La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/10/2022 | FRANCE | N°21/04501

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 13 octobre 2022, 21/04501


MINUTE N° 437/2022





























Copie exécutoire à



- Me Joëlle LITOU-WOLFF



- Me Claus WIESEL



- Me BRUNNER



- Me CHEVALLIER-GASCHY



Le 13 octobre 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 13 Octobre 2022





Numéro d'inscription au répertoire général

: 2 A N° RG 21/04501 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HWIA



Décision déférée à la cour : 08 Octobre 2021 par le président du tribunal judiciaire de STRASBOURG.





APPELANTE :



La S.C.I. CDMF

ayant son siège social [Adresse 3]



représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à l...

MINUTE N° 437/2022

Copie exécutoire à

- Me Joëlle LITOU-WOLFF

- Me Claus WIESEL

- Me BRUNNER

- Me CHEVALLIER-GASCHY

Le 13 octobre 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 13 Octobre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/04501 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HWIA

Décision déférée à la cour : 08 Octobre 2021 par le président du tribunal judiciaire de STRASBOURG.

APPELANTE :

La S.C.I. CDMF

ayant son siège social [Adresse 3]

représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la cour.

Plaidant : Me Jean WEYL, avocat à Strasbourg

INTIMÉES :

1/ La SCCV VILLA MARIE THERESE, Société Civile de Construction Vente, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 4]

1/ représentée par Me Noémie BRUNNER, avocat à la cour.

2/ La S.A.S. ARCHICUB, prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 2]

INTIMÉE et mise en cause sur appel provoqué :

3/ La CAISSE D'ASSURANCE MUTUELLE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS - CAMBTP, prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 1]

2 et 3/ représentées par Me Claus WIESEL, avocat à la cour.

Plaidant : Me HAHN, avocat à Strasbourg.

INTIMÉE et appelante sur appel provoqué :

4/ La S.A.S. TECHNICHAUFFE, représentée par son représentant légal,

ayant siège social : [Adresse 5]

4/ représentée par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Mai 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 8 septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Par acte du 29 juin 2020, la SCI CDMF a acquis auprès des époux [T] un bien immobilier qui avait été vendu à ces derniers par la SCCV Villa Marie-Thérèse, dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement.

Par actes délivrés en mai 2021, enregistrés sous le n°RG 21/481, la SCI CDMF a fait assigner la SCCV Villa Marie-Thérèse, vendeur d'origine, la SA Archicub en sa qualité de maître d''uvre, ainsi que la société Technichauffe, entreprise chargée de l'installation de chauffage initial, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg aux fins d'expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, pour déterminer l'existence et la cause des désordres, malfaçons et non-conformités affectant le système de chauffage de l'immeuble, qui ne lui permettraient pas d'atteindre des températures satisfaisantes, et pour chiffrer les travaux de réfection nécessaires.

Par assignation délivrée le 19 août 2021, la société Technichauffe a mis en cause la compagnie d'assurance CAMBTP, cette procédure ayant été enregistrée sous le n°RG 21/761.

Par ordonnance du 8 octobre 2021, le juge des référés a notamment ordonné la jonction des instances enrôlées sous les n°RG 21/761 et RG 21/481 sous ce dernier numéro.

Il a dit n'y avoir lieu, en l'état, à expertise judiciaire et n'y avoir lieu à statuer sur l'appel en garantie de la CAMBTP par la société Technichauffe.

Il a condamné la SCI CDMF aux dépens de la procédure principale et la société Technichauffe aux dépens de l'appel en intervention forcée de la CAMBTP, et condamné la SCI CDMF à payer à la société Archicub la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, rejetant tous les autres chefs de demande des parties.

Le premier juge a relevé que les éléments de preuve produits par la SCI CDMF démontraient l'absence d'isolation entre les plafonds intérieurs et extérieurs et la non continuité des gaines situées dans le faux plafond de l'appartement, mais non la déficience prétendue du système de chauffage à l'origine de la demande d'expertise.

