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18/11/2022 | FRANCE | N°19/00935

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 18 novembre 2022, 19/00935


MINUTE N° 503/2022





























Copie exécutoire à



- Me Laurence FRICK



- la SCP CAHN G./CAHN T./

BORGHI





Le 18 novembre 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 18 novembre 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 19/00935 - N° Portalis D

BVW-V-B7D-HAOY



Décision déférée à la cour : 24 Septembre 2018 par le tribunal de grande instance de STRASBOURG





APPELANT :



Monsieur [R] [S] Exerçant sous l'enseigne 'AUTO [S]'

demeurant [Adresse 2]



représenté par Me Laurence FRICK, avocat à la cour.



...

MINUTE N° 503/2022

Copie exécutoire à

- Me Laurence FRICK

- la SCP CAHN G./CAHN T./

BORGHI

Le 18 novembre 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 18 novembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 19/00935 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HAOY

Décision déférée à la cour : 24 Septembre 2018 par le tribunal de grande instance de STRASBOURG

APPELANT :

Monsieur [R] [S] Exerçant sous l'enseigne 'AUTO [S]'

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Laurence FRICK, avocat à la cour.

INTERVENANTE VOLONTAIRE :

S.A.S. GARAGE AUTO [S]

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la cour.

INTIMÉE :

Madame [H] [T]

demeurant [Adresse 1]

représentée par la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Anne HOUSER

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 23 seprembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Le 15 octobre 2014, Mme [H] [T] a commandé à M. [R] [S], exploitant sous l'enseigne 'Auto [S]', un véhicule Honda Civic diesel, version sport, mis en circulation le 31 mars 2008 et présentant un kilométrage de 102 000 km, au prix de 9 990 euros.

Le 23 mars 2015, le véhicule est tombé en panne moteur et a dû être remorqué. Une expertise amiable a été diligentée par le cabinet Barth Expertise Automobile (BEA) à la demande de l'assureur protection juridique de Mme [T], à laquelle 'Auto [S]' a été convoquée mais n'a pas été représentée ; l'expert a conclu à la responsabilité civile du vendeur dans le cadre de la garantie légale de conformité.

Par acte d'huissier du 7 juin 2016, Mme [T] a fait assigner M. [S] devant le tribunal de grande instance de Strasbourg, en résolution de la vente du véhicule et dommages et intérêts.

Par jugement du 24 septembre 2018, le tribunal a prononcé la résolution de la vente et condamné M. [S] à restituer à Mme [T] la somme de 9 990 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2015, date de la mise en demeure, Mme [T] étant condamnée à restituer le véhicule une fois le remboursement du prix obtenu, à charge pour M. [S] de venir le récupérer à ses frais à l'endroit où il était entreposé.

Le tribunal a également condamné M. [S] à payer à Mme [T] les sommes suivantes :

- 310 euros au titre des frais d'immatriculation et de carte grise,

- 69 euros au titre de la quote-part des frais d'expertise amiable,

- 150 euros au titre des frais d'analyse d'huile,

- 4 897,20 euros au titre des frais de gardiennage du 23 mars 2015 au 29 mars 2016, outre les intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2015,

- 1 000 euros au titre du préjudice subi du fait de la privation de l'usage du véhicule de mars 2015 au 18 août 2015, date de dépôt du rapport,

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

De plus, le tribunal a ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Il a fait application de l'article L.211-7 du code de la consommation, (et non pas de l'article L. 217-7 comme écrit par erreur dans le jugement) selon lequel les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de six mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance ; il a estimé que Mme [T] rapportait la preuve de la non-conformité par le rapport d'expertise privée, sans qu'il y ait lieu à expertise judiciaire comme demandé subsidiairement, et que M. [S] ne rapportait pas la preuve contraire permettant de faire échec à la présomption, ses critiques n'étant pas étayées. Il a considéré que la résolution de la vente était par ailleurs justifiée par le coût des réparations, supérieur au prix d'achat.

Par déclaration du 14 février 2019, M. [S] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance de référé du 29 mai 2019, la demande de M. [S] tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire a été rejetée.

Par un arrêt avant dire droit du 9 octobre 2020, la cour a ordonné une expertise du véhicule en cause, confiée à M.[K], la consignation à valoir sur la rémunération de l'expert ayant été mise à la charge des deux parties, in solidum.

