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17/11/2022 | FRANCE | N°19/01007

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 17 novembre 2022, 19/01007


MINUTE N°





































Copie exécutoire à



- Me Sophie BEN AISSA-

ELCHINGER



- Me Dominique HARNIST





Le 17 novembre 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 17 novembre 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG

19/01007 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HATE



Décision déférée à la cour : 07 Février 2019 par le tribunal de grande instance de COLMAR





APPELANTE et INTIMÉE sur incident :



La SARL [R] IMMOBILIER prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 3]



rep...

MINUTE N°

Copie exécutoire à

- Me Sophie BEN AISSA-

ELCHINGER

- Me Dominique HARNIST

Le 17 novembre 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 17 novembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 19/01007 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HATE

Décision déférée à la cour : 07 Février 2019 par le tribunal de grande instance de COLMAR

APPELANTE et INTIMÉE sur incident :

La SARL [R] IMMOBILIER prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 3]

représentée par Me Sophie BEN AISSA-ELCHINGER, avocat à la cour.

Plaidant : Me Gérard BECHT, avocat à Mulhouse.

INTIMÉE et APPELANTE sur incident :

La SA ZUNDEL & KOHLER devenue SA ZK, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Dominique HARNIST, avocat à la cour.

Plaidant : Me LANG, avocat à Strasbourg.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 22 septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Par assignation délivrée le 6 avril 2016, la SA Zundel et Kohler a saisi la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Mulhouse d'une demande tendant à la condamnation de la SARL [R] Immobilier à lui payer la somme de 97 817,59 euros.

Elle a exposé lui avoir confié un mandat de vente exclusif d'un ensemble immobilier lui appartenant, situé [Adresse 1] (68), prévoyant le versement d'honoraires en cas de conclusion effective de la vente.

Une promesse de vente ayant été signée avec la ville de [Localité 7], la société [R] Immobilier lui avait transmis deux factures d'un montant respectif de 61 136 euros et 36 681,59 euros qu'elle avait réglées. Cependant, la promesse de vente étant devenue caduque en décembre 2014 et la cession des parcelles n'ayant pu se réaliser, elle sollicitait le remboursement des montants indûment payés.

Par ordonnance du 31 mai 2017, le juge de la mise en état a déclaré la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Mulhouse territorialement incompétente pour connaître du litige et il a renvoyé la cause et les parties devant le tribunal de grande instance de Colmar.

Par jugement du 7 février 2019, la chambre commerciale de ce tribunal a déclaré l'action de la société Zundel et Kohler non prescrite et sa demande par conséquent recevable.

Elle a débouté la société [R] Immobilier de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée à payer à la société Zundel et Kohler la somme de 97 817,59 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement, ainsi que la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens, disant n'y avoir lieu à application de ces dispositions à son profit, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Sur la recevabilité de la demande de la société Zundel et Kohler en répétition de l'indu, retenant le délai de prescription de cinq ans prévu par l'article L.110-4 du code de commerce, le tribunal a fixé le point de départ de ce délai au jour de la réception du paiement indu.

Si la date des paiements intervenus n'était pas prouvée, les factures en cause dataient respectivement du 3 novembre 2011 pour le montant de 61 136 euros et du 27 juin 2012 pour le montant de 36 681,59 euros. L'action engagée par l'assignation délivrée le 6 avril 2016 était donc nécessairement intervenue avant l'expiration du délai de prescription.

Sur le fond, la société [R] Immobilier soutenant en premier lieu que les sommes en cause lui avaient été réglées en paiement des honoraires de M. [M] [V], en sa qualité d'expert, au titre d'une mission spécifique d'assistance et de conseil en vue d'entreprendre les démarches administratives, financières et matérielles pour réaliser la dépollution de ses terrains, mission qui avait été exécutée, le tribunal a retenu que non seulement la défenderesse ne justifiait pas de la réalité d'une telle mission, mais surtout que les factures avaient été établies par la société [R] Immobilier elle-même, ce qui excluait toute facturation d'activité propre de M. [M] [V].

