SA/KG
MINUTE N° 22/781
NOTIFICATION :
Pôle emploi Alsace ( )
Clause exécutoire aux :
- avocats
- délégués syndicaux
- parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
ARRET DU 11 Octobre 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/01889
N° Portalis DBVW-V-B7F-HRY2
Décision déférée à la Cour : 16 Mars 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG
APPELANTE :
FEDERATION DE CHARITE CARITAS ALSACE
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Jean-Pierre GUICHARD, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMEE :
Madame [R] [X]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Luc DORR, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. EL IDRISSI, Conseiller
Mme ARNOUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme THOMAS
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,
- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Mme [R] [X] née le 03 novembre 1965 a été engagée par la société de charité Caritas Alsace à compter du 14 janvier 2013 en qualité de chef de service éducatif statut cadre classe 2 niveau 2 en contre-partie d'un salaire mensuel brut de 3.227,99€. La convention collective applicable est celle des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 .
Elle était affectée à l'établissement SEI (santé éducation insertion) du Ried et avait la responsabilité du site L'escale sis à [Localité 3] et du relais du Ried sis à [Localité 4].
Par courrier en date du 28 janvier 2015, elle a été convoquée à un entretien préalable fixé au 09 février 2015, puis licenciée pour faute grave le 17 février 2015.
Contestant le licenciement, Mme [R] [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Strasbourg d'une requête en date du 10 février 2017 réceptionnée le 13 février 2017.
Suivant jugement en date du 16 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Strasbourg a :
-débouté Caritas Alsace de sa demande au titre de l'incompétence matérielle du Conseil de Prud'Hommes de Strasbourg,
-débouté Mme [R] [X] de sa demande de nullité du licenciement,
-constaté que le directeur de l'association avait pouvoir de licencier Mme [R] [X],
-dit et jugé que le licenciement ne repose ni sur une faute grave, ni sur un cause réelle et sérieuse,
-condamné Caritas Alsace à régler à Mme [R] [X] les sommes suivantes :
*15.185,60€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
*1.518,56€ au titre de l'indemnité de congés payés afférente,
*7.909,16€ au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
*23.000€ au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.
Caritas Alsace a interjeté appel le 08 avril 2021 en ce qu'il a :
-dit et jugé que le licenciement ne repose ni sur une faute grave, ni sur un cause réelle et sérieuse,
-condamné Caritas Alsace à régler à Mme [R] [X] les sommes suivantes :
*15.185,60€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
*1.518,56€ au titre de l'indemnité de congés payés afférente,
*7.909,16€ au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
*23.000€ au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.
Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 08 juin 2021, Caritas Alsace demande de ;
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [R] [X] de sa demande de nullité du licenciement et constaté que le directeur de l'établissement avait pouvoir de la licencier,
-infirmer le jugement pour toutes ses autres dispositions,
-dire et juger mal fondées les demandes de la partie adverse,
-condamner Mme [R] [X] aux entiers frais et dépens ainsi qu'à payer à la partie appelante la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 08 septembre 2021, Mme [R] [X] demande de :
à titre principal
-infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [R] [X] de sa demande de prononcer la nullité du licenciement,
à titre subsidiaire
-confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement ne reposait ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse et alloué à ce titre à Mme [R] [X] la somme de 23.000€ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
en tous les cas
-confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à Mme [R] [X] les montant suivants :
*15.185,60€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
*1.518,56€ au titre de l'indemnité de congés payés afférente,
*7.909,16€ au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
*1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens,
statuant à nouveau :
-dire et juger que le licenciement est nul ou subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
-condamner Caritas Alsace à lui payer la somme de 45.556,80€ à titre de dommages et intérêts ou subsidiairement 23.000€ ,
-indiquer dans la décision que la moyenne des trois derniers mois de salaire est de 3.796,40€,
-condamner Caritas Alsace à lui régler 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens,
-débouter Caritas Alsace de l'ensemble de ses demandes.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 05 janvier 2022.
Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
1°) Sur la nullité du licenciement
L'article L1132-3-3 du code du travail, créé par la loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013 énonce que :
Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions.
En cas de litige relatif à l'application du premier alinéa, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si la charge de la preuve d'une discrimination prohibée à raison de la dénonciation de bonne foi d'un délit ou d'un crime dont un salarié a eu connaissance à l'occasion de ces fonctions est partagée, celui-ci devant apporter la matérialité d'éléments de fait, qui pris dans leur ensemble, permettent de présumer une discrimination prohibée, à charge pour l'employeur d'apporter des justifications établissant que ces éléments sont étrangers à toute discrimination, encore faut-il au préalable qu'il y ait eu la relation par le salarié d'un crime ou d'un délit présumé dans l'exercice de ses fonctions.
