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06/10/2022 | FRANCE | N°22/00675

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 06 octobre 2022, 22/00675


MINUTE N° 373/2022





























Copie exécutoire à



- Me Camille ROUSSEL



- Me Orlane AUER



- Me Laurence FRICK



Le 06/10/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 06 Octobre 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/00675 - N° Portalis DBV

W-V-B7G-HYU5



Décision déférée à la cour : 01 Février 2022 par le président du tribunal judiciaire de strasbourg



APPELANTES et intimées sur incident :

Madame [O] [I]

demeurant [Adresse 3]

Madame [D] [U]

demeurant [Adresse 4]



représentées par Me Camille RO...

MINUTE N° 373/2022

Copie exécutoire à

- Me Camille ROUSSEL

- Me Orlane AUER

- Me Laurence FRICK

Le 06/10/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 06 Octobre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/00675 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HYU5

Décision déférée à la cour : 01 Février 2022 par le président du tribunal judiciaire de strasbourg

APPELANTES et intimées sur incident :

Madame [O] [I]

demeurant [Adresse 3]

Madame [D] [U]

demeurant [Adresse 4]

représentées par Me Camille ROUSSEL, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me LA

UX, avocat à Strasbourg

INTIMÉE et appelante sur incident :

Madame [S] [W]

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Orlane AUER, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me FRANCK, avocat à Strasbourg

INTIMÉE :

S.A. ACM VIE

Prise en la personne de ses représentants légaux.

[Adresse 1]

représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la cour

Avocat plaidant :Me MALLICK, avocat à Strasbourg

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Septembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Dominique DONATH faisant fonction.

ARRET contradictoire

- prononcé publiquementpar mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

FAITS ET PROCEDURE

Mesdames [O] [I] et [D] [U], nées [H], sont les filles de Monsieur [B] [H] qui est décédé le 26 novembre 2020. [B] [H] vivait en concubinage avec Mme [S] [W] depuis 2005.

Entre 2000 et 2017, Monsieur [B] [H] a souscrit plusieurs assurances-vie auprès de la Société ACM VIE, parmi lesquelles figure le contrat litigieux dénommé ESSENTIEL portant le numéro OY 8794116, souscrit le 26 novembre 2009. Par un avenant du 18/12/2009, il modifiait la personne du bénéficiaire en cas de décès, désignant Mme [S] [W].

En raison de la maladie d'Alzheimer, Monsieur [B] [H] est entré en unité de vie protégée le 7 février 2019, et le 18 juillet 2019, le juge des tutelles du Tribunal judiciaire de Saverne a prononcé son placement sous le régime de l'habilitation familiale générale pour une durée de cinq années, désignant Madame [O] [I] en qualité de représentante légale.

Le 31/08/2019, Mme [O] [I] se présentait à l'agence du Crédit Mutuel de Haguenau pour que soit modifié le nom du bénéficiaire de cette assurance vie dénommée ESSENTIEL, et ce à son profit. Elle affirme que l'employé lui aurait déclaré que ce changement serait réalisé. Cependant suite au décès de Monsieur [B] [H] le 26/11/2020, Madame [O] [I] affirme avoir découvert que Mme [W] était restée la seule bénéficiaire et reproche à la banque de ne pas avoir apporté la modification portant sur l'identité du bénéficiaire qu'elle avait demandée lors de son passage dans les locaux de la CCM en 2019. Une procédure parallèle au fond était diligentée par Mme [I] pour engager la responsabilité de la CCM.

Il est constant qu'aucune demande préalable de changement du nom du bénéficiaire n'a été formulée auprès du Juge des tutelles.

Informée de l'existence d'une contestation quant à la personne du bénéficiaire de cette assurance vie, les ACM écrivaient à Mme [S] [W] le 24/02/2021 pour lui indiquer qu'elles procéderaient à une suspension temporaire de l'instruction du dossier dans l'attente d'une éventuelle procédure judiciaire.

Mesdames [O] [I] et [D] [U] saisissaient la juridiction des référés de Strasbourg en assignant les ACM Vue, demandant la condamnation de l'assureur à produire divers documents concernant le contrat d'assurance-vie ESSENTIEL contracté par leur père.

