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22/11/2022 | FRANCE | N°21/02352

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 22 novembre 2022, 21/02352


EP/KG





MINUTE N° 22/914





















































NOTIFICATION :



Pôle emploi Alsace ( )







Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées



Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 22 Novembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02352

N° Portalis DBVW-V-B7F-HSRX



Décision déférée à la Cour : 13 Avril 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG



APPELANT :



Monsieur [N] [D]

[Adresse 5]

[Localité 4]



Représent...

EP/KG

MINUTE N° 22/914

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 22 Novembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02352

N° Portalis DBVW-V-B7F-HSRX

Décision déférée à la Cour : 13 Avril 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG

APPELANT :

Monsieur [N] [D]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Christian NIVOIX, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMES :

Me [X] [H] - Mandataire liquidateur de S.A. VALBLOR

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Jean-Pierre GUICHARD, avocat au barreau de STRASBOURG

Association L'UNEDIC, DELEGATION AGS/CGEA DE NANCY Association déclarée, représentée par sa Directrice Nationale,

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Patrick TRUNZER, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [N] [D] a été embauché par la Sa Valblor dans le cadre d'un contrat de travail, verbal, à durée indéterminée du 1er mai 1991 en qualité d'employé du service logistique, soumis à la convention collective nationale des Imprimeries de labeur et industries graphiques.

Il a ensuite accédé aux fonctions de :

- responsable logistique, groupe IV, statut employé, à compter du 1er septembre 1999,

- responsable logistique, agent de maîtrise groupe III- A à partir du mois d'avril 2009,

- responsable logistique, agent de maîtrise groupe III- B à compter du 1er juin 2013.

A partir du 23 février 2018, il a fait l'objet d'un arrêt de travail pour cause de maladie (non professionnelle).

Par jugement du 2 juillet 2018, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg a ouvert à l'encontre de la Sa Valblor une procédure de redressement judiciaire.

Dans le cadre d'un projet de restructuration de l'entreprise, un appel au départ volontaire est proposé aux salariés, par note de service du 24 juillet 2018.

Monsieur [D] a sollicité, en vain, à bénéficier de cette mesure.

Dans le cadre de la visite de pré-reprise du 4 septembre 2018, le médecin du travail a évoqué une éventuelle inaptitude du salarié.

Par avis du 8 octobre 2018, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude avec pour contre-indications : tous postes sur le site d'Illkirch et recommandation sur un poste similaire dans un autre environnement de travail.

Par lettre du 23 octobre 2018, l'employeur a avisé Monsieur [D] des vaines recherches de reclassement au sien de l'entreprise et du groupe.

Monsieur [D] a donc été convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement, par lettre du 24 octobre 2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 novembre 2018, la société Valblor, assistée de l'administrateur judiciaire, a notifié à Monsieur [D] son licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement, avec effet immédiat, la période de préavis ne pouvant être exécutée.

Monsieur [D] va contester son solde de tout compte et les sommes versées à ce titre.

Par requête du 8 mars 2019, Monsieur [N] [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Strasbourg, section encadrement, de demandes tendant à la reconnaissance du statut de cadre, subsidiairement d'agent de maîtrise pour la période antérieure à sa promotion en qualité d'agent de maîtrise, et, en conséquence, aux fins de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement, aux fins de rappel de salaire au titre d'une prime annuelle, aux fins de complément d'indemnité compensatrice de congés payés, outre aux fins de dommages-intérêts pour refus abusif du bénéfice de la procédure de départ volontaire.

Par décision du 1er juillet 2019 de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg, la procédure de redressement judiciaire, concernant la société Valblor, a été convertie en liquidation judiciaire, et le mandataire liquidateur Me [H] [X], de la Selarl Jenner et associés, a été attrait à la procédure prud'homale.