Si le délit ou le crime dénoncé n'ont pas à être caractérisé ni nécessairement qualifié dès la relation par le salarié à sa hiérarchie de celui-ci ni que la preuve effective de la commission de l'infraction soit rapportée, sous réserve de sa bonne foi, pour que le salarié puisse revendiquer le bénéfice de l'article L1132-3-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, encore faut-il qu'au moment où il se prévaut de ses dispositions il explicite de quel délit ou crime il pourrait ou aurait pu s'agir.
En l'espèce, Mme [R] [X] soutient que suite à son courrier du 25 janvier 2015, elle a été convoquée par courrier en date du 28 janvier 2015 à un entretien préalable fixé au 09 février 2015, puis licenciée pour faute grave le 17 février 2015.
La lettre de licenciement du 17 février 2015 conclut à des « manquements professionnels graves ['] incompatibles avec la poursuite de nos relations contractuelles, même temporaires » et fait état de :
-négligences graves concernant la gestion de l'argent confié pour la mise en 'uvre des missions éducatives,
-omission d'informer votre hiérarchie,
-défaut de loyauté,
-falsification de document.
Selon Mme [R] [X], ce licenciement est nul, car elle a accepté sous la contrainte de payer le montant de la somme dérobée soit 2.337€ et elle a été licenciée en réaction à son courrier en date du 25 janvier 2015 « dérangeant et menaçant » pour Caritas Alsace.
Elle a toujours fermement contesté les faits de négligence et le licenciement a été prononcé en violation de la liberté d'expression.
Ce qui est contesté par Caritas Alsace qui soutient que le licenciement a été prononcé en raison des manquements de la salariée en termes de tenue de compte, d'information de son employeur et de loyauté compte tenu de ses changements de version.
Le courrier dont se prévaut Mme [R] [X] a été adressé le lundi 25 janvier 2015 au directeur de la SEI du Ried ayant pour objet « caisse de l'Escale ». Il porte sur la disparition et le remboursement de la somme de 2.337€ manquant depuis le mois de novembre 2014.
Mme [R] [X] y rappelle avoir informé l'économe de la disparition de cette somme, avoir sollicité un rendez-vous avec le directeur le 5 décembre 2014 pour l'informer et avoir évoqué la possibilité d'un vol effectué dans son bureau.
Le 15 janvier 2015, elle a sollicité un nouveau rendez-vous au cours duquel il lui a été indiqué que la thèse du vol n'était pas retenue, mais plutôt une négligence de sa part. Il lui a été proposé de rembourser cette somme afin d'éviter une procédure de licenciement, ce qu'elle a accepté le 19 janvier 2015. Le 23 janvier 2015, il lui a été demandé de rembourser rapidement la somme manquante et de vérifier le contenu de la caisse avec l'économe. Elle a pris attache avec sa banque le 24 janvier 2015 avec sa banque pour souscrire un prêt et rembourser cette somme étant responsable de la caisse et souhaite porter plainte auprès de la gendarmerie.
Elle fait état du contexte dans lequel a eu lieu cette disparition et note que de nombreux vols ont été remarqués et signalés sur le site de [Localité 3]. Elle ajoute que « nous traversons une période de recrudescence des vols et ceux-constituent par leurs effets délétères (insécurité, suspicions, dénonciation, etc) un réel risque psychosocial pour les salariés ['] Je pense qu'il serait grand temps que d'une part, les gendarmes et la justice puissent se saisir de ces dossiers et que d'autre part, soit engagée une réflexion sur les mesures envisageables pour la prévention du vol.[...] ».
Ainsi, par ce courrier Mme [R] [X] précise dans un premier temps la chronologie afférente à la disparition d'une somme d'argent dans une caisse dont elle assume la gestion et dans un second temps elle avise la direction qu'elle entend déposer plainte et fait état d'un contexte délictuel.
A l'appui des faits dénoncés, Mme [R] [X] ne produit aucun autre élément que son courrier ; étant relevé que depuis fin juillet 2014, la caisse Escale présente un différentiel et que les vols ont été invoqués au mois de décembre 2014.
