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20/10/2022 | FRANCE | N°20/01486

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 20 octobre 2022, 20/01486


MINUTE N° 453/2022





























Copie exécutoire à



- Me Thierry CAHN



- Me Claus WIESEL



- Me Anne CROVISIER



- Me Raphaël REINS



- SELARL ACVF ASSOCIES





Le 20 octobre 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 20 Octobre 2022





NumÃ

©ro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01486 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HKUR



Décision déférée à la cour : 04 Mai 2020 par le Tribunal judiciaire de MULHOUSE



APPELANTS :



Monsieur [B] [N] DIT [G]

Madame [Y] [E] épouse [N] DIT [G]

demeurant [Adresse 1]



La S.A. ACM IA...

MINUTE N° 453/2022

Copie exécutoire à

- Me Thierry CAHN

- Me Claus WIESEL

- Me Anne CROVISIER

- Me Raphaël REINS

- SELARL ACVF ASSOCIES

Le 20 octobre 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 20 Octobre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01486 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HKUR

Décision déférée à la cour : 04 Mai 2020 par le Tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTS :

Monsieur [B] [N] DIT [G]

Madame [Y] [E] épouse [N] DIT [G]

demeurant [Adresse 1]

La S.A. ACM IARD, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 4]

représentés par Me Thierry CAHN, avocat à la cour.

INTIMÉES, appelantes en garantie et appelées en garantie :

1/ La société INEO INDUSTRIE ET TERTIAIRE EST, à l'enseigne ENGIE INEO, venant aux droits de la SNC INEO EST, prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 8]

2/ La S.A. SMABTP venant aux droits de la SA SAGENA, prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 5]

1 & 2/ représentées par Me Claus WIESEL, avocat à la cour.

3/ La société XL INSURANCE COMPANY SE société de droit irlandais, agissant par l'intermédiaire de sa succursale française située [Adresse 7], venant aux droits de la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS par suite de fusion, prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 9]

3/ représentée par Me Anne CROVISIER, avocat à la cour.

4/ La S.A. AXA FRANCE IARD ès qualité d'assureur de la SARL ATOUT TOITURE, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 3]

4/ représentée par la SELARL ACVF ASSOCIES, avocat à la cour.

Plaidant : Me MOUROIG (cabinet BEN ZENOU), avocat à Paris.

INTIMÉE et appelante sur incident, appelante en garantie et appelée en garantie :

5/ La S.A.R.L. ATOUT TOITURE

ayant son siège social [Adresse 6]

5/ représentée par Me Raphaël REINS, avocat à la cour.

Plaidant : Me HIRTZ, avocat à Colmar.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Mai 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 30 juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Les époux [N] Dit [G] ont acquis, en juillet 2010, une maison d'habitation située [Adresse 2], qui était équipée de panneaux solaires photovoltaïques destinés à la production et à la revente d'électricité mis en place par les anciens propriétaires, les époux [R].

L'installation de ces panneaux avait été confiée par ces derniers à la société Ineo Est, selon factures des 27 octobre et 30 décembre 2009, cette société étant assurée auprès de la compagnie Sagena pour sa responsabilité décennale et de la société Axa Corporate Solutions pour sa responsabilité civile. La société Ineo Est a sous-traité à la SARL Atout Toiture, assurée auprès de la société Axa France IARD, l'assemblage, la fixation des éléments sur la toiture ainsi que la connexion électrique des éléments entre eux.

Après l'installation, la société Ineo Est a posé les coffrets courant continu, les onduleurs et le câblage de raccordement de l'installation.

Un procès-verbal réception sans réserves a été signé le 17 décembre 2009.

Un incendie s'est déclaré dans l'immeuble, le 9 juillet 2011, alors que les époux [N] Dit [G] étaient absents, qui a causé de graves dommages.

La société Ineo Est a régularisé une déclaration de sinistre auprès de son assureur, la société Sagena.

Les époux [N] Dit [G] ont obtenu la désignation d'un expert judiciaire par ordonnance du juge des référés du 27 septembre 2011, en la personne de M. [O], qui s'est adjoint un sapiteur, expert en électricité, M. [P].

Aux termes du rapport qu'il a déposé le 21 juillet 2012, l'expert judiciaire attribuait l'origine du sinistre à un dysfonctionnement sur le conducteur électrique reliant entre eux les panneaux de l'installation photovoltaïque, excluant les autres causes possibles.

Par exploits des 6, 9, 12 et 15 septembre 2016, les époux [N] Dit [G] et leur assureur, la société ACM IARD, ont fait citer devant le tribunal de grande instance de Mulhouse, la société Ineo Est ainsi que ses assureurs les sociétés Sagena, aux droits de laquelle vient la SMABTP, et Axa Corporate Solutions, ainsi que la société Atout toiture et son assureur la société Axa France IARD, en indemnisation de leur préjudice, la société ACM agissant au titre la subrogation légale dans les droits de ses assurés.

Par jugement du 4 mai 2020, le tribunal judiciaire a constaté que la cause de l'incendie était inconnue et a débouté les époux [N] Dit [G] et leur assureur de leurs demandes, laissant à la charge de chacune des parties les dépens et frais irrépétibles qu'elle a exposés, à l'exception des frais d'expertise qui ont été mis à la charge des époux [N] Dit [G] et de la société ACM.

Le tribunal a retenu que s'il n'était pas douteux, au vu de l'attestation d'un témoin, que l'incendie avait pris naissance dans les panneaux photovoltaïques, avant de se propager à toute la toiture, la cause précise du sinistre n'avait pu être identifiée, l'installation étant détruite, et les experts n'ayant pu émettre que des hypothèses quand bien même avaient-ils exclu toute autre cause extérieure à l'installation. Il a considéré que le seul fait que le sinistre se situe dans l'installation photovoltaïque n'était pas suffisant pour affirmer qu'elle serait la cause du sinistre au sens l'article 1792 du code civil car il était tout a fait possible qu'une installation conforme et sans dommage ou désordre au sens de ce texte, puisse faire l'objet d'un incendie, ce qui commandait le rejet des demandes d'indemnisation, y compris a fortiori sur le fondement contractuel en l'absence de faute susceptible d'être reprochée aux constructeurs.