Par jugement du 13 avril 2021, ledit conseil de prud'hommes a :

- dit et jugé que la classification attribuée à l'emploi de responsable logistique relève bien du statut agent de maîtrise, et que la société Valblor n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat de travail entre les parties,

- condamné la Sa Valblor à payer à Monsieur [D] les sommes de :

* 251,25 euros bruts au titre de complément représentant 1/12 de la prime annuelle,

* 174,66 euros bruts au titre de solde pour l'indemnité compensatrice de congés payés ;

- débouté Monsieur [D] de l'ensemble de ses autres demandes,

- condamné la Sa Valblor aux dépens,

- dit et jugé que les créances ainsi déterminées devront être portées sur le relevé des créances salariales de la liquidation judiciaire de la Sa Valblor,

Sur la garantie de l'Ags/Cgea,

- dit et jugé que la garantie de l'Ags ne s'exercera qu'à titre subsidiaire, en l'absence de fonds disponibles ;

- dit et jugé que le cours des intérêts légaux est arrêté en application de l'article L 622-28 du code de commerce au jour d'ouverture de la procédure collective ;

- dit et jugé que la garantie de l'Ags n'est acquise qu'en présence d'une décision exécutoire, dans les conditions de l'article L 3253-8 du code du travail ainsi que dans les limites, toutes créances avancées, d'un des 3 plafonds résultant des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail.

Par déclaration du 4 mai 2021, Monsieur [N] [D] a interjeté appel du jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives au complément de prime annuelle et d'indemnité compensatrice de congés payés.

Par écritures, transmises par voie électronique le 14 juillet 2021, Monsieur [N] [D] sollicite l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fixé ses créances dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Valblor à la somme de 251,25 euros bruts au titre du complément de prime annuelle et à la somme de 174,66 euros bruts au titre du complément d'indemnité compensatrice de congés payés.

Il demande, à la cour, statuant à nouveau, la fixation au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la Sa Valblor, des sommes suivantes :

* 25 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de carrière,

* 18 714,69 euros au titre d'un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement sur la base d'une ancienneté de 19,10 années dans la catégorie cadre,

* 28 053 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l'absence de sa prise en charge dans le cadre d'un contrat de sécurisation professionnelle,

* 430,28 euros bruts au titre du prorata de la prime d'ancienneté annuelle.

Subsidiairement, dans le cas où la cour devait juger que l'emploi de responsable logistique ne relève pas de la catégorie cadre niveau II,

- 18 714,69 euros au titre d'un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement sur la base d'une ancienneté de 19,10 années dans la catégorie emplois intermédiaires niveau III agent de maîtrise,

Il sollicite, par ailleurs, qu'il soit dit et jugé que les créances ainsi déterminées devront être portées sur le relevé des créances salariales de la liquidation judiciaire de la Sa Valblor et que l'arrêt à intervenir soit déclaré opposable à l'Ags/Cgea.

Par écritures, transmises par voie électronique le 27 janvier 2022, l'Unedic, délégation Ags/Cgea de Nancy, sollicite la confirmation du jugement, et dans tous les cas, statuant à nouveau, que la cour :

- déclare Monsieur [D] irrecevable comme étant prescrit en ses demandes en reconnaissance du statut cadre au sens de l'article L 1471-1 du code du travail,

- rejette toutes les demandes de Monsieur [D],

et sur sa garantie,

- juge que la garantie de l'AGS ne s'exercera qu'à titre subsidiaire, en l'absence de fonds disponibles,

- arrête le cours des intérêts légaux en application de l'article L.622-28 du Code de Commerce au jour d'ouverture de la procédure collective,

- juge que la garantie de l'AGS n'est acquise que dans les conditions de l'article L.3253-8 du Code du Travail ainsi que dans les limites, toutes créances avancées, d'un des 3 plafonds résultant des articles L.3253-17 et D.3253-5 du Code du Travail.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus amples exposé des prétentions et moyens des parties.

Bien qu'ayant constitué avocat à hauteur de cour le 28 juin 2021, Me [H] [X], es qualité de mandataire liquidateur de la Sa Valblor, n'a pas conclu.

Une ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 2 mars 2022.

MOTIFS

Sur la prescription de la demande de reclassification au bénéfice du statut cadre

Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Selon l'article L 1471-1 du code du travail, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Selon l'article L 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par 3 ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Le premier alinéa n'est toutefois pas applicable aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7 et L. 1237-14, ni à l'application du dernier alinéa de l'article L. 1134-5.

L'Unédic fait valoir que la demande de reconnaissance du statut cadre est irrecevable pour cause de prescription biennale, prévue par l'article L 1471-1 du code du travail, subsidiairement, que le salarié ne répondait pas aux conditions prévues par l'accord conventionnel du 19 janvier 1993, ni à celle prévue par la convention collective.

