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06/10/2022 | FRANCE | N°19/04162

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 06 octobre 2022, 19/04162


MINUTE N° 430/2022





























Copie exécutoire à



- Me Guillaume HARTER



- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY





Le 06/10/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 6 octobre 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 19/04162 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HF7F<

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Décision déférée à la cour : 24 Avril 2019 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG



APPELANTE :



La société CONSULTA UNTERNEHMENSVERWALTUNG GMBH, société de droit étranger, prise en la personne de son représentant légal

ayant siège social [Adr...

MINUTE N° 430/2022

Copie exécutoire à

- Me Guillaume HARTER

- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY

Le 06/10/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 6 octobre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 19/04162 - N° Portalis DBVW-V-B7D-HF7F

Décision déférée à la cour : 24 Avril 2019 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG

APPELANTE :

La société CONSULTA UNTERNEHMENSVERWALTUNG GMBH, société de droit étranger, prise en la personne de son représentant légal

ayant siège social [Adresse 8]

représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la cour.

INTIMÉES :

L'association SYNDICALE LES CHATAIGNIERS, représenté par son conseil d'administration, assignée pour les besoins de la procédure auprès de la société TMG ayant son siège [Adresse 1] à [Localité 3], syndic de copropriété gérant l'indivision de l'association syndicale sise à [Localité 4]

Le Syndicat des copropriétaires RESIDENCE DES CHATIAGNIERS PFAFFENBRONN/LEMBACH Prise en la personne de son syndic la SARL TMG (TERRE ET MAISONS ET GESTION), ayant son siège [Adresse 1] [Localité 3], prise en la personne de son représentant légal

sise à [Localité 4]

représentés par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Mai 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 30 juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

La société Consulta Unternehmensverwaltung GMBH (dite plus loin société Consulta) est propriétaire d'une maison située [Adresse 2], à [Localité 7] (67) au sein de laquelle a été constituée l'association syndicale libre (ASL) dénommée « les Résidences [5] ».

L'assemblée générale de l'ASL du 25 juin 2016 a refusé de valider les travaux de changement de volets roulants réalisés sans autorisation par la société Consulta sur le bien dont elle est propriétaire au sein de la résidence et cette dernière a saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg en annulation de cette résolution.

Par ordonnance du 7 mars 2018, le juge de la mise en état a enjoint à l'Association syndicale Les Châtaigniers de mettre ses statuts en conformité avec la législation en vigueur avant l'audience du 23 mai 2018.

Par ses dernières conclusions récapitulatives, la société Consulta a notamment demandé au tribunal de :

- constater que la partie adverse n'avait pas qualité pour ester en justice,

- constater que le règlement du groupe d'habitations était devenu caduc,

- dire y avoir lieu à annulation pure et simple de l'assemblée générale de la Résidence Les Châtaigniers du 25 juin 2016, à tout le moins la résolution n° 14,

- débouter la partie adverse de ses prétentions.

Par ses dernières conclusions récapitulatives, l'Association syndicale Les Châtaigniers a demandé au tribunal de constater que la mise en conformité de ses statuts était en cours et de renvoyer l'affaire à une prochaine audience.

Par jugement du 24 avril 2019, le tribunal a débouté la société Consulta de l'ensemble de ses prétentions et l'a condamnée aux dépens de la procédure, disant n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.

Il a préalablement considéré qu'il n'avait pas à statuer sur les demandes des parties tendant à voir « constater », qui ne constituaient pas des prétentions énoncées au dispositif, conformément aux dispositions de l'article 446-2 al.2 du code de procédure civile.

Après avoir rappelé que les associations syndicales libres sont régies par les articles 7 à 10 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 et les règles de droit privé, le statut de la copropriété ne leur étant pas applicable, le tribunal n'a relevé aucun non-respect des statuts dans le procès-verbal de l'assemblée générale du 25 juin 2016, concernant le vote de la résolution litigieuse, les modalités de la décision de rejet y étant clairement précisées. Les statuts prévoyant les modalités de tenue des assemblées générales et celles du vote, ainsi que les règles de majorité, le rappel de ces règles dans la convocation à l'assemblée générale n'était pas nécessaire.