Les époux [N] Dit [G] et la SA ACM IARD ont interjeté appel de ce jugement, le 4 juin 2020, en toutes ses dispositions, intimant toutes les parties.

Par conclusions transmises par voie électronique le 19 février 2021, ils demandent à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau, de déclarer leur demande recevable et fondée, et de :

- condamner solidairement la Société Ineo Industrie et Tertaire Est à l'enseigne Engie Ineo, venant aux droits de SNC Ineo Est, la SA SMABTP venant aux droits de la SAS Sagena, la Société XL Insurance company SE venant aux droits de la SA Axa Corporate solutions, la SARL Atout Toiture et la SA Axa France IARD à payer :

* à la société ACM IARD la somme de 212 465,79 euros au titre de la subrogation légale, et celle de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de première instance et d'appel et l'intégralité des frais d'expertise ;

* aux consorts [N] Dit [G] les sommes de 29 273,21 euros en application du principe indemnitaire, de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et l'appel, outre les frais et dépens qui leur reviennent,

- dire que l'intégralité des montants ainsi mis en compte porteront intérêts légaux à compter de l'acte introductif de la demande, avec capitalisation.

Ils soutiennent que le jugement est entaché de contradictions, et que le tribunal ne pouvait à la fois constater que le sinistre trouvait son origine dans l'installation de panneaux photovoltaïques et rejeter la demande fondée sur l'article 1792 du code civil, ce qui est contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation qui impose de caractériser une cause étrangère.

Ils font valoir que :

- la mise en jeu de la responsabilité décennale du constructeur n'exige ni la recherche ni la détermination de la cause exacte des désordres, mais seulement la preuve de l'intervention du constructeur à la réalisation de la partie de l'ouvrage affectée de désordres,

- seule la preuve d'une cause étrangère est exonératoire,

- il s'agit d'un élément d'équipement faisant indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, d'ossature et de clos et de couvert,

- la jurisprudence applique la responsabilité décennale aux panneaux photovoltaïques et considère que les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existants, relèvent de la garantie décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage, dans son ensemble, impropre à sa destination,

- des témoins attestent de ce que l'incendie à pris naissance dans les panneaux photovoltaïques,

- l'expert considère que le dysfonctionnement est d'origine électrique et qu'il a affecté l'installation photovoltaïque qui reposait sur un support en matériau inflammable qui a favorisé la propagation de l'incendie,

- le sapiteur évoque la possibilité d'un défaut de conception ou de montage qui aurait conduit à une surchauffe sur le panneau ou l'existence d'un arc électrique provoqué par un court-circuit au niveau du panneau ou encore une erreur de montage des panneaux lors de l'installation,

- aucune autre cause n'a été identifiée.

Subsidiairement, ils soutiennent que la responsabilité des sociétés Ineo Est et Atout toiture peut être recherchée sur le fondement de la responsabilité contractuelle puisque les trois causes possibles selon le sapiteur relèvent de l'installation et du branchement des panneaux.

Ils ajoutent que si les conditions du contrat d'assurance souscrit par les époux [N] Dit [G] auprès des ACM prévoient une indemnisation en valeur à neuf, les assurés ont toutefois accepté l'application d'une règle proportionnelle du fait d'une déclaration inexacte du risque, et considèrent que la société ACM IARD est donc fondée à agir contre les responsables en vertu de la subrogation légale prévue par l'article L.121-12 du code des assurances, et que les époux

[N] Dit [G] ont droit, en vertu du principe de réparation intégrale, à la différence entre les montants contradictoirement arrêtés par l'expert judiciaire et les experts d'assurances et l'indemnité reçue, outre la somme de 75 euros au titre de la franchise contractuelle, et 8 000 euros au titre de l'installation photovoltaïque détruite.

*

Par conclusions transmises par voie électronique le 27 novembre 2020, la SMABTP venant aux droits de la société Sagena et la société Ineo industrie tertiaire Est venant aux droits de la société Ineo Est (ci-après la société Ineo) concluent à la confirmation du jugement et au débouté des appelants. Subsidiairement, la société Ineo forme un appel en garantie contre la société Axa Corporate Solutions, et en cas de condamnation in solidum de la société Ineo avec son assureur SMA, elles demandent la garantie de la société Atout toiture et de son assureur Axa France IARD.

En tout état de cause, elles demandent à la cour de :

- dire que le recours subrogatoire de la société ACM ne peut être reçu au-delà de la somme de 121 229,59 euros

- débouter les époux [N] Dit [G] de toutes leurs demandes faute de justifier du bien-fondé de l'application de la règle proportionnelle de prime par leur assureur,

- condamner tous succombants au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus des entiers dépens de première instance et d'appel.

Elles considèrent que les ouvrages réalisés par la société Ineo Est, fussent-ils considérés comme des éléments d'équipement, relèvent des seules dispositions de l'article 1792 du code civil, aucun autre fondement ne pouvant s'appliquer. Néanmoins, la responsabilité décennale du constructeur n'est pas susceptible d'être mise en oeuvre en l'absence de démonstration d'un vice de construction, l'expert s'étant contenté d'affirmer que l'incendie était en lien avec l'installation réalisée par la société Ineo Est sans caractériser de vice de construction.

Subsidiairement, si la cour était amenée à condamner la société Ineo sur le fondement de la responsabilité de droit commun, celle-ci serait alors fondée à demander la garantie de la société XL insurance company SE venant aux droits de la société Axa Corporate Solutions, qui est son assureur de responsabilité civile, dont la garantie couvre les dommages causés aux tiers, y compris les clients et leurs ayant droits.

En cas de condamnation de la société Ineo et de son assureur décennal la SMABTP, celles-ci forment un appel en garantie sur le fondement de l'article1147, ancien du code civil contre la société Atout toiture et son assureur la société Axa pour manquement de la première à son obligation de résultat, le sapiteur de l'expert judiciaire ayant en effet retenu dans toutes les hypothèses envisagées une dégradation de la gaine isolante d'un conducteur électrique reliant les panneaux entre eux et le fait que l'âme du conducteur électrique a touché le châssis d'un panneau photovoltaïque relié à la terre ce qui a provoqué un amorçage entre le conducteur et le châssis, toutes les hypothèses mettant directement en jeu l'intervention de la société Atout toiture et non une cause étrangère.