Mme [W] intervenait volontairement à la procédure.

Par ordonnance du 10/09/21021, le juge des référés ordonnait la réouverture des débats et enjoignait aux parties de rencontrer un médiateur. Cependant cette rencontre n'aboutissait pas à un rapprochement des parties.

A l'issue des débats Mesdames [O] [I] et [D] [U] demandaient au juge de la mise en état de bien vouloir :

« CONSTATER que la demande initiale formulée dans l'assignation du 20 avril 2021 est devenue sans objet ;

CONSTATER que les ACM ont transmis au conseil de Madame [O] [I] et Madame [D] [U] les seuls documents à sa disposition sollicités par ces dernières, à savoir la copie de la demande d'adhésion au contrat d'assurance OY 8794116 et la copie de l'avenant de modification des bénéficiaires en cas décès signé le 18 décembre 2009 ;

CONSTATER qu'il demeure pour les demanderesses une réelle contestation sur la légitimité du bénéficiaire encore indiqué sur le contrat d'assurance OY 87941 16 ;

FAIRE DROIT A LA DEMANDE formulée par les ACM portant sur la mise sous séquestre auprès d'un tiers du capital décès issu du contrat d'assurance vie référencé OY8794-1 16 ;

DEBOUTER les ACM VIE de leur demande de voir constater que Mesdames [O] [I] et [D] [U] reconnaissent l'absence de modification de la clause bénéficiaire à leur profit ;

DEBOUTER les ACM VIE de leur demande de paiement de la somme de 1 500,00 (mille cinq cents) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTER les ACM VIE de leur demande de voir condamner les demanderesses à garantir les ACM à hauteur du paiement des intérêts sollicités par Madame [W] compte tenu de leur mauvaise foi ;

DEBOUTER les ACM VIE de leur demande tendant à voir condamner les demanderesses au paiement de la somme de 5 000,00 (mille cinq cents) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTER Madame [S] [W] et les ACM VIE de leur demande de condamnation solidaire de Madame [O] [I] et Madame [D] [U] à leur verser une provision d'un montant de 5 000,00 (cinq mille) euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'un engagement abusif d'une procédure judiciaire ;

DEBOUTER Madame [S] [W] de sa demande de condamnation solidaire de Madame [O] [I] et Madame [D] [U] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la Société Anonyme ACM VIE SA au règlement de 2.500,00 (deux mille cinq cents) euros à l'ensemble des demandeurs au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

CONDAMNER Madame [S] [W] au règlement de la somme de 2.600,00 (deux mille six cents) euros à l'ensemble des demanderesses au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

CONSTATER l'exécution provisoire de la décision à venir. ''

Le 1er février 2022, le juge des référés rendait l'ordonnance suivante :

'DÉCLARONS l'intervention de Madame [S] [W] recevable et bien-fondée ;

DEBOUTONS Madame [O] [I] et Madame [D] [U] de l'intégralité de leurs demandes ;

DISONS qu'il appartient aux ACM Vie de verser à Madame [S] [W], en qualité de bénéficiaire du contrat d'assurance-vie référencé OY 8794116 la somme de 192 306,35 euros ;

DISONS n'y avoir lieu à référé au titre de la demande de Madame [S] [W] relative à l'application des dispositions de l'article L 132-23-1 du code des assurances ;

CONDAMNONS solidairement Madame [O] [I] et Madame [D] [U] à payer aux ACM Vie une somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNONS solidairement Madame [O] [I] et Madame [D] [U] à payer à Madame [S] [W] une somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNONS solidairement Madame [O] [I] et Madame [D] [U] à payer aux ACM Vie une somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTONS Madame [S] [W] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNONS solidairement Madame [O] [I] et Madame [D] [U] aux entiers frais et dépens ;

RAPPELONS que la présente ordonnance est exécutoire de droit par provision.

