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10/11/2022 | FRANCE | N°21/00016

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 10 novembre 2022, 21/00016


MINUTE N° 491/2022





























Copie exécutoire à



- Me Patricia CHEVALLIER

-GASCHY



- la SELARL LEXAVOUE

COLMAR





Le 10 novembre 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 10 Novembre 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00016 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HOSO



Décision déférée à la cour : 12 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANT :



Monsieur [T] [U]

[Adresse 11]



représenté par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour.





INTIMÉS :



1/ Monsieur [Z] [...

MINUTE N° 491/2022

Copie exécutoire à

- Me Patricia CHEVALLIER

-GASCHY

- la SELARL LEXAVOUE

COLMAR

Le 10 novembre 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 10 Novembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00016 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HOSO

Décision déférée à la cour : 12 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANT :

Monsieur [T] [U]

[Adresse 11]

représenté par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour.

INTIMÉS :

1/ Monsieur [Z] [J]

2/ Madame [O] [Y] épouse [J]

3/ Monsieur [H] [J]

demeurant tous les trois [Adresse 12]

représentés par la SELARL LEXAVOUE COLMAR, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 22 septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [T] [U] est propriétaire de parcelles cadastrées commune de [Localité 15] section 6 n° [Cadastre 9], section 6 n° [Cadastre 10], et section 36 n° [Cadastre 1].

M. [Z] [J] est nu-propriétaire de la parcelle cadastrée commune de [Localité 15] section 36 n° [Cadastre 7], dont les époux [H] et [O] [J] sont usufruitiers.

Prétendant que ses parcelles ne disposeraient pas d'un accès suffisant sur la voie publique et seraient enclavées, M. [U] a, selon acte du 3 mars 2016, fait citer les consorts [J] devant le tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins d'obtenir une servitude de passage sur leur fonds.

Par jugement du 12 novembre 2002, le tribunal a débouté M. [U] de sa demande, l'a condamné aux dépens et à payer aux consorts [J] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a retenu que la maison de M. [U] édifiée sur les parcelles section 6 n°[Cadastre 3] et [Cadastre 4] donnait directement sur la [Adresse 16], et qu'il lui appartenait de démontrer que l'accès serait insuffisant pour des camions nécessaires à la construction ou pour les services d'incendie, soulignant qu'il revendique un passage d'une largeur de 6 mètre alors que l'arrêté du 31 janvier 1986 impose un passage de 3 mètres pour les services de secours.

Le tribunal a également relevé que M. [U] est également propriétaire des parcelles section 36 n°[Cadastre 1] et [Cadastre 13] qui sont contiguës aux parcelles section 6 n°[Cadastre 9] et [Cadastre 10] et donc [Cadastre 3] et [Cadastre 4], exploitées de manière agricole, lesquelles disposent d'un accès à la voie publique par un chemin rural dont il n'est pas démontré qu'il ferait l'objet d'une interdiction de circulations publique.

M. [U] a interjeté appel de ce jugement, le 15 décembre 2020.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 septembre 2021.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions transmises par voie électronique le 3 septembre 2021, M. [U] demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau, de :

- constater l'état d'enclave des parcelles cadastrées commune de [Localité 15] section 6 n°[Cadastre 9], [Cadastre 10] et section 36 n°[Cadastre 1],

- dire et juger que les parcelles cadastrées commune de [Localité 15] section 6 n°[Cadastre 9], [Cadastre 10] et section 36 n°[Cadastre 1] bénéficient d'une servitude légale de passage de 6 mètres de large à la charge de la parcelle cadastrée commune de [Localité 15] section 36 n°[Cadastre 7] pour y accéder à toute heure du jour et de la nuit par tout mode de convenance de M. [U] ainsi que toutes les personnes autorisées par M. [U] ou qui lui seraient substituées,

- dire et juger que cette servitude légale de passage s'étendra au tréfonds pour les besoins de passage de canalisations et autres réseaux,

- ordonner l'inscription de la servitude au Livre foncier,

- lui réserver le droit de conclure après expertise,

subsidiairement sur la demande des consorts [J], ramener le montant de l'indemnité à de plus justes proportions,

en tout état de cause, les condamner aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir qu'il est de jurisprudence constante qu'un fonds à usage d'habitation exige l'accès d'un véhicule de secours rapide en cas d'incendie, et que l'accès est insuffisant s'il nécessite un coût d'aménagement excessivement important hors de proportion avec la valeur du fonds dominant.