Regrettant que le règlement de l'Association syndicale Les Châtaigniers ne soit pas produit par les parties, le tribunal a cependant repris les termes de son article 10 rappelés par la société Consulta, sa caducité n'étant pas établie, et considéré que la pose d'un « Velux », tout comme l'ajout d'un caisson de volets sur des fenêtres en façade constituaient à l'évidence une modification de l'aspect général de l'immeuble contraire à ce règlement.

De plus, les photographies produites par la demanderesse ne prouvaient pas suffisamment l'existence d'un abus de majorité. Au contraire, le rejet de la demande d'un autre propriétaire tendant à la pose d'un « Velux » supplémentaire au cours de la même assemblée générale démontrait l'adoption d'une politique commune quant aux demandes tendant à modifier l'aspect extérieur des immeubles.

La société Consulta a interjeté appel de ce jugement par déclaration datée du 16 septembre 2019, cet appel étant dirigé contre l'association syndicale Les Châtaigniers, représentée par son conseil d'administration, assignée pour les besoins de la procédure auprès de la société TMG, prise en la personne de son représentant légal, syndic de copropriété et gérant l'indivision de l'association syndicale, et contre le syndicat des copropriétaires de la Résidence [5], pris en la personne de son « gestionnaire », la société TMG, elle-même prise en la personne de son représentant légal.

Par ordonnance du 24 mars 2021, le conseiller chargé de la mise en état a déclaré irrecevables la fin de non-recevoir soulevée par la société Consulta à l'encontre des demandes de l'ASL, pour défaut de pouvoir, ainsi que celles fondées sur l'article 564 du code de procédure civile et sur l'article 2224 du code civile, tirée de la prescription, en ce qu'elles relevaient de la compétence exclusive de la cour.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 26 août 2021, la société Consulta sollicite l'infirmation de la décision déférée, que la cour prononce la nullité de la résolution n°14 de l'assemblée générale de l'association syndicale Les Châtaigniers du 25 juin 2016 et qu'elle rejette toutes fins et prétentions formulées par cette association syndicale.

Par ailleurs, elle sollicite que la cour constate la nullité des demandes reconventionnelles de l'ASL, subsidiairement, qu'elle constate la prescription de la demande visant le « Velux » litigieux installé sur la toiture et juge cette demande irrecevable, et à titre infiniment subsidiaire, qu'elle rejette toute prétention formulée par cette association.

En toute hypothèse, elle sollicite la condamnation de l'Association syndicale Les Châtaigniers à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les frais et dépens de la présente instance.

La société Consulta sollicite la nullité de la résolution n°14 de l'assemblée générale du 25 juin 2016 qui a refusé d'entériner et de valider son changement de volet roulant, aux motifs que :

- le volet avec caisson saillant ne porte pas atteinte à l'harmonie d'ensemble et il est conforme au règlement de copropriété,

- le volet avec caisson non saillant constitue une solution techniquement extrêmement lourde, supposant d'intervenir sur le bâti et de l'endommager,

- l'Association syndicale Les Châtaigniers se prévaut de sa propre turpitude en exposant ne pas avoir agi lorsque des volets comparables aux siens, prétendument contraires au règlement, ont été posés sur plusieurs autres immeubles,

- ce faisant, elle viole le principe interdisant de se contredire au détriment d'autrui, constitutif d'une faute contractuelle, en rejetant sa demande après avoir toléré l'installation des mêmes volets roulants chez d'autres propriétaires.

S'agissant de la demande reconventionnelle de l'Association syndicale Les Châtaigniers, la société Consulta soulève en premier lieu sa nullité, faute de pouvoir. Elle soutient que la condition de l'article 9 de l'ordonnance du 1er juillet 2004, qui prévoit que l'ASL est administrée par un syndicat, n'est pas remplie dans la mesure où, après avoir constitué avocat en première instance, le syndicat des copropriétaires de la Résidence déclare désormais être inexistant, sans plus d'explication, si bien qu'il n'a pas pu charger la société gérante d'agir en justice au nom et pour le compte de l'association syndicale Les Châtaigniers.

En second lieu, la société Consulta sur la prescription de la demande reconventionnelle visant le « Velux », elle soutient que le délai de prescription de droit commun, seul applicable, était écoulé lors de la présentation de la demande, par des conclusions déposées le 9 juin 2017, alors que ce « Velux » a été réalisé en 2006, et en tout cas avant 2011.

Subsidiairement, au fond, la société Consulta conclut au rejet de ces demandes, reprenant les moyens selon lesquels l'association syndicale Les Châtaigniers cherche à se prévaloir de sa propre turpitude et viole l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui, ces deux comportements étant contraires à l'obligation d'exécuter les contrats de bonne foi et constitutifs d'une faute contractuelle.

