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09/11/2022 | FRANCE | N°21/03130

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 09 novembre 2022, 21/03130


MINUTE N° 463/2022

























Copie exécutoire à



- Me Christine BOUDET





Le 09/11/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 09 Novembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/03130 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HT7A



Décision déférée à la cour : 24 juin 2021 par le

tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANTS :



Monsieur [L] [M]

Madame [D] [S] épouse [M]

demeurant tous deux [Adresse 2]

[Localité 3]





représentés par Me Christine BOUDET, avocat à la cour.





INTIMEE :



S.A.S. KEYSERSTONES Prise ...

MINUTE N° 463/2022

Copie exécutoire à

- Me Christine BOUDET

Le 09/11/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 09 Novembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/03130 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HT7A

Décision déférée à la cour : 24 juin 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTS :

Monsieur [L] [M]

Madame [D] [S] épouse [M]

demeurant tous deux [Adresse 2]

[Localité 3]

représentés par Me Christine BOUDET, avocat à la cour.

INTIMEE :

S.A.S. KEYSERSTONES Prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

non représentée, assignée le 27 juillet 2021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, président de chambre

Madame Myriam DENORT, conseiller

Madame Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Dominique DONATH, faisant fonction

ARRET par défaut

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Par assignation en date du 03/02/2021, M. [L] [M] et Mme [D] [S] épouse [M] ont assigné devant le tribunal judiciaire de Strasbourg la SAS Keyserstones.

Les requérants expliquaient avoir confié, dans le cadre de leur projet de construction d'une maison d'habitation située [Adresse 5], à la SAS Keyserstones des travaux d'électricité, de plâtrerie, de peinture, d'installation sanitaire et de menuiseries intérieures et extérieures pour un montant total de 84.835,51 € TTC selon devis n° 11062 daté du 10 novembre 2020, et lui avoir versé un acompte de 25.450 € TTC le 11 novembre 2020 selon facture n° F20002.

Or, suite au versement de l'acompte, la société Keyserstones ne se serait plus présentée sur le chantier, ne répondant plus aux sollicitations des consorts [M]. Ces derniers inquiets ont entendu exercer leur droit de rétractation selon courrier AR du 24 novembre 2020 par lequel était également sollicitée la restitution de l'acompte versé.

C'est dans ce contexte que les époux [M] - n'ayant plus eu aucun contact avec la société, qui n'avait pas même récupéré le courrier AR qui lui avait été adressé - ont assigné la société Keyserstones par acte du 3 février 2021 aux fins de la voir condamner au remboursement de la somme de 25.450 €.

La société Keyserstones n'a pas constitué avocat et n'a fait valoir aucune contestation.

Aux termes de son jugement du 24 juin 2021, la juridiction a débouté les consorts [M] de leurs demandes au motif qu'ils n'apportaient pas la preuve de leurs prétentions dans la mesure où :

- ils produisaient un devis n° D11062 du 10 novembre 2020 d'un montant de 84.835,51 € TTC et d'autre part une facture n° F20002 du 11 novembre 2020 d'un montant de 25.450 € TTC, documents qui étaient dénués d'une part du cachet ou de la signature de la SAS Keyserstones, et d'autre part de la propre signature des époux [M], de telle sorte que rien ne permettait d'affirmer que ces pièces émanaient de ladite société,

- aucun autre élément, tels que un mail ou un courrier, n'était produit pour corroborer l'existence de liens contractuels entre les parties,

- aucune des pièces versées aux débats ne démontrait que les époux [M] avaient effectivement payé la somme de 25.450 €e à la SAS Keyserstones.

Les consorts [M] ont interjeté appel de cette décision.

PRETENTION ET MOYENS DES PARTIES

Dans leurs écritures datées du 19/07/2021 transmises par RPVA, les consorts [M] concluent à l'infirmation du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 24 juin 2021 et demandent à la cour :

- à titre principal, de constater que le contrat de maîtrise d''uvre conclu avec la SAS est résolu par l'effet de l'exercice par les appelants de leur droit de rétractation,

- à titre subsidiaire, de déclarer nul le contrat de maîtrise d''uvre conclu entre la SAS Keyserstones pour cause de dol,

- à titre infiniment subsidiaire, de dire que le contrat de maîtrise d''uvre conclu avec la SAS Keyserstones est résolu aux torts de cette dernière pour défaut d'exécution de ses obligations résultant du contrat,