Elles soutiennent que la société Axa France IARD, qui assure la société Atout toiture pour la pose de panneaux photovoltaïques, ne peut invoquer une exclusion de garantie relative aux branchements électriques, d'une part faute de démontrer qu'elle ait été portée à la connaissance de son assurée et acceptée par elle, or les conditions particulières ne sont pas signées par l'assurée, d'autre part car une telle exclusion qui vide la garantie de sa substance est nulle, puisque la finalité même des panneaux est de produire de l'électricité. En outre, ladite clause n'est pas écrite en caractères très apparents.

Enfin, s'agissant des montants, ils soutiennent d'une part que la société ACM ne produit qu'une quittance du 23 juin 2012 emportant subrogation, tel n'étant pas le cas des quittances 'acompte' et 'transaction' des 13 mai et 7 juin 2013, et d'autre part que les époux [N] Dit [G] ne peuvent demander le 'découvert de garantie' suite à l'application de la règle proportionnelle, puisqu'ils ne démontrent pas son bien fondé. Ils ne peuvent pas non plus demander un montant supplémentaire au titre du coût des panneaux photovoltaïques qui est nécessairement inclus dans l'indemnité globale.

*

Par conclusions transmises par voie électronique le 12 janvier 2022, la société XL insurance company SE venant aux droits de la société Axa Corporate Solutions, demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Mulhouse le 4 mai 2020,

- débouter les époux [N] Dit [G] et la société ACM IARD SA de l'ensemble de leurs fins, moyens et conclusions, en tant qu'elles sont dirigées contre elle.

Subsidiairement en cas d'infirmation du jugement et/ou de condamnation de la société XL Insurance company SE, de :

- débouter les appelants et les appelants en garantie de l'ensemble de leurs fins, moyens et conclusions en tant que dirigées contre elle, et rejeter toutes les demandes formées contre elle ;

Très subsidiairement, en cas de condamnation d'XL Insurance company :

- limiter la condamnation de la société XL Insurance Company SE aux seuls dommages couverts par le contrat d'assurance, soit à la somme maximale de 44 907 euros,

- ordonner l'application de la franchise contractuelle de 25 000 euros et dire que cette franchise sera opposable tant aux époux [N] Dit [G], à la société ACM IARD, à la société Ineo Est, ainsi qu'à la société Atout Toiture ;

En tout état de cause, condamner les sociétés Atout Toiture, Axa France IARD, et SMABTP, venant aux droits de la société Sagena, in solidum, à décharger et garantir intégralement la société XL Insurance company SE de toute condamnation éventuelle tant en principal qu'accessoires, intérêts, frais et dépens, et condamner tout succombant à payer à la société XL Insurance company SE une somme de 8 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens.

Elle fait valoir, à titre principal, qu'elle n'est pas l'assureur décennal de la société Ineo Est, et subsidiairement, que les demandeurs n'ont aucun lien contractuel avec la société Ineo, et ne rapportent pas la preuve d'une faute de cette dernière qui avait sous-traité à la société Atout toiture la prestation de pose et de raccordement entre eux des panneaux, qui est incriminée. Elle considère que le vice de construction n'est pas démontré, qu'il existe d'autres hypothèses plausibles qui n'ont pas été explorées par l'expert relatives au fonctionnement de la VMC ou à la présence de câbles électriques dans les combles, de sorte qu'une cause étrangère n'est pas à exclure. En tous cas, un lien d'imputabilité entre les travaux et le sinistre doit être démontré.

Sur l'appel en garantie de la société Ineo elle considère que la demande est prescrite, puisqu'elle aurait dû agir dans le délai de deux ans à compter de l'assignation en référé- expertise du 18 août 2011. Subsidiairement, elle discute l'étendue de la subrogation et les montants et demande la garantie de la société Atout toiture et de son assureur, celle-ci qui était en charge de la connexion électrique des éléments entre eux, étant tenue d'une obligation de résultat en sa qualité de sous-traitante. Elle soutient que la société Ineo Est n'était chargée que du branchement final au coffret de courant continu se trouvant dans le garage qui n'est pas en cause.

Enfin, elle oppose la franchise contractuelle et les limites de sa garantie quand aux dommages susceptibles d'être pris en compte.

*

Par conclusions transmises par voie électronique le 24 février 2022, la société Atout toiture demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté que la cause de l'incendie était inconnue et a débouté les époux [N] Dit [G], de déclarer l'action subrogatoire légale de la société ACM irrecevable, de la débouter ainsi que les époux [N] Dit [G] de toute demande dirigée contre elle, de débouter les appelants en garantie de leurs fins, moyens et conclusions à son égard et de les condamner in solidum avec les ACM SA à verser à la société Atout Toiture la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des frais et dépens de 1ère instance et d'appel.

Formant appel incident, elle conclut au rejet des appels en garantie dirigés contre elle et à titre subsidiaire, demande à la cour de :

- fixer la part de responsabilité dans la survenance du sinistre incombant à chaque partie

intervenue dans la construction de l'ouvrage ;

En tout état de cause :

- condamner la société Ineo Est et son assureur SMABTP ainsi que la société XL Insurance à la relever et garantir à proportion de la part de responsabilité retenue, de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais et dépens au profit des époux [N] et des ACM ;

- condamner in solidum la société Ineo Est, la SMABTP et la société XL Insurance Company SE à verser à la société Atout Toiture la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens de première instance et d'appel,

- rejeter la demande de non garantie formulée par la société Axa France à l'encontre de la société Atout Toiture et toute demande formée par les autres parties à son encontre,

- condamner la société Axa France à tenir la SARL Atout Toiture quitte et indemne de toute condamnation en principal, provision, intérêts, dommages et intérêts, article 700 du code de procédure civile et frais qui viendraient à être mis à sa charge dans le cadre de la présente procédure.