La demanderesse ne produisant aucun élément démontrant la probabilité selon laquelle le système de chauffage conçu pour l'appartement, sur lequel la pompe à chaleur installée et mise en 'uvre avait de surcroît été changée, ne permettait pas d'atteindre des températures satisfaisantes, notamment en hiver, elle ne justifiait pas d'un motif légitime de voir ordonner la mesure d'expertise sollicitée.

Partant, il n'y avait pas lieu à statuer sur l'appel en garantie de la société Technichauffe à l'encontre de la CAMBTP.

La SCI CDMF a interjeté appel de cette décision par déclaration datée du 22 octobre 2021.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 16 mai 2022, elle sollicite l'infirmation de l'ordonnance déférée, à l'exception de ses dispositions relatives à la jonction des deux instances et à l'appel en garantie de la société Technichauffe.

Elle demande que la cour, statuant à nouveau, ordonne une expertise dont elle précise la mission, qu'elle lui donne acte de ce qu'elle-même s'oblige à en faire l'avance des frais et qu'elle condamne solidairement ou in solidum la SCCV Villa Marie-Thérèse, la SA Archicub et la SAS Technichauffe aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel ainsi qu'à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.

Elle sollicite également la condamnation de la société Archicub au paiement d'une indemnité de 750 euros au titre de la procédure de première instance et le rejet de l'intégralité des prétentions des intimées.

Au soutien de sa demande d'expertise judiciaire, la SCI CDMF fait valoir que le système de chauffage de son appartement est atteint de malfaçons depuis l'origine, s'agissant notamment d'un sous-dimensionnement et d'une inétanchéité du réseau de gaines de chauffage en plafond, mais aussi de la présence d'un trou entre la structure de la fenêtre de la terrasse et la dalle en ciment, de la communication sans isolation du faux plafond extérieur de la terrasse et du faux plafond intérieur'

Elle fait valoir que :

- l'article 145 du code de procédure civile exige de démontrer uniquement la probabilité de l'existence de malfaçons susceptibles d'entraîner une insuffisance de chauffage, ce qu'elle fait,

- la SCCV Villa Marie-Thérèse avait accepté l'expertise en première instance et s'y oppose désormais, sa nouvelle position n'étant pas crédible,

- si le dysfonctionnement du système de chauffage originairement mis en 'uvre a déjà entraîné un changement de la pompe à chaleur initialement installée, les autres malfaçons d'origine affectent nécessairement le fonctionnement normal du chauffage, ce que met en évidence le rapport d'expertise privée qu'elle produit désormais, selon lequel de nombreux éléments d'origine, restés sur place, ne sont pas conformes aux règles de l'art, et des travaux confortatifs ou modificatifs sont à prévoir,

- quatre expertises ont déjà été réalisées au sein de la copropriété, ce qui démontre que des désordres affectent le système de chauffage installé dans les différents appartements de l'immeuble.

- elle justifie d'éléments suffisants pour que l'expertise soit ordonnée et il appartiendra au juge du fond de statuer au vu des conclusions de l'expert.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 17 mai 2022, la SCCV Villa Marie-Thérèse sollicite le rejet de l'appel de la SCI CDMF et de toutes ses demandes, la confirmation de l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions et la condamnation de l'appelante aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCCV Villa Marie-Thérèse conteste l'intérêt légitime de l'appelante à voir ordonner l'expertise sollicitée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, dans la mesure où l'installation de chauffage sur laquelle elle sollicite cette expertise n'est pas celle mise en place lors de la construction de l'immeuble qu'elle a vendu aux époux [T], ces derniers l'ayant remplacée par une pompe à chaleur air/air d'une capacité supérieure à l'installation existante, en puissance et en débit, avant de revendre l'appartement à la SCI CDMF.

