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10/11/2022 | FRANCE | N°21/04935

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 10 novembre 2022, 21/04935


MINUTE N° 482/2022





























Copie exécutoire à



- Me Raphaël REINS



- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY





Le 10/11/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 10 novembre 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/04935 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HW7Q<

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Décision déférée à la cour : 18 Novembre 2021 par le Juge de la mise en état de MULHOUSE





APPELANTE et intimée incident :



La S.A.S. SOREBA, prise en la personne de son représentant légal audit siège

ayant siège social [Adresse 2]



représentée par M...

MINUTE N° 482/2022

Copie exécutoire à

- Me Raphaël REINS

- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY

Le 10/11/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 10 novembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/04935 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HW7Q

Décision déférée à la cour : 18 Novembre 2021 par le Juge de la mise en état de MULHOUSE

APPELANTE et intimée incident :

La S.A.S. SOREBA, prise en la personne de son représentant légal audit siège

ayant siège social [Adresse 2]

représentée par Me Raphaël REINS, avocat à la cour.

INTIMÉ et appelant incident :

Monsieur [U] [Y]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Mme Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 30 septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Dominique DONATH faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Selon devis accepté en date du 23 décembre 2014, M. [U] [Y] a sollicité la SAS Soreba pour la fourniture et la pose de fenêtres et volets roulants à son domicile à [Localité 3].

La 31 mars 2017, la société Soreba a établi deux factures d'un montant de 18661,36 euros et de 3 249, 89 euros.

Par assignation délivrée à personne le 13 novembre 2020, la SAS Soreba a attrait M. [Y] devant le tribunal judiciaire de Mulhouse afin d'obtenir au principal la condamnation de ce dernier à lui payer la somme de 21 911,25 euros correspondant aux deux factures susvisées, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2019.

Par conclusions d'incident du 11 janvier 2021, M. [Y] a saisi le juge de la mise en état notamment pour voir déclarer la demande de la société Soreba irrecevable pour cause de prescription.

Par ordonnance du 18 novembre 2021, le juge de la mise en état :

- a dit que le point de départ de la prescription de l'action en paiement de sa facture par la SAS Soreba à l'encontre de M. [U] [Y] est fixé au 16 janvier 2018;

- a déclaré irrecevables les demandes formées par la SAS Soreba à l'encontre de M. [U] [Y] sur le fondement des articles 1134, 1710, 1779, 1799-1 du code civil pour être prescrites ;

- s'est déclaré incompétent pour connaître du bien-fondé du moyen tiré de l'enrichissement sans cause invoqué par la SAS Soreba au soutien de ses demandes

- a désigné le juge du fond pour connaître du bien-fondé du moyen tiré de l'enrichissement sans cause invoqué par la SAS Soreba au soutien de ses demandes;

- s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par M. [U] [Y] à l'encontre de la SAS Soreba ;

- a désigné le juge du fond pour connaître de la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par M. [U] [Y] à l'encontre de la SAS Soreba ;

- a condamné la SAS Soreba à payer à M. [U] [Y] la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- a rejeté la demande de la SAS Soreba sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

a dit que les dépens de l'incident suivront le sort de l'instance au fond.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en paiement de facture, le juge de la mise en état, sur le fondement des dispositions des articles 789 6°, 122 du code de procédure civile et L.218-2 du code de la consommation a retenu que si le point de départ de la prescription de l'action en paiement du professionnel à l'encontre d'un consommateur peut être fixé à la date de connaissance des faits laquelle permet au professionnel d'exercer son action et peut être caractérisée par l'achèvement des prestations, il n'y a pas lieu de faire application de ce point de départ si, dès avant l'achèvement des prestations, l'entrepreneur est en mesure de connaître les faits lui permettant d'exercer son action, la société Soreba n'étant pas en droit de se prévaloir de sa propre turpitude en invoquant un report du point de départ du délai de prescription pour cause de non achèvement des travaux.

Le juge a précisé que, dès sa facturation le 31 mars 2017 et au plus tard le 16 janvier 2018 correspondant à un courrier de relance en paiement à M. [Y], la société était en mesure de prendre connaissance de l'absence de volonté de ce dernier de s'acquitter du solde de la facture, ce qui permet de fixer le point de départ du délai de prescription au 16 janvier 2018, cette prescription étant acquise le 16 janvier 2020, de sorte que les demandes formées par SAS Soreba dans son assignation signifiée le 13 novembre 2020 sont irrecevables pour être prescrites.

La société Soreba a formé appel à l'encontre de cette ordonnance par voie électronique le 2 décembre 2021.

Selon ordonnance du 3 janvier 2022, la présidente de la chambre, en application de l'article 905 du code de procédure civile, a fixé d'office l'affaire à l'audience du 17 juin 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 31 janvier 2022, la société Soreba demande à la cour de :

- déclarer l'appel recevable et bien fondé ;

- faire droit à l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions ;

- déclarer les demandes de l'intimé irrecevables, en tous cas mal fondées;

- les rejeter ;

- débouter l'intimé de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions, y compris s'agissant de l'appel incident ;

- corrélativement, réformer l'ordonnance entreprise sur ses chefs critiqués dans la déclaration d'appel ;

statuant à nouveau :

- juger recevable l'action qu'elle a engagée contre M. [U] [Y] ;

- condamner M. [U] [Y] à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; le condamner aux entiers frais et dépens liés à la présente procédure de première instance et d'appel.

