EP/KG
MINUTE N° 22/833
NOTIFICATION :
Pôle emploi Alsace ( )
Clause exécutoire aux :
- avocats
- délégués syndicaux
- parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
ARRET DU 08 Novembre 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02825
N° Portalis DBVW-V-B7F-HTNA
Décision déférée à la Cour : 27 Mai 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG
APPELANTE :
Madame [S] [Z] née le 22/01/1969, à [Localité 2] (TURQUIE), de nationalité allemande,
[Adresse 5]
[Adresse 5] (Allemagne)
Représentée par Me Luc DORR, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMEE :
Fédération CONSEIL REGIONAL DE L'ORDRE DES PEDICURES PODOLOGU ES DU GRAND EST
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Isabelle GRANGIE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. PALLIERES, Conseiller
M. LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme THOMAS
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,
- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Madame [S] [Z] a été engagée par le Conseil de l'Ordre Régional des Pédicures Podologues, le 15 juin 2007, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, soumis à aucune convention collective.
Jusqu'au 1er Janvier 2018, Madame [Z] travaillait 104 heures par mois pour une rémunération mensuelle brute de 1.856,30euros.
Suivant avenant à son contrat de travail du 15 décembre 2017, Madame [Z] voyait son temps de travail passer à 25 heures par semaine, sur 3 jours : les mardi, jeudi et vendredi, et sa rémunération mensuelle passer à la somme de 1 995, 30 euros sur 13 mois.
Le siège de l'Ordre de la région Alsace étant à [Localité 6], le lieu de travail de Madame [Z] était fixé à [Localité 6].
A la suite de la loi du 7 aout 2015 portant sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTR), une réforme territoriale des Ordres professionnels de santé a été mise en 'uvre.
Cette réforme a eu pour effet de faire disparaître certains ordres régionaux du fait de la fusion des régions.
En application de l'article 21 de l'ordonnance n°2017-192 du 16 février 2017, les Conseils Régionaux nouvellement créés ont bénéficié d'un transfert des contrats de travail.
Le contrat de travail de Madame [Z] a donc été transféré au profit du Cropp Grand Est dont le siège était fixé suivant délibération du 23 juin 2017, à [Localité 4].
Par lettre du 30 mai 2018, l'Ordre National des Pédicures Podologues lui a proposé une modification de son contrat de travail procédant en une modification du lieu de travail, son poste étant transféré à [Localité 4] au siège du nouvel Cropp du Grand Est.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 juin 2018, adressée au Conseil national de l'ordre des pédicures podologues, Madame [Z] a refusé la proposition de modification du contrat de travail.
Par lettre du 6 juillet 2018, Madame [Z] a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement et il lui était envoyé des propositions de reclassement au sein de l'Institution Ordinale des Pédicures Podologues, au sein des Cropp Nouvelle Aquitaine, à [Localité 3], et Occitanie à [Localité 7].
Par lettre du 26 juillet 2018, le Cropp du Grand Est lui a notifié son licenciement pour motif économique en lui proposant d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle, ce que Madame [Z] ne fera pas.
Par déclaration au greffe du 18 avril 2019, Madame [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Strasbourg en contestation de son licenciement, et aux fins d'indemnisation.
Par jugement du 27 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Strasbourg, section activités diverses a :
- déclaré recevable l'ensemble des demandes de Madame [Z],
- dit et jugé que le licenciement de cette dernière reposait sur une cause réelle et sérieuse,
- débouté Madame [Z] de sa demande d'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné le Cropp Grand Est à payer à Madame [Z] la somme de 4 500 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail, outre la somme de 2 161,57 euros pour non-respect de la priorité de réembauchage, le tout avec intérêt à compter du jugement, et la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté le Cropp Grand Est de toutes ses demandes.
Par déclaration du 25 juin 2021, Madame [S] [Z] a interjeté appel de cette décision sauf en ce que l'ensemble de ses demandes a été déclaré recevable.
Par écritures du 30 novembre 2021, transmises par voie électronique, Mme [S] [Z] sollicite, de la Cour :
Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Strasbourg du 27.05.2021 en ce qu'il a :
dit et jugé que le licenciement de Madame [Z] repose sur une cause réelle et sérieuse
Et en conséquence
débouté Madame [Z] de sa demande visant une demande de condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse .
Statuant à nouveau ;
Dire et juger que le licenciement de Madame [Z] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
Condamner le conseil Régional de l'Ordre des Pédicures Podologues du Grand-Est à payer à Madame [Z] une somme de 22 700 euros à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Strasbourg du 27.05.2021 en ce qu'il a :
condamné le conseil Régional de l'Ordre des Pédicures Podologues du Grand-Est à payer à madame [Z] la somme de 4 500 euros au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail.
condamné le conseil régional de l'ordre des pédicures podologues du grand-est à payer à madame [Z] une somme de 2 161,57 euros pour non-respect de la priorité de réembauchage.
dit que ces montants porteront intérêts à compter du jour du jugement à intervenir.
condamné le conseil régional de l'ordre des pédicures podologues du grand-est au paiement d'un montant de 1 000 euros au regard des dispositions de l'article 700 du cpc au profit de madame [Z].
Débouter le conseil Régional de l'Ordre des Pédicures Podologues du Grand-Est de son appel incident.
Condamner le Conseil Régional de l'Ordre des Pédicures Podologues du Grand-Est à payer à Madame [Z] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par écritures du 20 octobre 2021, transmises par voie électronique, le Cropp Grand Est sollicite de la Cour :
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il déclaré le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté Madame [Z] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
et forme un appel incident, en sollicitant :
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné le Cropp Grand Est à payer :
- 4 500 euros à titre de Dommages et intérêts pour exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail ;
- 2 161,57 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la priorité de réembauchage ;
- 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile ;
Puis, statuant à nouveau,
- Débouter Madame [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- Condamner Madame [Z] à payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus amples exposé des prétentions et moyens des parties.
Une ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 6 septembre 2022.
SUR CE,
Liminaire
Si dans les motifs de ses écritures, le conseil régional de l'ordre des pédicures podologues du Grand Est invoque l'irrecevabilité, comme en première instance, des demandes d'indemnisation, d'une part, pour exécution déloyale du contrat et, d'autre part, pour défaut de respect de la priorité de réembaucharge, la cour relève que, ni l'appel principal, limité, ni l'appel incident, formé le 20 octobre 2021, n'ont porté sur la mention du jugement relative à la recevabilité de l'ensemble des demandes de Madame [Z].
Dès lors, la cour n'est pas saisie de la contestation sur la recevabilité des demandes de Madame [Z], et le jugement du conseil de prud'hommes apparaît définitif sur cette fin de non recevoir.
Par ailleurs, il y a lieu de relever que les parties admettent, de façon implicite et non équivoque, que les dispositions sur le licenciement pour motif économique sont applicables, en application de l'article L 1233-1 du code du travail, au Conseil régional de l'ordre des pédicures podologues du Grand Est, organisme privé chargé d'une mission de service public.
Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse et la procédure prévue par l'article L 1222-6 du code du travail
Selon l'article L 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.
Selon l'article L 1222-6 du même code, lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception.
La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. Le délai est de quinze jours si l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire.
A défaut de réponse dans le délai d'un mois, ou de quinze jours si l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée.
Selon l'article L 4322-7 du code de la santé publique, l'ordre des pédicures-podologues assure la défense de l'honneur et de l'indépendance de la profession, veille au maintien des principes de moralité, de probité et de compétence et à l'observation, par tous ses membres, des droits, devoirs et obligations professionnels, ainsi que des règles édictées par le code de déontologie prévu à l'article L 4322-14.
Il peut organiser toute oeuvre d'entraide au bénéfice de ses membres et de leurs ayants droit. Il peut être consulté par le ministre chargé de la santé, notamment sur les questions relatives à l'exercice de la profession de pédicure-podologue. Il accomplit sa mission par l'intermédiaire des conseils régionaux ou interrégionaux et du conseil national de l'ordre.
Selon l'article L 4322-9 du même code, le conseil national de l'ordre des pédicures-podologues remplit, sur le plan national, les attributions générales de l'ordre définies à l'article L 4322-7.
Il fixe, appelle et recouvre la cotisation qui doit être réglée au cours du premier trimestre de l'année civile en cours par chaque personne physique ou morale inscrite au tableau. Toutefois, la cotisation n'est pas due par le pédicure podologue réserviste sanitaire dès lors qu'il n'exerce la profession qu'à ce titre. Il détermine également les quotités de cette cotisation qui seront attribuées à l'échelon régional, interrégional et national.