Cette fin de non recevoir a été soulevée en premier ressort, mais le conseil de prud'hommes a omis de statuer sur celle-ci.

Monsieur [D] soutient que l'emploi de responsable logistique relève de la catégorie cadre niveau II de la grille de classification de la convention collective, et qu'il aurait dû bénéficier du statut cadre depuis 1992, au moins depuis septembre 1999, alors qu'un autre salarié, Monsieur [O], qui a les mêmes tâches que lui, bénéficie du statut cadre. Subsidiairement, il revendique le statut d'agent de maîtrise, emploi intermédiaire niveau III depuis septembre 1999.

Il ne répond pas à la fin de non recevoir soulevée par l'Unédic.

La durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance invoquée.

En l'espèce, les créances invoquées par Monsieur [D], en conséquence de la reclassification au regard de la convention collective applicable, sont différentes :

- la première est une indemnité en réparation d'un préjudice de carrière, en l'espèce une perte de chance invoquée ; il s'agit donc d'une action en responsabilité,

- la seconde est un solde d'indemnité conventionnelle de licenciement qui a pour cause une classification qui serait erronée ; or, la reclassification en cadre, aurait pu amener à un rappel de salaire, pour la période où ce dernier était inférieur au minimum conventionnel.

En conséquence, en l'espèce, ce n'est pas le délai de prescription de 2 ans de l'article L 1471-1, qui a vocation à s'appliquer mais :

- dans le premier cas, le délai de 5 ans prévu par l'article 2224 du code civil,

- dans le second cas, le délai de 3 ans de l'article L 3245-1 du code du travail.

Dès lors que Monsieur [D] a reçu, le 29 novembre 2004, une fiche de poste détaillant les fonctions de responsable logistique, il était en mesure de vérifier si ce poste correspondait aux définitions de poste et à la classification prévue par la convention collective nationale des Imprimeries de labeur et industries graphiques, par rapport au statut cadre Groupe II.

Sur l'action en responsabilité contractuelle

La perte de chance, d'avoir une meilleure carrière, s'est donc révélée à lui le 29 novembre 2004.

Antérieurement à loi du 17 juin 2008, le délai de la prescription de l'action en responsabilité contractuelle était de 30 ans.

En vertu des dispositions transitoires, de cette loi, prévue en son article 26, un nouveau délai de prescription de 5 ans a commencé à courir à compter du 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi.

Monsieur [D] avait donc jusqu'au 19 juin 2013 pour agir en responsabilité contre la SA Valblor.

Au regard de la saisine du conseil de prud'hommes, le 8 mars 2019, son action en responsabilité pour perte de chance d'avoir une meilleure carrière est irrecevable pour être prescrite.

Sur le solde d'indemnité conventionnelle de licenciement au regard du statut cadre

Selon l'article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, les dispositions du nouvel article L 3245-1 du code du travail s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit 5 ans.

Monsieur [D] a engagé son action, devant le conseil de prud'hommes, le 8 mars 2019 et son contrat a été rompu le 8 novembre 2018.

Dès lors, l'action de Monsieur [D] en reclassification de son emploi comme cadre est prescrite et donc irrecevable pour la période antérieure au 8 novembre 2015, et recevable pour la période à compter du 8 novembre 2015.

Sur la classification cadre à compter du 8 novembre 2015

Au 8 novembre 2015, le poste de Monsieur [D] est classé responsable logistique, agent de maîtrise Groupe III B.

Sa fiche de poste (son annexe n°7), précise clairement les tâches qui lui sont confiées.

La convention collective nationale des Imprimeries de labeur et industries graphiques stipule, en son annexe V relative à la classification des emplois, annexe IV relative aux emplois classés par analogie aux emplois-repères, qu'un " responsable planning ordonnancement " relève du groupe II, qui concerne les cadres, l'agent de planning relevant du groupe V, ouvriers-employés.

La fiche de poste " responsable logistique " précise que, notamment, il collabore avec les responsables atelier, ordonnancement, sous-traitance et planning.

Il résulte des bulletins de paie, produits par Monsieur [D], de Monsieur [R] [B] [E], des mois de juillet à décembre 2017, que Monsieur [E] exerçait, en dernier état, les fonctions de " responsable planning ", et se voyait reconnaître le statut cadre groupe II.

