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06/10/2022 | FRANCE | N°20/02177

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 06 octobre 2022, 20/02177


MINUTE N° 431/2022





























Copie exécutoire à



- Me Valérie BISCHOFF

- [E]



- Me Laurence FRICK





Le 06/10/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 6 octobre 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/02177 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HL

ZM



Décision déférée à la cour : 30 Juin 2020 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTE :



Madame [S] [D] [M] épouse [W]

demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, avocat à la cour.





INTIMÉE :



CAISSE REGIONAL...

MINUTE N° 431/2022

Copie exécutoire à

- Me Valérie BISCHOFF

- [E]

- Me Laurence FRICK

Le 06/10/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 6 octobre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/02177 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HLZM

Décision déférée à la cour : 30 Juin 2020 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

Madame [S] [D] [M] épouse [W]

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, avocat à la cour.

INTIMÉE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 16 juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Selon acte authentique du 3 janvier 1991, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alsace Vosges (ci-après la Caisse de crédit agricole) a consenti à M. [K] [J] une ouverture de crédit global pour le financement des besoins de son exploitation agricole d'un montant de 450 000 francs, garantie par une hypothèque de premier rang inscrite sur des biens sis à [Localité 3] lui appartenant en qualité de nu-propriétaire, Mme [C] [F], veuve [M] bénéficiant de l'usufruit et d'une restriction au droit de disposer en garantie d'une interdiction d'aliéner. Cette dernière est intervenue à l'acte d'une part pour consentir à cette affectation hypothécaire et renoncer à se prévaloir de ses droits sur l'immeuble hypothéqué au titre de l'action révocatoire ou résolutoire, d'autre part pour se porter caution solidaire de l'engagement souscrit par M. [J] à hauteur de la somme en principal de 370 000 euros, intérêts, frais et accessoires en sus.

Par acte de réalisation de crédit reçu par Me [P], notaire à [Localité 3], le 15 octobre 1997, les parties ont reconnu que l'ouverture de crédit avait été réalisée à concurrence de la somme en principal de 319 802,15 francs en principal, soit 374 311,32 francs intérêts inclus, et se sont soumises à l'exécution forcée immédiate.

Les échéances du prêt n'étant plus remboursées, le Caisse de crédit agricole a adressé, le 27 mars 1997, une mise en demeure à M. [J] par lettre recommandée avec accusé de réception, puis a mis en demeure [C] [F] d'honorer son engagement de caution, le 10 février 1998. Elle a enfin fait délivrer à M. [J] un commandement de payer avant exécution forcée immobilière, le 23 juin 1999.

M. [J] a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire le 18 février 2000. La Caisse de crédit agricole a déclaré sa créance le 19 août 1999 et le 20 mars 2000.

Par ordonnance du 16 février 2009, le juge commissaire a ordonné la vente aux enchères publiques des biens immobiliers hypothéqués et fixé la mise à prix à 45 000 euros.

[C] [F], veuve [M] est décédée le 5 avril 2015 laissant pour lui succéder sa fille Mme [S] [M], épouse [W]. La Caisse de crédit agricole a fait délivrer à cette dernière, le 22 janvier 2018, une sommation de prendre parti dans la succession, en application de l'article 771 du code civil.

Mme [W] n'ayant pas pris parti dans le délai de deux mois prévu par ce texte, ni sollicité un délai supplémentaire, la Caisse de crédit agricole l'a fait citer devant le tribunal de grande instance de Strasbourg, le 23 juillet 2018, aux fins de voir dire que Mme [W] a la qualité d'héritière acceptante pure et simple de Mme [F], et de voir fixer sa créance à la somme de 197 117,75 euros, outre intérêts conventionnels.

Mme [W] a soulevé la prescription de la créance et, en conséquence le défaut de qualité et d'intérêt à agir de la Caisse de crédit agricole.