Le conseil national gère les biens de l'ordre, définit une politique immobilière et contrôle sa mise en 'uvre. Il peut créer ou subventionner les 'uvres intéressant la profession ainsi que les 'uvres d'entraide.
Il valide et contrôle la gestion des conseils régionaux ou interrégionaux. Il reçoit de ces derniers leurs documents budgétaires et comptables. Le conseil national peut demander tout autre document qui lui semble nécessaire. Les modalités de cette validation et de ce contrôle sont fixées par des règlements de trésorerie élaborés par le conseil national et applicables à l'ensemble des instances ordinales. Les conseils doivent l'informer préalablement de la création et lui rendre compte de tous les organismes dépendant de ces conseils. Il verse aux conseils régionaux ou interrégionaux une somme destinée à assurer une harmonisation de ces conseils. Il verse aux conseils régionaux ou interrégionaux une somme destinée à assurer une harmonisation de leurs charges sur le plan national.
Un commissaire aux comptes certifie annuellement les comptes combinés au niveau national des conseils de l'ordre.
Le conseil national peut, en raison de difficultés de fonctionnement liées à la situation de la démographie de la profession de pédicure-podologue ou à une insuffisance d'élus ordinaux, provoquer le regroupement de conseils régionaux ou interrégionaux par une délibération en séance plénière.
Le conseil national autorise son président à ester en justice.
Il peut, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession de pédicure-podologue, y compris en cas de menaces ou de violences commises en raison de l'appartenance à cette profession.
Il est un fait constant qu'en application de la loi du 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), une réforme territoriale des ordres professionnels de santé a été mise en 'uvre.
Selon l'article 21 de l'ordonnance n°2017-192 du 16 février 2017, lorsque les conseils régionaux ou interrégionaux ou les chambres disciplinaires ou les chambres de discipline des ordres sont créés dans les régions constituées par regroupement de plusieurs régions, en application du I de l'article 1er de la loi du 16 janvier 2015 susvisée, ils bénéficient du transfert des biens, droits et obligations des conseils régionaux ou interrégionaux ou les chambres disciplinaires ou de discipline de ces ordres constitués dans les ressorts territoriaux correspondant aux anciennes régions en vigueur au 31 décembre 2015.
Ces transferts seront effectués à titre gratuit et ne donneront lieu à aucune imposition.
Comme le précise la partie intimée, en application de l'article 19 de l'ordonnance, le renouvellement des conseils régionaux a été prévu pour le 21 juin 2018.
Suivant délibération du 23 juin 2017 du conseil national de l'ordre des pédicures podologues, une restructuration devait amener à la dissolution du Cropp d'Alsace, suite à une fusion de plusieurs Cropp, sous un seul nommé Cropp du Grand Est, et le siège social dudit Cropp du Grand Est était fixé à [Localité 4].
La création du Cropp du Grand Est et la fixation du siège social de ce dernier à [Localité 4] entraînait, pour Madame [Z], non seulement un changement d'employeur, mais également une modification du lieu d'exécution de son contrat de travail, contractuellement fixé à [Localité 6].
Compte tenu de l'éloignement géographique, entre [Localité 6] et [Localité 4], une telle modification constitue, de l'aveu même du Cropp du Grand Est, par la lettre de licenciement, une modification d'un élément essentiel du contrat de travail.
Lorsque l'application de l'article L 1224-1 du code du travail entraîne une modification du contrat de travail autre que le changement d'employeur, le salarié est en droit de s'y opposer. Il appartient alors au nouvel employeur, s'il n'est pas en mesure de maintenir les conditions antérieures, soit de formuler de nouvelles propositions, soit de tirer les conséquences de ce refus en engageant une procédure de licenciement (dans le même sens, notamment, Cass. Soc. 1er juin 2016 pourvoi n°14-21.143 pour une cession).
La modification du contrat de travail pour motif économique est soumise aux formalités prescrites par l'article L.1222-6 du code du travail.
