EP/KG
MINUTE N° 22/836
NOTIFICATION :
Pôle emploi Alsace ( )
Clause exécutoire aux :
- avocats
- délégués syndicaux
- parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
ARRET DU 08 Novembre 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02624
N° Portalis DBVW-V-B7F-HTBN
Décision déférée à la Cour : 17 Mai 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG
APPELANT :
Monsieur [T] [X]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Abba ascher PEREZ, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMEE :
S.A. OPTIQUE MODERNE
prise en la personne de son représentant légal
N° SIRET : 658 501 291
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Jean-Christophe SCHWACH, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. PALLIERES, Conseiller
M. LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme THOMAS
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,
- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [T] [X] a été embauché par la société Optique moderne, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 1998, en qualité de monteur-lunetier débutant, correspondant au coefficient 110, selon la classification de la convention collective nationale de l'optique-lunetterie de détail.
Ce contrat initial prévoyait une durée mensuelle de 169 heures, moyennant une rémunération brute mensuelle de 6.797 F, soit 1.036,20 euros.
Aux motifs qu'à compter du mois d'avril 2014, il n'a plus été destinataire de ses bulletins de paie qui ne lui seront finalement remis qu'à compter du mois de novembre 2014, à partir duquel il a découvert la suppression de l'intégralité des jours de congés payés précédemment acquis, de la modification de sa durée mensuelle de travail, passer de 169 heures à 151 heures 67, à compter du mois d'avril 2016, sans aucune compensation financière, de la baisse substantielle d'une prime dite exceptionnelle qu'il percevait mensuellement, et de l'absence de régularisation par l'employeur, malgré mise en demeure, par requête du 9 octobre 2017, Monsieur [T] [X] a saisi la section commerce du conseil de prud'hommes de Strasbourg afin qu'il soit statué sur les rappels de salaires précités, outre que le conseil prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.
Après radiation de l'affaire du rôle, et reprise d'instance le 18 décembre 2020, par jugement du 17 mai 2021, le conseil de prud'hommes a :
- débouté Monsieur [X] de sa demande de résiliation judiciaire, et des demandes y afférentes (indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse),
- condamné la société Optique moderne à verser à Monsieur [X] la somme de 608,42 euros à titre de rappel de salaire, suite au défaut de maintien de la rémunération pendant l'arrêt maladie subi du 3 juillet au 8 août 2020, outre 60,84 euros au titre des congés payés y afférents,
- pris acte qu'une régularisation va être opérée sur les bases demandées par Monsieur [X] dans ses conclusions et à défaut, condamné la société à payer, à ce dernier, la somme de 207,95 euros bruts au titre du salaire pendant le confinement, outre 20,78 euros au titre des congés payés y afférents et 31,19 euros au titre de la prime d'ancienneté y afférente,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la société Optique moderne à payer à Monsieur [X] la somme de 500 euros titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens,
- ordonné l'exécution provisoire de droit pour les créances salariales.
Par déclaration du 3 juin 2021, Monsieur [T] [X] a interjeté appel limité au rejet de sa demande de résiliation judiciaire et des demandes y afférentes, et au débouté des parties du surplus de leurs demandes.
Par écritures, transmises par voie électronique le 18 août 2022, Monsieur [T] [X] sollicite, de la Cour :
INFIRMER partiellement le jugement rendu le 17 mai 2021 en ce qu'il a débouté Monsieur [X] de sa demande de résiliation judiciaire, de ses demandes y afférant et du surplus de ses demandes,
CONFIRMER le jugement entrepris pour le surplus,
Et statuant à nouveau :
ENJOINDRE à la société Optique moderne de produire les chiffres d'affaires du nouveau magasin établi à [Localité 4] et sis [Adresse 2].
