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24/11/2022 | FRANCE | N°22/01025

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 24 novembre 2022, 22/01025


MINUTE N° 510/2022

























Copie exécutoire à



- Me Camille ROUSSEL



- Me Raphaël REINS



- Me Joseph WETZEL



- SCP CAHN et BORGHI



Le 24 novembre 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 24 Novembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/010

25 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HZIQ



Décision déférée à la cour : 21 Février 2022 par le président du tribunal judiciaire de Colmar



APPELANTS :



Monsieur [Y] [M]

demeurant [Adresse 3]



La S.A Assurances du Crédit Mutuel, prise en la personne de ses repré...

MINUTE N° 510/2022

Copie exécutoire à

- Me Camille ROUSSEL

- Me Raphaël REINS

- Me Joseph WETZEL

- SCP CAHN et BORGHI

Le 24 novembre 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 24 Novembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/01025 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HZIQ

Décision déférée à la cour : 21 Février 2022 par le président du tribunal judiciaire de Colmar

APPELANTS :

Monsieur [Y] [M]

demeurant [Adresse 3]

La S.A Assurances du Crédit Mutuel, prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 6]

représentés par Me Camille ROUSSEL, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me WETTERER, avocat au barreau de Mulhouse

INTIMÉS :

Monsieur [T] [P]

demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Raphaël REINS, avocat à la cour.

CPAM DU HAUT-RHIN représentéee par ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 10]

assignée le 26 avril 2022 à personne morale, n'ayant pas constitué avocat.

L'Organisme SUVA représenté par son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 9] ( SUISSE)

représenté par Me Joseph WETZEL, avocat à la cour

INTIMÉ et appelé en intervention forcé :

HOPITAUX CIVILS DE [Localité 10] pris en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 5]

représentés par Me Marion BORGHI, avocat à la cour

avocat plaidant : Me MAI, avocat au barreau de Colmar

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre, et Madame Myriam DENORT, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Dominique DONATH, faisant fonction

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Dominique DONATH faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

En date du 12 mars 2019, Monsieur [T] [P] circulait à moto rue Principale à [Localité 11] dans le sens [Localité 8]-[Localité 12].

Alors qu'il dépassait le véhicule circulant devant lui, un second véhicule conduit par Monsieur [M] man'uvrait afin de sortir de l'habitation située [Adresse 1] en vue de se positionner sur la voie de circulation dans le sens opposé à celui de Monsieur [P], à savoir le sens [Localité 12]-[Localité 8]. La moto de ce dernier entrait en collision avec la voiture de Monsieur [M].

Les ACM sont l'assureur de ce dernier, la SUVA l'assureur de M. [T] [P].

Cet accident a été lourd de conséquences pour Monsieur [P] qui a présenté de multiples fractures au tibia droit, aux lombaires L1 et L2 et à l'épaule gauche, et perdu 4 dents du bas de la mâchoire. Monsieur [P] a fait par la suite l'objet d'un licenciement pour inaptitude et a été reconnu totalement invalide. Devant faire usage d'une chaise roulante pour se déplacer, il a emménagé avec sa famille dans un logement de plain-pied dont les pièces de vie sont au rez-de-chaussée, sans escalier.

Dans le cadre de pourparlers qui se sont instaurés entre la SUVA et les ACM, cette dernière a, dans un premier temps accepté un taux de prise en charge de 25 % puis augmenté à 33 %.

M. [T] [P] a assigné le 25/11/2021 devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Colmar M. [Y] [M] et les ACM en présence de la SUVA et de la CPAM du Haut-Rhin. Par ordonnance du 21 février 2022, il a été fait droit à sa demande d'expertise médico-légale, le Dr [G] [H] étant désigné expert.

Par ordonnance en date du 18 mars 2022, à la demande des ACM et de M. [M], les opérations d'expertise ordonnées dans le cadre de la présente procédure, ont été étendues et déclarées communes et opposables aux hôpitaux civils de [Localité 10] où a été pratiquée une double intervention chirurgicale orthopédique (épaule-genou) sur la personne de M. [T] [P].