Or, comme relevé par Madame [Z], le Cropp du Grand Est n'a pas respecté la procédure prévue par ce texte, dès lors que la lettre recommandée avec accusé de réception du 30 mai 2018 émane, non du Cropp du Grand Est, mais de l'Ordre national, en la personne du président du conseil national de l'Ordre des pédicures podologues (ci-après sous le vocable Cnopp), tous deux, organismes privés chargés d'une mission de service public et disposant, chacun, de la personnalité morale.
Dès lors, ni l'Ordre national, ni le conseil national n'a la qualité d'employeur au sens de l'article L 1222-6 du code du travail, ce qui explique que l'article 5, de la délibération du Conseil national de l'ordre, habilite le bureau à accompagner, soit à assister et non à substituer, les conseils impactés, notamment dans le domaine des ressources humaines, et que le président du conseil national ait rappelé, dans la lettre du 29 juin 2017, que " le Cnopp n'est pas l'employeur direct ".
Il appartenait au Cropp du Grand Est d'adresser, lui-même, après sa création et la dissolution du Cropp d'Alsace, la lettre prévue par l'article L 1222-6 du code du travail, et sa lettre du 6 juillet 2018, relative à une proposition de reclassement, ne répond pas aux conditions de l'article précité.
L'employeur, qui n'a pas respecté ces formalités, ne peut se prévaloir ni d'un refus, ni d'une acceptation de la modification du contrat de travail par le salarié (dans le même sens, notamment, Cass. Soc. 25 janvier 2005 pourvoi n°02-41.819 ; Cass. Soc. 27 mai 2009 pourvoi n°06-46.293).
Dès lors que la lettre de licenciement, du 26 juillet 2018 reçue, par la salariée, le 27, est motivée par le refus de la modification du contrat de travail procédant en un changement de lieu de travail, la rupture est constitutive d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Le salaire mensuel de référence s'élève à la somme brute de 2 252, 13 euros, comprenant le prorata de la prime de 13ème mois.
Compte tenu de son ancienneté de 11 ans et 3 mois, et au regard du préjudice subi du fait de la rupture du contrat, en application de l'article L 1235-3 du code du travail, le Cropp du Grand Est sera condamné à payer à Madame [Z] la somme de 17 000 euros.
Sur la violation de la priorité de réembauchage
Selon l'article L 1233-45 du code du travail, le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai.
Dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l'employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles.
Le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s'il en informe l'employeur.
L'indemnité compensant la violation de la priorité de réembauchage peut se cumuler avec l'indemnité due en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse (dans le même sens, notamment, Cass. soc., 5 oct. 1995, pourvoi nº 94-40.093 ; Cass. soc., 13 mai 1997, pourvoi nº 95-41.135).
Le délai d'un an court à compter de l'expiration du délai de préavis que celui-ci soit travaillé ou non.
Ainsi, Madame [Z] bénéficiait d'une priorité de réembauchage du 28 septembre 2018 au 27 septembre 2019 inclus.
Par lettre du 29 octobre 2018, reçue le 8 novembre 2018 par le Cropp du Grand Est, Madame [Z] a fait valoir sa priorité de réembauche.
Aux termes de l'article L. 1233-45 du code du travail, il incombe à l'employeur d'informer le salarié licencié pour motif économique qui a manifesté le désir d'user de la priorité de réembauche, de tous les postes disponibles et compatibles avec sa qualification, et il en résulte, qu'en cas de litige, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation en établissant soit qu'il a proposé les postes disponibles, soit en justifiant de l'absence de tels postes (dans le même sens, notamment, Cass. Soc. 23 juin 2009 pourvoi n°07-44.640), étant précisé qu'il importe peu que les postes disponibles ne puissent être occupés que par contrat à durée déterminée.
En l'espèce, le Cropp du Grand Est ne justifie pas de cette information, alors que le registre du personnel, produit en pièce n°27 de l'intimé, fait apparaître l'embauche de Madame [Y] [M], le 12 novembre 2018, en qualité de secrétaire administrative, et de Madame [E] [O], le 26 décembre 2018, dans la même qualité.
Les explications par le Cropp ne sont pas de nature à l'exonérer de son obligation d'information.
En conséquence, le jugement entrepris, en que le Cropp a été condamné à payer la somme de 2 161, 57 euros, sera confirmé.