Il soutient que les parcelles n°[Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 1] n'ont pas d'accès à la voie publique et sont enclavées, alors qu'elles sont situées en zone constructible, et qu'il ne dispose d'aucun passage par les parcelles n° [Cadastre 3] et [Cadastre 4] qui sont surbâties sur toute leur largeur, le passage qui supposerait de franchir trois portails de 3,50 m de large et de traverser une vieille grange ne permettant pas le passage d'un camion de construction, d'un véhicule de collecte des ordures ménagères ou de secours.

Il prétend qu'il n'y pas non plus d'accès possible depuis la rue de [Localité 14] car il s'agit d'un chemin d'exploitation, qui n'est pas ouvert à la circulation publique étant exclusivement destiné à l'usage des parcelles contiguës. De plus, le passage de canalisations n'est pas possible dans un chemin d'exploitation, qui de plus, s'agissant d'un chemin de terre, est impraticable avec un véhicule automobile. En outre, les parcelles n°[Cadastre 2] et [Cadastre 13] sont louées à usage agricole.

L'accès le plus direct est donc selon lui par la parcelle section 36 n°[Cadastre 7] qui est libre de toute occupation. Il estime être fondé à demander un passage d'une largeur de 6 mètres et considère que l'indemnité sollicitée est excessive car il s'agit d'une parcelle de pré avec des arbres dont il n'est pas demandé qu'ils soient tous supprimés.

Par conclusions transmises par voie électronique le 4 juin 2021, les consorts [J] demandent à la cour, à titre principal, de confirmer intégralement le jugement entrepris, de déclarer les demandes de M. [T] [U] irrecevables et mal fondées et de l'en débouter et de le condamner à leur payer, outre la somme de 2 500 euros allouée en première instance, la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel, et aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Subsidiairement, si par impossible le 'tribunal' devait infirmer le jugement et faire droit à la demande de M. [U], le condamner à payer à Mme [O] [J], M. [H] [J] et M. [Z] [J] une indemnité de 30 000 euros, fixer l'assiette de la servitude de passage le plus à l'est possible de la propriété des consorts [J] et dire que l'entretien de l'assiette de la servitude incombera exclusivement à M. [U].

Ils contestent l'état d'enclave des parcelles n°[Cadastre 9], [Cadastre 10] et [Cadastre 1], et relèvent l'absence de production par M. [U] du moindre élément technique, ce dernier évoquant une demande d'expertise qu'il n'a jamais sollicitée. Ils font valoir que le fonds de M. [U] est plus important que les seules parcelles en cause, et qu'il dispose de deux accès possibles comme l'a retenu le tribunal, de sorte qu'il n'est pas fondé à se prévaloir, par simple commodité de l'état d'enclave conditionnant l'établissement d'une servitude de passage.

Ils indiquent que les parcelles n° [Cadastre 9], [Cadastre 10] et [Cadastre 1] constituent les vergers de l'immeuble d'habitation de l'appelant situé [Adresse 11], et que l'état d'enclave doit s'apprécier non pas au regard de ces seules parcelles mais par rapport à l'ensemble de la propriété de M. [U], qui reconnaît lui-même qu'il est possible d'accéder aux parcelles n°[Cadastre 9], [Cadastre 10] et [Cadastre 1] par les parcelles n°[Cadastre 4] et [Cadastre 5] par un passage de 3,50 m, de sorte que l'insuffisance du passage n'est pas démontrée.

M. [U] dispose en outre également d'une issue sur la voie publique par le biais des parcelles n°[Cadastre 2] et [Cadastre 13] qui donnent accès à un chemin d'exploitation menant à la route de [Localité 14], dont il n'est pas démontré qu'il soit interdit au public. Il pourrait également demander un passage par la parcelle n°[Cadastre 6] sur laquelle il n'y a pas d'arbres.

Subsidiairement, ils sollicitent une indemnité de 30 000 euros car le terrain dont il s'agit leur sert à produire le foin nécessaire à leur élevage de lapins, et comporte de nombreux arbres fruitiers dont certains sont plus que trentenaires et pleinement productifs. La parcelle qui est proche de leur habitation, leur sert également, de manière occasionnelle, pour stocker du bois de chauffage.