Pour fonder sa décision, le juge des référés estimait :

- qu'au moment de l'assignation, les demanderesses disposaient déjà des documents dont elles réclamaient la production de l'assureur, de sorte que cette demande de production était sans objet,

- que la procédure diligentée par Mmes [O] [I] et [D] [U] contre la ACM n'avait aucune incidence sur la qualité de bénéficiaire de Mme [S] [W] qui résultait du contrat d'assurance vie souscrit par le de cujus, de sorte que la demande de mise sous séquestre du capital décès formulée par les ACM et reprise par Mesdames [O] [I] et [D] [U] n'était plus justifiée,

- que le capital décès devait revenir à Mme [S] [W] pour un montant de 192.306,35 €, car Mmes [O] [I] et [D] [U] « reconnaissent ne pas être les bénéficiaires du contrat d'assurance vie »,

- qu'en revanche il existait une contestation sérieuse sur le bien fondée de la demande de règlement des intérêts de retard de 2.214,85€, en ce sens que le retard pris par les ACM était justifié par le débat existant,

- qu'enfin, l'action avait été menée de manière téméraire par Mmes [O] [I] et [D] [U], de sorte que des dommages et intérêts devaient être mis à leur charge.

C'est la décision critiquée.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mesdames [O] [I] et [D] [U] ont interjeté appel de cette ordonnance et demandent à la cour de bien vouloir :

1) DIRE ET JUGER l'appel recevable et bien fondé,

2) IN LIMINE LITIS, DECLARER leur demande de sursis à statuer recevable et bien fondée du fait du lien entre les plaintes pénales déposées par les appelantes et la présente affaire ;

3) DANS l'HYPOTHÈSE OU IL NE SERAIT PAS FAIT DROIT A LA DEMANDE DE SURSIS STATUER,

STATUANT SUR LE FOND DE L'APPEL :

INFIRMER l'ordonnance de référé du 1er février 2022 du Tribunal judiciaire de Strasbourg en ce qu'elle :

* déclare l'intervention de Madame [S] [W] recevable et bien fondée

* déboute Madame [O] [I] et Madame [D] [U] de l'intégralité de leurs demandes,

CONSTATER qu'il demeure pour les demanderesses une réelle contestation sur la légitimité du bénéficiaire encore indiqué dans le contrat d'assurance vie n°OY87941 16

FAIRE DROIT à la demande qui avait été formulée par les ACM Vie de mise sous séquestre du capital décès

DEBOUTER les ACM Vie de leurs demandes de voir constater que Mesdames [O] [I] et [D] [U] reconnaissent l'absence de modification de la clause bénéficiaire à leur profit, en vue d'obtenir leur condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à ce qu'elles garantissent la compagnie d''assurance

DEBOUTER Madame [S] [W] de sa demande de condamnation solidaire de Mesdames [O] [I] et [D] [U] à lui verser une provision de 5.000€ à titre de dommages et intérêts

DEBOUTER Madame [S] [W] de sa demande de condamnation solidaire au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

CONDAMNER les ACM Vie au règlement de la somme de 2500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

CONDAMNER Madame [S] [W] au règlement de la somme de 2.600€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

A l'appui de leur appel, Mesdames [O] [I] et [D] [U] exposent que :

- soupçonnant l'existence d'un abus de faiblesse de leur père elles avaient déposé, une première plainte contre Mme [S] [W] le 31/03/2022 auprès du Procureur de la République, puis une plainte avec constitution de partie civile contre cette même personne le 22/07/2022, de sorte qu'il conviendrait de prononcer le sursis à statuer ; cette demande de sursis à statuer n'aurait pu être formulée précédemment du fait de la « complexité de l'infraction et des faits », de sorte qu'il conviendrait d'analyser le dépôt de plainte comme un élément nouveau,

- au fond, elle contestaient les développements des ACM selon lesquels elles auraient reconnu - dans le cadre de la procédure au fond diligentée contre la CCM - ne pas être les bénéficiaires de l'assurance vie ; aussi remettaient-elles en cause la légitimité de Mme [S] [W] en tant que bénéficiaire de cette assurance vie,

- en tout état de cause, elles étaient étrangères à la question de l'éventuelle prise en charge des intérêts majorés, qui ne pourraient être mis à la charge que du seul assureur,

- l'abus de droit retenu contre elle était injustifié, en ce sens qu'il était fondé notamment sur leur soi disant reconnaissance du fait qu'elles n'étaient pas bénéficiaires de cette assurance vie, ce qui était faux.

