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24/11/2022 | FRANCE | N°22/01004

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 24 novembre 2022, 22/01004


MINUTE N° 509/2022

























Copie exécutoire à



- Me Claus WIESEL



- Me Anne CROVISIER





Le 24 novembre 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 24 Novembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/01004 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HZHN



Décision défé

rée à la cour : 30 Septembre 2021 par le juge de la mise en état DE MULHOUSE.





APPELANTS et intimés sur incident :



Monsieur [L] [X]

Madame [B] [Z] épouse [X]

demeurant ensemble [Adresse 2]



représentés par Me Claus WIESEL, avocat à la cour.





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MINUTE N° 509/2022

Copie exécutoire à

- Me Claus WIESEL

- Me Anne CROVISIER

Le 24 novembre 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 24 Novembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/01004 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HZHN

Décision déférée à la cour : 30 Septembre 2021 par le juge de la mise en état DE MULHOUSE.

APPELANTS et intimés sur incident :

Monsieur [L] [X]

Madame [B] [Z] épouse [X]

demeurant ensemble [Adresse 2]

représentés par Me Claus WIESEL, avocat à la cour.

INTIMÉ et appelant sur incident :

Monsieur [U] [T] pris à titre personnel es qualité de gérant de la SASU ARTON ENERGY, liquidée,

demeurant [Adresse 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/001325 du 19/04/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

représenté par la SELARL ARTHUS, avocat à la cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre, et Madame Myriam DENORT, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Dominique DONATH, faisant fonction

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Dominique DONATH faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Selon devis accepté le 28 mai 2016, M. [L] [X] et Mme [B] [Z] épouse [X] ont chargé la SASU Artron Energy de la fourniture et de la pose d'une pompe à chaleur de marque JURAPAC et d'une ballon thermodynamique de marque AUER pour un montant de 22.830,20 € TTC.

Monsieur [U] [T] était alors le gérant de la SASU Artron Energy, laquelle a fait l'objet d'une dissolution amiable en date du 13 juin 2019, M. [T] [U] étant désigné liquidateur.

Les consorts [X] se plaignant d'un dysfonctionnement du matériel, ils ont sollicité et obtenu du juge des référés de Mulhouse le 14/02/2017 la désignation d'un expert en la personne de M. [M] [S] qui a déposé son rapport en date du 21 mars 2018.

Par courrier en date du 18 février 2020, les consorts [X] ont déposé plainte à l'encontre de la SASU Artron Energy et de M. [U] [T] en précisant notamment qu'ils « (...) n'ont jamais été en mesure d'identifier l'assurance responsabilité civile décennale de la société Artron Energy malgré les multiples demandes lors des différents accédits ».

C'est dans ce contexte que les consorts [X] ont introduit selon acte introductif du 11 mai 2020 une procédure à l'encontre de M. [T] [U] à titre personnel, es-qualité de gérant de la SASU Artron Energy, lui reprochant un défaut d'assurance responsabilité civile décennale obligatoire, en vue d'obtenir sa condamnation au versement des sommes de 19.706,23 € en réparation des désordres affectant le matériel installé, de 1.248 € au titre de la surconsommation électrique et de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur [T] a soulevé devant le juge de la mise en état l'irrecevabilité de l'action de Monsieur et Madame [X] en raison de l'acquisition de la prescription triennale prévue à l'article L.223-23 du Code de commerce.

Il est à noter qu'en cours de procédure, Monsieur [T] a justifié de la souscription d'une assurance décennale.

Par ordonnance en date du 30 septembre 2021, le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Mulhouse :

- a dit que la prescription relative à l'action en responsabilité personnelle dirigée contre Monsieur [T] pour défaut de souscription d'une assurance responsabilité décennale au bénéfice de la société Artron Energy n'a pas commencé à courir - puisqu'il avait produit en cours de procédure cette assurance - et partant a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de cette action, déclarant de ce chef la demande de Monsieur et Madame [X] recevable,

- a fixé au 30 octobre 2016 le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité personnelle engagée contre Monsieur [T] pour défaut de remise de l'attestation de responsabilité décennale souscrite par la société Arton Energy, et partant déclaré irrecevable la demande de Monsieur et Madame [X] sur ce fondement pour être prescrite,

- a rejeté les demandes d'indemnité de procédure des deux parties,

- a dit que les dépens de l'incident suivront le sort de l'instance au fond.

C'est l'ordonnance frappée d'appel par Monsieur et Madame [X]. Par ailleurs Monsieur [T] a formé un appel incident.