Par conséquent Mme [R] [X] ne relève pas des dispositions susvisées et le licenciement n'encourt pas la nullité. Le jugement entrepris sera dès lors confirmé sur ce point, les premiers juges ayant rappelé que le directeur avait eu connaissance des faits seulement depuis le 05 décembre 2014.
Par suite, il convient d'examiner les motifs du licenciement.
2°) Sur le licenciement
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il appartient à l'employeur qui invoque la faute grave d'en rapporter la preuve.
En l'espèce la lettre de licenciement du 17 février 2015 concluant à des « manquements professionnels graves ['] incompatibles avec la poursuite de nos relations contractuelles, même temporaires », comportent cinq pages est connue des parties. Pour l'essentiel elle énonce :
-des négligences graves concernant la gestion de l'argent confié pour la mise en 'uvre des missions éducatives,
-l'omission d'informer votre hiérarchie,
-un défaut de loyauté,
-la falsification de document.
*Sur le négligences afférentes à la gestion de l'argent
Selon Caritas Alsace, Mme [R] [X] lui annonce le 05 décembre 2014 un déficit de caisse de 2.337€, qui a l'origine était de 2.900€. Pour expliquer ce différentiel, elle a indiqué avoir retrouvé cette somme sous forme de factures qu'elle avait oubliées de réclamer à une éducatrice. Elle a reconnu ne tenir aucun décompte formalisé par écrit des entrées et sorties d'avance de caisse des sommes allouées.
Le 08 décembre 2014, elle a sollicité un rendez-vous avec le directeur pour l'informer d'importantes disparitions d'argent dans une autre caisse et reconnaît être au courant de ces disparitions régulières depuis deux ans. Une partie du montant de la caisse d'un montant de 145€ a été déposé avec son accord sur le compte de l'association des Amis de la SEI par une aide médico-pédagogique.
Pour l'employeur, Mme [R] [X] n'a assuré aucun contrôle sur ces deux caisses représentant un « outil éducatif ».
Les caisses auxquelles se réfèrent l'employeur étaient destinées par la première à rembourser aux éducateurs les activités du week-end précédent avec un fond de caisse permanent de 800€ et la seconde était alimentée par la contribution des jeunes à hauteur d'un euro par week-end de présence afin de contribuer à l'organisation des sorties exceptionnelles.
Pour justifier de ce grief, l'employeur verse aux débats les attestations circonstanciées de M.[O] (directeur) et M. [V] en sa qualité d'économe et chef de service (pièces 9A-9B-9C).
Ce dernier atteste que le 25 juillet 2014 date à laquelle les caisses sont soldées et vérifiées, Mme [R] [X] l'a informé d'une « petite différence de caisse ». La vérification ne pouvant se faire à distance, la validation de la caisse Escale n'a pu être faite. Ils ont attendu le mois de septembre pour qu'elle puisse revérifier sa caisse, puis octobre. Au mois de novembre 2014 la différence est de 600€ selon Mme [R] [X] correspondant à un avance de camp faite à Mme [P] (aide médico-psychologique). La vérification de la caisse est faite le 02 décembre 2014 et apparaît une différence de 2.337€. Il a conseillé à Mme [R] [X] de rencontrer le directeur. Ce qui a été fait le 05 décembre 2014 en sa présence. Il confirme que cette dernière dit ne tenir aucun décompte et qu'elle exprime à plusieurs reprises avoir honte de sa négligence . Lors d'un second entretien en date du 08 décembre auquel il a également assisté, Mme [R] [X] indique qu'elle a repéré des vols répétés dans la caisse des jeunes de l'Escale géré par les éducateurs, présentant un cahier de compte daté et qu'elle confirme avoir été mise au courant par les éducateurs.
Concernant l'état des comptes de l'escale du Ried fait le 20/02/2015, il a constaté une différence de -2.572,88€ entre les soldes effectifs et les soldes théoriques et transmis un rapport détaillé au directeur (étant observé que ce rapport n'est pas produit aux débats). En rangeant l'armoire forte, il a trouvé de nombreuses factures d'une ou plusieurs années posées en vrac ne présentant aucune annotation, explication ni ventilation comptables.
Mme [P] (aide médico-psychologique) atteste « n'avoir eu ordre d'ouvrir un compte bancaire pour y placer la participation des jeunes de l'Escale du Ried » de sa supérieure Mme [R] [X], cette participation étant conservée dans le coffre du bureau de l'Escale » Elle précise que Mme [R] [X] ne vérifiait jamais les factures et les récapitulatifs avec l'éducateur, se contentant de les emporter remettant le vendredi suivant la somme complétant le fond permanent de 800€ des éducateurs (pièces 10A /10B).