CONDAMNER la société Optique moderne à payer à Monsieur [X] les montants suivants :
- 19 520,51 euros à titre de rappel de salaire, arrêté au 31 août 2022, majoré des intérêts légaux depuis chaque date où le paiement aurait dû être fait ;
- 1 952,05 euros au titre des congés payés afférant à cette somme, majoré des intérêts légaux à compter de chacune des dates normales de paiement ;
- 63 258,62 euros à titre de rappel de primes arrêtées au 31 août 2022, majoré des intérêts légaux à compter de chacune des dates normales de paiement,
- 6 325,86 euros au titre des congés payés sur cette prime, majoré des intérêts légaux à compter de chacune des dates normales de paiement ;
- 3 337,58 euros à titre d'indemnité compensatrice des congés payés indument supprimés, majoré des intérêts légaux à compter de chacune des dates normales de paiement ;
PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Optique moderne ;
DIRE et JUGER que le salaire mensuel brut moyen de référence s'établit à 3.253,95 euros ;
CONDAMNER la société Optique moderne à payer à Monsieur [X] les montants suivants :
- 6 507,90 euros au titre du préavis ;
- 650,80 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;
- 26 758,32 euros à titre d'indemnité de licenciement arrêtée au 20 septembre 2022, majoré des intérêts légaux à compter de chacune des dates de paiement, outre 90,39 euros supplémentaires pour chaque mois entre la date de la présente et celle du jugement à intervenir ;
- 78 094,80 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution défectueuse et déloyale du contrat de travail ;
- 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNER la société Optique moderne à remettre à Monsieur [X] ses fiches de paie rectifiées pour les mois de juin 2014 à celles du mois du jugement à intervenir, ainsi que l'ensemble de ses documents de fin de contrat, dûment établis et ce, sous astreinte définitive de 100 euros par jour de retard et par document,
A titre subsidiaire, ORDONNER une expertise comptable des comptes de la société Optique moderne depuis l'année 2000, pour vérifier le mode de calcul de la prime versée effectivement à Monsieur [X] depuis cette année, les chiffres d'affaires de la société, et les chiffres d'affaires de Monsieur [X],
DIRE que l'expert devra établir s'il existe une corrélation entre le chiffre d'affaires de Monsieur [X] et celui du montant de sa prime, depuis le début de son versement,
CONDAMNER la société Optique moderne en tous les frais et dépens des deux instances, y compris l'intégralité des frais et honoraires d'huissier de justice, et notamment tous les droits de recouvrement et d'encaissement, y compris les droits proportionnels prévus à l'article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996.
Par écritures, transmises par voie électronique le 28 octobre 2021, la société Optique moderne sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus amples exposé des prétentions et moyens des parties.
Une ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 6 septembre 2022.
SUR CE,
Liminaire
Vu l'article 1184, ancien alors applicable, du code civil,
Il convient d'examiner tous les reproches du salarié faits à l'employeur pour statuer sur la demande de résiliation judiciaire.
Sur la classification applicable au regard de la convention collective
Monsieur [X] sollicite un rappel de salaire à compter du mois de juin 2014 en mettant en compte la rémunération minimale conventionnelle en fonction d'un coefficient 195 correspondant à la définition suivante, selon ladite convention, :
"Monteur-lunetier vendeur très qualifié ; possède les qualifications de monteur-lunetier très qualifié et de vendeur très qualifié ".
Les bulletins de paie de Monsieur [X] font apparaître qu'après mention par l'employeur d'un coefficient 135, non prévu à la CCN de l'optique-lunetterie de détail, l'employeur a appliqué au salarié un coefficient de :
- 115 à compter d'avril 2016,
- 140 à compter de juillet 2017,
- 180 à compter de mars 2018.
Si, initialement, Monsieur [X] a été employé en qualité de monteur-lunetier débutant, force est de relever que l'employeur reconnaît, lui-même, en contradiction avec ses écritures précisant que la vente n'était qu'occasionnelle, que le salarié répondait à la définition de " vendeur qualifié ", à compter de juillet 2017, dès lors que le coefficient 140 n'existe pas pour les monteurs-lunetiers, et correspond à la définition conventionnelle suivante : " vendeur qualifié : a les connaissances des précédents, est capable d'interpréter une formule, de diriger utilement son client en faisant une démonstration de l'usage de la lunette. Connaît l'ajustage et le contrôle des lunettes, est capable de commander les montures, et les verres nécessaires. Justifie d'au minimum de 2 années de pratique professionnelle dans la catégorie précédente ".
Il résulte des échanges d'écritures que l'activité principale de Monsieur [X] était monteur-lunetier, mais qu'il pouvait également procéder à la vente.
A la date du 1er juillet 2017, Monsieur [X], titulaire d'un Cap et d'un Bep Optique-lunetterie, disposait d'une expérience professionnelle de monteur-lunetier de 19 ans, et pouvait se voir reconnaître la définition conventionnelle de " monteur-lunetier très qualifié ", de telle sorte qu'en lui reconnaissant la qualité de vendeur qualifié, l'employeur n'a pas tiré des conclusions conformes à l'annexe I de la CCN relative aux classifications.