PRETENTIONS DES PARTIES

L'appel de Monsieur et Madame [X] ne porte que sur la partie de la décision qui a déclaré prescrite leur action fondée sur la remise tardive de l'attestation d'assurance responsabilité décennale.

Ils demandent dans leur dernier jeu d'écritures transmis par RPVA le 9 juin 2022 que la cour réforme l'ordonnance du juge de la mise en état qui a déclaré irrecevable pour cause de prescription leur demande de condamnation de M. [U] [T], et statuant à nouveau, constate l'absence de prescription.

S'agissant de l'appel incident de M. [U] [T], il devrait être déclaré irrecevable et en tout état de cause mal fondé, en ce sens qu'il est dépourvu d'intérêt.

Enfin la condamnation de M. [U] [T] aux entiers dépens de la procédure ainsi qu'au paiement, au profit des consorts [X] de la somme de l 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile était sollicitée.

Tout d'abord, sur l'appel principal, ils viennent indiquer que :

- compte tenu de la mention figurant sur les devis et factures à savoir « DEC2- ELI001849 », ils n'avaient aucune raison de douter de l'existence d'une telle assurance,

- ils n'avaient nullement l'obligation de solliciter de la part de la société la production de l'attestation d'assurance,

- comme la société Artron Energy s'est abstenue de justifier de la souscription d'une assurance en garantie décennale pendant toutes les opérations d'expertise, il ne leur a pas été possible de mettre en cause l'assureur notamment au moment de cette expertise judiciaire,

- ce n'est qu'à la date de la liquidation amiable de la société Artron Energy qu'ils ont pu avoir connaissance des coordonnées de la compagnie d'assurance, Elite Assurance,

- il a fallu attendre le dépôt des conclusions sur incident n°2, pour que la souscription d'un contrat d'assurance soit justifiée ; or à cette date ladite compagnie d'assurance qui avait garanti Artron Energy, était déjà en liquidation judiciaire, l'ensemble des contrats souscrits ayant été résiliés à la date du 15 septembre 2020,

- si cette information leur avait été transmise plus tôt, la compagnie Elite Assurance aurait pu être mise en cause dès 2018 et participer aux opérations d'expertise, et suite au dépôt du rapport d'expertise aurait pu indemniser le préjudice car celle-ci était encore in bonis,

- en tout état de cause, ils n'ont pu avoir connaissance de l'ampleur du préjudice qu'au moment des opérations d'expertise ; il a lieu dès lors de retenir comme date de départ du délai de prescription celle du 2 mars 2018, date du rapport d'expertise.

S'agissant ensuite de l'appel incident formé par M. [T], les appelants concluent à son irrecevabilité ou à son débouté estimant qu'à partir du moment où le gérant a justifié de l'existence de cette assurance garantie décennale, le débat ne porte plus que sur la tardiveté de sa justification, la discussion sur l'existence même de cette garantie étant devenue dépourvue de tout d'intérêt.

* * *

M. [T], dans ses dernières écritures du 11 mai 2022 conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise sous réserve de son appel incident, et à la condamnation de Monsieur et Madame [X] aux entiers frais et dépens ainsi qu'à une somme de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il conteste le bien fondé de l'argumentation des appelants et soutient que :

- contrairement à ce qui est allégué par ceux-ci, l'existence d'une assurance garantie décennale ne leur a jamais été cachée ; elle était mentionnée sur tous les documents contractuels qui leur ont été adressés (factures, courriers...) de sorte que cette question n'a fait l'objet d'aucun débat devant l'expert,

- Monsieur et Madame [X] ne peuvent sérieusement soutenir ne pas avoir été en possession au moment de l'ouverture du chantier de l'attestation d'assurance, car il s'agissait là d'une des conditions pour bénéficier du crédit d'impôt et du financement des travaux par la banque,

- le fait dommageable dans le cadre de l'action en responsabilité pour faute de gestion du gérant d'une société tenant à l'absence de remise de l'attestation de police d'assurance décennale à l'ouverture du chantier, implique que les époux [X] étaient en mesure de prendre connaissance de cette absence de remise dès l'ouverture du chantier et au plus tard le 30 octobre 2016, date à laquelle la dernière facture a été émise et au bas de laquelle figure la mention 'Garantie décennale DEC2-cELI001849",

- l'argumentation soutenue par Monsieur et Madame [X] qui consiste à prétendre que le fait dommageable serait la connaissance de l'ampleur de leur préjudice révélée par le rapport d'expertise ou encore par la production en cours de procédure de l'attestation d'assurance ne peut être retenue, en ce sens qu'ils confondent connaissance du préjudice et ampleur de celui-ci.