Mme [S] [W] concluait à l'irrecevabilité de la demande de sursis, celle-ci ayant été formulée tardivement après défense au fond.

Elle sollicitait la confirmation de l'ordonnance, sauf sur les questions des intérêts de retard de 2.214,85€ - en ce sens qu'il conviendrait de condamner les ACM à les lui verser ' et de l'article 700 du Code de procédure civile en ce sens qu'il conviendrait de condamner Mesdames [O] [I] et [D] [U] à lui verser une somme de 3 000 €.

En outre il conviendrait de :

- débouter de Mesdames [O] [I] et [D] [U] de l'ensemble de leurs demandes,

- les condamner solidairement, outre aux dépens, à lui verser 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel et 7 000 € à titre de dommages et intérêts pour l'engagement abusif de la procédure d'appel.

A l'appui de son argumentation elle soutenait :

- qu'il n'était guère plus nécessaire de maintenir l'argent de l'assurance vie sous séquestre dans la mesure où la qualité de bénéficiaire de Mme [S] [W] ne soufrait plus de contestation sérieuse, puisque dans l'instance intentée au fond par les consorts [I]-[U] contre la CCM, en page 15 de leur assignation, elles admettaient ne pas avoir « la qualité de bénéficiaire et par voie de conséquence n'étaient pas en droit d'obtenir le capital décès lié à cette assurance » ce qui constituait un aveu judiciaire au sens de l'article 1383 et 1383-2 du Code civil ;

- être en droit de percevoir les intérêts de retard, en application des dispositions de l'article L 132-23-1 du Code des assurances prévoyant qu'ils étaient dus si la compagnie ne respectait pas les délais de paiement imposés ; les ACM étaient dès lors tenues de lui verser cette somme de 2 214,85 € quitte à ce que Mesdames [O] [I] et [D] [U] assument « in fine » la prise en charge,

- être victime d'un abus de droit de la part des appelants devant être réparé.

Les ACM Vie s'en remettaient à la prudence de la Cour quant à la demande formulée par Mme [S] [W] en vue d'obtenir un sursis à statuer.

Elles concluaient à la confirmation intégrale de l'ordonnance du 01/02/2021, de sorte qu'il y aurait lieu de débouter tant Mesdames [O] [I] et [D] [U] de leur appel principal, que Mme [S] [W] de son appel incident, tout en réclamant la condamnation de Mesdames [O] [I] et [D] [U] au paiement d'une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Concernant l'appel principal, les ACM avançaient :

- qu'au moment de l'assignation en référé, le conseil de Mesdames [O] [I] et [D] [U] était déjà en possession des documents sollicités dans le cadre de la procédure, de sorte que la demande de production de pièces était sans objet et abusive,

- que la demande de mise sous séquestre formulée par Mesdames [I] et [U] était sans intérêt, car elles avaient reconnu ne pas être les bénéficiaires des fonds du contrat d'assurance-vie, et ne pouvaient ignorer que la clause bénéficiaire de l'assurance vie n'a pas été modifiée en leur faveur,

- que dans ces conditions, la condamnation de Mesdames [O] [I] et [D] [U] au paiement de dommages et intérêts était justifiée.

S'agissant de l'appel incident de Mme [S] [W], il ne pourrait qu'être écarté du fait des dispositions de l'article 1342-2 du Code civil qui prévoient que le paiement doit être fait au créancier ou à la personne désignée pour le recevoir. Comme il existait un débat quant à l'identité du bénéficiaire, il était prudent et justifié que les ACM sursoient le paiement.

MOTIF DE LA DECISION

1) Sur la demande de sursis à statuer

Selon l'article 74 du Code de procédure civile, les exceptions de procédure, parmi lesquelles figure la demande de sursis à statuer, doivent à peine d'irrecevabilité être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non recevoir.