Selon jugement du 6 octobre 2020 du conseil de prud'hommes de Strasbourg, il avait exercé les fonctions, précédemment, de " responsable planning ordonnancement ".

Selon attestation de témoin de Monsieur [R] [B] [E], du 5 mai 2021, Monsieur [D] était devenu " responsable ordonnancement " en équipe avec Monsieur [O] et en gestion de 4 magasiniers, dont un était chef magasinier et agent de maîtrise, 3 chauffeurs et 2 employés de bureau.

Monsieur [D] produit, d'ailleurs, une carte de visite sur entête de la société Valblor sur laquelle il a les fonctions de " responsable ordonnancement ".

Comme précisé par d'autres personnes ayant apporté leur témoignage, Monsieur [D] participait aux réunion du personnel d'encadrement.

Toutefois, il résulte de l'attestation de témoin de Monsieur [E] que les réunions " production " était organisée par Monsieur [E], lui-même, avec les divers chefs de service.

Par ailleurs, Monsieur [E] avait sous sa responsabilité 28 personnes, et non 9 personnes pour Monsieur [D] (chiffre indiqué par Monsieur [E]).

La participation, de Monsieur [D], à des réunions, appelées de " production " ou de " direction " ne permet pas d'établir, à elle-seule, des fonctions relevant du statut cadre, alors qu'une telle participation était nécessaire, Monsieur [D] ayant sous sa responsabilité plusieurs employés et un agent de maîtrise.

Si Monsieur [E] précise que " Monsieur [D] occupait le même poste ou le même travail que Monsieur [O] mais les statuts étaient différents ", il n'est pas établi que Monsieur [O], qui avait également le poste de " responsable ordonnancement ", suivant document intitulé " confirmation de transport ", bénéficiait du statut cadre, l'attestation de témoin étant, sur ce point, insuffisamment précise.

Par ailleurs, il résulte également de l'attestation de Monsieur [J] [T], produite par Monsieur [D], que Monsieur [T] avait également exercé les fonctions de " responsable du planning ", et qu'en qualité de responsable du planning, Monsieur [T] " était en contact constant avec Monsieur [D] pour tout ce qui était livraison/expédition, sortie des consommables, et réception des besoins (papier, encre, etc') ".

Il résulte des pièces produites que la Sa Valblor faisait bien la distinction entre d'une part un " responsable planning ", tels que Messieurs [E] et [T], qui relevait du statut cadre, et était assimilé au " responsable planning ordonnancement ", prévu à la convention collective comme relevant du statut cadre, et d'autre part du " responsable ordonnancement " ou du " responsable logistique " qui ne relevaient pas du statut cadre groupe II.

Il en résulte que Monsieur [D] ne prouve pas que les fonctions exercées à compter du 8 novembre 2015 correspondaient à un poste de cadre au sens de la convention collective applicable.

Dès lors, la demande d'indemnisation pour perte de chance en réparation d'un préjudice de carrière, et la demande principale de complément d'indemnité de licenciement sur la base d'une ancienneté dans la catégorie cadre, apparaissent mal fondées.

Sur la demande subsidiaire de reclassification de ses fonctions, antérieures au mois d'avril 2009, en qualité d'agent de maîtrise, depuis le 1er septembre 1999

La prescription de cette demande n'est pas soulevée par l'Unédic, qui n'a soulevé aucun moyen quant à cette demande subsidiaire.

Il résulte des motifs supra que Monsieur [D] a bénéficié du statut Agent de maîtrise à compter du mois d'avril 2009, et non en 2013 comme indiqué par erreur par le conseil de prud'hommes, le Groupe III, visé au bulletin de paie, étant celui des agents de maîtrise.

Selon bulletin de paie du mois de septembre 1999, il est reconnu comme ' responsable logistique' Groupe IV de la convention collective applicable.

La fiche de poste du 29 novembre 2004 détermine les tâches attachées à sa fonction de responsable logistique.

Il y a lieu de relever que l'annexe V de la convention collective nationale des Imprimeries de labeur et industries graphiques considère qu'un " agent de planning " relève du Groupe V échelon C, soit ouvrier-employé. Toutefois, il s'agit d'un simple exécutant.