En effet, Monsieur [X] aurait dû se voir appliquer un coefficient, alors, d'au moins 190 correspondant à la définition suivante :
" Monteur-lunetier vendeur qualifié : possède les qualifications de monteur-lunetier très qualifié et de vendeur qualifié, et les exerce effectivement. ".
La cour ne dispose pas d'éléments suffisants tendant à démontrer que Monsieur [X] pourrait se voir reconnaître un coefficient de 195, soit "Monteur-lunetier vendeur très qualifié ", au regard de la définition conventionnelle de " vendeur très qualifié ", s'ajoutant à celle de monteur-lunetier très qualifié, prévue par l'annexe I précitée.
De même, à compter d'avril 2016, au regard de la détention d'un Bep Optique-lunetterie, de son expérience professionnelle de monteur-lunetier, alors, de plus de 17 ans, outre une activité de vendeur, Monsieur [X] devait se voir reconnaître une classification de 180, correspondant à la définition conventionnelle de " Monteur-luneteur vendeur : possède les qualifications de monteur-lunetier qualifié et de vendeur et les exerce effectivement ".
Cette classification aurait dû être appliquée à Monsieur [X], à tout le moins, à compter du 1er juin 2014, date à laquelle il justifiait d'une ancienneté de monteur-lunetier de plus de 15 ans, de telle sorte qu'il justifiait nécessairement d'une qualité de monteur-lunetier qualifié, outre d'une activité occasionnelle de vendeur.
Sur la réduction de la durée de travail
Il résulte des bulletins de paie qu'à compter du mois d'avril 2016, l'employeur a réduit le temps de travail de Monsieur [X] passant de 169 heures, tel que prévu au contrat de travail du 1er septembre 1998, à 151, 67 heures.
Cette suppression du temps de travail de 17, 33 heures ne s'est pas accompagnée d'un maintien du salaire mensuel, et l'employeur ne justifie pas de l'acceptation, par le salarié, de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail.
Il ne justifie pas plus d'une clause du contrat de travail pouvant prévoir des modifications d'horaires, ou d'un accord collectif ou d'entreprise validant la modification de ces horaires, de telle sorte que cette modification unilatérale d'un élément essentiel (anciennement, dit substantiel) du contrat de travail apparaît irrégulière.
Sur la prime de 90 euros
Une majoration était prévue par la CCN précitée et représentait la somme de 90 euros en cas de Bep, à compter du 1er octobre 2013.
Toutefois, comme soutenu par l'employeur, l'accord du 5 mars 2015, étendu par arrêté du 18 août 2015, applicable à compter du 1er octobre 2015, a supprimé cette majoration.
Pour la période antérieure, en application des avenants des 23 mars 2001, 25 mai 2004 et 3 juin 2005 à la convention collective nationale de l'optique-lunetterie de détail du 2 juin 1986, la majoration pour diplôme s'ajoute non pas au salaire réel mais au salaire minimum conventionnel (dans le même sens, notamment, Cass. Soc. 22 juin 2011 pourvoi n°09-67.264).
Sur le rappel de salaire
Il résulte des motifs précités et des grilles de salaire minimum conventionnel que Monsieur [X] aurait dû percevoir les sommes suivantes, qui comprennent la prime d'ancienneté de 15 % :
coefficient 180 :
- du 1er juin 2014 au 30 septembre 2015 : 1 515 + (17, 33 X 12, 49 = 216, 45) = 1 731, 45 euros + 259, 72 = 1 991, 17 euros + majoration de 90 euros = 2 081,17 euros.
- du 1er octobre 2015 au 30 juin 2017 : 1 660 + (17, 33 X 13, 68 = 237, 07) = 1 897,07 euros + 284, 56 = 2 181, 63 euros,
coefficient 190 :
- du 1er juillet 2017 au 30 août 2020 :1 715 + (17, 33 X 14, 13 =244, 87) = 1 959,87 euros + 293, 98 = 2 253, 85 euros,
- du 1er septembre 2020 au 31 juillet 2022 : 1 740 + (17, 33 X 14, 34 = 248, 51) = 1 988, 51 euros + 298, 28 = 2 286, 79 euros,
- du 1er au 31 août 2022 : 1 775 + (17, 33 X 14, 63 = 253, 54) = 2 028, 54 euros + 304, 28 = 2 332, 82 euros.