Monsieur [M] et son assurance ont formé appel, contestant la mission confiée à l'expert, au motif principal que certains points seraient contraires à la nomenclature Dintilhac.

PRETENTIONS DES PARTIES

M. [Y] [M] et les ACM précisent dans leurs écritures du 20 avril 2022 ne pas s'opposer à la mesure d'expertise ordonnée, ou encore à la mission complémentaire confiée à l'expert dans le cadre de la recherche d'un éventuel manquement aux règles de l'art médical lors de l'intervention pratiquée aux hôpitaux civils de [Localité 10].

En revanche, ils estiment que la mission retenue pour définir le préjudice, telle qu'elle ressort de l'ordonnance entreprise, serait incomplète et non conforme à la nomenclature Dintilhac ; aussi proposent-ils une nouvelle mission.

A l'appui de leur appel, ils soutiennent que la nomenclature Dintilhac présente un caractère contraignant, et que certains points de la mission d'expertise ne seraient pas conformes, à savoir le :

Point 11 : Evaluer la capacité de la victime à prendre conscience de son état et à appréhender l'environnement. Donner tous renseignements utiles sur la nature et le degré de cette conscience.

... en ce que ce poste de préjudice ne serait pas défini dans la nomenclature Dintilhac ;

Point 12 : Donner en toute hypothèse un avis sur le taux de déficit fonctionnel actuel de la victime, tous éléments confondus (état antérieur inclus)

... or l'état antérieur ne pourrait être inclus dans l'évaluation du déficit fonctionnel permanent, seules les séquelles directement imputables à l'accident devant être prises en compte afin d'évaluer l'AIPP ;

Point 15 : continuer à s 'adonner aux sports et activités de loisirs qu'elle déclare avoir pratiqués.

... or le préjudice d'agrément est défini par la nomenclature Dintilhac comme 'l'impossibilité pour la victime de se livrer à une activité spécifique, sportive ou de loisir' ; par 'activité spécifique'on entendrait toute activité dont la victime est en mesure de justifier la pratique, par exemple en produisant une licence sportive, un justificatif d'adhésion à une association. Il ne suffirait donc pas à la victime de déclarer s'être livrée à une telle activité mais il lui faudrait justifier sa pratique antérieure ;

Point 16 : donner un avis sur l'importance des souffrances endurées (physiques et morales) avant et après consolidation.

... or les souffrances postérieures à la consolidation sont à intégrer dans le poste déficit fonctionnel permanent, s'agissant de douleurs résiduelles, telles que définies par la nomenclature Dintilhac comme composante de l'AIPP ;.

Point 19 : donner un avis sur l'existence et, le cas échéant, l'importance d'un préjudice permanent exceptionnel, et notamment dire s'il existe un préjudice identitaire ou de dépersonnalisation (ne plus être soi, ne plus être reconnu comme celui ou celle qu 'on était, ne plus avoir accès au regard de l'autre).

...or ce poste de préjudice n'est pas défini dans la nomenclature Dintilhac.

* * *

Dans ses écritures en date du 16 mai /2022, Monsieur [P] indique que sa situation se précarise en ce qu'aucune provision ne lui a été versée depuis la survenue de l'accident en 2019 par les ACM nonobstant leur reconnaissance au moins partielle de leur prise en charge.

Il estime que la nomenclature Dintilhac, qui a eu le mérite de recenser et de classifier des postes de préjudices corporels, n'a pour autant aucune valeur législative ni réglementaire. Le seul principe applicable est celui de la réparation intégrale des préjudices comme le rappelle régulièrement la Cour de cassation.