Elle fait valoir que la mobilisation de la garantie décennale exige que soit prouvée l'existence d'un vice de construction, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la cause du sinistre étant indéterminée et que les époux [N] Dit [G] ne peuvent subsidiairement rechercher sa responsabilité contractuelle puisqu'elle n'est liée par aucun contrat avec eux étant le sous-traitant de la société Ineo Est. Or la responsabilité prévue par l'article 1240 du code civil, qui peut seule être invoquée, suppose un lien de causalité certain entre une faute et le dommage, or l'expert a seulement avancé des hypothèses, qui selon elle sont totalement exclues ou invraisemblables.

Sur les appels en garantie , elle fait valoir que :

- l'absence de détermination du vice implique que la société Ineo Est ne peut soutenir que la société Atout toiture aurait réalisé un ouvrage affecté d'un vice de construction et donc qu'elle aurait manqué à son obligation de résultat de livrer un ouvrage exempt de vice,

- l'expert n'a pas exploré l'hypothèse d'un défaut intrinsèque au produit, or le matériel a été fourni par la société Ineo Est,

- sa mission se limitait à la pose des panneaux photovoltaïques et ne portait pas sur l'installation du système électrique, de sorte que si le désordre est de nature électrique, il n'est pas couvert par le contrat de sous-traitance qui opère une distinction claire entre la pose des panneaux et l'installation électrique qui est restée sous la seule maîtrise de la société Ineo Est,

- celle-ci a déterminé le positionnement des câbles existants sous les panneaux et les branchements électriques entre les panneaux,

- la société Ineo Est a validé ses travaux, sans émettre la moindre réserve, et a procédé à la mise en fonctionnement de l'installation, ce qui implique, en sa qualité de professionnelle, l'acceptation de l'ouvrage réalisé par son sous-traitant, de sorte qu'elle ne peut exciper d'un vice qui lui aurait été apparent - la dégradation de gaine -.

En cas de condamnation, la société ACM ne peut être subrogée qu'à hauteur des quittances portant expressément mention d'une subrogation, la demande étant irrecevable pour le surplus. Enfin, le découvert de garantie n'est pas établi et en tout état de cause résulte de la carence des époux [N] Dit [G] qui ne peuvent invoquer leur propre turpide afin d'en tirer un avantage. Enfin, le coût de l'installation photovoltaïque est nécessairement inclus dans l'indemnité versée.

Si sa responsabilité devait néanmoins être retenue, elle considère qu'il conviendra de prononcer un partage de responsabilité et de fixer la part de responsabilité de chaque société et de condamner la société Ineo Est et son assureur SMA à la garantir à due concurrence sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Elle considère enfin que la garantie de son assureur est due, ce dernier ne pouvant lui opposer l'exclusion de garantie relative aux branchements électriques puisqu'elle ne les a pas réalisés. Elle ajoute que le contrat a été spécifiquement souscrit pour couvrir les contrats de sous-traitance d'installation de panneaux photovoltaïques conclus avec la société Ineo Est, or il n'exclut pas le fait d'utiliser un produit qui est en partie constitué de composants électriques, et l'assureur n'a pas attiré son attention sur le fait que les câbles d'alimentation reliant les panneaux entre eux ne seraient pas couverts par sa garantie. Elle invoque en outre la nullité de la clause d'exclusion qui n'a pas été acceptée par elle, en ce qu'elle a pour effet de vider le contrat de sa substance. Elle soutient enfin que la société Axa ayant pris la direction du procès dans le cadre de la procédure en référé expertise, en toute connaissance de cause et sans aucune réserve, ne peut plus, en application de l'article L.113-17 du code des assurances, lui opposer d'exclusion de garantie.

*

Par conclusions transmises par voie électronique le 31 mai 2021, la société Axa France IARD conclut au rejet de l'appel principal, à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté toutes les demandes des époux [N] Dit [G] au motif que la cause de l'incendie n'est pas déterminée ;

En tout état de cause, elle demande à la cour de :

- exonérer la société Atout toiture de toute responsabilité, ce qui ôte tout objet et tout fondement à la demande contre son assureur ;

En conséquence, de rejeter toutes demandes présentées contre Axa France, assureur de la société Atout toiture, qu'elles émanent des époux [N] Dit [G], de leur assureur ACM, ou encore subsidiairement d'Ineo Est et de ses assureurs SMA SA et XL Insurance company SE ;

A titre subsidiaire,

- rejeter l'appel incident subsidiaire de la société Ineo Est et déclarer Axa France fondée à lui opposer une non-garantie, les activités électriques étant exclues de la couverture d'assurance,

- débouter la société Ineo Est de son appel en garantie à l'encontre de la SA Axa France IARD,

- rejeter l'appel incident subsidiaire de la société XL Insurance company SE, la débouter de son appel en garantie à l'encontre de la SA Axa France IARD, et de même ceux d'Ineo Industrie et Tertiaire Est et de la SMA SA ;

Très subsidiairement,

- déclarer irrecevable le recours subrogatoire de la société ACM qui n'était pas contractuellement tenue de garantir le sinistre,

- rejeter purement et simplement toutes les demandes de la société confirmant pour ce motif éventuellement substitué à celui adopté par le premier juge, la décision de première instance ;

- rejeter en tout état de cause purement et simplement les demandes des époux [N] Dit [G] et d'ACM IARD, les montants réclamés n'étant pas justifiés.

Encore plus subsidiairement

- limiter toute éventuelle condamnation contre Axa France en tenant compte des limites du contrat et notamment des franchises opposables à tous, assurée et tiers.

Plus généralement, rejeter toute demande, moyen ou fins contraires et condamner tout succombant à verser à Axa France une indemnité de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.

Elle rappelle que la société Atout toiture n'étant liée contractuellement qu'à la société Ineo Est dont elle était le sous-traitant, elle ne peut être assujettie aux dispositions de l'article 1792 du code civil, sa responsabilité ne pouvant être recherchée que pour faute prouvée.