- en tout état de cause, de condamner la SAS Keyserstones, outre aux dépens, à verser aux consorts [M] les sommes de 25.450 € au principal, montant assorti des intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2020 et de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de leur appel, les appelants indiquaient :

- que l'intimée avait toujours été représentée par M. [O] [N], également oncle de M. [M] du côté de sa mère, de sorte que cette relation de proximité expliquait l'absence de formalisation d'un contrat en bonne et due forme au sens de l'article 1360 du Code civil,

- que M. [N] était connu pour avoir créé de nombreuses sociétés qui se sont vues toutes liquidées pour insuffisance d'actifs,

- produire en sus du devis et de la facture qui avaient été transmis au tribunal de première instance, des mails émanant de la société et de M. [N] qui démontraient que ce dernier s'était comporté comme le dirigeant et mandataire de la société intimée, mais également des documents bancaires attestant de la matérialité du paiement de l'acompte,

- que dans ces conditions, il conviendrait, soit de constater qu'ils ont exercé régulièrement leur droit à rétractation en application des dispositions des articles L 221-18 et suivants du code de la consommation, soit d'annuler le contrat pour cause de dol ayant vicié leur consentement ou pour manquement grave aux dispositions protectrices du consommateur, de sorte qu'en tout état de cause ils devraient être remboursés de leur acompte.

La signification de l'appel était faite à la SAS Keyserstones par un dépôt à l'étude. La société ne constituait pas avocat.

MOTIF DE LA DÉCISION

1) Sur l'existence d'un contrat

Le premier juge a, à juste titre, décidé que le devis établi le 10/11/2020 par la SAS Keyserstones (annexe1) et la facture du 11/11/2020 portant sur l'acompte (annexe 2) - non signés et ne comportant aucun tampon de la société - ne pouvaient de ce fait prouver l'existence d'une relation contractuelle entre les parties, en sachant de surcroît qu'aucun document bancaire de nature à prouver le règlement de l'acompte, n'a été produit.

A hauteur d'appel, les époux [M] ont produit de nouvelles pièces, parmi lesquelles figure un courriel du 11/11/2020 revêtant l'entête de la société, dont l'objet est « devis acompte » et qui comporte en pièces jointes le devis n° 11062 et la facture d'acompte F20002.

Ce courriel a été rédigé par Monsieur [O] [N], et a été envoyé de l'adresse professionnelle said@Keyserstones.com. (Cf annexe 6). La qualité de M. [N] de salarié de la société Keyserstones est en outre confirmée par Madame [K], alors dirigeant de droit de la société (pièces n° 13 et 14 ) qui précise dans son attestation que M. [N] était en réalité le dirigeant de fait de la société Keyserstones.

En application des dispositions de l'article 1998 du Code civil aux termes desquelles 'Le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné (...)' il y a lieu de dire et juger que la SAS Keyserstones était engagée - par les actes de Monsieur [N] - envers les appelants.

D'autre part les consorts [M] produisent également aux débats devant la cour d'appel un avis d'opérer établi par leur banque pour un montant de 25.450 € soit le montant de la facture d'acompte F 20002 et libellé « VIR SEPA Keyserstones », qui identifie le compte à créditer sous le code IBAN « [XXXXXXXXXX04] » et le code BIC « QNTOFRP1M; [L] [M] et Mme [D] [S] épouse [M] », ces références correspondant à celles visées en pieds de facture comme étant celles du compte bancaire de la société Keyserstones. (Annexe n° 7).

Le relevé de compte produit aux débats démontre quant à lui que le compte commun des consorts [M] a bien été approvisionné de la somme de 25.450 € au titre du déblocage de leur prêt travaux puis débité de la somme de 25.450 € le 12 novembre 2020, les consorts [M] produisant également le contrat de prêt souscrit pour financer les travaux dont une partie justement a été débloquée la veille du règlement de l'acompte, soit le 11 novembre 2020 ( annexe n° 11).

La cour constate alors que les consorts [M] apportent à hauteur de cour des éléments d'information complémentaires constitutifs de preuve de l'existence de la relation contractuelle et démontrent avoir réglé la somme de 25.450 € au profit de la société Keyserstones.

2) Sur l'exercice par M. [L] [M] et Mme [D] [S] épouse [M] de leur droit de rétractation

L'article L 221-18 du Code de la consommation énonce que 'Le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25".