Elle soutient qu'il n'est pas crédible que les cas qu'elle invoque aient échappé à la vigilance de l'association syndicale, alors qu'il s'agissait d'installations très visibles et que la prescription contractuelle applicable à l'époque était de 30 ans.

Subsidiairement, la société Consulta invoque un abus de majorité constitué par une inégalité de traitement totalement injustifiée dont elle a fait l'objet, la résolution contestée étant constitutive d'une rupture d'égalité entre les associés, dans la mesure où d'autres copropriétaires ont eux-mêmes installé des « Velux » et des volets roulants similaires aux siens.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 19 novembre 2021, l'association syndicale Les Châtaigniers, représentée par son conseil d'administration, assignée pour les besoins de la procédure auprès de la société TMG, syndic de copropriété et gérant de l'indivision de l'association syndicale, prise en la personne de son représentant légal, demande qu'il lui soit donné acte du dépôt de mandat pour le syndicat des copropriétaires de la Résidence et, subsidiairement, que soit constatée l'inexistence d'un tel syndicat des copropriétaires.

Elle sollicite :

- le rejet de l'appel de la société Consulta et de l'ensemble des conclusions de cette dernière comme étant irrecevables et mal fondées,

- le rejet du moyen de nullité de la demande et des fins de non-recevoir tenant à la prescription et à l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle,

- que sa demande reconventionnelle soit déclarée recevable et bien fondée et que la société Consulta soit condamnée à supprimer ou démolir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, passé un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, le deuxième « Velux » implanté à gauche du « Velux » existant d'origine sur le toit de son immeuble, vu de la route, respectivement de la place du village, ainsi que les deux caissons de volets roulants saillants implantés sur la même façade de son immeuble, et à remplacer ces derniers par des caissons de volets roulants non saillants, identiques à ceux qui préexistaient,

- la condamnation de la société Consulta à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

L'intimée souligne qu'en première instance, la société Consulta a assigné à la fois l'association syndicale et un syndicat des copropriétaires, invoquant l'application du régime de la copropriété.

Elle évoque une constitution déposée au nom du syndicat des copropriétaires par erreur et indique avoir justifié de la mise en conformité de ses statuts, qui prévoit que l'ASL est administrée par un conseil d'administration dont les membres sont élus par l'assemblée générale. Elle affirme être donc représentée par l'organe déterminé par ses statuts, qui déterminent aussi ses pouvoirs, conformément aux dispositions réglementaires applicables.

Si la société Consulta estime qu'elle n'est pas valablement représentée, il lui appartiendrait alors de lui faire désigner un administrateur ad hoc dans le cadre de la procédure.

Au fond, l'association syndicale Les Châtaigniers souligne qu'elle n'est pas une copropriété et que l'abus de droit invoqué par l'appelante doit être examiné conformément aux principes généraux des contrats, qui exigent que les situations soient identiques et que puisse être invoquée une rupture d'égalité. Or, les exemples invoqués par la société Consulta sont des travaux très anciens, réalisés de façon illégale et il s'agit de deux cas isolés sur cent maisons, ce qui ne peut constituer une rupture d'égalité.

De plus, la décision de l'assemblée générale n'a pas été prise pour favoriser des intérêts particuliers ou à l'encontre de l'intérêt collectif, ou au détriment de l'appelante, qui peut modifier ses volets.

Par ailleurs, la société Consulta étant elle-même membre de l'association, elle est malvenue à invoquer la turpitude de celle-ci.

Sur le principe d'interdiction de se contredire au détriment d'autrui, l'intimée soutient que deux cas singuliers ont échappé à sa vigilance mais que, pour le reste, elle fait preuve de constance et que la société Consulta ne démontre pas un changement de comportement, une contradiction, voire un droit acquis ou un abus de droit à son égard. Il n'existe aucune tolérance créatrice de droit ou de croyance légitime à l'égard des propriétaires. L'appelante ne démontre pas de difficulté technique concernant la nature des travaux réalisés et leur mise en conformité.