Elle prétend qu'il y a une incertitude sur le point de départ du sinistre, les témoignages n'étant pas concordants avec les photographies des dégâts provoqués par l'incendie, et que l'analyse de l'expert et du sapiteur demeure purement théorique en ce qu'elle repose sur une série d'hypothèses qui ne sont étayées par aucun constat matériel, un tel constat étant devenu impossible du fait de la destruction consécutive à l'incendie. Elle privilégie l'hypothèse selon laquelle le feu était sous-jacent dans la toiture et généralisé à l'intérieur du volume des combles avant d'éclore vers l'extérieur, et estime, dans ces conditions, qu'il est impossible d'exclure que l'incendie puisse trouver sa cause ailleurs que dans l'installation des panneaux photovoltaïques.

En tout état de cause, elle considère qu'aucun lien n'est démontré entre le sinistre et les travaux de la société Atout toiture qui n'était pas chargée de l'installation électrique, la seule prestation électrique qu'elle ait fournie ayant consisté à connecter les câbles entre eux, c'est à dire à mettre une fiche dans une prise, alors que le matériel avait été fourni et le cheminement des câbles déterminé par la société Ineo Est. Elle relève que selon le sapiteur le sinistre trouverait son origine dans la dégradation de la gaine isolante d'un conducteur et donc dans le matériel fourni par la société Ineo Est.

Subsidiairement, elle conteste devoir sa garantie puisque seule est garantie la pose des panneaux photovoltaïques, à l'exclusion de tout branchement électrique.

Elle considère que la discussion sur l'absence de signature des conditions particulières est sans emport puisque la société Atout toiture ne conteste pas avoir sollicité une extension de la garantie pour les travaux de pose de panneaux photovoltaïques dans le cadre de dix chantiers avec la société Ineo Est, alors que la police précédente ne couvrait que les travaux de toiture. Enfin, elle indique qu'il ne s'agit pas d'une clause d'exclusion de garantie mais de définition de l'activité couverte, qui n'a pas à répondre aux exigences de l'article L.113-1 du code des assurances. En tout état de cause, la garantie n'est pas vidée de son contenu, puisque la pose des panneaux est garantie.

Elle conteste tout renonciation de sa part à opposer une non-garantie, l'article L.113-17 ne visant ni la nature du risque couvert ni le montant de la garantie.

Enfin, très subsidiairement, elle soutient que la société ACM IARD ne peut agir sur le fondement de la subrogation car elle ne devait pas sa garantie, la police souscrite par les époux [N] Dit [G] excluant les accidents d'ordre électrique, sauf en cas de 'police tous risques sauf', mais dans ce cas la police exclut les dommages relevant de la garantie décennale des constructeurs. Elle discute enfin le quantum de la subrogation et la prétendue application d'une règle proportionnelle.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 5 avril 2022.

MOTIFS

1- Sur les demandes des époux [N] Dit [G] et de la société ACM IARD

1-1 sur les demandes dirigées contre la société Ineo et ses assureurs :

Il n'est pas contesté que l'installation litigieuse, bien qu'exclusivement destinée à la production d'électricité en vue de sa revente, est susceptible de relever de la responsabilité décennale des constructeurs, en ce qu'elle assure, en partie, la fonction de couverture de l'immeuble. L'installation est en effet décrite par l'expert judiciaire et son sapiteur comme constituée de panneaux intégrés dans la toiture reposant sur des rails métalliques fixés sur des plaques 'InterSole' destinées à remplacer les tuiles et à assurer l'étanchéité du toit, elles-mêmes fixées sur les lattes de la charpente.

Selon une jurisprudence désormais constante, les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination.

Il appartient par conséquent aux appelants de démontrer l'existence d'un dommage rendant l'ouvrage impropre à sa destination en lien avec un vice de construction.

En l'espèce, il ressort du témoignage de Mme [D], voisine des époux [N] Dit [G] qui se trouvait dans son jardin au moment du sinistre, qui a été entendue en qualité de sachant au cours des opérations d'expertise, que son attention a été attirée par des scintillements puis des étincelles au niveau de la partie gauche de l'installation photovoltaïque, entre les deux premiers panneaux, ainsi que par un bruit qu'elle qualifiait de 'crépitement', le feu s'étant ensuite rapidement propagé sur les panneaux photovoltaïques de la gauche vers la droite, puis à toute la toiture. Ce témoignage est corroboré par des photographies prises par un autre témoin qui montrent les panneaux en feu.

L'expert, M. [O], souligne que l'hypothèse évoquée par le conseil de la société Axa d'un incendie qui serait né dans le volume des combles et non pas à l'extérieur de la toiture, est contredite par ce témoignage dans la mesure où, si tel avait été le cas, le témoin aurait d'abord constaté un dégagement de fumée à travers les tuiles de la toiture avant l'embrasement des panneaux, or Mme [D], dont les propos sont repris par le sapiteur, a déclaré de manière formelle n'avoir pas vu de fumée autour des panneaux ni sortir des tuiles. En outre, en réponse à un dire, l'expert ajoute pour écarter l'hypothèse d'un feu ayant pris naissance dans les combles, que, contrairement à ce qui est soutenu, le feu ne fait pas que 'monter' et qu'une propagation verticale du feu le long des rampants par un simple phénomène de conduction, les panneaux et leur support étant inflammables, ne peut être écartée.

L'expert réfute également l'affirmation selon laquelle les photographies des dégâts provoqués par l'incendie révéleraient qu'il s'est trouvé contenu dans les limites du volume interne des combles entre le plafond de la salle de bains et le faîte du toit, ce qui expliquerait la destruction des deux versants de la toiture alors que seul le versant Sud était équipé des panneaux solaires, en indiquant qu'un échauffement d'origine électrique sur l'installation photovoltaïque peut, compte tenu de la réaction au feu des matériaux environnants, et notamment du caractère facilement inflammable du matériau InterSole constaté lors d'un essai de mise à feu d'un échantillon, avoir les conséquences constatées.

L'expert, qui a procédé par ailleurs à des investigations dans les combles de la maison, au niveau des décombres et déblais ainsi qu'au niveau des équipements et installations électriques, a notamment examiné le groupe de ventilation retrouvé dans les décombres, ainsi que les installations électriques cheminant dans les combles. Il n'a relevé aucune trace d'échauffement d'origine électrique sur le moteur de la ventilation mécanique contrôlée, ni aucune anomalie des installations électriques.