Par jugement du 30 juin 2020, le tribunal judiciaire a :

- déclaré l'action intentée par la Caisse de crédit agricole Alsace Vosges à l'encontre de Mme [D] [S] [M], épouse [W] recevable,

- déclaré que Mme [W] a la qualité d'héritière acceptante pure et simple de feue [C] [F],

- déclaré irrecevable comme prescrite la demande reconventionnelle de Mme [W],

- fixé la créance de la Caisse de crédit agricole Alsace Vosges au passif de la succession de feue [C] [F] à la somme de 197 117,75 euros portant intérêts au taux conventionnel de 14,70 % sur la somme de 46 922,83 euros à compter du 28 mai 2018 et au taux légal pour le surplus,

- condamné Mme [W] aux dépens,

- rejeté les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire.

Le tribunal a considéré, sur la prescription de l'obligation au paiement de la caution, qu'elle avait commencé à courir au jour où l'obligation principale était devenue exigible, en l'espèce au jour de l'acte de réalisation de crédit reçu par Me [P] notaire, le 15 octobre 1997, signé par M. [J] et feue [C] [F] qui se sont tous deux soumis à l'exécution forcée immobilière sur leurs biens ; que le délai initialement trentenaire expirait le 17 juin 2013, par application des dispositions de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 ; que ce délai n'avait pas été interrompu par l'effet du commandement de payer valant exécution forcée qui n'était pas équivalent à un commandement valant saisie de droit général ; qu'en revanche, la déclaration de créance au passif de M. [J], le 22 mars 2000, qui équivalait à une action en justice, avait interrompu le délai, y compris à l'égard de la caution solidaire, cette interruption n'ayant pas cessé en l'absence de clôture des opérations de liquidation faute de réalisation de son patrimoine immobilier.

Le tribunal a en outre retenu que les saisies-attributions pratiquées sur le compte de [C] [F] les 30 novembre 2010 et 30 juin 2011, avaient également eu un effet interruptif jusqu'au décès de celle-ci, le 5 avril 2015, qui a fait courir un nouveau délai. En outre, la Caisse de crédit agricole s'étant trouvée dans l'impossibilité d'agir contre les héritiers, puisque Mme [W] n'avait pas opté, la prescription aurait en tout état de cause été suspendue à compter du décès jusqu'à l'expiration du délai d'option.

Au fond, en application des articles 771, 772 du code civil, le tribunal a considéré que Mme [W] était réputée acceptante pure et simple, faute d'avoir pris parti dans les deux mois de la sommation et d'avoir sollicité un délai supplémentaire.

Le tribunal a enfin considéré d'une part que la demande reconventionnelle de Mme [W] tendant à voir déclarer le cautionnement inopposable pour disproportion manifeste de l'engagement de [C] [F] était irrecevable comme prescrite, car la dénonciation du cautionnement aurait dû intervenir avant le 17 juin 2013, l'exigence de proportionnalité n'ayant de plus été introduite que par la loi du 1er août 2003, et d'autre part que la Caisse de crédit agricole disposait bien d'un titre exécutoire contre la caution puisque l'acte de réalisation de crédit du 15 octobre 1997 déterminait la créance, la circonstance qu'il n'ait pas été régulièrement signifié à Mme [W] ne faisant pas obstacle à une fixation de la créance.

Mme [W] a interjeté appel de ce jugement, le 30 juillet 2020, en toutes ses dispositions.