De plus, il n'est pas démontré en quoi l'installation initiale aurait été défectueuse, le rapport d'expertise privée portant sur la nouvelle installation.

Par ailleurs, elle qualifie de très générales les allégations de la SCI CDMF relatives à des malfaçons et désordres concernant notamment un espace entre la structure de la fenêtre de la terrasse et la dalle en ciment, la présence discontinue d'une mousse isolante, la communication entre le faux plafond de la terrasse et celui de l'appartement, la circonstance que les plaques constituant le faux plafond sont reliées entre elles par des vis. Elle ajoute que ces allégations n'établissent pas que de l'air froid de l'extérieur pénètre dans l'appartement, contrairement à ce que prétend la SCI CDMF, et que l'expertise sollicitée serait utile.

Elle conteste également que l'intérêt légitime de la SCI CDMF à faire ordonner la mesure d'expertise sollicitée soit justifié par les remarques émises dans le rapport d'expertise privée, qu'elle conteste fermement, concernant l'installation de chauffage initiale, ces remarques ayant été faites alors que l'auteur du rapport n'a pas observé directement l'ancien système de chauffage.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 18 mai 2022, la société Technichauffe sollicite, à titre principal, la confirmation de l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté les demandes formées à son encontre et son infirmation en ce qu'elle a rejeté son appel en garantie à l'encontre de la CAMBTP et ses autres demandes, et en ce qu'elle l'a condamnée aux dépens de l'intervention forcée de son assureur.

Elle demande que la cour, statuant à nouveau, juge que l'intervention forcée devient sans objet en raison du rejet de la demande principale, de sorte que le succombant est la SCI CDMF, et qu'elle condamne cette dernière à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel, ainsi qu'à prendre en charge les dépens de la procédure principale et de la procédure d'intervention forcée, en première instance et en appel.

A titre subsidiaire, si la demande d'expertise judiciaire était accueillie, formant appel incident, elle sollicite :

- qu'il soit jugé qu'elle est condamnée à participer à la procédure d'expertise qu'elle conteste à son égard, tous droits et moyens habituels réservés, sans aucune reconnaissance de responsabilité d'aucune sorte,

- que cette expertise soit confiée à un expert autre que Messieurs [S] [W], [I] [Y], [P] [N], [S] [B] et [E] [L], en cas de désignation d'un expert dans la liste des experts agréés par la cour d'appel de Colmar, à la catégorie C. 01. 26.

- que soit ordonnée l'extension de la mission d'expertise en cours à la CAMBTP, son assureur, et qu'il soit jugé que les opérations d'expertise seront effectuées en la présence de cette dernière, en cette qualité,

- que les frais et dépens soient réservés.

Pour s'opposer à la demande d'expertise, la société Technichauffe soutient que :

- la SCI CDMF n'a pas d'intérêt à l'assigner en expertise alors qu'elle a exécuté son marché conformément aux règles de l'art et au contrat, le système de chauffage n'ayant pas fait l'objet de réserves à la réception et ayant fonctionné pendant cinq ans, sans aucune contestation portée à sa connaissance,

- si certains copropriétaires ont contesté le système de chauffage mis en place, ils l'ont fait avant d'intervenir dessus et l'existence de procédures antérieures n'est pas significatif, car d'autres copropriétaires n'ont jamais dénoncé aucun désordre et notamment les consorts [T]-[Z], auprès de qui l'appelante a acquis l'appartement,

- lors de la réalisation du diagnostic énergétique du 24 juin 2019, il n'a été émis aucune remarque sur le fonctionnement du système de chauffage,

- le système de chauffage ayant été modifié, celui qu'elle a installé n'existe donc plus et ne peut plus être expertisé ; de plus, l'appelante conteste le fonctionnement de l'ancien système, qu'elle n'a pas connu ;

- l'attestation de l'installateur du nouveau système de chauffage n'est ni objective, ni contradictoire, et n'a aucune valeur probante, d'autant plus qu'il a accepté d'adapter son propre système à l'ouvrage initial.