Au regard de la définition de la fonction " responsable logistique " sur la fiche de poste établie le 29 novembre 2004 par l'employeur, sur laquelle on reconnaît l'emblème graphique, les fonctions de " responsable logistique " sont semblables sur plusieurs points à celles définies par l'annexe V de la convention collective pour les fonctions de " contremaître ", à savoir : " anime, coordonne et contrôle le travail d'une ou plusieurs équipes dans le cadre des instructions ou directives de sa hiérarchie. Apporte des conseils techniques au personnel qu'il dirige ".

En effet, Monsieur [D] avait, comme vu ci-dessus, sous sa responsabilité 9 personnes.

La fiche de poste indique pour missions : organise les activités du quai, collabore avec les responsables atelier, ordonnancement, sous traitance et planning, rend compte au directeur de production.

Dans le cadre de ces missions, il assure plusieurs tâches, et, notamment, applique et fait appliquer les procédures qualité et sécurité, de telle sorte qu'il a une fonction de contrôle du travail des personnes agissant sous sa responsabilité.

Or, l'annexe V précitée classe le " contremaître " dans le Groupe III-B, soit, dans la catégorie agent de maîtrise.

Il en résulte que Monsieur [D] justifie que l'employeur aurait dû, dès le 1er septembre 1999, lui reconnaître le statut d'agent de maîtrise, de telle sorte qu'il y a lieu de le reclasser dans ce statut à compter de cette date.

En conséquence, au regard du calcul de l'ancienneté de Monsieur [D] dans la catégorie agent de maîtrise, et du chiffrage de l'appelant, qui ne fait l'objet d'aucune critique en son quantum, il y a lieu de fixer la créance, de Monsieur [D], au titre du complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, au passif de la procédure de liquidation dont fait l'objet la Sa Valblor, à la somme de 18 714,69 euros. Le jugement déféré est donc infirmé sur ce point

Sur l'indemnisation pour absence de prise en charge dans le cadre d'un contrat de sécurisation professionnelle (CSP)

Monsieur [D] soutient qu'il a abusivement été écarté du dispositif de volontariat au licenciement économique de Juillet 2018.

De façon implicite et non équivoque, il invoque une différence de traitement en comparant sa situation de personne, alors, en arrêt maladie, avec celle de Monsieur [J] [T] qui s'est vu proposé de bénéficier du dispositif du CSP dans le cadre d'un départ volontaire pour motif économique ou d'un licenciement pour motif économique.

L'Unédic fait valoir que Monsieur [D] ne répondait pas aux conditions pour entrer dans le champ d'application du plan de restructuration prévoyant des départs volontaires :

- le contrat était suspendu jusqu'au mois d'octobre 2018 du fait de l'arrêt de travail, alors que la proposition de départ volontaire a été diffusée en juillet 2018,

- le poste de " responsable logistique " n'était pas supprimé et donc pas concerné par le licenciement pour motif économique,

- en octobre 2018, les dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi n'étaient plus en vigueur au mois d'octobre 2018.

Il apparaît que, les situations de Messieurs [T] et [D] sont objectivement différentes.

En effet, il résulte de la " note de service " du 24 juillet 2018, signée par le dirigeant social et l'administrateur judiciaire, que :

1.le volontariat dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi est expressément réservé aux catégories professionnelles concernées par la suppression de poste,

2.le candidat devait justifier d'un projet professionnel ou de raisons personnelles à savoir :

* une proposition d'emploi dans une autre entreprise dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ou d'un contrat à durée déterminée ou d'une mission d'intérim d'au moins six mois, ou d'un contrat de la fonction publique,

* ou d'un projet de création d'entreprise ou de reprise totale ou partielle d'entreprise ou d'activité,

* ou d'un départ volontaire en retraite ou en retraite anticipée, pour les collaborateurs ayant commencé très jeune une activité professionnelle,

* un projet de formation diplômante,

* un projet personnel dans le cadre familial, associatif ou humanitaire,

3. les candidatures au départ volontaire devaient être reçues entre le 24 juillet 2018 et le 7 août 2018, le délai expirant à 12 heures le dernier jour du délai.

A la période précitée, Monsieur [D] se trouvait en arrêt maladie.