En outre, ce n'est pas la pose de volets qui est en cause mais le fait qu'ils soient posés avec le caisson en saillie de la façade. De plus, le souci est de préserver l'harmonie de l'ensemble immobilier et seuls les « Velux » implantés sur les façades avant, donnant sur la rue ou sur la place du village, rompent l'harmonie de l'ensemble immobilier, contrairement à l'arrière des bâtiments, du côté de la forêt, où leur installation a toujours été autorisée, ce que n'a pas demandé la société Consulta.

Sur la nullité de sa demande reconventionnelle soulevée par l'appelante, l'association syndicale souligne que celle-ci n'invoque aucun fondement juridique. Elle soutient être régulièrement représentée par son conseil d'administration et précise que la gestion est assurée par la société TMG, par ailleurs syndic de copropriété, sous l'égide du conseil d'administration, lequel a été désigné conventionnellement comme organe représentatif.

Par ailleurs, elle observe que, dans ses dernières écritures, la société Consulta semble renoncer à l'irrecevabilité tirée du caractère nouveau de la demande relative au « Velux ». Elle souligne en tout état de cause que cette demande n'est pas nouvelle mais aussi qu'elle n'est pas prescrite, contestant le caractère probant des photographies et attestations produites par l'appelante.

En outre, l'absence de mise en conformité de ses statuts ne remettait pas en cause son existence mais sa capacité à ester en justice ; un projet de nouveaux statuts est produit et la difficulté résulte de ce qu'elle comprend cent propriétaires qui, pour la plupart, ne vivent pas sur place, leur bien constituant une résidence secondaire.

Elle se prévaut des dispositions de l'article 2234 du code civil selon lesquelles la prescription ne court pas à l'égard de ceux qui sont dans l'impossibilité d'agir, soutenant que son inaction ne peut lui être reprochée aussi longtemps que, par la mise en conformité de ses statuts, elle n'avait pas recouvré sa capacité d'agir en justice, qu'elle avait perdue.

Sur le fond, elle fait valoir que les travaux illégaux de la société Consulta doivent être démolis, ces derniers, réalisés sans autorisation préalable de l'assemblée générale, modifiant l'aspect de l'immeuble.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées par la société Consulta et par l'association syndicale Les Châtaigniers.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 04 janvier 2022.

MOTIFS

En préalable, dans la mesure où la société Consulta ne présente aucune demande contre le syndicat des copropriétaires de la Résidence Les Châtaigniers, il convient de constater que la cour n'est pas saisie d'un appel dirigé contre ce syndicat, dont l'ASL indique qu'il est inexistant ce dont il lui sera donné acte.

I ' Sur la demande en nullité de la résolution n°14 de l'assemblée générale de l'ASL du 25 juin 2016

La résolution n°14 adoptée par l'assemblée générale de l'association syndicale de la Résidence Les Châtaigniers du 25 juin 2016 a rejeté à la majorité des membres présents ou représentés le projet de résolution portant sur la validation du changement de ses volets par la société Consulta (maison n°53).

L'article 10 du règlement de cette association syndicale stipule notamment : « Chacun des propriétaires pourra modifier comme bon lui semble la disposition intérieure de ses locaux. Mais, pour la bonne harmonie de l'ensemble immobilier, il ne devra rien faire qui puisse changer l'aspect général de ce dernier. En particulier les murs extérieurs, les portes d'entrée, fenêtres, persiennes ('), devront conserver leurs formes et couleurs primitives. »

Or, il est constant que le changement des volets roulants de sa maison par la société Consulta a conduit à la pose de caissons de volets roulants saillants en façade, ce qui n'était pas le cas des précédents volets. Il est donc incontestable que ces travaux ont modifié les formes du mur et des fenêtres et persiennes extérieurs et qu'ils n'ont pas respecté les obligations imposées par cet article du règlement de l'ASL.

Or, il appartient à l'assemblée générale des propriétaires d'assurer le respect de ce règlement par chacun de ses membres. Dès lors que ce changement de volets roulants a ainsi été effectué par la société Consulta en violation du règlement de l'association, le refus de cette assemblée générale de le valider ne peut être une décision contraire à l'intérêt collectif de ses membres, ou destinée à servir quelques intérêts particuliers et/ou à nuire aux intérêts de propriétaires minoritaires. Il ne peut donc être reproché à l'assemblée générale du 25 juin 2016 un quelconque abus de majorité dans son refus d'adopter le projet de résolution relatif à la validation de ces travaux.

