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07/10/2022 | FRANCE | N°21/04768

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 07 octobre 2022, 21/04768


MINUTE N° 422/2022





























Copie à



- Me Loïc RENAUD



- Me Christine BOUDET





Le 07/10/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 7 octobre 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/04768 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HWWL



Décision d

éférée à la cour : 15 octobre 2021 par le président du tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANT :



Le Syndicat des copropriétaires de la RÉSIDENCE [Adresse 10] représenté par son syndic, la S.À.R.L. TERRES ET MAISONS GESTION (TMG), dont le siège social est situé [Ad...

MINUTE N° 422/2022

Copie à

- Me Loïc RENAUD

- Me Christine BOUDET

Le 07/10/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 7 octobre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/04768 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HWWL

Décision déférée à la cour : 15 octobre 2021 par le président du tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANT :

Le Syndicat des copropriétaires de la RÉSIDENCE [Adresse 10] représenté par son syndic, la S.À.R.L. TERRES ET MAISONS GESTION (TMG), dont le siège social est situé [Adresse 5], prise en la personne de son représentant légal

sis [Adresse 6]

représenté par Me Loïc RENAUD, avocat à la cour.

INTIMÉE :

La S.A. MIC INSURANCE COMPANY, prise en la personne de son représentant légal, venant aux droits de la SDE MILLENIUM INSURANCE COMPANY LTD, compagnie d'assurance de droit étranger dont le siège social est situé [Adresse 1], opérant sur le territoire français en Libre Prestation de Service, représentée en France par son mandataire la SAS LEADER UNDERWRINTING, dont le siège social est situé [Adresse 11]

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Christine BOUDET, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, conseiller

Mme Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 30 septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Dominique DONATH faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 10], à Scheibenhard (67), représenté par son syndic, la SARL Terres et Maisons Gestion, a fait assigner la Compagnie d'assurance de droit étranger Millenium Insurance Company devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg, pour obtenir la désignation d'un expert sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, avec une mission dont il précisait les termes, afin notamment de déterminer l'existence et la cause de désordres, malfaçons et non-conformités affectant l'immeuble, suite à des travaux de ravalement de façade effectués par la SASU Coskun, qui avait fait l'objet d'une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif par un jugement du 28 juin 2019.

Par ordonnance du 15 octobre 2021, le juge des référés a ordonné la mise hors de cause de la société Millenium Insurance Company, constaté l'intervention volontaire de la compagnie MIC Insurance Company, dit n'y avoir lieu à expertise judiciaire et condamné le syndicat des copropriétaires de la Résidence Les Villas de Lauter aux dépens.

Le juge des référés a tout d'abord relevé qu'il était justifié de ce que la société Millenium Insurance Company, assureur de la société Coskun et dont le siège était à Gibraltar, avait transféré l'ensemble de ses activités et engagements à la société MIC Insurance Company, dont le siège social était situé en France et qui venait aux droits de la société Millenium Insurance Company depuis le 28 mai 2021.

Pour retenir l'absence de motif légitime à voir ordonner une expertise judiciaire, il a relevé que le syndicat des copropriétaires produisait la facture de la société Coskun du 11 décembre 2015, des photographies de parties de façade non datées, ainsi qu'un devis de réfection de la façade établi par la société MEM Bâtiment, pour justifier de l'existence de désordres.

Il a considéré que ces éléments étaient insuffisants à démontrer la légitimité du syndicat des copropriétaires à solliciter une expertise judiciaire au contradictoire de l'assureur de la société Coskun pour des travaux effectués et facturés en 2015, la date à laquelle les malfaçons alléguées étaient apparues n'étant pas déterminée. Il n'était pas indiqué si les désordres avaient fait l'objet d'une déclaration de sinistre à l'assureur de la copropriété et, enfin, le seul devis émanant d'une entreprise concurrente pour justifier de la nécessité de reprendre les travaux terminés plus de cinq ans auparavant était insuffisant à démontrer la réalité des désordres relatifs au crépissage de la façade de l'immeuble allégués.

Le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 10], représenté par son syndic, a interjeté appel de cette ordonnance, qu'il a dirigé contre la société MIC Insurance Company, par déclaration datée du 18 novembre 2021.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 29 décembre 2021, il sollicite la confirmation de l'ordonnance déférée en ce qu'elle a ordonné la mise hors de cause de la société Millenium Insurance Company et constaté l'intervention volontaire de la société MIC Insurance Company, mais son infirmation sur les autres chefs.

Il demande que la cour, statuant à nouveau, déclare sa demande recevable et bien fondée et, en conséquence, nomme un expert avec une mission dont il précise les termes et les modalités d'accomplissement.

Il demande que l'avance sur les frais d'expertise soit mise à la charge de la société MIC Insurance Company, ès qualités d'assureur de la société Coskun et, subsidiairement, qu'il lui soit donné acte de ce qu'il effectuera l'avance requise. Il demande que les dépens soient réservés.

