SA/KG
MINUTE N° 22/722
NOTIFICATION :
Pôle emploi Alsace ( )
Clause exécutoire aux :
- avocats
- délégués syndicaux
- parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
ARRET DU 11 Octobre 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/01869
N° Portalis DBVW-V-B7F-HRXV
Décision déférée à la Cour : 09 Mars 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE
APPELANTE :
S.A.S. AUCHAN SUPERMARCHE
prise en son établissement sous l'enseigne 'SIMPLY MARKET'
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Valérie SPIESER, avocat à la Cour
INTIME :
Monsieur [J] [G]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour
bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle au taux de 25 % numéro C-68066-2022-00002 du 25/01/2022
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 Juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. EL IDRISSI, Conseiller
Mme ARNOUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme THOMAS
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,
- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
M.[J] [G] né le 28 juin 1993 a été engagé par la SAS Auchan Supermarché à compter du 23 février 2015 en qualité d'employé commercial niveau 2B. La convention collective applicable est celle du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
Le 26 octobre 2017, il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 09 novembre 2017 avec mise à pied à titre conservatoire, puis licencié pour faute grave le 17 novembre 2017.
Contestant son licenciement, M.[J] [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Mulhouse le 26 octobre 2018.
Suivant jugement en date du 09 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Mulhouse a :
-dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
-condamné la SAS Auchan Supermarché à régler à M.[J] [G] les sommes suivantes :
*5.748,05€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*3.284,60€ à titre d'indemnité de préavis,
*328,24€ à titre de congés payés afférents,
*903,25€ à titre d'indemnité de licenciement,
*1.181,96€ au titre de la mise à pied conservatoire,
*118,19€ au titre des congés payés afférents,
*1.200€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SAS Auchan Supermarché a interjeté appel le 07 avril 2021.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 03 décembre 2021, la SAS Auchan Supermarché demande de :
-infirmer le jugement
-dire et juger que le licenciement repose sur une faute grave,
-débouter M.[J] [G] de ses demandes,
-condamner M.[J] [G] à lui verser la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 21 septembre 2021, M.[J] [G] demande de :
-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
-condamner la SAS Auchan Supermarché à lui régler la somme de 2.000€ pour appel abusif,
-condamner la SAS Auchan Supermarché à lui régler la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 mai 2022.
Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la prescription
A hauteur d'appel, M.[J] [G] soutient qu'une partie des griefs qui lui sont reprochés encourt la prescription car aucune sanction n'est intervenue dans le délai de 2 mois. Ce que conteste la SAS Auchan Supermarché, qui pour sa part affirme que le délai de prescription ne peut courir qu'à compter du jour du contrôle.
Aux termes des dispositions de l'article L1332-4 du code travail, « aucun fait fautif ne peut donner à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance à moins que ce fait n'ait donné lieu dans le même délai à des poursuites pénales ».
Il résulte des éléments du dossier que suite à un contrôle « inopiné » en date du 07 octobre 2017, M.[J] [G] a été sanctionné et mis à pied le 26 octobre 2017 pour la durée de la procédure.
Sans conteste, les faits reprochés au salarié résultent du contrôle informatique du 07 octobre 2017 mettant en exergue que la carte de fidélité personnelle du salarié avait été utilisée durant son temps de travail entre le 17 juin 2017 et le 06 octobre 2017.
Dès lors, les faits reprochés n'encourent pas la prescription.
Sur le licenciement
En application des articles L1232-1, L1232-6 et L1235-1 du code du travail, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception, qui doit comporter l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.
Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, et il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.
La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied à titre conservatoire, est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible la poursuite des relations de travail. L'employeur qui entend arguer d'une faute grave supporte exclusivement la charge de prouver celle-ci
La lettre de licenciement en date du 17 novembre 2017 est libellée comme suit :
« Le 7 octobre 2017, dans le cadre d'un contrôle, nous avons été au regret de constater que votre carte de fidélité personnelle avait été utilisée durant votre temps de travail et sur votre propre caisse, pour un montant de 639,59 euros et pour 895 points de fidélité ;
-le 17 juin 2017 à 19h54 pour un montant de 5,37€ et vous avez obtenu 5 points,
-le 20 juin 2017 à 11h37 pour un montant de 33,23€ et vous avez obtenu 15 points,
-le 20 juin 2017 à 12h15 pour un montant de 26,11€ et vous avez obtenu 220 points,
-le 26 juin 2017 à 12h15 pour un montant de 90,05€ et vous avez obtenu 125 points,
-le 04 juillet2017 à 12h17 pour un montant de 71,62€ et vous avez obtenu 135 points,
-le 19 août 2017 à 14h08 pour un montant de 59,81€,
-le 22 août 2017 à 16h31 pour un montant de 20,49€,
-le 02 septembre 2017 à 19h59 pour un montant de 141,42€ et vous avez obtenu 95 points,
-le 15 septembre 2017 à 13h01 pour un montant de 68,39€,
-le 06 octobre 2017 à 11h40 pour un montant de 43,18€ et vous avez obtenu 165 points,
-le 06 octobre 2017 à 14h26 pour un montant de 79,92€ et vous avez obtenu 135 points.
['] Aussi vous vous êtes indûment octroyé une remise d'un montant de 63,96 euros, en plus des 895 points qui vous ont permis de bénéficier d'un indu en tant que client de 6 euros.