Par ailleurs, le principe de l'estoppel, qui se définit comme le comportement procédural d'une partie au procès constitutif d'un changement de position, en droit, de nature à induire l'autre partie en erreur sur ses intentions, ne peut être sanctionné que si la contradiction s'opère dans des prétentions émises au sein de la même procédure.

Or, dans la situation présente, la société Consulta reproche à l'ASL de ne pas avoir agi à l'encontre des propriétaires de deux autres maisons dont les caissons des volets roulants sont eux aussi saillants en façade. Aucune atteinte au principe de l'estoppel ne peut donc être caractérisée du fait d'une telle abstention.

De plus, l'appelante ne démontre nullement que la pose de caissons de volets roulants apparents en façade de ces deux maisons ait été soumise à l'autorisation d'une quelconque assemblée générale des propriétaires membres de l'ASL et qu'elle ait été effectivement autorisée. Il en résulte qu'elle ne peut reprocher à l'association de se prévaloir, pour un tel motif, de sa propre turpitude.

Il peut d'ailleurs être observé, ainsi que l'a fait le tribunal, que l'assemblée générale du 25 juin 2016 a également refusé l'autorisation sollicitée par la propriétaire de la maison n°98 d'installer un « Velux » supplémentaire, ce qui tend à démontrer une position cohérente relative au respect de l'interdiction de modifier l'aspect extérieur des immeubles.

Enfin, l'appelante ne peut elle-même se prévaloir de sa propre turpitude en reprochant à l'ASL de ne pas valider a posteriori des travaux qu'elle-même avait entrepris sans autorisation et en contradiction avec le règlement de la dite association.

Au surplus, elle ne démontre nullement l'existence des difficultés qu'elle invoque, relatives à la pose de volets roulants avec caisson non saillant, alors que l'intimée précise, sans être contredite, que les volets roulants précédents étaient eux-mêmes non saillants.

Il résulte donc de l'ensemble des éléments ci-dessus que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de la société Consulta en annulation de la résolution litigieuse et qu'il sera confirmé sur ce chef.

II ' Sur les demandes reconventionnelles de l'ASL

A ' Sur la nullité des demandes soulevée par la société Consulta

En premier lieu, si la société Consulta invoque la nullité de la demande reconventionnelle de l'ASL pour défaut de pouvoir, il convient de souligner, comme l'a fait le magistrat chargé de la mise en état dans son ordonnance du 24 mars 2021, qu'une exception de nullité ne peut porter que sur un acte de procédure. Or, en l'espèce, l'appelante invoque exclusivement la nullité d'une demande et non pas celle d'un acte de procédure de l'ASL. Il en résulte que son exception de nullité ne peut être accueillie.

A ' Sur la recevabilité de la demande en suppression du Velux supplémentaire

Il n'est pas contesté que le délai de prescription quinquennal de droit commun de l'article 2224 du code civil est le seul applicable à la demande reconventionnelle tendant à la suppression du « Velux » ajouté aux « Velux » d'origine.

La société Consulta produit sur ce point une photographie dont la date est incertaine, l'exactitude des mentions figurant sur ce point dans un tableau informatique ne pouvant être vérifiée. Elle verse également aux débats une attestation rédigée en allemand par Mme [X] [B], ainsi que sa traduction en français. Compagne de l'ancien propriétaire de la maison, M. [Z], elle explique que l'installation de la fenêtre de toit dans le toit incliné a été approuvée par l'assemblée générale des propriétaires et qu'elle est antérieure à leur séparation survenue en 2010/2011.

Si la société Consulta produit les procès-verbaux des assemblées générales du 24 novembre 2007 et du 29 novembre 2008, ces derniers sont rédigés en langue allemande et leur traduction n'est pas fournie. Il n'est donc pas possible de vérifier que l'installation du « Velux » supplémentaire sur le toit de la maison n°53 a été autorisée par l'une de ces assemblées générales.

Cependant, en tout état de cause, celui-ci a été posé avant le 8 février 2012, alors que les premières conclusions de l'ASL tendant à la suppression de ce « Velux » ont été déposées le 8 février 2017.

Aucun élément ne permet de remettre en cause l'objectivité de ce témoignage, dont il résulte que le « Velux » litigieux a été posé plus de cinq ans avant la présentation de la demande tendant à sa suppression devant le tribunal, ce dont il résulte que le délai de prescription quinquennal était alors écoulé.

