La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/10/2022 | FRANCE | N°20/01726

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 07 octobre 2022, 20/01726


MINUTE N° 423/2022





























Copie exécutoire à



- Me Loïc RENAUD



- Me Katja MAKOWSKI





Le 07/10/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 7 octobre 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01726 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HLBY



D

écision déférée à la cour : 28 avril 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE



APPELANTE :

S.A.S.U. EFCO IMMO, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 3]



représentée par Me Loïc RENAUD, avocat à la cour.

Plaidant : Me BURGE...

MINUTE N° 423/2022

Copie exécutoire à

- Me Loïc RENAUD

- Me Katja MAKOWSKI

Le 07/10/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 7 octobre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01726 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HLBY

Décision déférée à la cour : 28 avril 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTE :

S.A.S.U. EFCO IMMO, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 3]

représentée par Me Loïc RENAUD, avocat à la cour.

Plaidant : Me BURGER (cabinet OCEA) avocat au barreau de Strasbourg

INTIMÉS :

Madame [V] [P] veuve [T]

demeurant [Adresse 1]

Madame [R] [T] épouse [G]

demeurant [Adresse 12] (SUISSE)

Madame [O] [T]

demeurant [Adresse 10]

Monsieur [B] [W]

demeurant [Adresse 10]

Madame [J] [T]

demeurant [Adresse 11]

Monsieur [E] [H] [A]

demeurant [Adresse 11]

Monsieur [Z] [N] veuf [T]

demeurant [Adresse 2]

Madame [X] [N] épouse [L]

demeurant [Adresse 5]

Monsieur [Y] [U] [N]

demeurant [Adresse 6]

Madame [S] [C]

demeurant [Adresse 6]

Monsieur [F] [N]

demeurant [Adresse 4]

représentés par Me Katja MAKOWSKI, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 avril 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, conseiller

Madame Myriam DENORT, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Dominique DONATH faisant fonction

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 17 juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Selon acte reçu en la forme authentique par Maître [M], notaire à [Localité 13], le 15 décembre 2016, les consorts [T] ont, en qualité de vendeurs, conclu avec la SASU Efco Immo un compromis de vente, portant sur des parcelles cadastrées commune de Leymen, Section 4 n° [Cadastre 9] et [Cadastre 8], sises [Adresse 7], pour un prix de 310 000 euros.

Cet acte prévoyait que l'acte authentique de vente devait intervenir dans un délai de dix mois à compter de la signature du compromis de vente, soit avant le 15 octobre 2017, et comportait plusieurs conditions suspensives tenant notamment à l'obtention par l'acquéreur d'un ou plusieurs prêts d'un montant total de 310 000 euros sur 5 ans, avec un taux d'intérêt annuel maximum hors assurance de 3%, l'obtention du prêt devant intervenir dans un délai de huit mois au plus tard à compter de la signature du compromis, et à l'obtention d'un permis de démolir et de construire, dans un délai de 6 mois à compter de la signature du compromis de vente, soit avant le 15 juin 2017, l'acquéreur s'engageant à déposer une demande de permis de construire au plus tard dans les deux mois, tout dépassement de l'un ou l'autre de ces deux délais étant considéré, si le vendeur le souhaite, comme une renonciation pure et simple au bénéfice de la condition suspensive, huit jours après une mise en demeure infructueuse.

Ayant vainement mis en demeure la société Efco Immo de régler le montant de la clause pénale par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 septembre 2018, reçue le 24 septembre, les consorts [T] l'ont fait citer devant le tribunal de grande instance de Mulhouse, selon acte introductif d'instance du 15 novembre 2018, aux fins de voir constater la caducité du compromis de vente en application de l'article 42, alinéa 2 de la loi du 1er juin 1924, et d'obtenir la condamnation de la société au paiement du montant de 31 000 euros.

Par jugement du 28 avril 2020, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a constaté la caducité du compromis de vente, dit que cette caducité est imputable à la société Efco Immo, et l'a condamnée au paiement de la somme de 31 000 euros à titre de dommages et intérêts en application de la clause pénale, outre intérêts au taux légal à compter du jugement, allouant aux consorts [T] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a retenu que les deux attestations de la Caisse de crédit mutuel produites pour justifier d'un refus de prêt étaient particulièrement vagues, que la société Efco Immo n'établissait pas avoir déposé, dans le délai contractuellement imparti, une demande de prêt conforme au compromis de vente auprès d'un ou plusieurs établissements bancaires, et a considéré que la défaillance de la condition suspensive était manifestement imputable à la société Efco Immo qui ne démontrait pas davantage avoir respecté la condition tenant à l'obtention d'un permis de démolir puis de reconstruire, aucune demande en ce sens n'ayant été déposée selon le maire de la commune de Leymen.