Il résulte de l'attestation de paiement des indemnités journalières de la Cpam du Bas-Rhin que Monsieur [J] [T] a été en arrêt maladie uniquement du 1er juillet 2018 au 31 juillet 2018, et, qu'en conséquence, il pouvait parfaitement poser sa candidature au bénéfice du départ volontaire dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi, ce qui n'était pas le cas de Monsieur [D] toujours en arrêt maladie.

Par ailleurs, Monsieur [D] ne justifie pas qu'il se trouvait dans une des conditions prévues au point 2 précité.

En conséquence, la demande indemnisation, à ce titre, apparaît mal fondée, de telle sorte que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la prime annuelle d'ancienneté prorata temporis

Monsieur [D] sollicite un montant prorata temporis au titre d'une prime, non conventionnelle, qui était versée par l'employeur sous l'intitulé " prime annuelle d'ancienneté ".

Toutefois, comme relevé à juste titre par le conseil de prud'hommes, il n'est pas établi que ladite prime non conventionnelle avait pu être payée, par le passé, prorata temporis, et qu'il existait, à ce titre, un usage ou une constance, alors que par lettre du 13 décembre 2018, l'employeur a soutenu que cette prime n'était versée qu'en cas d'année complète de présence.

En conséquence, le jugement entrepris sera également confirmé sur ce point.

Sur la garantie de l'Ags

En application de l'article L 3253-20 du code du travail, la garantie de l'Ags ne s'exerce qu'à titre subsidiaire, en l'absence de fonds disponibles, et dans les limites des plafonds résultant des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail.

Sur les demandes annexes

En application de la 696 du code de procédure civile, la Sa Valblor, représentée par Me [H] [X], es qualité de mandataire liquidateur, et l'Unédic, seront condamnées In Solidum aux dépens d'appel.

Le jugement est confirmé s'agissant des dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME, le jugement du 13 avril 2021 du Conseil de prud'hommes de Strasbourg SAUF en ce qu'il a :

- statué sur le bien fondé de la demande d'indemnisation pour perte de chance d'une meilleure carrière ;

- statué sur la demande de reclassification, au bénéfice du statut cadre, des fonctions exercées par Monsieur [N] [D], pour la période antérieure au 8 novembre 2015, aux fins de paiement d'un solde d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- rejeté la demande subsidiaire de reclassification, au bénéfice du statut d'agent de maîtrise, des fonctions exercées par Monsieur [N] [D], pour la période du 1er septembre 1999 au 31 mars 2009, et de paiement d'un solde d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DECLARE irrecevable la demande d'indemnisation au titre d'une perte de chance d'une meilleure carrière ;

DECLARE irrecevable la demande de reclassification, au statut cadre, pour la période antérieure au 8 novembre 2015, aux fins de paiement d'un solde d'indemnité de conventionnelle de licenciement ;

DECLARE recevable cette dernière demande pour la période à compter du 8 novembre 2015 ;

DEBOUTE Monsieur [N] [D] de sa demande de reclassification, au statut cadre, à compter du 8 novembre 2015, et de la demande, en conséquence, de solde d'indemnité de conventionnelle de licenciement à ce titre ;

DIT que les fonctions de " Responsable logistique " exercée par Monsieur [N] [D] à compter du 1er septembre 1999 relève du Groupe III, catégorie Agent de maîtrise, de l'annexe V de la convention collective nationale des Imprimeries de labeur et industries graphiques ;

FIXE la créance de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement de Monsieur [N] [D] au passif de la procédure de liquidation de la SA Valblor à la somme de 18 714, 69 euros nets (dix huit mille sept cent quatorze euros et soixante neuf centimes) ;

RAPPELLE que l'Ags Cgea de Nancy doit sa garantie à titre subsidiaire en cas d'absence de fonds disponibles, et dans la limite des articles L 3253-8 du code du travail, et de l'un des trois plafonds résultant des articles L 3253 -17 et D 3253-5 du code du travail ;

RAPPELLE que le cours des intérêts légaux et conventionnels est interrompu à compter du jugement d'ouverture de la procédure collective ;

CONDAMNE la Sa Valblor, représentée par Me [H] [X], es qualité de mandataire liquidateur, et l'Unédic In Solidum aux dépens d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/02352
Date de la décision : 22/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-22;21.02352 ?
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