Concernant les dépens de l'intervention forcée, la société Technichauffe explique avoir sollicité l'extension de l'expertise à son assureur, car les désordres allégués étaient de nature décennale et elle souligne qu'elle n'a pas succombé dans sa demande, qui, subséquente à la demande principale, est donc devenue sans objet en raison du rejet de celle-ci. Le succombant est uniquement la SCI CDMF.

A titre subsidiaire, s'il était fait droit à la demande d'expertise, la société Technichauffe soutient qu'elle a exécuté son marché conformément aux règles de l'art et au contrat, qu'elle n'a été qu'exécutante sous les instructions, le pilotage et le contrôle du maître d''uvre et du fabricant, qu'elle n'a pas mis en route le système de chauffage et n'a pas été titulaire du contrat de maintenance, et enfin qu'elle conteste toute responsabilité.

Elle demande que l'expert nommé ne soit pas un de ceux déjà intervenus dans les quatre procédures d'expertise engagées au sein de la copropriété mais qu'il soit spécialiste en génie thermique.

Sur la mission de l'expert, elle souligne que seul le juge dira le droit et, sur l'extension de l'expertise à son assureur, elle indique justifier de sa police d'assurance couvrant sa responsabilité civile professionnelle et ses responsabilités « post-réception » dont la décennale, notamment pour l'activité en cause. Elle précise avoir déclaré ce sinistre auprès de son assureur qu'elle est légitime à mettre en cause.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 7 janvier 2022, la Compagnie d'assurance CAMBTP sollicite la confirmation de l'ordonnance déférée et le rejet de l'ensemble des demandes de la SCI CDMF, ainsi que la condamnation de cette dernière aux entiers frais et dépens et à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, elle demande qu'il lui soit donné acte de sa participation aux opérations d'expertise, sans aucune reconnaissance de responsabilité et de garantie.

Elle soutient que :

- l'appelante ne rapporte la preuve d'aucun motif légitime de voir ordonner l'expertise sollicitée sur le chauffage en place, dont le dysfonctionnement n'est pas établi,

- à supposer qu'il existe une défaillance du système de chauffage, son imputabilité à la société Technichauffe n'est pas prouvée, celle-ci n'étant jamais intervenue dans l'installation du système de pompe à chaleur effectuée en 2019,

- le système de chauffage, tel que la société Technichauffe l'a installé, n'existe plus et ne peut donc faire l'objet d'une expertise judiciaire, et il appartient à la SCI CDMF de se retourner contre l'entreprise ayant installé la pompe à chaleur, laquelle, en intervenant, a nécessairement accepté le support, étant devenu seule responsable de l'installation en place, alors qu'elle n'a pas été assignée.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 22 décembre 2021, la société Archicub sollicite la confirmation de l'ordonnance déférée et le rejet de l'appel de la SCI CDMF ainsi que de l'ensemble de ses demandes et sa condamnation aux entiers frais et dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Archicub soutient également qu'aucun élément du dossier n'apporte le moindre commencement de preuve de la défaillance du système de chauffage, qu'elle n'est pas intervenue dans l'installation de la pompe à chaleur par la société Thermi Expert en 2019 et qu'aucun élément ne permet donc de lui imputer la défaillance de ce système de chauffage. Or, si elle est intervenue en qualité de maître d''uvre lors de la construction de l'immeuble, sa responsabilité de constructeur ne peut être présumée que si le dommage peut être rattaché à son intervention, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Il appartient donc à la SCI CDMF de se retourner contre son propre vendeur et contre l'entreprise Thermi Expert, qui, à défaut de réserve émise sur le support, l'a nécessairement accepté et est dès lors devenue seule responsable de l'installation en place.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

Par ordonnance du 15 novembre 2021, la présidente de la chambre a fixé d'office l'affaire à l'audience de plaidoirie du 19 mai 2022, en application de l'article 905 du code de procédure civile.