Ils ajoutent enfin que M. [U] ne précise pas la nature de ses projets, et qu'il est à craindre qu'il envisage de créer un lotissement dans ses vergers ce qui impliquera le passage de nombreux engins durant les travaux et le passage de nombreux véhicules sur leur fonds une fois le lotissement réalisé.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

Conformément à l'article 682 du code civil, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.

En l'espèce, les parcelles cadastrées section 6 n° [Cadastre 9], [Cadastre 10] et section 36 n° [Cadastre 1] dont M. [U] est propriétaires sont situées à l'arrière des parcelles section 6 n° [Cadastre 3]/[Cadastre 8] et [Cadastre 4]/[Cadastre 8] auxquelles elles sont contiguës, dont il est respectivement nu-propriétaire et propriétaire, qui disposent d'un accès à la voie publique, étant situées en bordure de la [Adresse 16].

Il appartient à M. [U], qui ne conteste pas que ses parcelles cadastrées section 6 n° [Cadastre 9], [Cadastre 10] et section 36 n° [Cadastre 1] disposent d'un accès à la voie publique par les parcelles section 6 n° [Cadastre 3]/[Cadastre 8] et [Cadastre 4]/[Cadastre 8], de démontrer que cet accès serait insuffisant pour l'exploitation normale de son fonds. A cet égard, force est de constater que lesdites parcelles sont actuellement à usage de verger et de terre et que M. [U] ne prétend pas qu'il serait dans l'impossibilité de les entretenir et cultiver.

Il évoque une impossibilité d'accéder à ces parcelles pour les véhicules de secours, qui n'est pas démontrée puisqu'il admet disposer d'un passage d'une largeur de 3,50 mètres par les parcelles n°[Cadastre 3], [Cadastre 4] suffisant pour le passage de tels véhicules.

Par ailleurs, la collecte des ordures ménagères se faisant sur la voie publique, il n'est nul besoin que ces véhicules puissent accéder auxdites parcelles.

M. [U] invoque enfin une impossibilité de passage de camions ou engins de construction. Il n'est certes pas contesté que les parcelles en cause soient situées en zone constructible, toutefois M. [U] ne justifie et ne fait pas même état du moindre projet de construction sur lesdites parcelles qui rendrait nécessaire l'accès de tels véhicules, de sorte qu'il ne démontre pas que cet accès serait insuffisant à l'exploitation de son fonds.

En outre, comme l'a relevé et retenu le premier juge, M. [U] est également propriétaire des parcelles section 36 n° [Cadastre 13] et [Cadastre 2], à usage agricole, la parcelle n°[Cadastre 2] étant contigüe aux parcelles section 6 n° [Cadastre 9], [Cadastre 10] et section 36 n° [Cadastre 1]. Or les parcelles n°[Cadastre 2] et [Cadastre 13] sont bordées par un chemin d'exploitation menant à la route de [Localité 14].

L'article L.162-1 du code rural et de la pêche maritime énonce : ' les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation. Ils sont, en l'absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit soi, mais l'usage en est commun à tous les intéressés. L'usage de ces chemins peut être interdit au public.  .

Le fait que les parcelles en cause ne soient pas contiguës à ce chemin est sans emport puisqu'un chemin d'exploitation a vocation à permettre la communication entre divers fonds. Or il n'est pas démontré que ce chemin d'exploitation serait interdit à la circulation du public, ni que la circulation de véhicules ou engins de chantier ne serait pas possible, alors que la circulation d'engins agricoles l'est. Enfin, le moyen tiré de l'absence de possibilité d'utiliser les tréfonds de ce chemin pour le passage de canalisations est inopérant puisqu'il n'est pas démontré, ni même soutenu, que le passage de canalisations ne serait pas possible par les parcelles section n°[Cadastre 3] et [Cadastre 4], qui permettent par ailleurs un accès aux parcelles en cause au moyen d'un véhicule automobile.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [U] de ses demandes.

Il le sera également en ses dispositions relatives aux dépens et frais exclus des dépens.

M. [U] qui succombe en son appel, supportera la charge des dépens d'appel et sera débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, il sera en revanche alloué aux consorts [J] sur ce fondement une somme de 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 12 novembre 2020 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DEBOUTE M. [U] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [U] aux entiers dépens d'appel ainsi qu'au à payer à MM. [Z] [J] et [H] [J] et à Mme [O] [Y], épouse [J], ensemble, la somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/00016
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;21.00016 ?
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