Pour sa part, Mme [R] [X] affirme que la gestion des caisses du Ried et de l'Escale se faisait en binôme avec l'économe M. [V], qu'il était de la responsabilité des éducateurs de tenir un cahier de compte à jour « cahier exacompta » et elle contrôlait la caisse sur la base de ce cahier (factures et tickets de caisse) conformément à la pratique antérieure. Aucune procédure, aucun protocole formalisant les règles en matière de gestion des caisses ne lui ont été communiqués préalablement.
Les premiers juges ont relevé que la caisse des jeunes n'a juridiquement pas lieu d'être et que s'agissant de la caisse réservée aux éducateurs aucune règle de gestion n'a été mise en place avant le 19 janvier 2015 et que la direction avait été avisée le 05 décembre 2015.
Or, le contrat de travail de Mme [R] [X], ainsi que la fiche de poste remise par l'employeur lors de la prise de poste, précise en son article 10 qu'elle s'engage à se conformer aux dispositions prévues au règlement intérieur et de l'établissement et aux instructions tant verbales qu'écrites qui pourront lui être données par la direction ou ses mandataires.
La fiche de poste de Mme [R] [X] chef de service éducatif précise que celui-ci a pour mission principale l'encadrement des équipes et la coordination des actions socio-éducatives, pédagogiques et thérapeutiques. Il est le représentant et le porte-parole des équipes vis-à-vis de la direction. Ses supérieurs hiérarchiques sont le directeur et le directeur adjoint.
Le métier s'exerce en collaboration avec entre autres les assistantes sociales, les autres chefs d'équipe, l'économe, les équipes, les éducateurs.
Au titre de ses responsabilités, il est notamment responsable de la mise en 'uvre permanente des actions éducatives, il est garant du contenu technique des réunions de travail et des formations professionnelles, il est également garant de la bonne gestion des budgets éducatifs, loisirs, vêture et argent de poche des jeunes (en relation avec l'économe).
Au titre de la gestion administrative et financière, (point 7) il doit gérer, répartir et planifier les moyens matériels et budgétaires du service dont il est le responsable ; effectuer le suivi de la gestion administrative des dossiers ; superviser les écrits professionnels ; veiller au respect des règles d'hygiène et de sécurité ; élaborer le rapport annuel d'activité du service.
Au titre de la participation à la dynamique d'évolution du projet d'établissement (point 8), il est noté que le chef de service doit fixer les objectifs de qualité et de progrès pour l'équipe dans le cadre du projet de service, recenser et évaluer les besoins existants et les moyens de mettre en 'uvre, faire des propositions sur les changements à introduire. Quant au point 9 afférent à l'information et communication, il est spécifié que il doit assurer la transmission de constats et d'analyses de dysfonctionnement.
Au regard des attestations présentées par l'employeur, de ses qualifications et de son expérience professionnelle, Mme [R] [X] qui dans une premier temps a reconnu ses défaillances ne peut soutenir que la gestion des caisses ne lui incombait pas. En effet, en tant que chef de service, il lui incombait de gérer, répartir et planifier les moyens matériels et budgétaires du service dont elle est le responsable. Au demeurant ayant connaissance de dysfonctionnements ou de vols, il lui appartenait de mettre en place ou d'aviser le directeur ou le directeur adjoint des difficultés rencontrées sans attendre.
Ce grief est par conséquent établi.
*Sur le défaut d'information de la hiérarchie
Le 5 décembre 2014, Mme [R] [X] a sollicité auprès de son directeur un délai pour refaire les comptes, Caritas Alsace lui reproche un délai de 4 mois et demi pour effectuer les comptes sans qu'elle interpelle la hiérarchie. Selon l'employeur, elle a eu connaissance de disparitions d'argent Depuis le mois de janvier 2013, sans pour autant informer la hiérarchie. Elle a été avisée par les éducateurs dans le cadre des réunions d'équipe de la mauvaise gestion de la caisse et des disparitions d'argent.
Mme [R] [X] rappelle la chronologie des faits et affirme avoir toujours informé l'économe, qui selon elle a manqué à son obligation d'informer immédiatement la hiérarchie.
