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28/10/2022 | FRANCE | N°20/02927

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 28 octobre 2022, 20/02927


MINUTE N° 476/2022

























Copie exécutoire à



- Me Joseph WETZEL



- la SELARL ACVF ASSOCIES



- Me Valérie BISCHOFF-DE OLIVEIRA





Le 28/10/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 28 octobre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/02927 - N° Portali

s DBVW-V-B7E-HNB3



Décision déférée à la cour : 15 Septembre 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE





APPELANTES et intimées sur appel incident :



1/ La S.A.S. SOTOCO représentée par son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

...

MINUTE N° 476/2022

Copie exécutoire à

- Me Joseph WETZEL

- la SELARL ACVF ASSOCIES

- Me Valérie BISCHOFF-DE OLIVEIRA

Le 28/10/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 28 octobre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/02927 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HNB3

Décision déférée à la cour : 15 Septembre 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTES et intimées sur appel incident :

1/ La S.A.S. SOTOCO représentée par son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

2/ La S.C.I. JADE représentée par son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

1 et 2/ représentées par Me Joseph WETZEL, avocat à la cour.

INTIMEE:

1/ La S.A. AXA FRANCE IARD, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 5]

1/ représentée par la SELARL ACVF ASSOCIES, avocats à la cour.

INTIMEE et appelante sur appel incident :

2/ La S.A.S. SOPREMA ENTREPRISE, prise en la personne de son représentant légal.

ayant son siège social [Adresse 1] prise en son établissementsecondaire [Adresse 3].

2/ Représentée par Maître BISCHOFF-DE OLIVEIRA, avocat à la cour.

plaidant : Me MARTINEZ, avocat à Strasbourg

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller faisant fonction de résidente de chambre, et Madame Myriam DENORT conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 7 juillet 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Dominique DONATH faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 3 février 2011, un cambriolage a eu lieu dans des locaux appartenant à la SCI Jade, sis à Sausheim, loués à la société Sotoco en vertu d'un bail commercial du 30 décembre 1991. La couverture du bâtiment constituée de plaques en fibrociment a été endommagée.

La société Sotoco avait souscrit le 27 décembre 2010 une police 'multirisques entreprise' auprès de la compagnie Axa France IARD qui couvrait également la SCI Jade en qualité de propriétaire.

Après avoir déclaré le sinistre à son assureur, la société Sotoco lui a adressé un devis concernant la réfection totale de la toiture pour un prix de 198 600 euros hors taxes. L'expert mandaté par l'assureur, la société Elex, a proposé la réparation de la seule partie de la toiture ayant été endommagée pour un prix de 14 084,17 euros hors taxes. Cette proposition ayant été refusée par la société Sotoco, une nouvelle solution de reprise partielle a été proposée le 21 novembre 2013 par le cabinet Elex expert mandaté par la société Axa France IARD. L'assureur a confié la réalisation des travaux correspondant à la SAS Soprema entreprise pour un coût de 25 116,10 euros HT, honoraires de maîtrise d'oeuvre en sus.

Se plaignant de malfaçons, la société Sotoco a assigné la société Axa France IARD et la société Soprema entreprise devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Mulhouse, les 17 et 19 novembre 2015 aux fins d'organisation d'une expertise judiciaire qui a été ordonnée le 8 décembre 2015.

L'expert désigné, M. [C], a établi son rapport le 4 avril 2016, et conclu que la solution retenue par l'expert de l'assureur ayant consisté à déplacer des plaques prélevées dans une autre zone de la toiture pour les substituer à celles endommagées et à faire fabriquer des plaques translucides pour les remplacer était un choix risqué compte tenu de l'âge de la toiture et de la réutilisation de plaques contenant de l'amiante, qui était interdite par la réglementation. Il a préconisé la réfection totale du seul versant de la toiture endommagé.

Par exploits des 10 et 14 octobre 2016, la société Sotoco a assigné la société Soprema entreprise et la société Axa France IARD devant le tribunal de grande instance de Mulhouse aux fins d'indemnisation de son préjudice.

La SCI Jade est intervenue volontairement à la procédure le 25 avril 2019.