Par conclusions transmises par voie électronique, le 25 novembre 2021, elle demande l'infirmation de la décision et que la cour statuant à nouveau, dise et juge que la créance de la Caisse régionale de crédit agricole Alsace Vosges est prescrite, que la caisse ne dispose d'aucun titre exécutoire et qu'elle n'a ni qualité ni intérêt à agir à son encontre, que l'engagement de caution de [C] [F] lui est inopposable du fait de la disproportion manifeste, et de débouter la Caisse régionale de crédit agricole Alsace Vosges de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, en la condamnant au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que l'action de la banque est prescrite et que la prescription de la dette principale profite à la caution dont l'obligation est accessoire. À cet égard, elle fait valoir que le premier incident de paiement date du 30 mai 1995, et que le délai de prescription applicable étant le délai de 10 ans de l'ancien article 189 bis code de commerce, puisque le prêt est un acte de commerce pour la Caisse de crédit agricole qui a qualité de commerçant, la prescription était acquise au 30 mai 2005, de sorte que les actes d'exécution postérieurs n'ont pas eu d'effet interruptif, la prescription de la créance étant acquise. De même le décès n'a pu avoir d'incidence sur une prescription acquise.

Elle soutient, par voie de conséquence, que la Caisse de crédit agricole qui ne dispose d'aucune créance à son encontre, est dépourvue de qualité ou d'intérêt à agir aux fins de voir dire et juger qu'elle a qualité d'héritière acceptante, l'intimé ne présentant au surplus aucun décompte de prêt tel qu'exigé par les articles L.111-5 du code des procédures civiles d'exécution et 794-5 code de procédure civile local.

Subsidiairement, elle fait valoir que l'effet interruptif de la déclaration de créance jusqu'à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire conduit à prolonger l'engagement de caution, ce qui porte une atteinte disproportionnée à son intérêt particulier, et est contraire au principe de sécurité juridique, car la durée de la prescription deviendrait alors imprévisible.

L'appelante ajoute que la Caisse de crédit agricole ne peut poursuivre la vente forcée du bien contre Mme [W] puisqu'elle ne dispose pas d'un titre exécutoire contre elle et ne lui a pas signifié le titre qu'elle avait contre [C] [F], ce qui entraîne la nullité de la procédure, outre qu'elle ne fournit pas le certificat d'héritier. Elle se prévaut de la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation selon laquelle l'exécution ne peut être poursuivie que sur la base d'un arrêté de prêt authentique, or les actes dont se prévaut le Caisse de crédit agricole n'indiquent pas un montant déterminé mais seulement déterminable.

Elle estime que le premier juge, qui a considéré que l'exécution n'était pas possible ne pouvait, sans se contredire, fixer le montant de la créance de la Caisse de crédit agricole.

Au soutien de sa demande reconventionnelle, elle invoque les dispositions de l'article L.313-10 du code de la consommation issu de la loi du 31 décembre 1989, qui impose également une exigence de proportionnalité du cautionnement. Elle fait valoir que [C] [F], qui était âgée de 69 ans en 1991, s'est portée caution pour un montant de 370 000 francs alors qu'elle était sans profession et percevait 56 000 francs de pension annuelle, et devait supporter les charges liées à son logement dont elle était propriétaire, l'usufruit des biens hypothéqués ayant été surévalué par la banque. La Caisse de crédit agricole disposerait enfin d'autres moyens pour recouvrer sa créance puisque M. [J] est solvable.

Par conclusions transmises par voie électronique le 1er décembre 2021, la caisse de crédit agricole Alsace Vosges venant aux droits de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alsace Vosges conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement, et sollicite le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que le délai de prescription de l'action contre le débiteur principal est bien de dix ans mais qu'il ne court pas à compter de la première échéance impayée mais à compter du prononcé de la déchéance du terme en ce qui concerne le capital restant dû, or la prescription a été interrompue.

Elle estime qu'en tout état de cause, la caution ne peut pas se prévaloir de la prescription de l'obligation principale qui ne profite qu'au débiteur principal.

Elle soutient que le délai de prescription à l'égard de la caution non professionnelle est différent de celui à l'égard du débiteur principal, l'action en paiement de la banque contre la caution étant soumise à la prescription de droit commun dès lors que la banque a bénéficié de la garantie personnelle de la caution sans lui avoir fourni aucun service. Or ce délai était de 30 ans au jour de l'exigibilité de la créance, ramené à 5 ans par la loi du 17 juin 2008, de sorte qu'il expirait le 17 juin 2013.