Compte tenu des sommes versées par l'employeur, ce dernier reste devoir au salarié les sommes suivantes :
- du 1er juin 2014 au 30 septembre 2015 : 2 081, 17 - 2 016, 25 = 64, 92 X 16 = 1 038, 72 euros,
- du 1er octobre 2015 au 31 mars 2016 : 2 181, 63 - 2 016, 25 = 165, 38 X 6 = 992,28 euros,
- du 1er avril 2016 au 30 juin 2017 : 2 181, 63 - 1 788, 25 = 393, 38 X 15 = 5 900,70 euros,
- du 1er juillet 2017 au 31 janvier 2018 : 2 253, 85 - 1 891, 75 = 362, 10 X 7 = 2 534, 70 euros,
- février 2018 : 2 253, 85 - 1 879, 95 = 373, 90 euros,
- du 1er mars 2018 au 31 août 2020 : 2 253, 85 - 1 897, 09 = 356, 76 X 30 = 10 702,80 euros,
- du 1er septembre 2020 au 31 juillet 2022 : 2 286, 79 - 2 240, 80 = 45, 99 X 23 = 1 057, 77 euros + 94, 43 euros de différence sur la prime d'ancienneté pour le mois de septembre 2021 = 1 152, 20 euros,
- août 2022 : 2 332, 82 - 2 240, 80 = 92, 02 euros,
soit un total de 22 787, 32 euros, dont il conviendrait de déduire les rappels de salaire qui ont été ordonnés par le conseil de prud'hommes pour la période d'arrêt maladie du 3 juillet au 8 août 2020, soit 608, 42 euros, et pour la période de confinement, soit 207, 95 euros, dispositions définitives en l'absence d'appel sur ce point.
La cour ne pouvant statuer ultra petita, le jugement entrepris sera infirmé en sa disposition sur le rappel de salaires, conséquence de la contestation relative à la classification, et la Sa Optique moderne sera condamnée à payer à Monsieur [X] la somme demandée de 19 520, 51 euros bruts arrêtée au 31 août 2022, outre les congés payés y afférents, soit 1 952, 05 euros bruts
Sur la prime mensuelle dite exceptionnelle
Il résulte des propres écritures de Monsieur [X], précisant l'évolution du montant mensuel de la prime, que la prime mensuelle, dite exceptionnelle, non prévue au contrat de travail, ne répond pas aux critères de généralité, de constance et de fixité, la prime versée ayant variée entre 900 et 1 000 euros de 2012 à février 2016, puis ayant diminué à partir de mars 2016 pour passer à un montant de 56, 52 euros en 2018.
L'employeur explique que les variations de cette prime mensuelle sont fonction du chiffre d'affaires réalisé par le magasin et des résultats du vendeur, et produit les modes de calcul pour la prime versée au cours de l'année 2018.
Monsieur [X] ne justifie pas que des instructions auraient été données aux chalands pour les orienter vers le nouveau magasin d'optique d'[Localité 4], cette affirmation étant, par ailleurs, démentie par les attestations de témoin de Madame [C] et de Monsieur [W].
La détermination du montant étant fixée par l'employeur en fonction des résultats du magasin de [Localité 5], il n'y a pas lieu d'enjoindre à l'intimée de produire le chiffre d'affaires du nouveau magasin d'[Localité 4].
De même, une expertise comptable des chiffres d'affaires de la société n'apparaît pas utile à la solution du litige, Monsieur [X] ne soutenant pas une pratique discriminatoire de l'employeur.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande au titre d'un rappel de prime exceptionnelle.
Sur les congés payés supprimés
Selon l'article 34 de la CCN, le droit au congé annuel est fixée selon les dispositions légales en vigueur.
Vu les articles L. 3141-12, L. 3141-14, dans leur rédaction applicable en la cause, D. 3141-5 et D. 3141-6 du code du travail,
eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la Directive 2003/ 88/ CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement (dans le même sens, notamment, Cass. Soc. 23 novembre 2016 pourvoi n°14-23.679)
Il est un fait constant que l'employeur a supprimé un solde de congés payés de 38,5 jours au mois de juin 2014.
L'employeur, qui se contente de préciser, pour expliquer la suppression du solde de congés payés acquis, qu'il a respecté son obligation d'information et que les salariés n'arrivaient pas à se mettre d'accord, ne justifie pas avoir pris des mesures suffisantes pour permettre au salarié d'exercer effectivement son droit à congé.
