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21/10/2022 | FRANCE | N°22/03844

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 17 (sc), 21 octobre 2022, 22/03844


Copie transmise par mail :



- à Mme [R] [W]

par remise de copie contre récépissé

par l'intermédiaire de

l'établissement hospitalier

- à Me Charline LHOTE

- au directeur d'établissement

- Mme la Procureure de la République

de Strasbourg

- Mme la Préfète du Bas-Rhin

- au directeur de l'ARS

- au JLD

- Mme [Y] [L], curatrice



Copie à Monsieur le PG



le 21 Octobre 2022



Le Greffier,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
>

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE 17 (SC)



N° RG 22/03844 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H6AU



Minute n° : 74/22





ORDONNANCE du 21 Octobre 2022

dans l'affaire entre :





APPELANTE :



MME...

Copie transmise par mail :

- à Mme [R] [W]

par remise de copie contre récépissé

par l'intermédiaire de

l'établissement hospitalier

- à Me Charline LHOTE

- au directeur d'établissement

- Mme la Procureure de la République

de Strasbourg

- Mme la Préfète du Bas-Rhin

- au directeur de l'ARS

- au JLD

- Mme [Y] [L], curatrice

Copie à Monsieur le PG

le 21 Octobre 2022

Le Greffier,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE 17 (SC)

N° RG 22/03844 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H6AU

Minute n° : 74/22

ORDONNANCE du 21 Octobre 2022

dans l'affaire entre :

APPELANTE :

MME LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE

PRES LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE STRASBOURG

représentée par Mme Marie-Hélène CALVANO, Substitut général

- partie demanderesse au référé -

INTIMES :

Mme [R] [W]

née le 04 Janvier 1986 à [Localité 3]

de nationalité française

[Adresse 1]

actuellement hospitalisée à l'EPSAN de [Localité 2]

comparante, assistée de Me Charline LHOTE, avocat au barreau de Colmar, commis d'office

M. LE DIRECTEUR DE L'EPSAN DE [Localité 2]

ni comparant, ni représenté

MME LA PREFETE DU BAS-RHIN

ni comparante, ni représentée

Madame [Y] [L], curatrice

ni comparante, ni représentée

- parties défenderesses au référé -

Ministère public auquel la procédure a été communiquée :

M. Philippe VANNIER, Avocat général

Catherine DAYRE, Conseiller à la cour d'appel de Colmar, agissant sur délégation de Madame la première présidente, assisté lors des débats en audience publique du 21 Octobre 2022 de Isabelle MULL, Greffier, statue comme suit par ordonnance réputée contradictoire :

Vu la décision d'admission en soins psychiatriques en cas de soins à la demande du représentant de l'État prise par Madame la préfète du Bas-Rhin en date du 9 octobre 2022 ;

Vu la décision maintenant les soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète prise par Madame la préfète du Bas-Rhin, en date du 13 octobre 2022 ;

Vu la saisine du juge des libertés et de la détention par Madame la préfète du Bas-Rhin, en date du 13 octobre 2022 ;

Vu l'ordonnance, en date du 19 octobre 2022, par laquelle le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg a ordonné la main-levée de l'hospitalisation complète de Madame [R] [W], à l'expiration d'un délai maximal de 24 heures à compter de sa notification ;

Vu l'appel interjeté par le procureur de la République du tribunal judiciaire de Strasbourg le 19 octobre 2022 avec demande d'effet suspensif ;

Vu l'ordonnance, en date du 20 octobre 2022, rendue par le président de chambre agissant sur délégation de Madame la première présidente, déclarant suspensif l'appel du procureur de la République du tribunal judiciaire de Strasbourg ;

Vu les conclusions du procureur général qui sollicite l'infirmation de la décision et qu'il soit dit n'y avoir lieu à ordonner la main-levée de l'hospitalisation complète de Madame [R] [W] ;

Vu l'avis d'audience transmis aux parties et au conseil de la patiente le 20 octobre 2022 ;

MOTIFS

Le procureur de la République du tribunal judiciaire de Strasbourg a formé appel de l'ordonnance entreprise, rendue le 19 octobre 2022, par déclaration motivée adressée le 19 octobre 2022 au tribunal judiciaire et reçue le même jour, puis transmise par ce dernier au greffe de la juridiction compétente, de telle sorte qu'il a été satisfait aux dispositions des articles R3211-19 et R3211-20 du code de la santé publique et que l'appel est régulier ;