Cependant, les attestations produites par l'employeur aux débats et reprises ci-dessus ne corroborent pas les affirmations de Mme [R] [X]. En effet, le premier entretien avec le supérieur hiérarchique est au mois de décembre 2014. Dès lors ce grief est établi.
*Sur le défaut de loyauté
Pour justifier de ce grief, l'employeur rappelle que Mme [R] [X] a reconnu lors de l'entretien du 05 décembre 2014 qu'elle savait depuis le mois de juillet 2014 qu'il manquait de l'argent. Elle a informé l'économe le 25 juillet 2014 en lui demandant un délai supplémentaire pour qu'elle puisse le vérifier. Elle a ensuite sollicité un délai supplémentaire au mois d'octobre 2014 et ce n'est que le 07 novembre 2014 qu'elle lui confirme l'existence d'une différence, qui sera établie à la somme de 2.337€ le 02 décembre 2014. Puis, elle change de version le 25 janvier 2015 persuadée qu'il s'agit d'un vol.
Ces versions différentes, le rejet de la responsabilité sur des tiers, affectent la relation contractuelle et établissent une défiance de la part de l'employeur face à une responsable de service éducatif dont la loyauté fait défaut.
Il s'ensuit que ce grief est établi.
*Sur la falsification de document
Le 20 janvier 2015, Mme [R] [X] a ramené une note de frais relative à la formation d'un éducateur de l'Escale, dont la somme et la date ont été modifiées au stylo.
Selon ses explications, l'éducateur ayant perdu la facture, elle a pris l'initiative de « falsifier un autre document ». Il lui avait indiqué qu'il s'était remboursé directement dans la caisse de l'Escale soit 50,90€, elle lui a demandé le remboursement immédiat, comme il avait dépassé le forfait de 18€ et elle a barré la somme figurant sur le ticket de caisse (36€) et a demandé à Mme [H] de suspendre le remboursement.
Pour justifier de ce grief, Caritas Alsace produit la fiche de caisse (pièce n°12), l'attestation de la secrétaire qui indique que « le 22 janvier 2015, Mme [R] [X] falsifie devant moi une facture de restauration dont elle modifie la date et le montant pour demander le remboursement des frais de formation continue de M.[K] ».
M.[K] atteste ne pas avoir mangé au restaurant le 19 décembre 2014 dans la mesure où sa formation se terminait à midi et ne comprend pas pourquoi Mme [R] [X] a utilisé une facture concernant le remboursement d'un repas qu'elle lui avait demandé de prendre avec un jeune le 14 décembre 2014. (13A)
Ce grief, qui n'est pas contesté par la salariée, est en conséquence établi.
***
En conclusions, les griefs présentés par l'employeur sont établis en ce qui concerne la falsification d'une facture, des négligences quant à la gestion, au défaut d'alerte de la hiérarchie, et au manque de loyauté.
Il résulte de ce qui précède que l'ensemble de ces éléments établit l'existence d'une faute ne permettant pas le maintien de contrat de travail et constituant une faute grave, en ce que l'employeur n'est plus en mesure de se fier à une salarié chargée de fonctions d'encadrement et de gestion et tenue d'une obligation de loyauté tant envers l'employeur que les autres salariés.
En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement ne repose pas sur une faute grave et fait application des dispositions de l'article 33 de la convention collective applicable reprises à l'article 15.4 du règlement intérieur.
Les demandes formées par Mme [R] [X] en paiement du salaire de la période de mise à pied conservatoire, des indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et perte des conditions financières ne peuvent donc être accueillies, ce qui conduira à infirmer le jugement entrepris sur ces points.
*Sur les demandes accessoires
Succombant dans le cadre de la présente procédure, Mme [R] [X] sera condamnée aux dépens. Le jugement entrepris sera par ailleurs infirmé en ce qu'il a condamné Caritas Alsace aux frais dépens et au paiement de la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile. A hauteur d'appel les demandes présentées sur ce même fondement par les partis seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire dans les limites de l'appel, par mise à disposition au greffe, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,
Confirme le jugement du 16 mars 2021 en ce qu'il a débouté Mme [R] [X] de sa demande de nullité du licenciement ;
Infirme le jugement entrepris pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Dit que le licenciement de Mme [R] [X] repose sur une faute grave ;
Rejette les demandes indemnitaires présentées à ce titre par Mme [R] [X] ;
Rejette les demandes présentées par les parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [R] [X] aux dépens de la procédure d'appel et de première instance ;
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2022, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.
Le Greffier, Le Président,