De plus, contrairement aux allégations de l'ASL, la demande en suppression de ce « Velux » n'est pas liée à celle relative au changement de volets roulants, dans la mesure où cette dernière demande porte sur des travaux dont la validation a été refusée par l'assemblée générale des copropriétaires, alors qu'il n'est pas justifié d'un tel refus concernant le « Velux ».

Par ailleurs, sur la suspension de la prescription invoquée par l'ASL sur le fondement de l'article 2234 du code civil, en raison de la perte de sa capacité juridique qui l'aurait placée dans l'impossibilité d'agir, jusqu'à ce qu'elle l'ait recouvrée par la mise en conformité de ses statuts, la cour constate que la loi du 1er juillet 2004 et le décret du 3 mai 2006 ayant imposé cette mise en conformité sont antérieurs de plus de dix ans à l'introduction de l'instance devant le premier juge par la société Consulta, et que les difficultés liées au nombre très important de propriétaires qui pour l'essentiel ne vivent pas sur place, qu'elle invoque, ne constituent pas un cas de force majeure.

Dès lors, cette absence de mise en conformité de ses statuts, qui dépend de la volonté de l'ASL, ne peut faire obstacle à la prescription de son action en suppression du « Velux » litigieux.

Il résulte donc de tous les éléments ci-dessus qu'aucune cause de suspension de la prescription de la demande de l'ASL en suppression de ce « Velux » n'est démontrée et que cette demande doit donc être déclarée irrecevable comme étant prescrite.

C- Sur la demande en suppression des caissons de volets roulants apparents sur la façade

La demande en suppression des caissons de volets roulants saillants, posés sur la façade de la maison de la société Consulta, apparaît fondée, dès lors qu'elle fait suite à la décision de refus de validation de ces travaux prise par l'assemblée générale des copropriétaires le 25 juin 2016, qu'aucune cause de nullité de décision n'est fondée et que la pose de ces volets est contraire aux stipulations du Règlement de l'ASL.

En conséquence, il convient d'y faire droit. Une astreinte sera ordonnée, afin de garantir l'effectivité de la suppression de ces volets.

III - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais non compris dans les dépens engagés à l'occasion de la première instance.

Pour les mêmes motifs, la société Consulta, dont les demandes sont pour l'essentiel rejetées, assumera les dépens de l'appel et réglera la somme de 2 000 euros à l'ASL sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non compris dans les dépens que cette dernière a engagés en appel. Sa propre demande présentée sur le même fondement sera en revanche rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONSTATE que la cour n'est pas saisie d'un appel dirigé contre le syndicat des copropriétaires de la Résidence [5] et [6] acte à l'association syndicale Les Châtaigniers de l'inexistence de ce syndicat ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 avril 2019 entre les parties par le tribunal judiciaire de Strasbourg,

Y ajoutant,

REJETTE la demande de la société Consulta Unternehmensverwaltung GMBH tendant à ce que soit constatée la nullité des demandes de l'association syndicale Les Châtaigniers, représentée par son conseil d'administration, assignée pour les besoins de la procédure auprès de la société TMG, gérant de l'association syndicale, prise en la personne de son représentant légal,

DECLARE irrecevable comme étant prescrite la demande de l'association syndicale Les Châtaigniers, tendant à la condamnation de la société Consulta Unternehmensverwaltung GMBH à supprimer le deuxième « Velux » implanté à gauche du « Velux » existant d'origine sur le toit de son immeuble, vu de la route, respectivement de la place du village,

CONDAMNE la société Consulta Unternehmensverwaltung GMBH à faire supprimer les deux caissons de volets roulants saillants implantés sur la façade de son immeuble vue de la route, respectivement de la place du village, et à remplacer ces derniers par des caissons de volets roulants non saillants, identiques à ceux qui préexistaient, et DIT que cette condamnation est assortie d'une astreinte de 50 (cinquante) euros par jour de retard pendant une durée de deux mois, passé un délai de quatre mois à compter de la signification du présent arrêt,

CONDAMNE la société Consulta Unternehmensverwaltung GMBH aux dépens d'appel,

CONDAMNE la société Consulta Unternehmensverwaltung GMBH à payer à l'association syndicale Les Châtaigniers la somme de 2 000,00 euros (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens que cette dernière a engagés en appel,

REJETTE la demande de la société Consulta Unternehmensverwaltung GMBH présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens qu'elle a engagés en appel.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 19/04162
Date de la décision : 06/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-06;19.04162 ?
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