Le ministère public a notamment fait valoir, en substance, que Madame [W] était hospitalisée depuis 2019 et que son état s'était dégradé au point que, le 7 octobre 2022, le docteur [C] établissait un certificat médical de demande de transformation d'une mesure de soins sur demande d'un tiers en mesure de soins à la demande du préfet ; que les certificats médicaux de 24 heures et 72 heures avaient bien été rédigés par le docteur [K], les 10 et 12 octobre 2022, mais que le docteur [C] avait établi un nouveau certificat le 14 octobre 2022, de telle sorte que la patiente n'avait pas été privée du droit à l'examen par un second médecin.

A l'audience, et aux termes de ses conclusions, le ministère public a notamment réaffirmé que, si la procédure n'avait pas été strictement respectée, aucun grief ne paraissait avéré, la patiente ayant bien bénéficié d'un double regard médical des docteurs [C] et [K].

Il a ajouté que la dangerosité de la patiente était avérée ; qu'il était dans son propre intérêt d'être hospitalisée.

Madame [W] a expliqué vouloir renter chez elle dans son appartement.

Elle a affirmé que tout le monde la persécutait à l'hôpital ; que les patients la «cherchaient» toute la journée, ce qui l'amenait à s'énerver voire à être violente.

Elle a soutenu être quelqu'un de gentil et pas difficile.

Son conseil a conclu à la confirmation de l'ordonnance, faisant valoir que la loi, exigeant des certificats médicaux émanant de deux médecins différents, était claire. Il a ajouté que le durcissement du régime d'hospitalisation causait un grief à Madame [W].

***

Il ressort des circonstances de l'espèce que Madame [R] [W], qui était hospitalisée à l'Epsan en réintégration, à la demande d'un tiers, depuis novembre 2019, a fait l'objet, le 9 octobre 2022 d'une admission sur décision du représentant de l'État, modifiant ainsi le cadre de sa prise en charge.

L'ensemble des certificats médicaux, établis notamment en vue de l'admission de la patiente en soins à la demande du représentant de l'État et en vue de la saisine du juge des libertés et de la détention, décrivent une patiente souffrant de schizophrénie paranoïde, en proie à de nombreuses hallucinations, présentant également une instabilité psychomotrice et une fluctuation du contact au fil de la journée. Les certificats médicaux font aussi mention de plusieurs passages à l'acte hétéroagressif sur d'autres patients, imprévisibles et s'inscrivant dans le délire de persécution.

Au vu de ces passages à l'acte et de la persistance d'un risque de passage à l'acte hétéroagressif, les médecins ont fait une demande d'admission de la patiente en Unité pour Malade difficile, qui a été acceptée.

Les certificats médicaux précisent que les troubles mentaux de Madame [R] [W] sont susceptibles de compromettre la sûreté des personnes ou de porter atteinte de façon grave à l'ordre public.

Pour ordonner la main-levée de la patiente, le juge des libertés et de la détention a constaté que les certificats médicaux des 24 heures et 72 heures avaient été rédigés par le même médecin, en contravention avec l'article L3213-6 du code de la santé publique ; que ceci avait causé un grief à la patiente en la privant d'un double regard médical.

Aux termes de l'article L3216-1 du code de la santé publique la régularité des décisions administratives prises en application des chapitres II à IV du titre I ne peut être contestée que devant le juge judiciaire.

Le juge des libertés et de la détention connaît des contestations mentionnées au premier alinéa du présent article dans le cadre des instances introduites en application des articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1. Dans ce cas, l'irrégularité affectant une décision administrative mentionnée au premier alinéa du présent article n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet.

Aux termes de l'article L3213-6 du code précité lorsqu'un psychiatre de l'établissement d'accueil d'une personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application de l'article L. 3212-1 atteste par un certificat médical ou, lorsqu'il ne peut être procédé à l'examen de l'intéressé, par un avis médical sur la base de son dossier médical que l'état mental de cette personne nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l'ordre public, le directeur de l'établissement d'accueil en donne aussitôt connaissance au représentant de l'État dans le département qui peut prendre

une mesure d'admission en soins psychiatriques en application de l'article L. 3213-1, sur la base de ce certificat ou de cet avis médical. Les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2 sont alors établis par deux psychiatres distincts. Lorsque ceux-ci ne peuvent procéder à l'examen de la personne malade, ils établissent un avis médical sur la base de son dossier médical.