L'affaire a été renvoyée à une audience de mise en état ultérieure, il a été sursis à statuer sur les demandes des parties et les dépens ont été réservés.

L'expert a déposé son rapport le 10 mai 2021. Il conclut que la panne est consécutive à une erreur de mise à niveau de l'huile moteur effectuée par Mme [T] en décembre 2014.

Dans ses conclusions transmises par voie électronique le 3 septembre 2021, M. [S] demande que son appel soit déclaré recevable et bien fondé et qu'il soit donné acte à la SAS Garage Auto [S] de son intervention volontaire.

Les appelants sollicitent l'infirmation du jugement déféré, sauf en ce qu'il déboute Mme [T] de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et en ce qu'il rejette sa demande de réserve de ses droits.

Ils demandent que la cour, statuant à nouveau dans cette limite, déboute Mme [T] de l'intégralité de ses conclusions et la condamne à payer à M. [S], respectivement à la société Garage Auto [S], une somme de 1 000 euros pour la procédure de première instance et la même somme pour la procédure d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

En tant que de besoin, tous deux sollicitent qu'il soit jugé qu'aucune condamnation ne peut être prononcée à l'encontre de M. [S] et que seule la responsabilité financière de la société Garage Auto [S], intervenante volontaire, peut être recherchée.

Les appelants font valoir que l'expertise judiciaire confirme les indications techniques émises par M. [S] et que la destruction du moteur est due à une erreur de mise à niveau de l'huile par Mme [T] en décembre 2014, le trop plein d'huile ayant entraîné l'emballement du moteur puis sa casse. Ce rapport remet en cause les conclusions du rapport non contradictoire de l'expert privé, qui affirmait que la panne avait une origine antérieure à la vente, sans avoir contrôlé ni l'hypothèse d'un défaut d'étanchéité du circuit d'injection, n'ayant pas démonté le moteur, ni celle que ce défaut existait en germe lors de la vente. Or, l'utilisation du véhicule pendant plus de 5 mois pour parcourir 10 780 km et l'absence de tout symptôme avant la panne et de défaut apparu au diagnostic n'étaient pas compatibles avec les conclusions de l'expert privé.

Par ses conclusions transmises par voie électronique le 31 janvier 2022, Mme [T] sollicite le rejet de l'appel et la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, ainsi que la condamnation de M. [S] aux entiers dépens d'appel, aux frais d'expertise et au versement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que le défaut est bien apparu dans le délai de six mois de l'achat du véhicule, que M. [S] avait été convoqué à l'expertise privée et qu'aucun grief ne lui a été fait par l'expert privé au sujet de l'entretien ou de l'huile, l'anomalie provenant probablement, sous réserve du démontage et du contrôle, de la détérioration précoce d'un injecteur moteur.

Tout en relevant que l'expert judiciaire conclut à une erreur de mise à niveau de l'huile de sa part, elle souligne que cette conclusion est contraire à celle de l'expert privé quant à l'existence d'un vice antérieur à la vente sur le système d'injection et que, le véhicule ayant été examiné six ans après la panne, il n'est pas justifié comment un prétendu excédent d'huile aurait pu détruire le moteur.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 1er février 2022.

MOTIFS

En préalable, il convient de donner acte à la SAS Garage Auto [S] de son intervention volontaire dans le cadre du présent appel, étant observé qu'immatriculée le 11 mars 2019, elle a pour activité l'achat, le vente de véhicules automobiles, la réparation mécanique et le nettoyage de véhicules, qu'avait également l'entreprise en nom personnel de M. [S], radiée le 7 mai 2019 pour cessation définitive d'activité.

I- Sur les demandes de Mme [T]

Le tribunal a rappelé les dispositions de l'article L.211-7 du code de la consommation tel qu'en vigueur lors de la vente, applicables en l'espèce notamment dans la mesure où la vente a été conclue entre un professionnel et un consommateur, selon lesquelles les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de six mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire.

Le tribunal s'est fondé sur le rapport d'expertise privé produit par Mme [T], à laquelle M. [S], exploitant sous l'enseigne Auto [S], n'avait pas participé.

