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22/11/2022 | FRANCE | N°21/02044

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 22 novembre 2022, 21/02044


GLQ/KG





MINUTE N° 22/896





















































NOTIFICATION :



Pôle emploi Alsace ( )







Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées



Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMA

R

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 22 Novembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02044

N° Portalis DBVW-V-B7F-HSBB



Décision déférée à la Cour : 13 Avril 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE



APPELANTE :



Société SAEML SOLEA

prise en la personne de son rep...

GLQ/KG

MINUTE N° 22/896

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 22 Novembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02044

N° Portalis DBVW-V-B7F-HSBB

Décision déférée à la Cour : 13 Avril 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE

APPELANTE :

Société SAEML SOLEA

prise en la personne de son représentant légal,

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour

INTIME :

Monsieur [R] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Mme [K] [S] [L] (Délégué syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [R] [T] a été embauché le 24 novembre 1997 en qualité de conducteur-receveur par la société SAEML SOLEA, entreprise de transport de l'agglomération mulhousienne.

M. [R] [T] a été placé en arrêt de maladie du 07 août au 24 septembre 2017, alors qu'il bénéficiait de congés payés pour la période du 14 juillet au 13 août 2017. Son employeur l'a maintenu en position de congés payés pour la période du 07 au 13 août 2017 et a déduit les six jours correspondants du nombre de jours de congés annuels attribués au salarié.

Par courrier du 30 septembre 2017, M. [R] [T] a sollicité le report de ses jours de congés payés pendant la période correspondant à son arrêt de maladie demandé à son employeur de régulariser cette situation, ce que la société SAEML SOLEA a refusé par courrier du 13 octobre 2017.

M. [R] [T] a saisi en référé le conseil de prud'hommes de Mulhouse pour obtenir la condamnation de la société SAEML SOLEA à lui restituer six jours de congés, demande à laquelle le conseil de prud'hommes a fait droit par ordonnance du 29 mars 2018.

Par arrêt du 29 octobre 2019, la cour d'appel a infirmé l'ordonnance du 29 mars 2018 et a jugé qu'il n'y avait pas lieu à référé.

Le 19 février 2020, M. [R] [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Mulhouse.

Par jugement du 13 avril 2021, le conseil de prud'hommes a :

- condamné la société SAEML SOLEA à reporter et restituer six jours de congés payés à M. [R] [T],

- condamné la société SAEML SOLEA à payer à M. [R] [T] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société SAEML SOLEA aux dépens.

La société SAEML SOLEA a interjeté appel le 13 avril 2021.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 septembre 2022, la société SAEML SOLEA demande, à titre principal, d'infirmer le jugement et, en conséquence, de débouter M. [R] [T] de sa demande et de le condamner au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par courrier datées du 24 août 2022, M. [R] [T] demande de confirmer le jugement du 13 avril 2021 et, en tout état de cause, de débouter la société SAEML SOLEA de ses demandes et de la condamner aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux écritures précitées, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 27 septembre 2022 et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 11 octobre 2022.

MOTIFS

L'article L. 3141-3 du code du travail dispose que 'le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur. La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables'. Il résulte par ailleurs de l'article L. 3141-5 que les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie ordinaire ne sont pas considérées comme des périodes de travail effectif pour la détermination de la durée de congé.

Pour s'opposer à la demande de M. [R] [T], l'employeur fait valoir à juste titre que le droit interne ne prévoit pas la possibilité pour un salarié victime d'une maladie non professionnelle pendant ses congés payés d'en obtenir le report.

M. [R] [T] invoque cependant la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 qui, article 1er, 'fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d'aménagement du temps de travail' et s'applique notamment 'aux périodes minimales de congé annuel'. Cette directive dispose, article 7, que 'les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales'. L'article 15 précise que 'la présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres d'appliquer ou d'introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ou de favoriser ou de permettre l'application de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs'. L'article 17 de la directive ne prévoit par ailleurs aucune possibilité pour les États membres de déroger aux dispositions de l'article 7.

Il apparaît ainsi que le droit à congés instauré par cette directive est inconditionnel, attaché à la qualité de travailleur, et que les motifs d'absence indépendants de la volonté de celui-ci sont sans incidence sur le droit à congé. Les dispositions du code du travail entrent donc en contradiction avec cette directive dès lors qu'elles font reposer le droit à congés sur des périodes de travail effectif dont sont exclues les périodes de suspension du contrat de travail pour cause de maladie non professionnelle.

L'employeur fait valoir que la directive européenne n'a pas été transposée en droit interne et qu'elle n'est pas d'application directe. La Cour de justice de l'Union européenne rappelle en effet de manière constante qu' 'une directive ne peut pas par elle-même créer d'obligations dans le chef d'un particulier et ne peut donc être invoquée en tant que telle à son encontre' (CJUE 24 janvier 2012, Dominguez, affaire C-282/10).

Il est toutefois fait exception à ce principe lorsque le litige oppose un particulier à l'État : 'dans tous les cas où les dispositions d'une directive apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, les particuliers sont fondés à les invoquer devant les juridictions nationales à l'encontre de l'État, soit lorsque celui-ci s'est abstenu de transposer dans les délais la directive en droit national, soit lorsqu'il en a fait une transposition incorrecte'. La cour précise à ce titre que 'lorsque les justiciables sont en mesure de se prévaloir d'une directive à l'encontre non pas d'un particulier mais d'un État, ils peuvent le faire quelle que soit la qualité en laquelle agit ce dernier, employeur ou autorité publique. Dans l'un et l'autre cas, il convient, en effet, d'éviter que l'État ne puisse tirer avantage de sa méconnaissance du droit de l'Union'.