MOTIFS

L'article 145 du code de procédure civile énonce que, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

De plus, selon l'article 146, alinéa 2, en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

A l'appui de sa demande d'expertise, la SCI CDMF produit un document intitulé « ATTESTATION », émis le 6 avril 2021 par la société Thermiexpert, qui indique lui avoir installé « une PAC AIR/AIR en remplacement d'une ancienne installation de marque HORA qui ne fonctionnait plus » et ajoute « À ce jour, nous nous sommes raccordés sur le réseau de gaines existants en plafond mais sous-dimensionné et non étanche selon les zones. Nous ne pouvons garantir le fonctionnement de notre installation tant que le réseau de gaines actuel ne sera pas adapté. »

Elle verse également aux débats un constat d'huissier de justice du 14 mai 2021 et un rapport d'expertise privée non contradictoire établi le 15 novembre 2021 par M. [L].

Le constat d'huissier mentionne :

- la présence d'un trou entre la structure de la fenêtre de la terrasse et la dalle en ciment constituant le mur, la mousse isolante ne comblant pas l'espace en continu,

- une communication du faux plafond extérieur de la terrasse et du faux plafond intérieur de l'appartement, sans être isolés,

- que les plaques constituant le faux plafond sont reliées entre elles par des vis fixées à l'intérieur du faux plafond,

- l'absence de gaine constatée dans le salon par l'ouverture prévue pour un spot lumineux,

- le non fonctionnement d'un volet électrique par la télécommande tactile.

Or, il apparaît que l'essentiel de ces constatations n'est pas susceptible de concerner le système de chauffage installé initialement par la société Technichauffe, mais plutôt l'isolation et l'installation électrique de l'appartement, alors que les griefs de l'appelante portent uniquement sur cette installation de chauffage initiale. Les constatations faites par l'ouverture du faux plafond dans le salon ne sont nullement significatives, l'expert privé n'en ayant tiré aucune observation, n'ayant évoqué qu'une inétanchéité entre les plénums des faux-plafonds et l'extérieur, que rien ne permet d'imputer à l'installateur du chauffage initial.

Le rapport d'expertise privée indique quant à lui que les anciens propriétaires de l'appartement, les époux [T], ont fait remplacer en 2018 l'ancien système de pompe à chaleur (PAC) Hora, après avoir constaté sa défaillance, par une nouvelle pompe à chaleur « de type air/air en split de capacité supérieure (puissance et débit de soufflage) par la société Thermiexpert », dont l'unité gainable a été raccordée aux gaines de soufflage existantes, diffusant vers les diverses pièces de l'appartement.

Il conclut que « la problématique du chauffage ne peut être résolue que par :

- des investigations complémentaires allant jusqu'à des sondages destructifs des faux-plafonds pour s'assurer de la position, de l'état, de la section, et de la continuité des gaines,

- le contrôle du cloisonnement des pièces et de la montée des cloisons séparatives jusqu'à la dalle haute, leur étanchéité et l'étanchéité au passage des gaines,

- le contrôle des rebouchages des réservations au droit des volets roulants,

- la vérification du débit soufflé par la nouvelle machine et la vitesse de sortie de l'air à la lèvre de diffusion d'air,

- le contrôle des débits d'air et des gainages de la VMC. »

Il conclut qu'une expertise approfondie s'impose avant de statuer sur les travaux confortatifs et/ou modificatifs à préconiser.

Affirmant que le système de distribution et de diffusion d'air est le principal défaut du système Hora installé à la construction, la surface développée par la lèvre de diffusion périphérique étant telle que les vitesses de soufflage engendrées sont très faibles, alors que la nouvelle PAC est correctement dimensionnée, il considère comme acquis que le système de chauffage est insuffisant.