Mmes [O] [I] et [D] [U] ont formulé pour la première fois une demande de sursis à statuer - au motif qu'elles ont déposé une plainte auprès du procureur de la République puis devant un magistrat instructeur - dans leurs conclusions datées du 28/07/2022, alors qu'elle avaient déjà déposé des conclusions au fond devant la présente cour datées du 14/03/2022 dénuées d'une telle demande.

Elles n'ont pas souhaité produire au présent dossier copie de ces plaintes. A l'aulne de leurs explications, il apparaît que dans leur plainte pour abus de faiblesse elles ont fait référence à des documents médicaux portant sur l'état de santé de leur père établis entre les mois d'octobre 2013 et de mars 2020.

Il est dès lors établi qu'avant même la date d'assignation en référé le 20/04/2021 ou celle du présent appel, les appelantes disposaient de tous ces documents d'ordre médical, mais également de l'ensemble des documents bancaires de leur père puisque Mme [I] était titulaire d'une habilitation familiale générale depuis le mois de juillet 2019 .

Par conséquent les appelantes ne peuvent soutenir que la plainte est un « fait nouveau », alors que les éléments produits à son soutien leur étaient connus depuis au moins depuis le mois de juillet 2019.

Par conséquent, il y a lieu de constater que la demande de sursis n'a pas été soulevée in limine litis, de sorte qu'il y a lieu de la déclarer irrecevable.

2) Sur le sort du capital de l'assurance vie

Mesdames [O] [I] et [D] [U] remettent en cause la décision du juge des référés qui a autorisé les ACM à verser le capital de l'assurance vie ESSENTIEL à Mme [W] et écarté de ce fait la demande de mise sous séquestre de la somme.

Cependant, c'est à juste titre que le juge des référés a constaté qu'il n'existe pas de contestation réelle et sérieuse sur la qualité de bénéficiaire de Mme [W] car :

- elle figure en cette qualité sur l'avenant rédigé par Monsieur [B] [H] en 2009, à une période où ' à la lecture des certificats médicaux produits par ses filles - il n'était pas encore affecté par les premiers signes de la maladie d'Alzheimer,

- l'article 494-6 du Code civil qui prévoit que dans le cas d'une habilitation générale, la personne habilitée « ne peut accomplir un acte pour lequel elle serait en opposition d'intérêts avec la personne protégée. Toutefois à titre exceptionnel et lorsque l'intérêt de celle-ci l'impose, le juge peut autoriser la personne habilitée à accomplir cet acte » n'a pas été mis en application par Mme [I], qui ne pouvait faire modifier, d'initiative et sans l'autorisation du juge des tutelles, le nom de la bénéficiaire de l'assurance vie litigieuse,

- l'assignation de la CCM de Haguenau et de la caisse fédérale de Crédit mutuel aux fins d'engager leur responsabilité en raison d'un éventuel manquement de leur salarié - qui n'aurait pas procédé à la modification de la clause bénéficiaire à la demande de Mme [I] - n'aura aucune incidence sur la qualité de bénéficiaire de Mme [W].

C'est alors à juste titre que le juge des référés de Strasbourg a dit qu'il appartient aux ACM Vie de verser à Madame [S] [W], en qualité de bénéficiaire du contrat d'assurance-vie référencée OY 8794116, la somme de 192 306,35 euros et d'écarter de ce fait la demande de mise sous séquestre de ladite somme.

3) Sur les dommages et intérêts mis à la charge de Mesdames [O] [I] et [D] [U]

La décision du juge des référés de Strasbourg a condamné Mesdames [O] [I] et [D] [U] à verser à Mme [W] une somme de 3000 € de dommages et intérêts pour le retard pris dans le règlement du capital.

Si les appelants ont en effet émis des contestations quant à la qualité de bénéficiaire de l'assurance vie de Mme [W], le retard pris dans le versement du capital ne leur est pas directement imputable, en ce qu'il découle de la seule décision des ACM.

Par conséquent, la condamnation de Mesdames [O] [I] et [D] [U] à verser des dommages et intérêts au profit de Mme [W] sera infirmée.

En revanche, c'est à juste titre que le juge des référés a estimé que l'assignation initiale des ACM Vie par les filles de M. [H] était abusive, car elle visait à obtenir la production de documents que l'assureur leur avait d'ores et déjà transmis dès le 16/04/2021. La condamnation de Mesdames [O] [I] et [D] [U] à verser aux ACM Vie la somme de 1000 € sera confirmée.