En conséquence, la Sa Optique moderne sera condamnée à payer, à ce titre, à Monsieur [X] la somme de 2 081, 17/30 X 38, 5 = 2 670, 83 euros bruts, et le jugement infirmé sur ce point.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail et ses effets
Vu l'article 1184, ancien alors applicable, du code civil,
Il résulte des motifs supra que :
- l'employeur n'a pas appliqué la classification des emplois, depuis, au moins, le 1er avril 2014, de telle sorte qu'il existe un arriéré de rémunérations important,
- il n'a pas versé, du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2015, la majoration conventionnelle due au regard du diplôme dont était titulaire le salarié,
- il a supprimé, à tort, 38, 5 jours de congés au mois de juin 2014,
- il a, en outre, modifié unilatéralement, un élément essentiel du contrat de travail, à savoir la durée mensuelle de travail.
Par lettre du 10 mai 2017, le salarié a demandé à la Sa Optique moderne de régulariser, concernant la suppression des congés payés acquis, et concernant la modification unilatérale de la durée conventionnelle de travail.
La cour relève que l'employeur n'a pas donné suite à la demande relative aux congés payés et n'a pas, non plus, régularisé la contrepartie financière relative à la durée mensuelle du travail pour la période antérieure au mois de février 2018.
Par ailleurs, il n'a tenu compte que partiellement des demandes bien fondées du salarié, en cours d'instance prud'homale.
Enfin, la présente décision fait clairement apparaître une application erronée de l'annexe I de la CCN financièrement particulièrement préjudiciable au salarié.
En conséquence, ces manquements apparaissent suffisamment graves pour que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, et ce à la date du 8 novembre 2022.
Cette résiliation emporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dès lors, au regard d'un salaire de référence mensuel moyen de 2 267, 19 euros bruts, il y a lieu de condamner l'employeur à payer à Monsieur [X] les sommes de :
- 4 534, 38 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, équivalent à 2 mois,
- 453, 44 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- 19 777, 45 euros nets (2 267,19/3) X 26,17) au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement équivalente à 1/3 de mois de salaire par année d'ancienneté (26 ans et 2 mois entier),
- 35 000 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, eu égard à l'âge du salarié, son ancienneté et le salaire perçu.
Sur l'indemnisation pour exécution déloyale et défectueuse du contrat de travail
Vu l'article 1153 alinéa 4, du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu, à compter du 1er octobre 2016, l'article 1231- 6 du code civil. En n'appliquant pas, de façon loyale, l'annexe I de la CCN, relative à la classification des emplois, l'employeur a causé un préjudice financier, au salarié, dû à l'absence de disposition, en leur temps respectifs, des sommes d'argent précitées, ce préjudice n'étant pas indemnisé par les intérêts moratoires de la créance qui courent à compter de la mise en demeure, ou, à défaut, de la notification des écritures en demande, en cours d'instance, et non de l'exigibilité des salaires.
Pour le surplus, Monsieur [X] ne justifie pas d'un préjudice moral.
Dès lors, la SA Optique moderne sera condamnée à payer à Monsieur [X] la somme de 1 500 euros.
Sur la délivrance des bulletins de salaire et des documents de fin de contrat
Vu les articles L 1234-19, et L 1234-20 du code du travail,
La Sa Optique moderne sera condamnée à remettre à Monsieur [X] les bulletins de paie rectifiés, en fonction de la présente décision, pour la période de juin 2014 à novembre 2022, ainsi que les documents obligatoires en cas de rupture du contrat de travail, à savoir : un reçu pour solde de tout compte, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi, et, ce, à compter du 8ème jour suivant la signification du présent arrêt qui lui sera faite sous astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard et par document.
Sur les intérêts moratoires
En application des articles R 1452-5 du code du travail, 1231-6 et 1344-1 du code civil, les sommes au titre des rappels de salaire, de l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, et l'indemnité légale de licenciement, porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de la Sa Optique moderne, par le greffe, soit le 15 novembre 2017, et de la notification des écritures, à la partie adverse, pour les augmentations de la demande relative au rappel de salaire.
En application de l'article 1231-7 du code civil, la somme, au titre l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, portera intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt. Il en sera de même de l'indemnité pour exécution déloyale du contrat.
Sur le remboursement à Pôle Emploi
Aux termes de l'article L. 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L 1132-4, L 1134-4, L 1144-3, L 1152-3, L 1152-4, L. 1235-3, et L 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé ;
Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, ce qui est le cas en l'espèce ;
Il conviendra en conséquence d'ordonner le remboursement des indemnités éventuellement versées dans la limite de 6 mois.