Il cite le rapport du groupe de travail qui est à l'origine de ladite nomenclature, qui en page 4 précise que « les membres du groupe de travail tiennent à souligner que cette nomenclature, qui recense les différents postes de préjudice corporel, ne doit pas être appréhendée par les victimes et les praticiens comme un carcan rigide et intangible conduisant à exclure systématiquement tout nouveau chef de préjudice sollicité ['] A l'inverse, il convient de préciser que cette nomenclature des chefs de préjudice étant simplement indicative, elle n'a donc pas vocation à être appliquée systématiquement dans son intégralité à tous les types de dommages. En la matière, il demeure indispensable de laisser une place importante à l'office du juge ». Annexe 26 ' Rapport du groupe de travail Dintilhac page 4

C'est pourquoi la Cour de cassation, a pu reconnaître l'existence de préjudices autonomes non expressément mentionnés dans la nomenclature Dintilhac.

En conséquence, il conclut à la confirmation de l'ordonnance et à la condamnation solidaire des appelants, outre aux dépens de 1er instance et d'appel, à lui verser une somme de 1.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la présente procédure d'appel.

* * *

La SUVA a conclu le 20 mai 2022 à la confirmation de l'ordonnance et à la condamnation de M. [Y] [M] et des ACM à lui verser une somme de 1000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

A l'instar de M. [T] [P], elle avance que la nomenclature Dintilhac ne constitue qu'un outil de travail qui ne saurait être exhaustif et impératif.

La CPAM, bien qu'ayant été destinataire des pièces d'appel et des conclusions déposées, ne constituait pas devant la cour.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La nomenclature dite 'Dintilhac', par son caractère particulièrement précis, permet d'avoir une appréciation très fine du dommage réel subi par une victime.

Cependant cette nomenclature ne s'impose pas aux intervenants du procès civil ou pénal et surtout ne vient pas entraver les juridictions dans leur travail tendant à permettre une indemnisation totale des préjudices subis.

Elle ne constitue qu'un outil de travail qui ne saurait être exhaustif et impératif, et peut laisser place à des demandes d'indemnités spécifiques en raison notamment de la situation particulière de la victime.

Aussi, si le juge de première instance souhaite obtenir des renseignements sur l'état de prise de conscience de son état par la victime et sur un éventuel problème de personnalité ou identificatoire (points contestés 11 et 19) ou sur le préjudice d'agrément (point 15), il n'existe pas de raison pour contrarier son office, nulle disposition lui interdisant d'élargir le champ de la mission de l'expert sur ces points.

Quant au point 12, le fait que l'expert réponde à la question posée n'est en rien de nature à empêcher le juge de faire la distinction entre séquelles directement imputables à l'accident et d'éventuels états antérieurs. En outre, sachant que l'homme de l'art a aussi été saisi de la question de savoir si l'intervention de l'hôpital de [Localité 10] a été pratiquée dans de bonnes conditions, la mission confiée lui permettra de faire la part des choses entre les conséquences de l'accident et celles de l'intervention chirurgicale et de son suivi.

Il y a aussi lieu de rappeler aux appelants, d'une part que les conclusions de l'expert feront d'abord l'objet de débats entre les parties et qu'à l'occasion de 'dires' celles-ci pourront développer leurs arguments, et d'autre part que les conclusions de l'expert ne s'imposent pas au juge.

En revanche, concernant le point 16 'donner un avis sur l'importance des souffrances endurées (physiques et morales) avant et après consolidation', il y a lieu de constater qu'il peut induire en erreur l'expert. En effet, les souffrances endurées après consolidation doivent être prises en compte dans le DFP.

Il y aura par conséquent lieu de réformer la mission sur ce point uniquement afin d'en modifier sa rédaction.

Chaque partie conservera ses dépens. Il est aussi équitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

CONFIRME l'ordonnance rendue par la juge des référés du tribunal judiciaire de Colmar le 21 février 2022 sauf en ce qui concerne le point 16 de la mission confiée à l'expert ;

statuant à nouveau, SUBSTITUE au texte de ce point 16 le texte suivant :

'donner un avis sur l'importance des souffrances endurées (physiques et morales) avant consolidation ; il est rappelé que les souffrances endurées après la consolidation doivent être intégrées dans le déficit fonctionnel permanent'

CONDAMNE chacune des parties à conserver ses dépens d'appel,

DIT n'y avoir lieu à appliquer les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/01025
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;22.01025 ?
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