Par jugement du 15 septembre 2020, le tribunal a déclaré la demande de la société Sotoco recevable, dit que la société Axa France IARD avait rempli ses obligations d'assureur à l'égard de son assuré, la société Sotoco, par la réalisation de travaux de reprise de la toiture à concurrence de la somme de 30 538,90 euros, rejeté la demande de la société Sotoco en paiement d'un montant de 280 106,40 euros tant à l'égard de la société Soprema entreprise que de la société Axa France IARD, rejeté toute autre demande des parties, notamment les appels en garantie et les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et a dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens, y compris ceux de la procédure de référé-expertise, et que les frais d'expertise judiciaire seront partagés à parts égales entre toutes les parties à l'expertise.

Le tribunal a considéré que la société Sotoco ayant la qualité d'assurée de la société Axa France IARD avait qualité pour agir.

Le tribunal a retenu que :

- la société Sotoco était d'accord avec la proposition d'exécution des travaux de l'assureur,

- la responsabilité de la société Axa France IARD ne pouvait être recherchée qu'en cas de faute commise par la société Soprema entreprise susceptible de causer un préjudice à la société Sotoco,

- la seule faute retenue par l'expert judiciaire à la charge de la société Soprema entreprise était le non-respect de la législation relative à l'amiante,

- le déplacement des plaques d'amiante par la société Soprema entreprise conformément aux préconisations du cabinet Elex n'était pas constitutif d'une faute ayant causé un préjudice à la société Sotoco, le tribunal n'ayant pas à prendre position sur le caractère légal ou non des travaux au regard de la législation sur l'amiante dans le cadre d'un débat uniquement fondé sur la responsabilité civile.

Il en a déduit que la société Soprema entreprise n'avait commis aucune faute de nature délictuelle à l'égard de la société Sotoco et que consécutivement aucune faute de nature délictuelle ne pouvait être reprochée à la société Axa France IARD.

La société Sotoco et la SCI Jade ont interjeté appel de ce jugement le 12 octobre 2020 en toutes ses dispositions, sauf celle ayant déclaré la demande de la société Sotoco recevable.

Par ordonnance du 23 juin 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable la requête tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions de la SCI Jade et rejeté la requête en nullité des mêmes conclusions.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 1er février 2022.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 janvier 2022, la société Sotoco et la SCI Jade demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau, de :

- condamner in solidum les sociétés Axa France IARD et Soprema entreprise à verser à la société Sotoco la somme de 280 106,40 euros avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,

- débouter la société Axa France IARD de ses conclusions en tant que dirigées contre la société Sotoco et la SCI Jade,

A titre subsidiaire,

- condamner la société Soprema entreprise à verser à la société Sotoco la somme de 100 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,

A titre plus subsidiaire,

- condamner in solidum la société Axa France IARD et la société Soprema entreprise à verser à la SCI Jade la somme de 280 106,40 euros avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,

En tout état de cause

- condamner in solidum la société Axa France IARD et la société Soprema entreprise à verser à la société Sotoco et à la SCI Jade la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens des deux instances incluant le coût de la procédure de référé expertise.

Sur l'appel incident de la société Soprema entreprise, elles concluent à la recevabilité de l'intervention de la SCI Jade, au rejet de l'appel incident et au débouté de la société Soprema entreprise.

La société Sotoco fait valoir qu'elle a qualité à agir contre la société Axa France IARD, d'une part en tant que locataire de la SCI Jade, propriétaire des locaux, en vertu d'un bail commercial du 30 décembre 1991 et d'un bail à construction en date du 6 mars 2005 qui lui a été cédé le 12 janvier 2011 par la société Sotoco services, les clauses du bail l'autorisant à agir en cas de dégradations pour assurer la préservation de l'immeuble, et d'autre part en tant qu'assurée auprès de la société Axa France IARD, s'agissant d'une assurance pour compte commun.

Elle est également fondée à agir contre la société Soprema entreprise qui a été mandatée par la société Axa France IARD.

Subsidiairement, la SCI Jade est intervenue à la procédure.

Les appelantes soutiennent que les travaux sont affectés de désordres et comportent des défauts de conformité, l'expert ayant qualifié cette réparation de provisoire, et retenu que les travaux n'avaient pas été réalisés dans les règles de l'art et en procédant au réemploi de plaques contenant de l'amiante en violation de la législation applicable en la matière. En outre, des infiltrations et fissures ont été constatées ultérieurement.