Le syndicat des copropriétaires soutient qu'il présente un intérêt légitime à établir la réalité des désordres, inexécutions et malfaçons affectant les prestations réalisées par la société Coskun, qui s'est vue confier la réalisation de travaux de ravalement de façade des bâtiments A, B et C composant la copropriété de la Résidence [Adresse 10], qu'elle a facturés le 11 décembre 2015.

Il soutient que ces prestations ont été à l'origine d'effritements de la peinture, de cloques à différents endroits, de décollements de crépi, fissures, éraflures.

Il affirme que les photographies produites attestent des désordres affectant la façade de l'immeuble et que le devis d'une entreprise tierce démontre la nécessité des travaux de reprise et leur coût potentiel. Il ajoute produire désormais un procès-verbal de constat d'huissier du 9 décembre 2021 démontrant la réalité et la gravité des désordres, les décollements de crépi ayant entraîné la chute de divers morceaux, créant un risque certain d'atteinte à l'intégrité physique des occupants de l'immeuble et des tiers, rendant l'ouvrage impropre à sa destination et susceptibles de relever de la responsabilité décennale de la défenderesse.

En l'absence d'atteinte à la solidité ou à la destination de l'ouvrage, le syndicat des copropriétaires soutient que des fautes contractuelles et des manquements aux règles de l'art ont été commis par la société Coskun, invoquant une obligation de résultat de l'entrepreneur, sur le fondement de l'ancien article 1147 du code civil.

La société Coskun, qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif, ayant été assurée auprès de la société Millenium Insurance Company, le syndicat des copropriétaires affirme qu'il dispose d'une action directe contre cet assureur et qu'aucune disposition légale ne lui impose de déclarer un tel sinistre à son propre assureur. La présence de l'assureur de la société Coskun aux opérations d'expertise est nécessaire, dans la mesure où il sera tenu de garantir cette dernière de toute condamnation susceptible d'intervenir à son encontre.

De plus, l'appréciation de la recevabilité des actions susceptibles d'être exercées par les maîtres de l'ouvrage à l'encontre d'un constructeur, à raison des désordres constatés et de ce que pourraient révéler les opérations d'expertise, excède la compétence du juge des référés dans le cadre des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile.

Il ajoute enfin que l'expertise sollicitée s'impose, avant tout débat au fond, vu l'urgence et la gravité des désordres, afin de prévenir un dommage imminent.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 28 janvier 2022, la société MIC Insurance Company sollicite que la cour accueille ses plus expresses protestations et réserves sur la demande d'expertise judiciaire, qu'elle laisse à la charge du syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 10] les frais de consignation à valoir sur les frais d'expertise judiciaire et qu'elle réserve les dépens.

Exprimant ses plus expresses réserves de garantie et de responsabilité et ses plus vives protestations et réserves d'usage, quant à la recevabilité et au bien-fondé de la demande, elle s'en rapporte à justice, tout en précisant que cela ne vaut reconnaissance d'aucun droit.

Elle ajoute que les frais de consignation devront être laissés à la charge de la partie qui y a intérêt et qui la sollicite, soit en l'occurrence le syndicat des copropriétaires.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

Par ordonnance du 30 novembre 2021, la présidente de la chambre a fixé d'office l'affaire à l'audience de plaidoirie du 17 juin 2022, en application de l'article 905 du code de procédure civile.

MOTIFS

L'article 145 du code de procédure civile énonce que, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

A l'appui de sa demande d'expertise faisant suite aux travaux réalisés par la société Coskun, le syndicat des copropriétaires produit en premier lieu un devis établi par cette société le 11 juillet 2014, relatif à des travaux de ravalement de façade de trois bâtiments à réaliser au [Adresse 3], à « Scheibenbardt », ainsi que la facture du 11 décembre 2015 qui a fait suite à la réalisation de ces travaux et en confirme la réalisation.

En second lieu, il produit désormais un constat d'huissier de justice du 9 décembre 2021, qui mentionne que le crépi est tombé à divers endroits des façades des bâtiments A et B, et que sont également visibles des fissures, éraflures, cloques et décollements de ce crépi, sur chacun des trois bâtiments.

Au vu de l'ensemble de ces constatations, qui démontrent l'existence de divers désordres affectant ce crépi, il est manifeste qu'il existe un motif légitime, pour le syndicat des copropriétaires, de voir ordonner avant tout débat au fond une expertise judiciaire, afin que puisse être notamment précisée la nature des désordres et leurs causes, qui sont susceptibles d'engager la responsabilité de la société Coskun et, en conséquence, la mise en 'uvre de la garantie de son assureur.

C'est pourquoi l'ordonnance déférée doit être infirmée en ce qu'elle a rejeté cette demande d'expertise, qui sera ordonnée par le présent arrêt, aux frais avancés du demandeur, dans la mesure où cette expertise est ordonnée avant tout débat potentiel sur la ou les responsabilités, et dans son propre intérêt.