En second lieu, la société [R] Immobilier sollicitant reconventionnellement des dommages-intérêts équivalents à la commission d'agence convenue, au motif que l'opération n'avait échoué qu'en raison de la seule faute de la société Zundel et Kohler, qui avait refusé de réitérer l'acte de vente, le tribunal a relevé que le compromis de vente en cause comportait des conditions suspensives et que la société Zundel et Kohler indiquait, sans être contredite sur ce point, que celles-ci n'avaient pas été réalisées, de sorte que la ville de Mulhouse avait renoncé à cette acquisition. Aucune faute imputable à la société Zundel et Kohler ayant privé la société [R] Immobilier de son droit à perception de la commission n'était donc démontrée et cette dernière devait donc être condamnée à lui régler la somme totale de 97 817,59 euros, en remboursement des montants indûment perçus.

La société [R] Immobilier a interjeté appel de ce jugement le 20 février 2019.

Par ordonnance du 23 avril 2021, le conseiller chargé de la mise en état a rejeté la requête de l'appelante tendant à ce que soient jugées irrecevables pour défaut de qualité à agir toutes les conclusions déposées pour la société « ZK », et ce au motif qu'il n'avait pas, en l'état des dispositions applicables à la date de la déclaration d'appel, le pouvoir d'apprécier la recevabilité des conclusions au regard de la qualité ou de l'intérêt à agir de leur auteur.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 19 novembre 2021, la société [R] Immobilier sollicite l'infirmation du jugement déféré et que la cour :

- juge irrecevables pour défaut de qualité à agir toutes les conclusions déposées par la société « ZK » dans la procédure d'appel,

- juge qu'il y a prescription de l'action intentée par la société Zundel et Kohler,

- déboute la société Zundel et Kohler de toutes ses demandes et la condamne au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et frais irrépétibles.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le mandat de vente devrait être pris en compte, elle sollicite la condamnation de la « SARL Zundel » au paiement de la somme de 122 272 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi qu'aux dépens et au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

C'est en amont de la partie « Discussion » de ses écritures que la société [R] Immobilier dénonce une substitution frauduleuse de l'intimée, au motif que les conclusions déposées « pour le compte de la société ZK » ne prouvent pas que cette dernière, créée à l'automne 2020, se serait substituée aux droits de la société Zundel et Kohler, n'ayant aucun rapport avec la demanderesse en première instance. Or, la société Zundel et Kohler, qui a désormais son siège social à [Localité 5] (90), et exerce toujours un négoce de produits chimiques, activité de la demanderesse initiale, est actuellement dirigée par Mme [E], qui n'a donné aucune instruction à un avocat pour déposer des conclusions d'appel au nom de la société Zundel et Kohler et qui n'était pas même au courant de cette procédure d'appel.

Sur la prescription, l'appelante, qui invoque le délai de prescription quinquennal, souligne que l'intimée fonde sa demande sur un mandat de vente daté du 5 janvier 2010 et que son action était prescrite depuis le 5 janvier 2015, alors que son assignation initiale est datée du 6 avril 2016.

Sur le fond, la société [R] Immobilier, qui conteste toute contradiction avec les moyens développés en première instance, soutient que les sommes qu'elle a perçues ne constituent pas une commission d'agence mais les honoraires convenus pour des prestations de services confiées à M. [M] [V], gérant de la société [R] Immobilier, en sa qualité d'expert, dans le cadre d'une mission spécifique d'assistance et de conseil, qui ont été réglés sans aucune réserve par la société Zundel. Les sommes payées ne correspondent pas au montant prévu au mandat de vente et aucune preuve n'est fournie par l'intimée du bien-fondé de ses prétentions, alors qu'elle-même démontre que M. [M] [V] a bien réalisé la prestation qui lui avait été confiée.

Affirmant n'avoir pas facturé jusqu'à présent la commission d'agence dans le cadre du mandat de vente, la société [R] Immobilier sollicite cependant, si celui-ci était pris en compte par la cour, la condamnation de la « société Zundel » à des dommages-intérêts représentant l'équivalent de la commission d'agence, soit au total 122 272 euros (78 820 + 43 452), au motif qu'un compromis de vente concrétise l'accord des parties, satisfaisant aux conditions de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970, et que la renonciation ultérieure des parties à réitérer l'acte authentique de vente ne peut avoir pour effet de priver l'intermédiaire de la rémunération qui lui est due.