Le rapport de l'expertise judiciaire ordonnée par la cour, qui conclut que la panne du véhicule est consécutive à une erreur de mise à niveau de l'huile moteur effectuée par Mme [T] en décembre 2014, relève le pourcentage de gasoil relevé dans le mélange huile + gasoil, soulignant qu'il y avait dans le carter inférieur du moteur au minimum 7,2 litres d'huile au lieu des 5,9 litres préconisés, soit 1,3 litres de trop.

L'expert privé ayant retenu l'existence d'un vice antérieur à la vente sur le système d'injection, qui devrait avoir pour conséquence l'augmentation du niveau dans le carter inférieur, l'expert judiciaire précise que ces conclusions ne sont pas en adéquation avec un manque d'huile au mois de décembre 2014.

L'expert privé avait en effet relevé un niveau d'huile trop important, Mme [T] ayant déclaré avoir, sur un bidon de 2 litres d'huile acheté, ajouté 1 litre au maximum. Il avait estimé qu'« a priori », c'était une mauvaise étanchéité du circuit d'injection qui était à l'origine de la pollution, le moteur présentant une forte dilution par du combustible, ce qui se traduisait par une forte chute de la viscosité et de l'inflammabilité de l'huile.

Les conclusions de l'expert privé, qui ne reposaient que sur une probabilité (« a priori ») ont donc été elles-mêmes analysées par l'expert judiciaire, qui a clairement précisé pourquoi celles-ci ne pouvaient être retenues. De plus, aucun élément postérieur ne vient remettre en cause cette analyse qui apparaît clairement motivée et fondée. Il en résulte qu'il y a lieu de la retenir, étant souligné qu'elle renverse la présomption de l'article L.211-7 du code de la consommation rappelée plus haut, démentant l'existence d'un défaut de conformité affectant le véhicule acquis par Mme [T] auprès de M. [S], lors de sa vente.

En conséquence, la demande tendant à résolution de la vente présentée par Mme [T], au motif de la préexistence d'un tel défaut de conformité à son acquisition, n'est pas fondée. Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé cette résolution, condamné M. [S], exploitant sous l'enseigne Auto [S], à restituer le prix de vente à Mme [T] et condamné cette dernière à restituer le véhicule, ainsi qu'en toutes ses dispositions par lesquelles il a accueilli les demandes accessoires à cette résolution. Toutes ces demandes de Mme [T] seront donc rejetées, étant observé que les dispositions par lesquelles le dit jugement a rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive de Mme [T] et sa demande tendant à la réserve de ses droits n'ont pas été frappées d'appel.

II - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant infirmé en la plupart de ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais non compris dans les dépens.

L'appel de M. [S] étant accueilli et les demandes de l'intimée étant rejetées, cette dernière assumera les dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à verser à l'appelant, précisément à la SAS Garage Auto [S], qui a repris l'activité que M. [S] exerçait auparavant à titre personnel, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens engagés en première instance et la même somme au titre des frais exclus des dépens engagés en appel.

En revanche, à ce même ce titre et sur le même fondement, Mme [T] sera déboutée de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

DONNE ACTE à la SAS Garage Auto [S] de son intervention volontaire dans le cadre du présent appel,

INFIRME, dans les limites de l'appel, le jugement rendu entre les parties par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 24 septembre 2018 en toutes ses dispositions frappées d'appel par M. [R] [S], exploitant sous l'enseigne Auto [S],

Statuant à nouveau et y ajoutant,

REJETTE la demande de Mme [H] [T] tendant à la résolution de la vente du véhicule Honda Civic conclue entre les parties le 15 octobre 2014 et toutes ses demandes subséquentes et connexes,

CONDAMNE Mme [H] [T] aux dépens de première instance et d'appel,

CONDAMNE Mme [T] à payer à la SAS Garage Auto [S] la somme de 1 000,00 (mille) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens que cette dernière a engagés en première instance,

CONDAMNE Mme [H] [T] à payer à la SAS Garage Auto [S] la somme de 1 000,00 (mille) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens que cette dernière a engagés en appel,

REJETTE la demande de Mme [H] [T] présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens qu'elle a engagés en première instance et en appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 19/00935
Date de la décision : 18/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-18;19.00935 ?
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