Ce délai a toutefois était interrompu par les saisies-attributions pratiquées à l'égard de [C] [F] en 2010 et 2011, et un nouveau délai de prescription de 5 ans a commencé à courir à compter du 30 juin 2011 à l'égard de la caution, ce délai ayant été une nouvelle fois interrompu pas le décès de Mme [F], le 5 avril 2015, de sorte que l'action introduite à l'égard de l'héritière de [C] [F], le 23 juillet 2018 n'était donc pas prescrite.

A titre superfétatoire, la déclaration de créance dans le cadre de la procédure collective du débiteur principal interrompt la prescription à l'égard de la caution, et cet effet interruptif se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective. S'agissant d'une stricte application des textes et de la jurisprudence, il n'y a pas d'atteinte à la sécurité juridique.

La Caisse de crédit agricole fait valoir que le décès de [C] [F] est intervenu à un moment où la prescription était interrompue, or l'absence d'acceptation de la succession par son héritière et la nécessité de délivrer une sommation d'avoir à prendre parti n'ont pas permis à la Caisse de crédit agricole d'agir immédiatement postérieurement au décès, elle invoque les dispositions de l'article 2234 du code civil.

Elle estime en outre que le commandement de payer avant exécution forcée, qui est un acte d'exécution forcée au sens des dispositions de l'article 2244 du code civil, est interruptif de prescription.

Enfin, la procédure ne tendant pas à faire exécuter l'acte de réalisation de crédit du 15 octobre 1997 à l'encontre de Madame [W] mais seulement à faire reconnaître la qualité d'héritière de cette dernière, et à fixer le montant de la créance, la question de l'existence d'un titre exécutoire ne se pose donc pas. En tout état de cause, ce titre existe, l'acte de réalisation du 15 octobre 1997 fixant la créance à l'égard de M. [J] respectivement de la caution, à un montant de 374 311,32 francs et disant que cette somme est productive d'intérêts de retard au taux de 14,70 %, les conditions de remboursement étant également prévues, outre la soumission à l'exécution forcée immédiate.

La Caisse de crédit agricole qui est en possession d'un titre exécutoire à l'égard de la caution depuis lors décédée, a donc intérêt et qualité à agir pour solliciter que la qualité d'héritier de la caution de Mme [W] soit reconnue et pour solliciter fixation de la créance à l'égard des héritiers.

Sur la demande reconventionnelle, l'intimée fait valoir que l'article L.341-4 devenu L.332-1 du code de la consommation n'est pas applicable aux cautionnements souscrits antérieurement à l'entrée en vigueur de ces textes, et que l'article L. 313-10 ancien du code de la consommation, en vigueur à la date de l'engagement n'est pas applicable car il ne concerne que les crédits à la consommation, et que Mme [W] n'a pas agi sur le terrain de la responsabilité pour défaut de proportion de l'engagement souscrit dans le délai de prescription. En tout état de cause, elle conteste toute disproportion de l'engagement de caution de [C] [F] en considération de son patrimoine au jour de l'engagement.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 décembre 2021.

MOTIFS

Sur la demande de la Caisse de crédit agricole

L'action engagée par la Caisse de crédit agricole contre Mme [W] est une action en reconnaissance de sa qualité d'héritière de [C] [F] et en fixation du montant de la créance de la banque sur la succession.

Mme [W] oppose une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir de la Caisse de crédit agricole qui ne disposerait d'aucune créance contre la caution du fait d'une part de la prescription de son action à l'égard du débiteur principal, d'autre part de la prescription de son action en paiement en tant que dirigée contre la caution, et enfin de l'absence de titre exécutoire à son encontre.