Cependant, aucun relevé de température n'a été effectué et aucun élément ne permet de démontrer une insuffisance de chauffe, hormis les affirmations nullement étayées de cet expert privé, qui ne se fonde que sur une appréciation théorique, par calcul, de l'installation de chauffage initiale, dont le système de diffusion d'air aurait été conservé. Or, l'existence de l'insuffisance de chauffe est essentielle pour justifier une décision d'expertise en vue d'un éventuel litige avec l'installateur d'un système de chauffage mis en cause pour son incapacité à assurer le chauffage de l'immeuble.

De plus, l'installation de chauffage a été modifiée et n'est plus conforme à celle installée initialement.

Enfin, si l'expert privé affirme que la nouvelle PAC est correctement dimensionnée et s'il ne met nullement en cause le nouveau système air/air installé, avec une unité extérieure et une unité intérieure de type gainable de débit variable, rien ne permet pourtant de s'assurer de l'efficacité de ce système actuel et de ce qu'il n'est nullement en cause dans les difficultés invoquées.

Or, il ne paraît pas possible d'ordonner l'expertise d'un système de chauffage qui, pour l'essentiel, a été remplacé, sans la présence à la procédure de l'installateur du système actuel, étant souligné que ce dernier n'a émis aucune réserve lors de la mise en place de cette nouvelle installation, ce dont il résulte qu'il a accepté le réseau de gaines existant, dont il était en mesure d'apprécier, en sa qualité de professionnel, le caractère « sous-dimensionné et non étanche selon les zones » qu'il évoque désormais, dans son attestation établie trois ans après la réalisation de cette nouvelle installation.

Pour ces motifs, la demande d'expertise du système de chauffage installé par la société Technichauffe dans l'immeuble acquis par la SCI CDMF n'apparaît pas fondée et c'est par une juste appréciation des éléments de la cause que le premier juge l'a rejetée. L'ordonnance déférée doit donc être confirmée sur ce chef.

Elle doit également l'être en sa disposition par laquelle le juge saisi a dit n'y avoir lieu à statuer sur l'appel en garantie de la CAMBTP par la société Technichauffe. Mais cette disposition sera complétée en ce qu'il sera précisé « car cet appel en garantie est sans objet ».

II - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

L'ordonnance déférée étant confirmée en ses dispositions principales, elle le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais non compris dans les dépens engagés à l'occasion de la première instance, y compris en ce qu'elle a mis à la charge de la société Technichauffe les dépens de son appel en intervention forcée de la CAMBTP.

Cependant, la SCI CDMF, dont l'appel est rejeté, assumera la totalité des dépens de l'appel, y compris ceux de l'appel en garantie de la société Technichauffe à l'encontre de son assureur, et elle réglera la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à chacune des intimées, incluant la CAMBTP, appelée en garantie, au titre des frais non compris dans les dépens que ces dernières ont engagés en appel. Sa propre demande présentée sur le même fondement sera en revanche rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 8 octobre 2021 entre les parties par le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg,

COMPLÈTE comme suit la disposition de ladite ordonnance relative à l'appel en garantie de la compagnie d'assurances CAMBTP par son assurée :

« DISONS n'y avoir lieu à statuer sur l'appel en garantie de la CAMBTP par la société Technichauffe car cet appel en garantie est sans objet, »

Y ajoutant,

CONDAMNE la SCI CDMF aux dépens d'appel de l'instance principale et de l'intervention forcée de la compagnie d'assurances CAMBTP,

CONDAMNE la SCI CDMF à payer à la SCCV Villa Marie-Thérèse, à la SA Archicub, à la société Technichauffe et à la compagnie d'assurance CAMBTP, chacune la somme de 1 000,00 euros (mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens qu'elles ont engagés en appel,

REJETTE la demande de la SCI CDMF présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens qu'elle a engagés en appel.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/04501
Date de la décision : 13/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-13;21.04501 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award