La société Sotoco conteste avoir accepté la solution de réparation proposée par la société Elex, ayant au contraire émis des réserves et refusé de signer l'accord sur indemnité, ce qui exclut tout accord tacite. Elle estime que l'assureur a engagé sa responsabilité pour insuffisance de prescription, la société Axa France IARD s'étant comportée en maître d'oeuvre en préconisant des travaux et en les faisant réaliser sans accord exprès de l'assuré, les travaux ayant au surplus été réalisés sans respecter les règles de l'art. Elle fonde sa réclamation sur les dispositions des articles 1382, ancien, subsidiairement 1792, plus subsidiairement 1147, ancien du code civil.

La responsabilité de la société Soprema entreprise est également engagée pour avoir réalisé des travaux affectés de malfaçons et de désordres sans respecter les règles de l'art.

Les appelantes considèrent que le principe de réparation intégrale, sans perte ni profit, impose la réfection totale de la toiture sans tenir compte de la vétusté, la société Sotoco n'ayant pas à supporter le fait qu'il est impossible de remplacer les plaques d'amiantes ou de fournir de nouvelles plaques, et que la solution préconisée par l'expert n'est pas satisfaisante car elle générera une différence d'aspect.

*

Par conclusions transmises par voie électronique le 1er septembre 2021, la société Axa France IARD conclut au rejet de l'appel principal, à l'irrecevabilité des conclusions de la SCI Jade, au rejet de l'appel en garantie et à la confirmation du jugement entrepris. Subsidiairement, elle demande à la cour de dire que la condamnation ne pourra être prononcée que dans la limite des dispositions contractuelles soit dans un maximum de 100 000 euros, et de lui donner acte de sa franchise contractuelle de 722 euros.

Elle sollicite en outre la condamnation de la société Soprema entreprise à la garantir à hauteur de 80 % de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées contre elle et la condamnation de tout succombant aux dépens et au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient tout d'abord que la société Sotoco serait dépourvue de qualité à agir en qualité de locataire, le bail à construction ne concernant pas les mêmes locaux, et qu'en cette qualité elle n'a pas d'intérêt à agir, que ce soit sur un fondement délictuel ou contractuel, seul le propriétaire pouvant demander le remplacement de la toiture.

Elle conteste en outre toute faute, les travaux réalisés permettant à la toiture de remplir son office en assurant l'étanchéité de l'immeuble, la preuve des infiltrations alléguées n'étant pas rapportée, et l'expert ayant constaté que la réparation était efficace. En outre, la société Sotoco ne pourrait demander indemnisation que des seules conséquences de la mauvaise exécution contractuelle.

Elle fait valoir qu'aucune action ne peut être engagée contre elle sur le fondement des dispositions de l'article 1792 du code civil puisqu'elle n'a pas la qualité de constructeur, et qu'il s'agit de travaux de réfection partielle ne pouvant être assimilés à la réalisation d'un ouvrage. En outre, il n'est pas démontré que les infiltrations alléguées, qui n'ont pas été constatées par l'expert, sont imputables à l'intervention de la société Soprema entreprise.

Le seul fondement possible serait le contrat d'assurance. Cependant, la société Axa France IARD fait valoir qu'elle a rempli ses obligations contractuelles, et qu'elle serait alors, en tout état de cause, fondée à opposer son plafond de garantie de 100 000 euros pour les biens stockés dans le local, à supposer que la société Sotoco justifie d'un préjudice indemnisable, le remplacement de la toiture ne faisant partie des risques couverts. Enfin s'agissant d'une assurances de dommages et non de responsabilité, l'indemnité versée par l'assureur ne saurait excéder le montant du préjudice réellement subi par la victime ce qui exclut le remplacement intégral de la toiture et impose de tenir compte de la vétusté.

L'intimée soutient que les conclusions subsidiaires de la SCI Jade sont irrecevables en application des articles 907 et 954 du code de procédure civile en l'absence de moyens de fait et de droit développés au soutien de ses prétentions.

Enfin, en cas de condamnation, elle sollicite la garantie de la société Soprema entreprise qui en tant que professionnelle devait procéder à une réparation pérenne et conforme aux règles de l'art ou s'abstenir.