Contrairement à ce que soutient l'intimée, la caution peut se prévaloir de la prescription de la dette du débiteur principal, par application du droit commun, s'agissant d'une exception inhérente à la dette. La jurisprudence citée par Mme [W], qui concerne l'application du délai de prescription biennal bénéficiant aux consommateurs, n'ayant pas vocation à s'appliquer puisqu'il est admis par les parties que M. [J] qui a souscrit le prêt garanti par le cautionnement solidaire

de feue [C] [F] pour son activité professionnelle n'a pas la qualité de consommateur, et que le délai de prescription applicable est le délai de 10 ans de l'ancien article 189 bis du code de commerce.

Comme l'a retenu le premier juge, le délai de 10 ans qui a commencé à courir au 15 octobre 1997, date à laquelle la créance de la banque est devenue exigible, ayant été réduit à cinq ans par la loi du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 19 juin 2008, le délai de prescription expirait le 19 juin 2013 (et non pas le 17 juin 2013) en vertu des dispositions transitoires de cette loi. Or, ce délai a été interrompu par la déclaration de créance de la banque en date du 20 mars 2000, laquelle poursuit ses effets jusqu'à clôture de la procédure collective, laquelle n'était toujours pas intervenue en 2018 du fait de l'absence de réalisation des biens immobiliers du débiteur.

Il sera au surplus relevé que, même à supposer que le délai de prescription ait commencé à courir le 30 mai 1995 comme le soutient l'appelante, ce délai aurait été interrompu de la même manière par la déclaration de créance.

Mme [W] ne peut donc se prévaloir de la prescription de la dette principale pour soutenir que la créance de la Caisse de crédit agricole serait éteinte.

C'est tout aussi vainement que Mme [W] prétend que l'action de la Caisse de crédit agricole à l'égard de la caution serait prescrite, alors que l'effet interruptif de la prescription attaché à la déclaration de créance joue à l'égard de tous les co-obligés solidaires, et à l'égard de la caution en application de l'article 2250 ancien du code civil, et que le délai de prescription trentenaire de l'action dirigée contre la caution non-professionnelle, délai ramené à cinq ans par la loi du 17 juin 2008, n'était pas expiré à la date de la déclaration de créance.

Le tribunal a en outre relevé, à bon droit, que ce délai a également été interrompu à l'égard de feue [C] [F] par les saisies-attributions diligentées à son encontre les 30 novembre 2010 et 30 juin 2011, dont l'effet s'est poursuivi jusqu'à son décès, en l'absence règlement des sommes dues.

L'application des règles légales en matière d'interruption de la prescription ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits de la caution, ni à la sécurité juridique.

Par voie de conséquence, Mme [W] ne peut contester la qualité de créancier de la Caisse de crédit agricole en se prévalant de l'acquisition de la prescription.

C'est tout aussi vainement que Mme [W] invoque le fait que la Caisse de crédit agricole ne disposerait pas d'un titre exécutoire, cette circonstance étant en effet sans incidence sur l'existence de la créance et donc sur la qualité de créancier de la Caisse de crédit agricole, et par voie de conséquence, sur la recevabilité de sa demande qui ne tend pas à l'exécution de l'acte authentique, étant d'ailleurs observé que l'affectation hypothécaire porte sur des biens dont [C] [F] était seulement usufruitière, mais seulement à la reconnaissance de la qualité d'héritière de Mme [W] en application de l'article 771 du code civil.

La fin de non-recevoir tirée d'un défaut d'intérêt ou de qualité pour agir de la Caisse de crédit agricole doit donc être rejetée et le jugement confirmé en ce qu'il a déclaré la demande de la Caisse de crédit agricole recevable.

L'article 771 du code civil dispose : 'L'héritier ne peut être contraint à opter avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de l'ouverture de la succession.