Or, elle soutient qu'après la signature d'une promesse de vente avec la ville de [Localité 7], le 25 octobre 2012, l'opération a échoué par la seule faute de la société Zundel, influencée par son expert-comptable qui a tenté de « faire monter les enchères financières » vis-à-vis de la ville de [Localité 7].

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 20 octobre 2021, la société Zundel et Kohler sollicite la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et en conséquence, le rejet de l'intégralité des demandes de la société [R] Immobilier ainsi que la condamnation de cette dernière à lui régler la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de la procédure.

L'intimée soutient :

- avoir confié à la société [R] Immobilier uniquement un mandat exclusif de vente des terrains de la [Adresse 1], le 5 janvier 2010, mais aucune mission d'assistance et de conseil (') en vue de la dépollution de ces terrains, observant que l'appelante, qui est une agence immobilière, n'a aucune compétence de maîtrise d''uvre en matière de dépollution ou de démolition de sites industriels,

- que la société [R] Immobilier a méconnu le mandat de vente et les dispositions de l'article 74 du décret du 20 juillet 1972, dans la mesure où la rémunération de l'agence immobilière ne peut intervenir qu'au moment de la vente de l'immeuble,

- qu'elle-même a tout fait pour aller au bout de l'opération mais, malheureusement, les conditions suspensives n'ont pas été réalisées, si bien que la ville de [Localité 7] a renoncé à l'acquisition,

- qu'il est établi que l'appelante s'est enrichie de façon injustifiée à son détriment, en méconnaissant les dispositions impératives régissant le mandat d'agent immobilier.

Sur la substitution frauduleuse de l'une des parties au procès alléguée par l'appelante, l'intimée expose qu'elle est bien la société anonyme à conseil d'administration Zundel et Kohler, créée à [Localité 7] le 1er janvier 1954, qui a changé de nom suite à la cession de son activité, en 2013, à une société tierce, afin de permettre à cette dernière de poursuivre l'exploitation, qu'elle avait dû abandonner suite au décès de son président, et affirme être dénommée « ZK » depuis le 18 janvier 2018, et que le nécessaire a été fait pour régulariser la situation, notamment la composition du conseil d'administration ainsi que la désignation de ses représentants légaux.

Elle confirme que ses actions ont été acquises par un fonds de dotation qui est aujourd'hui majoritaire en son sein.

Par ailleurs, la société Zundel et Kohler précise que la SARL Zundel et Kohler, créée le 18 février 2014, qui a son siège social à [Localité 5] et dont la gérante est Mme [E], a simplement acquis l'activité de négoce de produits chimiques et le nom commercial, mais qu'elle est totalement étrangère aux relations entre les parties et au présent litige.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 07 décembre 2021.

A l'issue de l'audience de plaidoirie du 9 juin 2022 à laquelle l'affaire a été appelée, la cour a sollicité la transmission d'un extrait Kbis à jour de la société ZK ainsi que de l'acte de cession du fonds de commerce évoqué par l'intimée comme ayant été signé en 2014. Elle a autorisé le dépôt d'une note en délibéré par chacune des parties, suite à cette transmission.

La société [R] Immobilier a tout d'abord adressé à la cour une note en délibéré du 13 juin 2022 reprenant différents points développés dans ses écritures, relatifs à sa contestation de la « continuité de la personnalité morale » de l'intimée, de l'existence d'un indu susceptible d'être répété par cette dernière, puis à l'appui de sa demande reconventionnelle et de la fin de non-recevoir qu'elle a soulevée, portant sur la prescription de l'action de la société ZK.

Le 14 juin 2022, la société Zundel et Kohler a adressé à la cour l'extrait Kbis de la société ZK à jour au 12 juin 2022, ainsi que la convention de cession de fonds de commerce de la SA Etablissements Zundel et Kohler à la SARL Zundel et Kohler datée du 31 mars 2014, accompagnés d'une note commentant ces pièces et soulignant que l'acte de cession de fonds de commerce n'emporte cession d'aucune dette et d'aucune créance et que l'extrait Kbis démontre qu'elle est bien, la société ZK, la société immatriculée au RCS de Mulhouse le 18 novembre 1954. Elle précise avoir changé de dénomination sociale, d'activité et de siège social suite à la cession de son fonds de commerce.