*

Par conclusions transmises par voie électronique le 6 décembre 2012, la société Soprema entreprise conclut au rejet de l'appel, à la confirmation du jugement et à la condamnation des sociétés Sotoco et Jade, solidairement ou in solidum, à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus des entiers dépens de première instance et d'appel incluant ceux de la procédure de référé. Subsidiairement, elle forme appel incident pour solliciter l'infirmation du jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à ses demandes et demande à la cour de déclarer la SCI Jade irrecevable en son intervention volontaire, de la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et de condamner les sociétés Sotoco et Jade, solidairement ou in solidum, à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus des entiers dépens.

Elle conclut à l'irrecevabilité de la demande de la société Sotoco pour défaut de qualité à agir, le bail à construction concernant d'autres locaux, et à l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de la SCI Jade, aux motifs que la déclaration d'appel ne vise pas les prétentions de cette dernière et qu'elle ne développe aucun moyen au soutien de ses prétentions. Elle ajoute que le locataire qui n'est pas tenu des grosses réparations, ne peut demander le remplacement de la toiture, fut-il l'assuré.

Au fond, elle conteste tout manquement délictuel ou contractuel de sa part. Elle relève qu'avant son intervention, la société Sotoco avait fait procéder à des travaux non conformes à la réglementation sur l'amiante, et qu'elle-même a effectué les travaux sur la base du cahier des charges établi par le maître d'oeuvre de la société Axa France IARD ; que l'impossibilité d'une réparation à l'identique était connue de tous, de sorte qu'il ne peut lui être reproché une absence de réserves ; qu'elle a fait intervenir un sous-traitant, la société SAED, spécialisée dans le domaine de l'amiante, sous le contrôle de l'inspection du travail, et que ses travaux ont été réalisés conformément à la réglementation applicable et ne sont affectés d'aucun désordre.

Elle considère que la demande ne peut pas davantage prospérer sur le fondement de l'article 1792 du code civil en l'absence d'ouvrage, ni sur celui de la responsabilité contractuelle puisqu'elle n'a aucun lien contractuel avec la société Sotoco ou la SCI Jade.

Elle ne peut enfin être tenue solidairement avec la société Axa France IARD, assureur garantissant le risque 'vol', puisque leur situation juridique est différente et que le dommage réparable est distinct du risque garanti.

Elle soutient que si la cour devait considérer que la toiture n'est pas réparable, cela incomberait à la société Sotoco qui a fait procéder à des réparations provisoires, et que tout au plus, le préjudice qui pourrait lui être imputé serait le coût de ses prestations prétendument inutiles. Elle conteste que ses travaux, qui ont été acceptés par la société Sotoco contrairement à ce qu'elle prétend, soient source d'infiltrations, l'expert n'en ayant pas constaté, et demande que le constat d'huissier dont se prévaut la société Sotoco soit écarté pour manque d'impartialité de l'huissier qui a excédé ses pouvoirs.

Subsidiairement, elle forme un appel en garantie contre la société Axa France IARD qui aurait commis une faute dans la préconisation des travaux et soulève l'irrecevabilité de l'appel en garantie de cette dernière sur le fondement de l'article 1147, ancien du code civil, alors qu'en première instance elle invoquait l'article 1382 ancien du même code.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

Conformément à l'article 954, alinéa 3 du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il convient de constater qu'aucune des parties ne demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré la demande de la société Sotoco recevable, de sorte que les fins de non-recevoir développées dans les motifs des conclusions des intimées tirées de son prétendu défaut de qualité ou d'intérêt à agir n'ont pas à être examinées par la cour.