Le dossier sera renvoyé devant le premier juge, s'agissant du contrôle de cette expertise, conformément à l'article 964-2 du code de procédure civile.

L'ordonnance déféré sera en revanche confirmée en ce qu'elle a laissé les dépens à la charge du demandeur, dans la mesure où l'expertise est ordonnée dans l'intérêt de ce dernier. Pour les mêmes motifs, les dépens de l'appel seront également mis à sa charge.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME, dans les limites de l'appel du syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 10], à Scheibenhard (67), l'ordonnance rendue le 15 octobre 2021 entre les parties par le juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg, sauf en ses dispositions relatives aux dépens,

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

ORDONNE une expertise ;

COMMET pour y procéder :

M. [P] [J],

expert près la cour d'appel de Colmar,

[Adresse 9]

[Localité 7]

avec faculté de s'adjoindre, en cas de besoin, tout spécialiste de son choix, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne, et avec mission de se faire communiquer, par les parties ou les tiers, tous documents utiles, de recueillir des informations écrites ou orales de toutes personnes, sauf à ce que soient précisés leurs nom, prénoms, demeure et profession ainsi que, s'il y a lieu, leur lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles, à l'effet de :

1- se rendre sur les lieux : [Adresse 6], et examiner les travaux réalisés par la société Coskun, les parties préalablement convoquées, et ce en se faisant remettre tous documents utiles,

2- dire si ces travaux sont conformes aux normes applicables et aux règles de l'art et s'ils sont adaptés à la spécificité des lieux, ou s'il existe des malfaçons, non conformités aux règles de l'art et inexécutions contractuelles ; dans ce cas, en décrire l'origine ;

S'il y a lieu :

3-, décrire les désordres et préciser leur(s) cause(s), origines et imputabilité éventuelle(s) ;

4- dire si les désordres, malfaçons et éventuelles inexécutions et non conformités aux règles de l'art et aux stipulations contractuelles constatées sont de nature à affecter la solidité de l'ouvrage ou de le rendre impropre à sa destination,

4- décrire les réparations nécessaires et en évaluer le coût, et évaluer les différents préjudices susceptibles de résulter des éventuelles malfaçons et/ou non conformités aux règles de l'art ou aux stipulations contractuelles relevées,

5- d'une manière générale, rechercher tous éléments techniques et de fait permettant de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer les préjudices subis,

6- faire toutes observations utiles au présent litige,

7 - s'expliquer techniquement, dans le cadre des chefs de mission ci-dessus, sur les dires et observations des parties, qu'il aura recueillis après leur avoir communiqué son avis définitif lors d'une dernière réunion ou par simple note ;

DIT qu'il sera procédé aux opérations d'expertise en présence des parties ou celles-ci convoquées par lettres recommandées avec demandes d'avis de réception, et leurs conseils avisés par lettres simples ;

DIT que l'expert devra entendre les parties en leurs observations, ainsi que, le cas échéant, consigner leurs dires et y répondre dans son rapport ;

DIT que l'expert devra déposer son rapport en 4 exemplaires au greffe dans le délai de 6 mois à compter de la date à laquelle il aura été avisé du versement de la consignation, date de rigueur, sauf prorogation qui serait accordée sur rapport de l'expert à cet effet ;

DIT qu'en cas de refus de sa mission par l'expert, d'empêchement ou de retard injustifié, il sera pourvu d'office à son remplacement ;

FIXE à 2 500,00 euros (deux mille cinq cents euros) le montant à valoir sur la rémunération de l'expert que le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 10], à [Localité 12] (67), devra consigner avant le 30 décembre 2022, sous peine de caducité de la désignation de l'expert, par virement à l'ordre de la Caisse des dépôts et consignations à adresser à :

DRFIP RHÔNE-ALPES

Pôle de gestion des consignations de [Localité 8]

[Adresse 4]

[Localité 8]

IBAN : FR70 4003 1000 0100 4194 R64 ;

DIT qu'à l'issue de la première réunion d'expertise, l'expert devra communiquer aux parties et au magistrat chargé du contrôle de l'expertise un état prévisionnel de ses frais et honoraires, et devra, en cas d'insuffisance de la provision consignée, demander la consignation d'une provision supplémentaire ;

DIT qu'à l'issue de sa mission l'expert adressera aux parties sa demande de rémunération par lettre recommandée avec accusé de réception ;

DIT que les parties pourront adresser à l'expert et à la juridiction leurs observations écrites sur la demande de rémunération dans un délai de quinze jours à compter de sa réception ;

DIT qu'en application de l'article 964-2 du code de procédure civile, le contrôle de l'expertise sera assuré par le juge chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Strabourg ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 10], à [Localité 12] (67) aux dépens d'appel.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/04768
Date de la décision : 07/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-07;21.04768 ?
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