A l'expiration de ce délai, il peut être sommé, par acte extrajudiciaire, de prendre parti à l'initiative d'un créancier de la succession, d'un cohéritier, d'un héritier de rang subséquent ou de l'Etat.', et l'article 772 : 'Dans les deux mois qui suivent la sommation, l'héritier doit prendre parti ou solliciter un délai supplémentaire auprès du juge lorsqu'il n'a pas été en mesure de clôturer l'inventaire commencé ou lorsqu'il justifie d'autres motifs sérieux et légitimes. Ce délai est suspendu à compter de la demande de prorogation jusqu'à la décision du juge saisi.

A défaut d'avoir pris parti à l'expiration du délai de deux mois ou du délai supplémentaire accordé, l'héritier est réputé acceptant pur et simple.'.

Mme [W], dont il est justifié qu'elle est la fille de la défunte, n'ayant pas pris parti dans les deux mois suivant la sommation délivrée par la Caisse de crédit agricole, ni sollicité la prorogation du délai pour opter dans les conditions fixées par les textes précités, est donc réputée acceptante pure et simple.

La Caisse de crédit agricole qui ne poursuit pas le recouvrement de sa créance contre Mme [W] est en outre fondée à demander la fixation du montant de sa créance à l'égard de la succession de [C] [F], une telle fixation ne préjugeant nullement de la validité ni de la régularité des poursuites éventuellement engagées par la banque contre Mme [W], en sa qualité d'héritière de cette dernière, dans le cadre d'une exécution forcée immobilière. C'est donc sans contradiction que le tribunal a fixé le montant de la créance, tout en relevant que la Caisse de crédit agricole ne pouvait poursuivre l'exécution du titre dont elle se prévaut faute de l'avoir signifié à l'appelante.

Le montant de la créance n'étant pas discuté, le jugement sera également confirmé de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle de Mme [W]

Comme l'a relevé le tribunal l'article L.341-4 du code de la consommation devenu L.332-1, a été créé par la loi du 1er août 2003 et n'est donc pas applicable au cautionnement en cause. Il en est de même de l'article L.313-10 du même code invoqué par l'appelante qui est issu de la loi du 26 juillet 1993. A la date du cautionnement en cause, seul était en vigueur l'article 7-4 de la loi n°89-1010 du 31 décembre 1989 qui énonçait : 'Un établissement de crédit ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.'. Toutefois, les crédits destinés à financer les besoins d'une activité professionnelle étant exclus du champ d'application de cette loi, ce texte ne peut pas davantage être invoqué.

En l'état de la législation applicable au jour de la souscription du cautionnement litigieux, seule la jurisprudence exigeait le respect d'un principe de proportionnalité de l'engagement aux biens et revenus de la caution, la méconnaissance par la banque de cette exigence, qui était assimilée à un manquement à son devoir de bonne foi, ouvrant droit pour la caution à une action en responsabilité aux fins d'obtenir l'allocation de dommages et intérêts.

Le point de départ du délai de prescription de cette action en responsabilité se situe au jour où la caution a eu connaissance de son dommage, soit à compter de la mise en demeure qui lui a été adressée d'avoir à respecter son engagement, en l'espèce le 10 février 1998. Par voie de conséquence, [C] [F] aurait dû agir en responsabilité contre la Caisse de crédit agricole avant le 19 juin 2013, en application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 ayant réduit de trente à cinq ans le délai de la prescription de droit commun, de sorte que la demande reconventionnelle de Mme [W], outre qu'elle ne peut tendre à l'inopposabilité de l'engagement de caution, cette sanction n'étant pas applicable en l'espèce, est irrecevable comme prescrite.

Le jugement entrepris sera donc également confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais exclus des dépens

Le jugement entrepris étant confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et frais exclus des dépens.

Mme [W] succombant en son appel supportera la charge des entiers dépens d'appel et sera déboutée de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile. En considération de la situation économique respective des parties, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la Caisse de crédit agricole, les frais exclus des dépens qu'elle a exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 30 juin 2020 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

REJETTE les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE Mme [S] [D] [M], épouse [W] aux entiers dépens d'appel.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/02177
Date de la décision : 06/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-06;20.02177 ?
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