La Cour de justice de l'Union européenne a par ailleurs 'admis que des dispositions inconditionnelles et suffisamment précises d'une directive pouvaient être invoquées par les justiciables à l'encontre d'organismes ou d'entités qui étaient soumis à l'autorité ou au contrôle de l'État ou qui disposaient de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers' (CJCE, 12 juillet 1990, C-188/89, Foster) et que 'figure au nombre des entités qui peuvent se voir opposer les dispositions d'une directive susceptibles d'avoir des effets directs un organisme qui, quelle que soit sa forme juridique, a été chargé en vertu d'un acte de l'autorité publique d'accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d'intérêt public et qui dispose, à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers' (CJUE 24 janvier 2012, Dominguez, affaire C-282/10).

S'agissant de l'article 7 de la directive 2003/88/CE, la cour de justice de l'Union européenne (CJUE 24 janvier 2012, Dominguez C-282/10) considère que cette disposition est suffisamment précise et inconditionnelle pour être invocable directement à l'égard d'un État membre : 'même si l'article 7 de la directive 2003/88 laisse aux États membres une certaine marge d'appréciation lorsqu'ils adoptent les conditions d'obtention et d'octroi du droit au congé annuel payé qu'il énonce, cette circonstance n'affecte cependant pas le caractère précis et inconditionnel de l'obligation prescrite par cet article. Il convient, à cet égard, de noter que l'article 7 de la directive 2003/88 ne figure pas parmi les dispositions de ladite directive auxquelles son article 17 permet de déroger. Il est donc possible de déterminer la protection minimale qui doit, en tout état de cause, être mise en 'uvre par les États membres en vertu de cet article 7'.

En l'espèce, la société SAEML SOLEA, est une entreprise de transport, anciennement dénommée 'Transports de l'agglomération mulhousienne'. Le salarié fait valoir qu'une telle entreprise assure la gestion d'un service public et doit, à ce titre, être assimilée à une autorité publique, ce que conteste l'employeur qui soutient qu'il ne peut être assimilé à un organisme étatique compte tenu de son statut de droit privé.

La Cour de cassation (Soc, 02 mars 2022, 20-22.214) a toutefois considéré que la directive 2003/88/CE était directement invocable à l'égard de la SEMITAG, société des transports publics de l'agglomération grenobloise, assimilée à un organe étatique alors qu'il s'agit d'une société anonyme. Elle a également adopté cette position à l'égard de la société Transdev Reims (Soc, 22 juin 2016, 15-20.111), société par action simplifiée, en relevant que cette société était 'délégataire de l'exploitation d'un réseau de transport en commun intérieur, qu'un tel délégataire assurait un service public dont l'étendue, les modalités et les tarifs étaient fixés par l'autorité publique organisatrice et que les agents du réseau de transport public étaient habilités par la loi et le règlement à constater les contraventions afférentes' et qu'il s'agissait 'd'un organisme chargé en vertu d'un acte de l'autorité publique d'accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d'intérêt public et disposant à cet effet de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers'. Dès lors, en l'absence d'autre élément sur les conditions dans lesquelles la société SAELM SOLEA s'est vue déléguer le service public de transport en commun de l'agglomération mulhousienne, il convient de considérer que l'article 7 de la directive 2003/88/CE lui est directement opposable.

Il apparaît en revanche que l'article 7 de la directive 2003/88/CE ne garantit pour le salarié que quatre semaines de congés payés annuels, soit vingt-quatre jours ouvrables. L'article L. 3141-3 du code du travail va au-delà de la directive puisqu'il donne droit pour le salarié à un total de trente jours ouvrables de congés payés annuels, soit cinq semaines. L'arrêt maladie intervenu pendant les congés de M. [R] [T] étant d'une durée de six jours ouvrables, il correspond nécessairement à la cinquième semaine de congés payés prévue par le droit interne. S'agissant de congés accordés au-delà de la durée de quatre semaines garantie par la directive, il n'y a pas lieu d'écarter l'application de l'article L. 3141-5 du code du travail, qui ne permet pas le report des congés en cas de maladie ordinaire.

Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société SAELM SOLEA à reporter et à restituer six jours de congés payés à M. [R] [T].

Le jugement sera également infirmé en ce qu'il a condamné la société SAELM SOLEA à verser à M. [R] [T] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Compte tenu de l'issue du litige, il convient de condamner M. [R] [T] aux dépens de première instance et d'appel et de rejeter ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'équité s'oppose par ailleurs à ce qu'il soit fait droit à la demande de la société SAELM SOLEA au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui sera donc rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Mulhouse du 13 avril 2021 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉBOUTE M. [R] [T] de ses demandes ;

CONDAMNE M. [R] [T] aux dépens des procédures de première instance et d'appel ;

REJETTE les demandes de M. [R] [T] et de la société SAELM SOLEA au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/02044
Date de la décision : 22/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-22;21.02044 ?
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