4) Sur l'appel incident de Mme [W]

Mme [W], arguant des articles L 132-23-1 du code des assurances - qui prévoit que l'entreprise d'assurance dispose d'un délai d'un mois pour verser au bénéficiaire du contrat d'assurance vie connu le capital, sans quoi la capital produit de plein droit des intérêts au double du taux légal pendant un mois puis au triple du taux légal - réclame l'infirmation de l'ordonnance qui avait écarté sa demande de provision au titre des intérêts majorés évalués à la somme de 2.214,85€.

L'article 835 du Code de procédure civile dispose que le président du tribunal judiciaire peut, dans les cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier

Il ressort du dossier, d'une part que le retard pris dans le versement du capital résulte du seul fait qu'il existait un débat quant à la validité de la désignation de Mme [W] en tant que bénéficiaire, de sorte que l'assureur a préféré dans un souci de prudence attendre qu'une décision soit rendue, et d'autre part que Mme [S] [W] échoue à rapporter la preuve de ce que la perte de temps reprochée est imputable au manque de diligences de l'assureur.

Le juge des référés ne pouvait alors que retenir l'existence d'une contestation sérieuse pour écarter la demande de Mme [S] [W].

Mme [W] sollicite également la réformation de l'ordonnance au motif que le juge avait rejeté sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile. La cour estime que cette décision fondée sur l'équité était justifiée, et ce d'autant plus qu'à hauteur d'appel la condamnation de Mesdames [O] [I] et [D] [U] à verser une somme de 3 000 € à Mme [S] [W] à titre de dommages et intérêts a été infirmée.

Il en résulte que l'appel incident de Mme [S] [W] sera rejeté, le refus du premier juge de faire droit à ces deux demandes de Mme [S] [W] étant confirmé.

5) Sur les questions des dépens, article 700 du Code de procédure civile et demandes additionnelles à hauteur d'appel

Les mesures adoptées par le juge de première instance concernant le sorts des dépens et les demandes faites sur l'article 700 du Code de procédure civile, seront toutes confirmées.

A partir du moment où l'appel de Mesdames [O] [I] et [D] [U] a partiellement abouti, on ne saurait considérer leur appel comme étant de nature à générer un dommage indemnisable. La demande de provision de 5000 € au titre des dommages et intérêts, formulée par Mme [S] [W] à leur encontre, sera dès lors rejetée.

Au titre des demandes formulées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel, il y a lieu de condamner Mesdames [O] [I] et [D] [U] à verser une somme de 1.500 € au profit des ACM Vie.

En revanche, il est équitable de ne pas faire application de ces dispositions quant aux demandes croisées faites sur ce fondement par les consorts [I] - [U] et Mme [S] [W] .

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

- DECLARE recevables l'appel principal formé par Mesdames [O] [I] et [D] [U] et l'appel incident formé par Mme [S] [W],

- CONFIRME l'ordonnance du juge de la mise en état de Strasbourg en ses dispositions sauf en ce qu'elle condamnait Mesdames [O] [I] et [D] [U] à verser une somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts au profit de Mme [S] [W]

- corrélativement INFIRME l'ordonnance du juge de la mise en état de Strasbourg en ce qu'elle condamnait Mesdames [O] [I] et [D] [U] à verser une somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts

Y ajoutant :

- REJETTE la demande de provision pour dommages et intérêts formulée par Mme [S] [W] contre Mesdames [O] [I] et [D] [U],

- CONDAMNE Mesdames [O] [I] et [D] [U] aux dépens de la procédure d'appel,

- CONDAMNE Mesdames [O] [I] et [D] [U] à payer aux les Assurances du Crédit Mutuel Vie la somme de 1 500 € (mille cinq cents Euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour ses frais de procédure exposés à hauteur d'appel,

-DEBOUTE Mesdames [O] [I] et [D] [U] de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- DEBOUTE Mme [S] [W] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/00675
Date de la décision : 06/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-06;22.00675 ?
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