Sur le manquement à l'obligation de loyauté dans l'exécution du contrat
Vu l'article 1231-6 du code civil,
Vu l'article L 1222-1 du code du travail,
Il appartient à Madame [Z] de démontrer l'existence d'un manquement du Cropp du Grand Est qui lui aurait causé un préjudice distinct de celui indemnisé par les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et les intérêts moratoires de la créance.
Le Cropp du Grand Est ne saurait être responsable que de sa propre faute.
Dès lors, il ne peut être reproché, à ce dernier, les conséquences de la délibération du 23 juin 2017 du conseil national de l'ordre des pédicures podologues, ou d'événement antérieur à sa propre création et existence juridique.
Il ne saurait pas plus lui être reproché les éventuels errements du Cnopp, quant à des propositions d'aménagement de poste, qui auraient été, en définitive, non conformes à la décision prise par l'employeur juridique.
Madame [Z] était avisée, avant même la lettre du 30 mai 2018 du président du Cnopp, au nom de l'Ordre national des pédicures podologues, de la création, à venir, du Cropp du Grand Est, de la dissolution du Cropp d'Alsace, les conditions d'exercice de son emploi faisant l'objet de discussions avec des personnels du Cnopp, comme le justifie, notamment, le courriel du 15 mai 2018 de Madame [Z] à Madame [T] [N].
Il résulte, par ailleurs, de son courriel du 25 juin 2018, que Madame [Z] avait été autorisée à assister à la première réunion du Cropp du Grand Est qui s'est tenue le 21 juin 2018, date de la création de ce dernier.
Madame [Z] avait été avisée, par ailleurs, par l'Ordre national, représenté par le président du Cnopp, par lettre du 18 juin 2018, des conditions matérielles et financières du transfert de son emploi à [Localité 4].
Il n'est pas établi, en conséquence, que Madame [Z] ait subi un préjudice distinct de celui indemnisé par les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et que le Cropp du Grand Est ait commis, durant l'exécution du contrat de travail, un manquement à son obligation de bonne foi.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce que le Cropp du Grand Est a été condamné à payer à Madame [Z] une indemnité de 4 500 euros, à ce titre.
Sur le remboursement à Pole Emploi
Aux termes de l'article L. 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L 1132-4, L 1134-4, L 1144-3, L 1152-3, L 1152-4 L. 1235-3, et L 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé ;
Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, ce qui est le cas en l'espèce ;
Il conviendra en conséquence d'ordonner le remboursement des indemnités éventuellement versées dans la limite de 6 mois.
Sur les demandes annexes
En application de l'article 696 du code de procédure civile, le Cropp du Grand Est sera condamné aux dépens d'appel.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, il sera condamné à payer à Madame [Z] la somme de 1 500 euros, pour les frais irrépétibles à hauteur d'appel.
La demande, à ce titre, du Cropp du Grand Est sera rejetée.
Les demandes, en première instance, étant partiellement bien fondées, le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
CONSTATE que les dispositions du jugement du 27 mai 2021 du conseil de prud'hommes de Strasbourg sont définitives en ce qui concerne la recevabilité des demandes de Madame [S] [Z] ;
INFIRME ledit jugement, SAUF en ses dispositions relatives :
- à l'indemnité pour non respect de la priorité de réembauchage,
- à l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,
DIT et JUGE le licenciement de Madame [S] [Z] sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE le Conseil régional de l'Ordre des pédicures podologues du Grand Est à payer à Madame [S] [Z] la somme de 17 000 euros (dix sept mille euros) brute à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
REJETTE la demande de Madame [S] [Z] de dommages et intérêts pour exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail ;
ORDONNE le remboursement par le Conseil régional de l'Ordre des pédicures podologues du Grand Est aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées le cas échéant à Madame [S] [Z] dans la limite de 6 mois à compter de la rupture sur le fondement des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail ;
CONDAMNE le Conseil régional de l'Ordre des pédicures podologues du Grand Est à payer à Madame [S] [Z] la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE la demande du Conseil régional de l'Ordre des pédicures podologues du Grand Est au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE le Conseil régional de l'Ordre des pédicures podologues du Grand Est aux dépens d'appel.
LEDIT ARRÊT a été prononcé par mise à disposition au greffe le 08 novembre 2022, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.
Le Greffier, Le Président,