Il a ainsi conclu, sans ambiguïté, en page 16 de son rapport, que 'l'incendie trouve son origine dans un dysfonctionnement d'origine électrique qui a affecté l'installation photovoltaïque', et en page 25 que l'incendie 'a pour cause un dysfonctionnement sur un conducteur électrique reliant entre eux les panneaux de l'installation photovoltaïque'.

Cette analyse est confirmée par M. [P], sapiteur, qui précise que les constatations de Mme [D] sont typiques d'un amorçage entre un conducteur électrique parcouru par un courant continu et le châssis d'un panneau photovoltaïque. Il ajoute que l'hypothèse la plus probable est celle d'une détérioration de la gaine isolante d'un conducteur électrique reliant les panneaux solaires entre eux, l'âme du conducteur ayant touché le châssis d'un panneau photovoltaïque qui est relié à la terre ce qui a provoqué un amorçage entre le conducteur électrique et le châssis, cette dégradation pouvant provenir soit du fait que la gaine isolante a été blessée lors du montage des panneaux, soit du fait que le conducteur a été coincé sous l'InterSole et sous l'effet de la chaleur sa gaine a perdu ses propriétés, soit enfin du fait que les conducteurs n'ont pas été fixés à la structure et ont subi des frottements sous l'effet du vent ou du passage du courant.

Il s'évince de l'ensemble de ces constatations que, selon les experts, il est certain que l'incendie a pris naissance au niveau des panneaux photovoltaïques, et qu'il a pour origine un dysfonctionnement électrique.

Si l'origine exacte de ce dysfonctionnement n'a pu être déterminée avec certitude, il n'en demeure pas moins que le dommage trouve son origine dans un vice affectant les panneaux photovoltaïques, étant au surplus observé que les différentes hypothèses émises par M. [P] comme pouvant expliquer une dégradation des conducteurs à l'origine du sinistre se rapportent toutes à la mise en oeuvre desdits panneaux.

Ce vice est d'une gravité telle qu'il rend l'immeuble impropre à sa destination puisqu'il a conduit à sa destruction partielle compromettant ainsi la sécurité de ses occupants.

Les époux [N] Dit [G] et leur assureur sont donc fondés à rechercher la responsabilité de la société Ineo, constructeur en charge de l'installation de ces panneaux, sur le fondement de l'article 1792 du code civil, celle-ci ne pouvant s'exonérer de sa responsabilité de plein droit qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère, ce qu'elle ne fait pas. Elle ne peut notamment pas, à cet égard, se prévaloir d'une éventuelle faute de son sous-traitant.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté la demande en tant que dirigée contre la société Ineo et son assureur décennal, la SAMBTP, venant aux droits de la société Sagena, qui ne conteste pas devoir sa garantie.

Il sera par contre confirmé en ce qu'il a rejeté la demande dirigée contre la société XL insurance company SE, assureur de responsabilité civile de la société Inéo.

1-2 sur les demandes dirigées contre la société Atout toiture et son assureur

La société Atout toiture étant intervenue en qualité de sous-traitant de la société Ineo, n'est pas tenue de la responsabilité décennale envers les époux [N] Dit [G], maîtres de l'ouvrage, qui ne peuvent donc agir contre elle que sur le fondement de la responsabilité délictuelle pour faute prouvée.

Or force est de constater que les époux [N] Dit [G] et leur assureur n'invoquent pas ce fondement mais fondent leur action contre la société Atout toiture sur l'article 1792 du code civil, subsidiairement sur l'article 1134 ancien du même code, et donc sur la responsabilité contractuelle, or aucun contrat ne lie les époux [N] Dit [G], respectivement leurs vendeurs, les époux [R], à cette société.

Le jugement sera donc confirmé en tant qu'il a rejeté la demande des époux [N] Dit [G] et de la société ACM dirigée contre la société Atout toiture et contre son assureur la société Axa.

1-3 sur le préjudice

Il est constant que les époux [N] Dit [G] ont été indemnisés partiellement de leur préjudice par leur assureur multirisques habitation, la société ACM IARD, cette dernière agissant par subrogation dans les droits de ses assurés.

L'expert judiciaire a constaté que les experts d'assurance s'étaient accordés pour évaluer le dommage à :

- valeur à neuf TTC : 233 664 euros

- vétusté : 31 489 euros

- valeur d'usage : 202 175 euros

L'article L.121-12, alinéa 1er du code des assurances dispose que 'l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.'

S'agissant d'une subrogation légale et non d'une subrogation conventionnelle, il appartient à l'assureur de justifier du paiement de l'indemnité, peu important que les quittances ne portent pas mention de ladite subrogation qui s'opère par le seul effet de la loi.

C'est à tort que la société Axa France IARD soutient que la société ACM ne devait pas sa garantie. En effet, si l'article 17 c) des conditions générales de la police souscrite par les époux [N] Dit [G] prévoit que sont exclus de la garantie 'incendie' les accidents d'ordre électrique, tels qu'ils sont définis à l'article 18, 'sauf lorsque vous avez opté pour cette garantie', cette exclusion n'a pas vocation

à s'appliquer en l'espèce, puisqu'il ressort des conditions particulières du contrat 'Privilège habitat' que la garantie 'accidents d'ordre électrique' a été souscrite par les appelants.

Le recours subrogatoire de la société ACM est donc recevable.

La société ACM demande paiement d'une somme totale de 212 465,79 euros se décomposant comme suit, après application de la règle proportionnelle de prime, :

- 175 028 euros au titre de l'indemnité immédiate dont 121 229,59 euros et un acompte de 20 000 euros versés directement entre les mains des assurés, le solde ayant été payé respectivement au cabinet Galtier, expert des assurés, et aux sociétés Polytech et Masterclean au titre d'une délégation de paiement ;

- 17 673,93 euros au titre de l'indemnité différée bâtiment ;

- 17 611,04 euros au titre des frais de déblais, démolition, maîtrise d'oeuvre et honoraires d'experts ;

- 1 252,82 euros au titre de l'indemnité différée mobilier (lave-linge et sèche-linge).