Par une note du 16 juin 2022, la société Zundel et Kohler a répliqué à la note de l'appelante du 13 juin 2022, s'agissant essentiellement de la question de la continuité de la personnalité morale. La société [R] Immobilier y a répondu par une nouvelle note du 6 juillet 2022.

MOTIFS

I- Sur les demandes de la société Zundel et Kohler

A ' Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir

Si les écritures de l'intimée sont toujours prises au nom de la société Zundel et Kohler, la concluante précise cependant qu'elle se nomme désormais ZK, ce que confirme l'extrait Kbis à jour au 12 juin 2022, qu'elle produit dans le cadre du délibéré, à la demande de la cour. Celui-ci mentionne qu'il s'agit d'une SA immatriculée le 18 novembre 1954 sous le n° 945 451 219, qui est celui de la SA qui a cédé son fonds de commerce à la SARL Zundel et Kohler, par acte sous seing privé du 31 mars 2014 désormais versé aux débats. Cette SA était alors dénommée « Etablissements Zundel et Kohler », ainsi que le démontre l'extrait Kbis du 10 janvier 2017 versé aux débats et l'acte du 31 mars 2014 mentionne, parmi les éléments incorporels du fonds de commerce cédé, de « vente en gros de tous produits chimiques et tous produits et matériels ayant un lien avec les produits chimiques », exploité à [Localité 4], le nom commercial « Zundel et Kohler ». Cela, ajouté à la dénomination sociale de l'acquéreur, justifiait le changement de dénomination sociale du vendeur. Cette cession du fonds de commerce a également justifié une modification du siège social de la société cédante, dans la mesure où celui-ci était situé à l'adresse de l'exercice de l'activité cédée.

De plus, la cession du fonds de commerce ayant été assortie d'une clause de non concurrence active dans un rayon de 200 km, la société cédante a changé d'activité au profit d'une activité immobilière.

Ainsi, au vu des pièces produites par l'intimée, y compris durant le délibéré, comme elle y avait été autorisée, il est démontré que cette dernière n'est nullement la SARL Zundel et Kohler, dont le siège social est situé à [Localité 5], et qui est immatriculée au RCS de Belfort sous le n° 800 473 134, d'après l'acte de cession de fonds de commerce du 31 mars 2014, mais qu'elle est bien la SA dont la dénomination était initialement « Etablissements Zundel et Kohler », modifiée depuis au profit de « ZK ». Que cette société ait en même temps changé de gérant et d'associés importe peu, cela n'ayant aucune incidence sur la continuité de la personne morale elle-même.

En conséquence, il ne subsiste aucun doute sur le fait que la société Zundel et Kohler qui est partie à la présente instance est bien celle qui avait consenti un mandat de vente à la société [R] Immobilier le 5 janvier 2020, portant sur deux parcelles situées [Adresse 1], et qui a réglé à cette dernière le montant des deux factures évoquées plus haut.

Il en résulte que la fin de non-recevoir soulevée par l'appelante à l'encontre des conclusions de l'intimée, pour défaut de qualité pour agir de cette dernière, est infondée. Elle ne peut donc être accueillie et les conclusions de la société Zundel et Kohler doivent être déclarées recevables.

B ' Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Il convient de souligner tout d'abord que la société Zundel et Kohler sollicite la confirmation du jugement déféré, qui a fait droit à sa demande sur le fondement de la répétition de l'indu, et que ce fondement légal n'est pas contesté devant la cour.

Dès lors, si le délai de prescription applicable à la demande de l'intimée est bien le délai de la prescription quinquennale de droit commun, le point de départ de ce délai de prescription ne peut être fixé à la date de la signature du mandat de vente. En effet, il n'a pu courir avant la date des paiements dont le caractère indu est invoqué à l'appui de la demande tendant à leur restitution.

Or, les factures relatives aux montants réclamés par la société Zundel et Kohler ayant été émises respectivement les 3 novembre 2011 et 27 juin 2012, leur règlement n'a pu avoir lieu que postérieurement à leur émission, si bien que le délai de prescription quinquennale n'était pas écoulé lors de l'introduction de l'instance devant le premier juge par l'assignation délivrée à la société [R] Immobilier le 6 avril 2016.

Il en résulte que la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de la société Zundel et Kohler n'est pas non plus fondée et que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il l'a écartée et a déclaré recevable cette demande.