Sur la demande de la société Sotoco dirigée contre la société Axa France IARD

A titre liminaire, si la société Sotoco ne s'est pas opposée à l'intervention de la société Soprema entreprise dans ses locaux, il n'est pas pour autant établi qu'elle ait accepté et validé le principe d'une réparation partielle consistant à remplacer, par réemploi, 10 plaques de fibrociment, et à mettre en oeuvre des plaques en polycarbonate translucide. En effet, le courrier du 17 avril 2014 dont se prévaut la société Axa France IARD par lequel M. [R], représentant la société Sotoco, sollicitait le paiement de l'indemnité immédiate proposée, émettait également des réserves en ce qu'il précisait 'il reste acquis, que si des difficultés ou des coûts supplémentaires survenaient quant à la mise en oeuvre de la proposition amenée par votre expert, ils seraient à la charge d'Axa', ce courrier renvoyant en outre au rapport de M. [E], expert de la société Elex, du 22 novembre 2013, qui évoque un accord oral de M. [R], représentant la société Sotoco et la SCI Jade, tout en indiquant cependant qu'aucune lettre d'acceptation n'avait été régularisée par ce dernier. En l'état des réserves émises, ce courrier ne peut donc valoir acceptation expresse et non équivoque par la société Sotoco de la solution de réparation partielle proposée, et renonciation de sa part à solliciter un complément d'indemnisation, et ce d'autant moins qu'elle n'a pas régularisé le document intitulé 'accord sur indemnité' soumis par la société Axa France IARD, et qu'elle était en attente depuis trois ans d'une intervention, fut-elle partielle, lui permettant de retrouver pleinement l'usage de ses locaux.

Il n'est pas contesté que les travaux ont été réalisés à l'initiative de l'assureur qui a mandaté la société Soprema entreprise. La responsabilité de la société Axa France IARD ne peut dès lors être recherchée que sur le fondement de l'article 1147, ancien du code civil, au titre d'un éventuel manquement à ses obligations découlant du contrat d'assurance, la responsabilité de l'assureur pouvant notamment être recherchée pour préconisation et mise en oeuvre d'une réparation inefficace ou incomplète, et non pas sur le fondement de la responsabilité délictuelle, les dispositions de l'article 1792 du code civil n'ayant pas davantage vocation à s'appliquer en l'absence de réalisation d'un ouvrage.

L'expert judiciaire indique que dans un cas habituel, les travaux nécessaires pour remédier à l'intrusion auraient pu consister à remplacer toutes les plaques ayant subi des dégradations directes ou indirectes, la situation est toutefois différente en l'espèce puisque les plaques de couverture contiennent de l'amiante et ne sont plus fabriquées et qu'il n'existe pas de plaques non amiantées identiques à celles existantes permettant d'assurer la continuité de l'étanchéité, de sorte qu'il n'est donc pas possible de les remplacer. Il estime que les travaux effectués par la société Soprema entreprise ne peuvent être considérés que comme une réponse très partielle à la problématique posée, et que le choix de l'expert de la compagnie d'assurance paraît relativement risqué compte tenu de l'âge de la toiture, puisqu'il s'agit de réutiliser des plaques amiantées dont l'utilisation est désormais interdite.

L'expert relève également que la mise en oeuvre comporte des imperfections qui résultent directement du cahier des charges imposé à l'entreprise par l'assureur, soulignant que le nombre de plaques devant être déplacées s'avère insuffisant pour permettre la réfection de la zone endommagée, et que ' pour éviter que les dégradations de certaines plaques maintenues en place, ne donnent lieu à des infiltrations, l'entreprise a 'inséré', (de façon un peu approximative mais elle ne disposait pas d'autres possibilités dans le contexte ainsi créé), des éléments de plaques translucides permettant de prévenir les désordres  , ajoutant ' cette 'précaution' ne peut être considérée que comme très provisoire dans la mesure où ces éléments ne présentent aucune stabilisation conforme aux règles techniques du produit.  .

Il s'évince de ces constatations, qu'indépendamment de la problématique liée à la réalisation des travaux s'agissant de plaques contenant de l'amiante, la solution préconisée par l'expert de la compagnie d'assurance et retenue par celle-ci était insuffisante pour remédier de manière efficace et pérenne à la dégradation de la toiture.

La société Sotoco est donc fondée à rechercher la responsabilité de la société Axa France IARD pour une insuffisance de préconisation concernant tant la nature que l'ampleur des travaux, la réparation proposée et mise en oeuvre à son initiative, sans accord exprès de l'assurée, ne présentant pas le caractère pérenne que celle-ci était en droit d'attendre, et ce quand bien même l'expert n'a-t-il pas constaté d'infiltrations, alors même qu'il relève que la veille des opérations d'expertise les conditions météorologiques ont été particulièrement pluvieuses et accompagnées de bourrasques très fortes.