Le tribunal a considéré que le compromis de vente était caduque du fait de l'absence de réalisation des conditions suspensives et de réitération de la vente dans le délai de l'article 42 de la loi du 1er juin 1924, que la clause pénale devait s'appliquer, plusieurs mises en demeure infructueuses ayant été adressées à la société Efco Immo, et qu'il n'y avait pas lieu de la réduire en l'absence de caractère manifestement excessif.

La société Efco Immo a interjeté appel de ce jugement, le 29 juin 2020, en toutes ses dispositions.

Par conclusions transmises par voie électronique le 28 mars 2021, elle demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter les consorts [T]-[N] de leurs demandes, subsidiairement de réduire le montant de la clause pénale à l'euro symbolique, et de lui allouer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle conteste toute faute de sa part faisant valoir que :

- le compromis de vente ne prévoyait pas la sollicitation de plusieurs établissements bancaires, la décision querellée ayant confondu les notions de « prêt » et d'« établissement bancaire »

- elle justifie par une attestation bancaire en date du 26 septembre 2020 claire et sans équivoque qui confirme les précédentes qu'elle a sollicité un prêt conforme aux stipulations du compromis,

- la banque a été sollicitée dès le début du mois de janvier 2017, et donc dans les meilleurs délais possibles compte tenu des fêtes de fin d'année,

- le refus du financement ne lui est pas imputable, et a été transmis le 17 novembre 2017, suite à la demande des vendeurs, conformément aux stipulations du compromis,

- le refus de la banque étant intervenu dans le délai de 8 mois imparti pour justifier de l'obtention du prêt la clause pénale ne peut s'appliquer.

Elle ajoute qu'elle n'a jamais été mise en demeure de signer l'acte réitératif de vente, ce qui conditionne l'application de la clause pénale qui est destinée à sanctionner le refus d'une des parties de réitérer la vente, et que les intimés n'ont pas sollicité la vérification des autres conditions suspensives mentionnées, ce qui démontre à l'évidence qu'ils ne souhaitaient pas contraindre la société à signer l'acte.

Elle prétend que la condition tenant à l'obtention des permis de démolir et de construire, qui est stipulée au bénéfice de l'acquéreur, dépendait de la réalisation des autres conditions, notamment celles de l'obtention du certificat d'urbanisme

et du financement, le tribunal lui ayant en outre imposé plus de conditions que celles qu'elle s'était engagée à remplir.

Subsidiairement, elle considère que le montant de la clause pénale devrait être réduit à un euro, les intimés ne démontrant pas un préjudice, le bien ayant en effet été surestimé, et sa valeur réelle étant de 250 000 euros, prix auquel l'avait estimé le gérant de la société et auquel il a été effectivement vendu, de sorte que les vendeurs sont de mauvaise foi et cherchent à compenser l'immobilisation du bien.

Par conclusions transmises par voie électronique le 21 décembre 2020, les intimés concluent au rejet de l'appel, au débouté de la société Efco Immo et à la confirmation du jugement. Ils sollicitent la condamnation de l'appelante à leur payer la somme de 31 000 euros au titre de la clause pénale, outre 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que la vente n'ayant pas été réitérée par l'acquéreur dans le délai contractuellement prévu, ni dans le délai prévu par l'article 42 de la loi du 1er juin 1924, le compromis de vente est devenu caduc, la clause pénale trouvant à s'appliquer dès lors que l'acquéreur ne justifie pas de l'application d'une condition suspensive.

En l'espèce, la société Efco Immo n'a jamais transmis le justificatif de dépôt de sa demande de prêt aux vendeurs, alors que ceux-ci le lui ont expressément demandé par courrier recommandé avec accusé de réception du 14 novembre 2017, et leur a seulement transmis une attestation du Crédit Mutuel datée du 15 novembre 2017 établie en des termes vagues, manifestement pour les besoins de la cause.