Sur les demandes accessoires
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la Sa Optique sera condamnée aux dépens d'appel, la décision du conseil de prud'hommes, sur les dépens, étant définitive en l'absence d'appel sur ce point.
Le surplus de la demande de Monsieur [X], au titre des dépens, sera rejeté, étant rappelé que le décret du 12 décembre 1996 modifié a été abrogé et que les dispositions du décret et l'arrêté du 26 février 2016, sont également dispositions d'ordre public.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, la Sa Optique moderne sera condamnée à payer à Monsieur [X] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La demande, à ce titre, à hauteur d'appel, de la société sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après dé-bats en audience publique et après en avoir délibéré,
INFIRME le jugement rendu le 17 mai 2021 par le conseil de prud'hommes de Strasbourg, SAUF en ce qu'il a débouté Monsieur [T] [X] de sa demande :
- d'injonction à la Sa Optique moderne de produire les chiffres d'affaires du nouveau magasin sis [Adresse 2],
- d'expertise comptable des comptes de la Sa Optique moderne,
- de rappel au titre d'une prime dite exceptionnelle ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que le salaire moyen mensuel de référence représente la somme de 2 267,19 euros bruts ;
CONDAMNE la SA Optique moderne à payer à Monsieur [T] [X] les sommes suivantes :
- 19 520,51 euros bruts (dix neuf mille cinq cent vingt euros et cinquante et un centimes), au titre de rappel de salaire, au regard de la classification des emplois, pour la période du 1er juin 2014 au 31 août 2022,
- 1 952,05 euros bruts (mille neuf cent cinquante deux euros et cinq centimes) au titre des congés payés y afférents ;
les sommes avec intérêts au taux légal :
- sur la somme de 8 724,87 euros (huit mille sept cent vingt quatre euros et quatre vingt sept centimes) à compter du 15 novembre 2021,
- sur la somme de 8 993,46 euros (huit mille neuf cent quatre vingt treize euros et quarante six centimes) à compter du 13 novembre 2020,
- sur la somme de 5 263,77 euros à compter du 18 août 2022,
- sur le surplus à compter du 08 novembre 2022 ;
- 2 670,83 euros bruts (deux mille six cent soixante dix euros et quatre vingt trois centimes) à titre d'indemnité compensatrice des congés payés, avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2017;
PRONONCE la résiliation du contrat de travail de Monsieur [T] [X] aux torts exclusifs de la Sa Optique moderne, à effet au 8 novembre 2022 ;
CONDAMNE la SA Optique moderne à payer à Monsieur [T] [X] les sommes suivantes :
- 4 534,38 euros bruts (quatre mille cinq cent trente quatre euros et trente huit centimes) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 453,44 euros bruts (quatre cent cinquante trois euros et quarante quatre centimes) au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- 19 777,45 euros nets (dix neuf mille sept cent soixante dix sept euros et quarante cinq centimes) au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
le tout avec intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2017,
- 35 000 euros bruts (trente cinq mille euros) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2022,
- 1 500 euros nets (mille cinq cents euros) à titre d'indemnité en réparation du préjudice financier pour exécution déloyale du contreat de travail, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2022 ;
REJETTE la demande d'indemnisation d'un préjudice moral pour exécution déloyale du contrat de travail ;
CONDAMNE la SA Optique moderne à remettre à Monsieur [T] [X] les bulletins de paie rectifiés, en fonction du dispositif de la présente décision, pour la période de juin 2014 à novembre 2022, ainsi que les documents obligatoires en cas de rupture du contrat de travail, à savoir : un reçu pour solde de tout compte, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi, et, ce, à compter du 8ème jour suivant la signification du présent arrêt qui lui sera faite sous astreinte provisoire de 30 euros (trente euros) par jour de retard et par document ;
ORDONNE le remboursement par la Sa Optique moderne aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées le cas échéant à Monsieur [T] [X] dans la limite de 6 mois à compter de la rupture sur le fondement des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail ;
CONDAMNE la SA Optique moderne à payer à Monsieur [T] [X] la somme de 1 500 euros (mille cinq cent euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE la demande de la SA Optique moderne au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Sa Optique moderne aux dépens d'appel ;
REJETTE le surplus de la demande de Monsieur [T] [X] au titre des dépens d'appel ;
CONSTATE que la décision du conseil de prud'hommes de Strasbourg est définitive en ce qui concerne les dépens de première instance.
LEDIT ARRÊT a été prononcé par mise à disposition au greffe le 08 novembre 2022, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.
Le Greffier, Le Président,