S'agissant de la réparation, l'expert considère que la réfection complète de la toiture s'impose, à tout le moins pour le versant de la toiture qui a été endommagé, tout en indiquant que ce choix posera la question de l'esthétique d'ensemble. Il a estimé le coût de réfection de la toiture en totalité à 217 350 euros HT, outre les frais de remise en état de l'isolation et des locaux (2 652 euros et 420 euros) et les frais de maîtrise d'oeuvre évalués à 13 000 euros.

Néanmoins, la responsabilité de la société Axa France IARD étant engagée pour manquement à ses obligations contractuelles, son obligation à réparation trouve ses limites dans les conditions de la garantie qu'elle est fondée à opposer à son assurée, et notamment son plafond de garantie.

La cour constate qu'aux termes de l'article 1.3 des 'conventions spéciales dommages', la garantie 'vol' couvre non seulement les marchandises, agencements et matériels, mais également les détériorations immobilières définies comme les dommages causés lors d'un vol ou d'une tentative de vol aux bâtiments enfermant les biens assurés (...), de sorte que, contrairement à ce que soutient la société Axa France IARD, la dégradation de la toiture lors du cambriolage est un dommage garanti par la police souscrite, avec application d'un plafond de garantie de 100 000 euros pour les 'biens, frais et pertes' conformément aux conditions particulières du contrat.

Compte tenu des conditions de la garantie qui lui sont opposables, la société Sotoco ne peut donc solliciter la condamnation de son assureur au paiement du coût de l'intégralité des travaux de remplacement de la couverture, qui excède le plafond de la garantie.

Même en cas de limitation de la réparation au seul versant endommagé de la toiture, qui au vu des photographies figurant au rapport d'expertise représente plus de la moitié de la couverture totale, le coût de remplacement des biens sinistrés, outre les frais annexes de remise en état intérieure et de maîtrise d'oeuvre est supérieur au plafond de garantie.

La société Sotoco sera donc déboutée de sa demande en tant qu'elle porte sur le paiement de la somme de 280 106,40 euros, et il lui sera alloué la somme de 100 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt qui fixe la créance, sous déduction de la franchise contractuelle, le jugement étant infirmé en ce qu'il a rejeté la demande dirigée contre la société Axa France IARD et dit que celle-ci avait rempli ses obligations d'assureur à l'égard de son assurée par la réalisation de travaux de reprise de la toiture à concurrence de la somme de 30 538,90 euros.

Sur la demande de la société Sotoco dirigée contre la société Soprema entreprise

Ainsi que cela a été relevé précédemment la société Soprema entreprise n'ayant aucun lien contractuel avec la société Sotoco, sa responsabilité ne peut être recherchée par cette dernière que sur le fondement de la responsabilité délictuelle pour faute prouvée, les autres fondements invoqués n'ayant pas vocation à s'appliquer.

L'expert n'a relevé aucun défaut de mise en oeuvre imputable à l'entreprise, le caractère insuffisant de la réparation résultant selon lui d'une insuffisance de préconisation et du cahier des charges imposé à l'entreprise, cette dernière ayant au contraire, à titre de précaution, inséré des éléments de plaques translucides pour prévenir d'éventuels désordres.

En outre, ainsi que cela a été rappelé précédemment, l'expert n'a constaté aucun désordre ni infiltration consécutif aux travaux de la société Soprema entreprise. Il n'est notamment pas démontré que les traces d'infiltrations constatées par Me [V], huissier de justice, le 16 juillet 2015, ce constat étant antérieur au rapport d'expertise judiciaire, soient imputables aux travaux réalisés par la société Soprema entreprise, étant observé qu'elle est intervenue en mai 2015, soit plus de trois ans après le cambriolage et que la société Sotoco avait elle-même fait procéder à des réparations provisoires.

Il en est de même du constat dressé par Me [V], le 30 mai 2017, faisant état de traces d'infiltration dans l'ancien bureau de M. [P], et d'une fissure d'un mètre de long dans une plaque en fibrociment ainsi que de la fissuration de deux plaques avec des traces d'infiltrations dans le local attenant, l'origine de cette fissuration de plaques de fibrociment sur une toiture ancienne n'étant pas déterminée et ne pouvant, en l'absence de tout autre élément de preuve, être attribuée avec certitude à l'intervention de la société Soprema entreprise.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en tant qu'il a débouté la société Sotoco de sa demande dirigée contre la société Soprema entreprise.