Au sujet de son appel incident, M. [T] estime que même s'il est établi que l'action en responsabilité pour faute de gestion tenant à l'absence de souscription d'une police d'assurance décennale couvrant le chantier est vouée à l'échec dès lors qu'une telle assurance a été souscrite, pour autant cette action est en tout état de cause irrecevable pour avoir été introduite plus de trois ans après le fait dommageable qui est en l'espèce inexistant.

Aussi, sollicite-t-il de la cour qu'elle infirme l'ordonnance entreprise en tant qu'elle a dit que la prescription relative à l'action en responsabilité personnelle de Monsieur [T] pour défaut de souscription d'une assurance responsabilité décennale au bénéfice de la société Artron Energy n'a pas commencé à courir et partant a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de cette action, déclarant de ce chef la demande de Monsieur et Madame [X] recevable, et statuant à nouveau, déclare leur action prescrite, et les condamne corrélativement solidairement aux entiers frais et dépens nés de l'appel incident.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Monsieur et Madame [X] fondent leur demande à l'encontre de Monsieur [T] sur les dispositions de l'article L 223-22 du Code de commerce qui prévoit que 'Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion (...)'.

L'article L 223-23 du code de commerce précise que « Les actions en responsabilité prévues aux articles L. 223-19 et L. 223-22 se prescrivent par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation ... » .

Il est de jurisprudence acquise que ces délais de prescription « s'appliquent aussi bien aux actions engagées par les associés qu'aux actions engagées par des tiers. »

La prescription de l'article L 223-23 court donc à compter de la connaissance du fait dommageable ; le point de départ objectif du délai de trois ans ne peut donc être en l'absence de dissimulation que le jour du fait dommageable c'est à dire le jour de la faute et non celui où le dommage s'est manifesté.

Les fautes de gestion reprochées à monsieur [T] par les appelants ne doivent pas être antérieures de plus de trois ans à l'assignation ou de ses conclusions pour que leur action soit recevable, à moins que ces derniers ne démontrent qu'il y ait eu dissimulation.

En l'espèce les appelants reprochent à M. [T] de ne pas leur avoir remis une copie de la garantie décennale couvrant l'activité de la société Artron Energy.

En soi, cette absence de remise de document ne caractérise pas une dissimulation.

En outre les époux [X] étaient en situation de savoir que la société était assurée, puisque cette dernière faisait figurer sur ses documents contractuels les références de sa police d'assurance "Garantie décennale DEC2-ELI001849 » (cf. notamment les factures des 29 et 30 octobre et du 4 novembre 2016).

Le juge de la mise en état a donc logiquement considéré que le fait dommageable résidait dans l'absence de remise à l'ouverture du chantier de cette attestation de nature à permettre à l'assuré de mobiliser utilement la garantie contractuelle en cas de survenance d'un désordre décennal, et que les appelants étaient en mesure de prendre connaissance de ce fait dès l'ouverture du chantier et au plus tard au moment où la dernière facture leur était adressée, soit le 4 novembre 2016.

Il est à noter que la notion de 'connaissance' du fait dommageable ne doit pas être confondue avec celle de son 'ampleur', la survenue de la liquidation judiciaire de la société de M. [T] et de la compagnie d'assurance n'ayant pas d'incidence sur la date de l'apparition du fait dommageable et de sa connaissance par les époux [X].

Aussi, lorsque les consorts [X] ont assigné le 11 mai 2020 M. [T], le délai de prescription triennal était achevé depuis le 4 novembre 2019.

S'agissant du débat portant sur le défaut d'existence d'une police d'assurance de garantie décennale, le juge de la mise en état a estimé qu'il ne pouvait déclarer l'action menée par les époux [X] prescrite en ce sens que du fait de l'existence avérée de cette police, il n'y avait pas de point de départ du préjudice.

Force est de constater que le juge ne pouvait faire autrement, en ce sens, d'une part qu'il ne disposait pas des éléments pour déterminer un point de départ de la prescription, et d'autre part que n'étant pas saisi du fond il se doit de limiter son intervention aux fins de non recevoir.

Aussi, la décision entreprise sera't-elle confirmée en son intégralité.

Les appelants seront condamnés aux dépens de la procédure d'appel. Il est équitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure au cas d'espèce.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

CONFIRME l'ordonnance rendue par la juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Mulhouse le 30 septembre 2021,

CONDAMNE M. [L] [X] et Mme [B] [Z] épouse [X] aux dépens de l'appel,

REJETTE les demandes des époux [X] et de M. [T] fondées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/01004
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;22.01004 ?
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