appelants seront condamnés aux dépens d'appel et à verser une somme de 1.500 € aux époux [B] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

La demande formulée par les appelants au titre de ce même 700 du code de procédure civile sera écartée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

CONFIRME l'ordonnance rendue par la juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Strasbourg le 10 mars 2022,

CONDAMNE M. [W] [X] et Mme [Z] [N] épouse [X] aux dépens de la procédure d'appel,

CONDAMNE M. [W] [X] et Mme [Z] [N] épouse [X] à payer à M. [A] [B] et Mme [V] [B] née [C] la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande d'indemnisation formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile par M. [W] [X] et Mme [Z] [N] épouse [X].

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/01313
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;22.01313 ?
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