C ' Sur le fond

Le mandat exclusif de vente signé le 5 janvier 2010 entre les parties pour une durée de 24 mois stipulait une rémunération du mandataire d'un montant de 78 820 euros pour le lot A et de 43 452 euros pour le lot B, exigible le jour où l'opération serait effectivement conclue et constatée dans un acte écrit, signé des deux parties, conformément à l'article 74 du décret n°72-678 du 20 juillet 1972.

Les deux factures émises par la société [R] Immobilier les 3 novembre 2011 et 27 juin 2012, pour des montants respectifs de 61 136 euros et de 36 681,59 euros, mentionnent qu'elles concernent « la vente : ETABLISSEMENT ZUNDEL, KOHLER / VILLE DE [Localité 7], » et, au-dessous « Nos honoraires relatifs à la propriété sise : [Adresse 1]. »

L'appelante soutient que les sommes versées par la société Zundel et Kohler en paiement de ces factures ne constituent pas une commission d'agence mais des honoraires pour des prestations de services confiées à M. [M] [V], gérant de la société [R] Immobilier, en sa qualité d'expert, dans le cadre d'une mission spécifique d'assistance et de conseil en vue d'entreprendre les démarches administratives, financières et matérielles pour réaliser la dépollution des terrains et la démolition du site de fabrication par des entreprises spécialisées. Elle affirme démontrer que M. [M] [V] a bien réalisé la prestation qui lui avait été confiée.

Cependant, elle ne produit aucun document contractuel confiant la mission qu'elle invoque à M. [V]. Elle verse aux débats essentiellement, outre une page manuscrite de coordonnées téléphoniques dépourvue de toute portée, un courriel d'un ingénieur environnement de la ville de [Localité 7] du 15 septembre 2010 évoquant des éléments à fournir à la collectivité dans le cadre de la vente, dont l'avis de la Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DREAL), un autre d'une responsable de l'entreprise Alloin Transports du 17 septembre 2010, transmettant notamment un « rapport pollution », ces deux courriels étant adressés à [Courriel 6], et la télécopie adressée par la société Zundel et Kohler à « Mr [M], [R] Immobilier », lui transmettant une lettre de la Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du logement (DREAL) Alsace, relative aux opérations de dépollution du site, mais aussi, selon la page de transmission, « un point fait par ICF l'intervenant ».

Or, ces courriels et courriers sont manifestement adressés à M. [V] en sa qualité de gérant de la société [R] Immobilier et rien ne permet de supposer qu'ils le soient à titre personnel. De plus, leur contenu ne permet pas de démontrer l'existence d'une mission confiée à la société [R] Immobilier ou à M. [V], autre que celle résultant du mandat de vente confié à l'appelante, dans le cadre de laquelle elle a été l'intermédiaire entre sa mandante et l'acquéreur pour réunir les documents nécessaires à la vente. D'ailleurs, son mandat précisait notamment, parmi les conditions particulières, que le vendeur s'engageait à dépolluer le site et la ville de [Localité 7] souhaitait elle-même, dans le cadre de la négociation des conditions de la vente, que soit stipulée une condition suspensive relative au dépôt d'un rapport de sortie d'installation classée établi par la DREAL. En effet, les terrains objets de la vente constituaient des installations classées pour la protection de l'environnement.

Par ailleurs, il n'est nullement établi par les pièces versées aux débats par la société [R] Immobilier que M. [V] aurait lui-même effectué les démarches nécessaires à l'enlèvement des cuves et à la réalisation des différents diagnostics nécessaires à la vente.

De plus, le courrier du maire de [Localité 7] du 6 juillet 2012 évoquant l'information donnée par la société Zundel et Kohler, par l'intermédiaire de « M. [V], son agent immobilier », relative à ses démarches en vue de la relocalisation de l'entreprise sur une autre commune, ne démontre pas non plus l'existence de la mission dont l'appelante soutient qu'elle aurait été confiée à ce dernier, étant observé qu'il ne s'agissait là que de la transmission d'une information relative à une condition nécessaire à la conclusion définitive de la vente.

En tout état de cause, la société [R] Immobilier invoque une mission spécifique donnée à M. [V] en sa qualité d'expert et non pas à elle-même en sa qualité d'agent immobilier. Elle ne pouvait donc facturer des honoraires pour une mission qui ne lui avait pas été confiée mais qui l'aurait été à un tiers, fût-il par ailleurs son gérant, et au surplus alors que l'exécution des prestations invoquées n'est pas démontrée.