L'article L 221-20 du même Code énonce que 'Lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur dans les conditions prévues au 2° de l'article L. 221-5, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, déterminé conformément à l'article L. 221-18 (...)'.

L'article L 221-24 du Code de la consommation énonce enfin que 'lorsque le droit de rétractation est exercé, le professionnel rembourse le consommateur de la totalité des sommes versées, y compris les frais de livraison, sans retard injustifié et au plus tard dans les quatorze jours à compter de la date à laquelle il est informé de la décision du consommateur de se rétracter (...)'.

Pour pouvoir faire usage de ces dispositions, encore faut-il que le consommateur démontre que le contrat a été établi hors établissement et à distance.

Les consorts [M] affirment ne jamais s'être rendus au siège de la société, sans pour autant produire de document de nature à étayer leur affirmation.

En outre, une lecture attentive des quelques pièces produites, ne permet pas d'y déceler un élément d'information susceptible de confirmer que le démarchage et les négociations ont eu lieu en dehors des locaux de la société intimée.

Dans ces conditions, il n'est guère possible de faire application de ces dispositions et de constater l'exercice du droit de rétractation de M. [L] [M] et Mme [D] [S] épouse [M].

3) Sur la nullité du contrat

Les articles 561 et 563 du code de procédure civile énoncent respectivement que 'L'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel. Il est statué à nouveau en fait et en droit dans les conditions et limites déterminées aux livres premier et deuxième du présent code » et que « Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves ».

Il est établi par la jurisprudence que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

En l'espèce, la présente demande de nullité du contrat formulée pour la première fois à hauteur de cour est parfaitement recevable dans la mesure où elle tend à la même fin que celle soumise au premier juge à savoir la disparition du contrat et le remboursement de l'acompte.

L'article 1130 du Code civil dispose que « L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné ».

L'article 1131 du même Code précise que « Les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat », l'article 1137 du même Code disposant que « Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.{'} »

En l'espèce, l'étude des pièces produites démontre que :

- Monsieur [N] s'est présenté pour la conclusion du contrat comme le dirigeant de la société Keyserstones alors qu'il n'était sensé n'être qu'un salarié,

- de toute évidence la société Keyserstones n'a jamais eu l'intention d'exécuter sa prestation, sans quoi elle aurait pour le moins débuté le chantier,

- son seul objectif était - après avoir fait miroiter à M. [L] [M] et Mme [D] [S] épouse [M] un tarif particulièrement compétitif avec une facturation promise inférieure de près de 27.210 € par rapport à la concurrence (cf. courrier de M. [N] du 07/11/2020 - pièce 9) - de percevoir un acompte avant de disparaître,

- les époux [M] ont été victimes de manoeuvres frauduleuses les ayant amenés à verser l'acompte.

Dans ces conditions, il est évident que les consentements des appelants ont été viciés, par dol, de sorte qu'il y aura lieu de déclarer nul le contrat qu'ils ont conclu avec la SAS Keyserstones.

Les parties devant être remises dans la situation qui était la leur avant le contrat, il y a lieu de condamner la SAS Keyserstones à rembourser les consorts [M] du montant de l'acompte versé à savoir 25.450 €, somme qui sera augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date proposée par les appelants, soit le 24/11/2020.

4) Sur les demandes annexes

La SAS Keyserstones sera corrélativement condamnée à payer les dépens de l'appel et une somme de 3 500 € au profit de M. [L] [M] et Mme [D] [S] épouse [M] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt par défaut mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

INFIRME en toutes ses dispositions la décision du 17 novembre 2020 rendue par le tribunal judiciaire de Strasbourg

statuant de nouveau et y ajoutant :

ANNULE le contrat passé entre les consorts [M] et la société Keyserstones,

CONDAMNE la SAS Keyserstones à payer à M. [L] [M] et Mme [D] [S] épouse [M] la somme de 25 450 € (vingt cinq mille quatre cent cinquante euros) augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24/11/2020,

CONDAMNE la SAS Keyserstones aux dépens de la procédure de première instance et d'appel,

CONDAMNE M. la SAS Keyserstones à payer à M. [L] [M] et Mme [D] [S] épouse [M] la somme de 3 500 € ( trois mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/03130
Date de la décision : 09/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-09;21.03130 ?
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