Sur l'appel en garantie de la société Axa France IARD

La circonstance que la société Axa France IARD ait modifié en appel le fondement juridique de son appel en garantie ne le rend pas irrecevable, les parties pouvant en effet invoquer des moyens nouveaux en appel en application de l'article 563 du code de procédure civile.

Il résulte de ce qui précède qu'aucune faute n'a été caractérisée à la charge de l'entreprise dans la réalisation des travaux. La société Axa France IARD ne peut pas non plus reprocher à la société Soprema entreprise d'avoir effectué les travaux sans émettre de réserves, alors que les contraintes spécifiques et difficultés liées à la nature de la couverture étaient connues de tous les intervenants, et qu'elle a suivi les préconisations de son propre expert en faisant délibérément le choix d'une réparation partielle dont elle ne pouvait ignorer le caractère peu pérenne. En effet, elle était en possession du cahier des charges qu'avait fait établir, à sa demande, M. [R] par la société Eco-Instruo, cette dernière indiquant très clairement qu'elle ne réaliserait pas de pièces pour la reprise partielle de la toiture en raison des raccords approximatifs avec l'existant, ajoutant que pour elle il n'était pas envisageable éthiquement d'envisager un 'raccomodage' de la sorte au vu de l'état général de la couverture, et préconisant une dépose de l'ancienne toiture amiante et la mise en place d'une couverture en bac acier métallique, solution refusée par l'assureur au profit d'une réparation partielle.

La société Axa France IARD sera donc déboutée de son appel en garantie, et le jugement confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

En considération de la solution du litige, le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles. Les dépens de première instance et d'appel afférents à l'instance principale, y compris les frais de la procédure de référé expertise, seront supportés par moitié par les sociétés Sotoco et Jade, d'une part et par la société Axa France IARD, d'autre part, cette dernière ainsi que la société Soprema entreprise conservant, chacune, la charge des dépens afférents à leurs appels en garantie réciproques tant pour la première instance que pour l'appel.

Il sera alloué à la société Sotoco et à la société Jade, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité de procédure de 5 000 euros à la charge de la société Axa France IARD, et à la société Soprema entreprise une indemnité de même montant à la charge de la société Sotoco. La société Axa France IARD sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse en date du 15 septembre 2020 en ce qu'il a :

- dit que la société Axa France IARD a rempli ses obligations d'assureur à l'égard de son assuré, la société Sotoco, par la réalisation de travaux de reprise de la toiture à concurrence de la somme de 30 538,90 euros,

- rejeté la demande de la société Sotoco en paiement d'un montant de 280 106,40 euros à l'égard de la société Axa France IARD,

- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens, y compris ceux de la procédure de référé-expertise, et que les frais d'expertise judiciaire seront partagés à parts égales entre toutes les parties à l'expertise,

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, dans les limites de l'appel, et ajoutant au jugement,

CONDAMNE la SA Axa France IARD à payer à la SAS Sotoco la somme de 100 000 euros (cent mille euros), outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, sous déduction de la franchise contractuelle ;

DEBOUTE la société SOTOCO du surplus de sa demande dirigée contre la société AXA France IARD ;

CONDAMNE la SAS Sotoco et la SCI Jade, d'une part et la SA Axa France IARD, d'autre part à supporter par moitié les dépens de première instance et d'appel afférents à l'instance principale, ainsi que les frais de la procédure de référé expertise RG 15/0381 ;

CONDAMNE la SA Axa France IARD à supporter les dépens de première instance et d'appel de son appel en garantie dirigé contre la SAS Soprema entreprise ;

CONDAMNE la SAS Soprema entreprise à supporter les dépens de première instance et d'appel de son appel en garantie dirigé contre la SA Axa France IARD ;

CONDAMNE la SA Axa France IARD à payer à la SAS Sotoco et à la SCI Jade, ensemble, la somme de 5 000 euros (cinq mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS Sotoco à payer à la SAS Soprema entreprise la somme de 5 000 euros (cinq mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande de la SA Axa France IARD sur ce fondement.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/02927
Date de la décision : 28/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-28;20.02927 ?
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