Il est justifié de ces différents montants, à l'exception de la somme de 1 252,82 euros pour laquelle est seulement produit un courrier de l'assureur et non une quittance, et des paiements faits entre les mains du cabinet Galtier et des sociétés Polytech et Masterclean au titre d'une délégation de paiement. Les paiements faits sur délégation ne peuvent toutefois être sérieusement remis en cause puisqu'ils ont été validés par les assurés qui ont signé la quittance au titre du solde de l'indemnité leur revenant après déductions de ces paiements. De même, le règlement de l'indemnité due pour le lave-linge et le sèche-linge n'est pas contesté par les époux [N] Dit [G] qui ne l'incluent pas dans leur propre réclamation. Par voie de conséquence, la créance de la société ACM s'établit donc à la somme de totale de 212 465,79 euros.

La demande de la société ACM sera donc accueillie à concurrence de ce montant.

La demande des époux [N] Dit [G] au titre du différentiel entre le montant de l'indemnité valeur à neuf devant leur revenir et celui effectivement perçu de leur assureur sera également accueillie, quand bien même les motifs pour lesquels a été appliquée la règle proportionnelle de prime ne sont pas explicités, les appelants étant en effet fondés à demander la réparation intégrale de leur préjudice au tiers responsable et à son assureur, étant au surplus observé, en tout état de cause, que si la société ACM n'avait pas appliqué cette réduction, elle aurait alors été subrogée dans les droits de ses assurés pour le surplus de l'indemnité versée.

Il sera donc alloué aux époux [N] Dit [G] la somme de 21 273,21 euros correspondant au différentiel d'indemnité et à la franchise contractuelle qui n'est pas discutée, soit 21 198,21 + 75 euros.

En revanche, la demande sera rejetée en tant qu'elle porte sur la somme de 8 000 euros correspondant 'au restant de l'installation photovoltaïque non détruite lors du sinistre mais non utilisable du fait de l'incendie', qui n'est pas autrement explicitée, aucun justificatif n'étant produit à cet égard, alors qu'il n'est par ailleurs pas démontré que l'indemnité allouée n'inclurait pas le remplacement de la partie de l'installation détruite dans l'incendie.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en tant qu'il a rejeté les demandes des appelants contre la société Ineo et la SMABTP, et ils sera fait droit aux demandes respectives des époux [N] Dit [G] et de la société ACM IARD à concurrence des montants ci-dessus, qui porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt. Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts échus pour une année entière dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.

2- Sur l'appel en garantie de la société Ineo industrie et tertiaire Est et de la SMABTP

2-2 sur la responsabilité de la société Atout toiture

La société Atout toiture qui est intervenue pour la pose des panneaux litigieux en qualité de sous-traitante de la société Ineo est tenue à son égard d'une obligation de résultat d'exécuter des travaux exempt de vices.

Dès lors, qu'il est établi que le sinistre a pour cause, selon l'expert, un dysfonctionnement sur un conducteur électrique reliant entre eux les panneaux de l'installation photovoltaïque, et trouve donc son origine dans la prestation de pose réalisée par la société Atout toiture, la responsabilité de cette dernière est engagée sur le fondement de l'article 1147, ancien du code civil, sauf pour celle-ci à rapporter la preuve d'une cause étrangère ou d'une faute de son donneur d'ordre.

C'est de manière inopérante qu'elle invoque le fait que l'expert n'a pu déterminer précisément la nature du vice de construction, dès lors que les trois hypothèses émises par M. [P] ci-dessus rappelées concernent toute la prestation de pose, les explications fournies quant au caractère invraisemblable de certaines de ces hypothèses n'étant étayées par aucun élément probant.

De même, c'est tout aussi vainement que la société Atout toiture évoque l'éventualité d'un vice des matériaux fournis par la société Ineo, et reproche à l'expert de n'avoir pas examiné cette hypothèse, alors que le fabricant des panneaux, la société Silken France, avait été appelé aux opérations d'expertise, que les panneaux avaient été examinés en présence d'un expert de cette société, et que ni la société Atout toiture qui était assistée de son propre expert, ni aucune des parties n'ont demandé à l'expert de procéder à des investigations concernant un éventuel vice desdits panneaux.

La société Atout toiture affirme, en outre, sans l'établir, que les travaux auraient été réalisés sous le contrôle de la société Ineo qui aurait défini le positionnement des câbles existants sous les panneaux et les branchements électriques entre les panneaux. Cette affirmation n'est en effet démontrée ni par les éléments recueillis au cours des opérations d'expertise, - rapport de M. [P] page 5/7 - contrairement à ce que soutient la société Axa France IARD, ni par les photographies produites sur lesquelles figurent prétendument des employés de la société Ineo, alors qu'il ressort par contre des spécifications techniques de cette société, et des explications fournies en cours d'expertise, que le sous-traitant était en charge de l'assemblage, de la fixation des éléments sur la toiture et de la connexion électrique des panneaux entre-eux, la société Ineo étant quant à elle en charge, une fois les panneaux installés, du raccordement de l'installation au coffret de courant continu. En outre, si M. [P] a relevé que le branchement du conducteur du dernier panneau à l'onduleur réalisé par la société Ineo n'était pas conforme aux prescriptions du fabricant, il n'a toutefois pas retenu ce défaut de conformité comme étant à l'origine du sinistre.

La société Atout toiture ne peut pas non plus se prévaloir de l'effet exonératoire de la réception sans réserves de l'installation, qui ne joue que dans les rapports entre le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur principal.

En revanche, elle fait valoir, à bon droit, que la société Ineo, professionnel spécialisé dans ce type d'installations, qui a en ce domaine des compétences supérieures à celles de son sous traitant qui n'est pas électricien, a validé implicitement ses travaux puisqu'elle a procédé au branchement et à la mise en fonctionnement de l'installation, sans émettre la moindre réserve quant à la qualité des travaux réalisés par la société Atout toiture, alors même que, dans chacune des hypothèse émises par M. [P], ils auraient été affectés de vices qui ne pouvaient échapper à sa vigilance de professionnel avisé

Ainsi en achevant l'installation et en la mettant en service sans s'assurer de ce qu'elle puisse fonctionner en toute sécurité, la société Ineo a commis une faute distincte de celle de son sous-traitant, qui a contribué pour partie à son propre dommage, justifiant un partage de responsabilité par moitié.