Il en résulte que, comme le soutient la société Zundel et Kohler, les montants des factures émises par la société [R] Immobilier qu'elle a réglés correspondent aux honoraires mis en compte par cette dernière, relatifs à la vente pour laquelle elle avait reçu mandat le 5 janvier 2020. Que les montants facturés soit inférieurs au montant total des honoraires prévus pour chacune des ventes ne permet pas de le démentir, dans la mesure où la société [R] Immobilier a parfaitement pu envisager d'en facturer le solde après la signature de l'acte authentique de vente.

Or, la facturation des honoraires de l'agence immobilière, en exécution du mandat de vente du 5 janvier 2010, ne pouvait intervenir, même partiellement, avant la signature de l'acte authentique de vente, conformément aux dispositions des articles 6 de la loi du 2 janvier 1970 et 74 du décret du 20 janvier 1972. Or, il est acquis aux débats que cet acte authentique de vente n'a jamais été signé, la vente à la ville de [Localité 7] n'ayant finalement pas eu lieu.

Il en résulte que les honoraires facturés par l'appelante ont été indûment payés par la société Zundel et Kohler et que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a condamné la société [R] Immobilier à les restituer.

II ' Sur la demande subsidiaire de dommages et intérêts de la société [R] Immobilier

A l'appui de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts présentée à titre subsidiaire, la société [R] Immobilier soutient que la vente n'a pu être réalisée que par la seule faute de la société Zundel et Kohler, laquelle aurait, sous l'influence de son expert-comptable, « tenté de faire monter les enchères financières vis à vis de la ville de [Localité 7] ».

Or, elle ne rapporte pas la moindre preuve de telles allégations. Elle ne produit non plus aucune pièce démontrant que la société Zundel et Kohler aurait renoncé délibérément à réitérer l'acte authentique de vente ou que l'échec de celle-ci serait dû à une quelconque légèreté blâmable de sa part, étant observé qu'il n'est pas contesté que la signature de cet acte de vente était soumise à la réalisation de conditions suspensives, tenant notamment à la libération des lieux par le vendeur, ce qui signifiait le déménagement de son activité.

Elle produit au contraire une lettre du représentant de l'intimée adressée le 25 octobre 2012 au maire de [Localité 7], indiquant que la vente de son nouveau dépôt sera effective le 15 décembre mais que des travaux de viabilisation seront nécessaires et que le déménagement ne pourra avoir lieu que fin avril ou courant mai, si bien qu'elle sollicite une dernière prorogation du délai accordé pour déménager ses activités. Le maire de [Localité 7] lui avait en effet indiqué, par une lettre recommandée du 6 juillet 2012, qu'un délai supplémentaire lui était accordé jusqu'au 31 mars 2012 pour ce faire. Elle évoque par ailleurs l'avancée des travaux de dépollution engagés en février 2011 et annonce leur renforcement avant la fin de l'année 2012.

Aucun de ces courriers ne permet d'établir la preuve d'un quelconque comportement fautif de l'intimée, à l'origine de l'absence de signature de l'acte authentique de vente. En conséquence, la demande reconventionnelle subsidiaire de dommages et intérêts présentée par la société [R] Immobilier n'est pas fondée et le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

III - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais non compris dans les dépens.

L'appel de la société [R] Immobilier étant rejeté, cette dernière assumera les dépens de l'appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés en appel.

En revanche, à ce même ce titre et sur le même fondement, elle sera condamnée à verser la somme de 2 000 euros à société Zundel et Kohler, au titre des frais exclus des dépens que celle-ci a engagés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

DECLARE recevables les conclusions de la SA Zundel et Kohler, devenue SA ZK, déposées devant la cour,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties par la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Colmar le 7 février 2019,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SARL [R] Immobilier aux dépens de l'appel,

CONDAMNE la SARL [R] Immobilier à payer à la SA Zundel et Kohler, devenue SA ZK, la somme de 2 000,00 (deux mille) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de la SARL [R] Immobilier présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 19/01007
Date de la décision : 17/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-17;19.01007 ?
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