Ils rappellent que la société Efco Immo devait déposer une demande prêt dans les meilleurs délais, ce qu'elle n'a manifestement pas fait, au vu de la date de l'attestation, et à supposer qu'une demande de prêt ait effectivement été déposée le 15 octobre 2017, la société Efco Immo aurait attendu le dernier jour du délai imparti, ce qui révèle sa mauvaise foi, de sorte que le défaut d'obtention du prêt est bien dû à sa négligence.

Ils considèrent que la société Efco Immo, qui est un professionnel de l'immobilier, ne peut invoquer une absence de préjudice, ni se retrancher derrière le fait qu'elle aurait acheté le bien trop cher.

Ils soutiennent pouvoir également se prévaloir de l'absence de dépôt d'une demande de permis de construire, soulignant que les conditions suspensives ne sont pas dépendantes les unes des autres et doivent être réalisées concomitamment.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 décembre 2021.

MOTIFS

L'article 42 de la loi du 1er juin 1924 énonce : ' Tout acte portant sur un droit susceptible d'être inscrit doit être, pour les besoins de l'inscription, dressé, en la forme authentique, par un notaire, un tribunal ou une autorité administrative.

Tout acte entre vifs, translatif ou déclaratif de propriété immobilière, tout acte entre vifs portant constitution ou transmission d'une servitude foncière souscrit

sous une autre forme doit être suivi, à peine de caducité, d'un acte authentique ou, en cas de refus de l'une des parties, d'une demande en justice, dans les six mois qui suivent la passation de l'acte. ».

Ce texte n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal et ce que soutiennent les intimés s'agissant en effet d'un compromis de vente reçu en la forme authentique et non par acte sous seing privé. La caducité de l'acte ne peut en effet, dans ce cas, résulter que des stipulations de l'acte ou de la défaillance d'une condition suspensive.

Les intimés prétendent que la société Efco Immo a fait obstacle à la réalisation des conditions suspensives, et sollicitent l'application de la clause pénale figurant en page 26 du compromis de vente qui est ainsi libellée :

« Au cas où l'une quelconque des parties, après avoir été mis en demeure ne régulariserait pas l'acte authentique et ne satisferait pas aux obligations alors exigibles, alors elle devra verser à l'autre partie une somme égale à DIX POUR CENT (10%) du prix de vente ».

La société Efco Immo oppose à bon droit que cette clause pénale est destinée à sanctionner le refus d'une partie de signer l'acte authentique réitératif de vente après avoir été mise en demeure de le faire, et que sa mise en oeuvre suppose deux conditions cumulatives, d'une part une mise en demeure de réitérer la vente par acte authentique et d'autre part un manquement aux obligations « alors » exigibles, ce terme renvoyant à l'ensemble des obligations mentionnées dans le compromis de vente.

L'acte comporte en effet une autre clause relative au 'défaut de réalisation résultant de l'acquéreur' qui prévoit, dans ce cas, que le vendeur pourra poursuivre la réalisation de la vente et fera son affaire personnelle de la demande de dommages et intérêts.

Comme le relève l'appelante, aucune mise en demeure d'avoir à régulariser l'acte authentique de vente ne lui a été adressée, les courriers de mise en demeure des 14 et 29 novembre 2017 lui demandant seulement de justifier de l'obtention d'une offre de prêt et de l'obtention des permis de démolir et de construire, et les mises en demeure des 22 décembre 2017 et 19 septembre 2018 tendant au paiement du montant de la clause pénale.

Les conditions de mise en oeuvre de la clause pénale n'étant pas remplies, les consorts [T] ne peuvent dès lors demander la condamnation de la société Efco Immo au paiement du montant prévu par cette clause.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en toute ses dispositions, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés.

Les consorts [T] qui succombent supporteront in solidum la charge des entiers dépens de première instance et d'appel, et seront déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera en revanche alloué à la société Efco Immo, sur ce fondement, une somme de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse en date du 28 avril 2020 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

DEBOUTE les consorts [T] de l'ensemble de leurs demandes, y compris sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mesdames [V] [P], veuve [T], [J] [T], [R] [T], épouse [G], [O] [T], [X] [N], épouse [L] et [S] [C], et Messieurs [B] [W], [E] [A], [Z] [N], veuf [T], [Y] [U] [N], et [F] [N], in solidum, aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à la SASU Efco Immo la somme de 2 000 euros (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/01726
Date de la décision : 07/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-07;20.01726 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award