Au soutien de ses demandes, la société Soreba se prévaut de l'arrêt de principe du 19 mai 2021, de la Cour de cassation qui a jugé qu'afin d'harmoniser le point de départ des délais de prescription, il y avait lieu de prendre en compte la date de la connaissance des faits qui permet au professionnel d'exercer son action, laquelle est caractérisée par l'achèvement des travaux ou l'exécution des prestations, de sorte que le droit de créance d'un professionnel devient exigible à la date d'achèvement des prestations qui lui ont été confiées.

Elle souligne qu'il est incontestable et non contesté que les travaux ne sont pas achevés, M. [Y] s'étant refusé à leur achèvement en faisant état de motifs d'indisponibilité récurrents, confus et nébuleux, de sorte que la réception n'a pu intervenir.

Elle se dit en désaccord avec le juge de la mise en état qui a fixé le point de départ de l'action par la seule référence au courrier qu'elle a envoyé à M. [Y] au mois de janvier 2018, et considère que si le point de départ devait se circonscrire

« aux (seuls) faits permettant d'exercer son droit », abstraction faite de l'achèvement, celui-ci doit alors être fixé au 22 mai 2019, date qui correspond à la mise en demeure adressée par son conseil à M. [Y] et qui est demeurée infructueuse.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 23 février 2022, M. [Y] demande à la cour de :

- déclarer l'appel de la société Soreba mal fondé ;

- le rejeter ;

- confirmer l'ordonnance entreprise déclarant la demande adverse irrecevable comme étant prescrite, au besoin par substitution de motifs, à compter du 31 mars 2017, subsidiairement à compter du 16 janvier 2018 ;

- débouter la SAS Soreba de toutes conclusions plus amples ou contraires ;

- la condamner aux entiers frais et dépens ainsi qu'à une indemnité de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700.

Au soutien de ses demandes, M. [Y] fait valoir qu'il s'agit, en vertu des dispositions de l'article 2224 du code civil, de prendre en compte la date de connaissance des faits permettant au professionnel d'exercer son action, laquelle peut être caractérisée par l'achèvement des travaux ou l'exécution des prestations.

Il indique que l'analyse de l'échange des correspondances entre les parties permet de constater qu'il n'était pas question de terminer le chantier mais de remédier aux désordres après l'établissement de la facture finale datée du 31 mars 2017, le chantier étant donc achevé en ce que les prestations ont été réalisées, seule se posant la question de la qualité de ces prestations et des garanties dont pouvait bénéficier le consommateur.

Il ajoute que si l'existence d'un contrat d'entreprise prévoyant la vente de marchandises est retenue, la réception ne constitue pas, en soi, un point de départ de la prescription, et donc la connaissance de la créance pouvant fonder les poursuites.

Il souligne le manque de sérieux de l'argument de la société Soreba selon lequel elle a établi sa facture finale sans que les travaux ne soient achevés, en rappelant les dispositions de l'article L.441-9 du code de commerce qui prévoit la délivrance de la facture dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de service au sens de 1'article 289 du code général des impôts.

Il fait encore valoir que la société Soreba, pour échapper à la prescription, ne peut prétendre que l'achèvement des travaux n'aurait pas eu lieu et ce, plus de deux ans après la facturation émise.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en paiement de facture

Aux termes des dispositions de l'article L.218-2 du code de la consommation, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

Par arrêt du 19 mai 2021, la Cour de cassation a posé comme principe que pour fixer le point de départ du délai biennal de prescription de l'action en paiement de travaux et services engagée à l'encontre d'un consommateur par un professionnel, il faut prendre en compte la date de la connaissance des faits permettant à ce dernier d'exercer son action, laquelle peut être caractérisée par l'achèvement des travaux ou l'exécution des prestations. La Cour de cassation a dit qu'il était justifié de faire exception au principe de l'application immédiate de cette jurisprudence et de prendre en compte la date d'établissement de la facture comme constituant le point de départ de la prescription au jour de l'assignation du consommateur si cette nouvelle jurisprudence devait priver le professionnel de l'accès au juge.

La société Soreba a émis deux factures dont elle demande le paiement, ce qui induit qu'à la date d'établissement de ces factures, elle tenait pour acquis que les travaux étaient réalisés, peu important que son client ait fait état, par la suite, d'une non ou mauvaise réalisation desdits travaux. Elle ne peut donc se prévaloir de la jurisprudence précitée pour repousser le point de départ du délai de prescription.

Ces factures ne mentionnant pas de date de réalisation des travaux correspondants, il y a donc lieu de prendre la date des factures comme point de départ de la prescription de deux ans soit le 31 mars 2017, ce qui implique que la société Soreba devait agir à l'encontre de M. [Y] le 1er avril 2019 au plus tard (le 31 mars 2019 étant un dimanche).

Considérant que la société Soreba a fait assigner M. [Y] 13 novembre 2020, soit tardivement, elle doit être déclarée irrecevable en sa demande en paiement des factures en cause.

L'ordonnance entreprise est donc confirmée de ce chef.

Sur les dépens et les frais de procédure

L'ordonnance entreprise est confirmée de ces chefs.

A hauteur d'appel, la société Soreba est condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à M. [Y] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; elle est déboutée de sa demande d'indemnité au titre du même article.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l'appel, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

CONFIRME l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Mulhouse du 18 novembre 2021;

Y ajoutant :

CONDAMNE la SAS Soreba aux dépens de la procédure d'appel ;

 

CONDAMNE la SAS Soreba à payer à M. [U] [Y] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés à hauteur d'appel ;

DEBOUTE la SAS Soreba de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier La presidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/04935
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;21.04935 ?
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