La société Atout toiture sera donc condamnée à garantir la société Ineo et la SMABTP à concurrence de la moitié des condamnations en principal, frais, intérêts et accessoires, prononcées contre elles au profit des époux [N] Dit [G] et de la société ACM IARD.

2-3 sur la garantie de la société AXA France IARD

Il convient de constater que, bien que les conditions particulières produites ne soient pas signées par la société Atout toiture, celle-ci ne conteste pas avoir souscrit le 14 janvier 2010 auprès de la société Axa France IARD une extension de garantie pour les chantiers de pose de panneaux photovoltaïques réalisés en sous-traitance pour la société Ineo. Cette extension de garantie vise la pose de panneaux photovoltaïques intégrés en toiture à l'exclusion de tous branchements électriques, système d'intégration en InterSole marque Ubbink Solar, puissance maximum de chaque installation 50 KWC.

Comme le relève la société Axa, il ne s'agit pas d'une clause d'exclusion de garantie mais d'une clause de définition des conditions de la garantie relatives à l'activité exercée, de sorte que les dispositions de l'article L.113-1 du code des assurances n'ont pas vocation à s'appliquer pas plus que celles de l'article L.113-17 du même code, les clauses définissant les conditions de la garantie ne relevant pas des exceptions visées par ce texte.

En l'espèce, la société Axa n'est pas fondée à opposer cette clause à son assurée ou aux appelantes en garantie, dans la mesure où il ressort du rapport d'expertise d'une part que la société Atout toiture n'a pas procédé au branchement électrique de l'installation, c'est à dire à la connexion des panneaux à l'onduleur et aux coffrets de courant continu, mais seulement au raccordement des panneaux entre eux, et d'autre part que M. [P] n'a pas considéré que le sinistre trouvait son origine dans une déficience d'un branchement mais dans la dégradation de conducteurs lors de la pose.

La société Axa France IARD ne pouvant se prévaloir de cette clause, sa garantie est donc due. Elle sera donc condamnée in solidum avec son assurée à garantir à concurrence de moitié la société Ineo et la SMABTP des condamnations en principal, intérêts, frais et accessoires prononcées contre elles, et sera condamnée à garantir son assurée.

Toutefois, s'agissant d'une garantie facultative, la société Axa peut opposer à son assurée comme aux tiers ses franchises contractuelles.

3- Sur les autres demandes

Le jugement étant pour l'essentiel infirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et frais irrépétibles.

La société Ineo et la SMABTP, qui succombent sur la demande principale, seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel afférents à cette demande, à l'exception de ceux afférents aux demandes des appelants dirigées contre la société XL insurance company SE qui seront supportés par les époux [N] Dit [G] et par la société ACM IARD, in solidum.

La société Ineo et la SMABTP supporteront également les dépens de la procédure de référé expertise, et seront déboutées de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera en revanche alloué, sur ce fondement, aux époux [N] Dit [G], d'une part et à la société ACM, d'autre part une somme de 3 000 euros, chacun, à la charge de la société Ineo et de la SMABTP, et à la société XL insurance company SE une somme de 3 000 euros à la charge des appelants.

Les sociétés Atout toiture et Axa France IARD, d'une part, Ineo et SMABTP d'autre part, et XL insurance company SE, de troisième part supporteront chacune les dépens de leurs propres appels en garantie.

Les autres demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 4 mai 2020, sauf en ce qui a débouté les époux [N] Dit [G] et la société ACM IARD de leurs demandes dirigées contre la société Atout toiture, la société Axa France IARD, et la société XL insurance company SE ;

CONFIRME le jugement entrepris dans cette limite,

Statuant à nouveau pour le surplus et ajoutant au jugement,

DECLARE recevable le recours subrogatoire de la société ACM IARD ;

CONDAMNE la société Ineo industrie et tertiaire Est in solidum avec la SMABTP à payer :

- à la SA ACM IARD la somme de 212 465,79 euros, (deux cent douze mille quatre cent soixante cinq euros soixante dix neuf centimes) outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

- aux époux [B] [N] Dit [G] et [Y] [E] la somme de 21 273,21 euros (vingt et un mille deux cent soixante treize euros et vingt et un centimes), outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts échus pour une année entière dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

DEBOUTE les époux [N] Dit [G] du surplus de leur demande ;

CONDAMNE la SA Axa France IARD et la SARL Atout toiture in solidum à garantir la société Ineo industrie et tertiaire Est et la SMABTP à concurrence de la moitié des condamnations prononcées contre elles en principal, intérêts, frais et accessoires au profit des époux [N] Dit [G] et de la société ACM IARD ;

DIT que la société Axa France IARD pourra déduire de la condamnation ci-dessus prononcée contre elle les franchises contractuelles ;

CONDAMNE la SA AXA France IARD à garantir la SARL Atout toiture de toute condamnation en principal, intérêts, frais et accessoires mise à sa charge dans le cadre de la présente procédure, sous déduction des franchises contractuelles ;

CONDAMNE la société Ineo industrie et tertiaire Est in solidum avec la SMABTP aux dépens de première instance et d'appel afférents à la demande principale, à l'exception de ceux afférents à la demande dirigée contre la société XL insurance company SE, ainsi qu'aux dépens de la procédure de référé expertise ;

CONDAMNE les époux [B] [N] Dit [G] et [Y] [E] et la SA ACM IARD in solidum aux dépens afférents à leur demande dirigée contre la société XL insurance company SE, ainsi qu'à payer à cette dernière la somme de 3 000 euros (trois mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Ineo industrie et tertiaire Est in solidum avec la SMABTP à payer aux époux [B] [N] Dit [G] et [Y] [E], d'une part et la SA ACM IARD, d'autre part la somme de 3 000 euros (trois mille euros), chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ensemble ;

REJETTE les autres demandes sur ce fondement ;

CONDAMNE les sociétés Atout toiture et Axa France IARD, d'une part, Ineo et SMABTP d'autre part, et XL insurance company SE, à supporter, chacune, les dépens afférents à leurs propres appels en garantie.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/01486
Date de la décision : 20/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-20;20.01486 ?
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