Nous vous rappelons l'article 20 du règlement intérieur qui stipule qu' : « il est interdit d'effectuer ses achats personnels pendant son temps de travail ['] Il est interdit de la falsifier ou de l'utiliser de manière frauduleuse. En particulier, il est interdit d'enregistrer sur sa propre carte les achats effectués par des clients et d'augmenter ainsi frauduleusement sa ristourne et ses avantages de quelle que nature qu'ils soient ».
Eu égard à la gravité des faits reprochés, en date du 26 octobre 2017, nous vous avons notifié votre mise à pied à titre conservatoire dans l'attente d'une décision qui sera prise. Votre contrat étant suspendu durant cette période, vous ne serez pas rémunéré. »
Ainsi l'employeur fait grief au salarié l'utilisation de sa carte de fidélité personnelle sur son temps de travail et sur sa caisse en méconnaissance de l'article 20 du règlement intérieur s'octroyant ainsi des remises outre 895 points lui permettant de bénéficier d'un indu en tant que client de 6€.
Selon l'employeur, la charte d'utilisation de la carte de fidélité prévoit que les avantages sont réservés exclusivement aux achats personnels du salarié et qu'il reste seul détenteur de la carte. Quant à l'article 20 du règlement intérieur, celui-ci fait interdiction d'effectuer des achats personnels pendant le temps de travail et d'enregistrer sur sa propre carte des achats effectués par des clients.
Pour justifier de ce grief et démontrer que M.[J] [G] a manqué à son obligation de bonne foi contractuelle passant sa carte sur sa propre caisse durant ses plages horaires et poste de travail, l'employeur produit la liste des extraits des cartes de fidélités, des extraits des temps et activités ainsi que la liste des tickets des mois de juin à octobre 2017.
Il résulte de ces éléments que M.[J] [G] dispose d'une carte n°2007010569 activée le 04/07/2014 et qui a été utilisée aux périodes susvisées aux caisses 006, 008, 009 n°hôtesse 409 correspondant d'après l'employeur au matricule du salarié. Pour autant en l'absence de registre d'affectation des caisses, ces seuls éléments ne suffisent pas à établir que les utilisations prohibées ont été faites par le salarié.
Il est également produit l'attestation de Mme [L] déclarant que « lors d'un contrôle inopiné des cartes de fidélité du personnel, nous avons constaté l'utilisation abusive chez 3 collaborateurs dont M.[J] [G] ». Pour autant, cette attestation est peu circonstanciée étant observé que les conditions du contrôle informatique sont indéterminées.
Il y a lieu de relever que tant le règlement intérieur que la charte de fidélité dont se prévaut l'employeur ne sont pas signés par le salarié.
De plus, hormis l'avenant au contrat de travail de M.[J] [G], le contrat initial n'est pas produit par les parties. L'employeur a produit deux contrats afférents à des salariés embauchés à la même période et rédigés selon lui sur les mêmes bases aux fins de justifier que le règlement intérieur y est visé. Cependant, cette production ne permet pas d'établir que M.[J] [G] en avait effectivement eu connaissance.
Depuis son embauche, M.[J] [G] a fait l'objet d'un avertissement le 16 février 2017 afférent à un remballage de marchandises à 19 heures au lieu de 19 heures 30 d'un rappel le 28 juin 2017 pour un écart de caisse de 9,04€ sans lien avec le grief relevé par la SAS Auchan Supermarché.
Les manquements allégués par l'employeur ne caractérisent pas une faute grave. La sanction prise à l'encontre de M.[J] [G] est disproportionnée au regard des montants imputés à ce dernier et cela ne suffit pas à établir une cause réelle et sérieuse.
Il s'en évince que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Par conséquent le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, les demandes indemnitaires présentées par M.[J] [G] au titre de la période de mise à pied et congés payés y afférents, de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents et de l'indemnité de licenciement seront également confirmées tout en précisant que ces montants sont en bruts, sauf l'indemnité de licenciement (en nets).
Concernant la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse conformément aux dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, si le licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie une indemnité à la charge de l'employeur.
Compte tenu de l'ancienneté de M.[J] [G] (plus de 2 ans) au moment de la rupture et de son salaire moyen (1.642,30€) il peut prétendre au règlement d'une indemnité comprise entre 3 et 3,5 mois de salaire ; par conséquent la SAS Auchan Supermarché sera condamnée à lui régler la somme de 5.748,05€ bruts ; ce qui commande la confirmation du jugement entrepris.
Sur les demandes accessoires
Succombant dans le cadre de la présente procédure, la SAS Auchan Supermarché sera condamnée aux dépens et à verser à M.[J] [G] la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a condamné la SAS Auchan Supermarché aux dépens et au versement d'une somme de 1.200€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,
Confirme le jugement rendu par le Conseil de Prud'Hommes de Mulhouse le 9 mars 2021, entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Dit que les faits reprochés au salarié n'encourent pas la prescription ;
Précise que hormis l'indemnité de licenciement les montants des indemnités sont en bruts ;
Condamne M.[J] [G] aux entiers dépens de la procédure d'appel ;
Condamne la SAS Auchan Supermarché à payer à M.[J] [G] la somme de 2.000€ (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2022, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.
Le Greffier, Le Président,