En application de l'article L3216-1 susvisé, le juge ne peut ordonner une main-levée tirée d'une irrégularité de la procédure, que s'il constate une atteinte aux droits de la personne qui en fait l'objet.

L'appréciation du critère de l'atteinte aux droits du malade, requis par le texte précité, relève de l'appréciation souveraine du juge, lequel doit, lorsqu'il examine une demande de mainlevée, s'assurer, in concreto, que la décision d'hospitalisation sans consentement a conduit à une violation suffisamment grave des droits du patient.

En l'espèce, il est constant que les certificats médicaux de 24 heures et 72 heures ont effectivement été rédigés par le même médecin, le docteur [J] [K], les 10 et 12 octobre 2022.

Toutefois il ressort également des pièces de la procédure que la patiente a aussi été examinée par le docteur [I] [C], qui a notamment rédigé des certificats les 7 et 14 octobre 2022.

Au surplus, en vue de l'audience, le docteur [V] [P] a rédigé un certificat de situation.

La procédure prévue à l'article L3213-6 précité, exige qu'au moins deux médecins différents se penchent sur le sort du patient, jusqu'à la saisine du juge des libertés et de la détention.

En l'espèce, même si les les certificats médicaux de 24 heures et 72 heures ont été rédigés par le même médecin, la patiente n'a pas été privée d'un double regard médical, puisque deux médecins différents l'ont bien examinée et ont rédigé des certificats, avant l'audience du juge des libertés et de la détention et un troisième médecin l'a vue en entretien et a rédigé un certificat le 20 octobre 2022.

Au surplus, les trois médecins, qui ont examiné la patiente en tout les 7, 10, 12 ,14 et 20 octobre 2022, ont tous trois constaté les mêmes symptômes à type d'hallucinations nombreuses, délire de persécution, passages à l'acte hétéroagressifs.

Ils ont aussi souligné l'échec des thérapeutiques menées jusque là, rendant nécessaire l'admission en Unité pour Malades Difficiles, admission légalement soumise à une hospitalisation à la demande du représentant de l'Etat.

Ils ont précisé que le tableau clinique était de nature à compromettre la sûreté des personnes ou de porter atteinte de façon grave à l'ordre public.

Le tableau clinique décrit dans les certificats est en l'espèce si manifeste, que le recours à deux médecins différents, pour rédiger les certificats des 24 heures et 72 heures, n'aurait pas permis d'autres constatations médicales que celles contenues dans l'ensemble des certificats et émanant déjà de trois médecins différents.

Il s'ensuit que, concrètement, la patiente qui a bien bénéficié d'un double regard médical, n'a pas subi d'atteinte à ses droits, de telle sorte que l'irrégularité tirée du non respect de l'article L3213-6 in fine ne peut entraîner la main-levée de la mesure.

Par conséquent l'ordonnance déférée doit être infirmée.

Il ressort des différents certificats médicaux produits, qu'à la date de l'avis motivé prévu par l'article L3211-12-1-II du code de la santé publique, la patiente présentait toujours un contact altéré, un discours au contenu délirant à thématique multiple et de mécanisme hallucinatoire et qu'elle a présenté de nombreux passages hétéroagressifs. Son état de santé ne lui permet pas d'adhérer aux soins.

L'état de santé de la patiente, dont il convient de relever qu'elle a été acceptée dans une Unité pour Malade Difficiles, est de nature à compromettre la sûreté des personnes ou de porter atteinte de façon grave à l'ordre public, si bien que la poursuite de l'hospitalisation complète à la demande du représentant de l'Etat doit être ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance déférée en ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Dit n'y avoir lieu à main-levée de l'hospitalisation complète,

Ordonne la poursuite des soins psychiatriques sous forme d'hospitalisation complète de Madame [R] [W],

Laisse les dépens à la charge du trésor.

Le greffier, Le conseiller,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 17 (sc)
Numéro d'arrêt : 22/03844
Date de la décision : 21/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-21;22.03844 ?
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