La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/09/2022 | FRANCE | N°21/03436

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 30 septembre 2022, 21/03436


MINUTE N° 415/2022

























Copie exécutoire à



- Me Guillaume HARTER



- Me Ahlem RAMOUL-BENKHODJA



- la SCP GAHN G.CAHN T/BORGH



- Me Claus WIESEL



Le 30/09/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 30 Septembre 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N

° RG 21/03436 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HUPL



Décision déférée à la cour : 08 Juillet 2021 par le Juge de la mise en état de MULHOUSE





APPELANTE sous le n° 21/3436 et intimée sous le n° 21/3437 :



La S.A. CNA INSURANCE COMPANY EUROPE venant aux droits ...

MINUTE N° 415/2022

Copie exécutoire à

- Me Guillaume HARTER

- Me Ahlem RAMOUL-BENKHODJA

- la SCP GAHN G.CAHN T/BORGH

- Me Claus WIESEL

Le 30/09/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 30 Septembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/03436 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HUPL

Décision déférée à la cour : 08 Juillet 2021 par le Juge de la mise en état de MULHOUSE

APPELANTE sous le n° 21/3436 et intimée sous le n° 21/3437 :

La S.A. CNA INSURANCE COMPANY EUROPE venant aux droits de la S.A. CNA INSURANCE COMPANY LIMITED, prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 3].

représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la cour.

Plaidant : Me GERVAIS, avocat à Paris

APPELANTE sous le n° 21/3437 et intimée sous le n° 21/3436

La S.A. SOCIETE EUROPEENNE DE COURTAGE prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Claus WIESEL, avocat à la cour

INTIMÉ et appelant incident :

Monsieur [P] [M]

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me RAMOUL-BENKHODJA, avocat à la cour

Plaidant : Me BURESI, avocat à Paris

INTIMÉE :

La S.A.S. INVEST 2X CONSEILS prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

représentée par la SCP CAHN G. CAHN T./ BORGHI, avocat à la cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Avril 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre, et Madame Nathalie HERY, conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique DONATH faisant fonction.

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 10 juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Dans les années 2000, la SAS Aristophil, ayant pour activité l'achat et la revente d'oeuvres d'art, lettres autographes, manuscrits et livres anciens de valeur, auprès d'une clientèle de particuliers, a proposé à un réseau de courtiers en assurance et de conseillers en gestion de patrimoine de commercialiser des placements financiers dénommés 'Aristophil', présentés comme un outil de diversification patrimoniale innovant, consistant à acquérir en pleine propriété ou en indivision des collections de lettres et manuscrits anciens appartenant à la société Aristophil et préconstituées par cette dernière.

Une convention de garde et de conservation était généralement conclue par l'acquéreur avec la société Aristophil aux termes de laquelle cette dernière assurait la garde et la conservation des collections, cette convention conclue pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction jusqu'à 5 ans contenant une promesse de vente par l'acquéreur à la société Aristophil la collection ainsi acquise, à l'issue d'un délai de 5 ans de garde et conservation, moyennant un prix déterminé par expertise et au minimum supérieur au prix d'acquisition de 8% environ par an. Elle prévoyait en outre que le propriétaire pourrait chaque année ou au terme de la conservation, mettre fin au contrat et alors, soit conserver la collection, soit la vendre, soit appliquer la promesse de vente.

Pour organiser la commercialisation de ces oeuvres d'art, lettres autographes, manuscrits, livres et livres anciens de valeur en tant que produits de placement, la SAS Aristophil a mandaté la société Art courtage, qui a fait appel à un réseau d'agents commerciaux et de courtiers qui étaient chargés de les proposer et de les vendre à leurs clients au nom et pour le compte de la société Aristophil, parmi lesquels la société Européenne de courtage et la société Invest 2X conseils.

La société Art courtage avait souscrit auprès de la société CNA Insurance company limited (devenue CNA Insurance Company Europe) un contrat d'assurance groupe pour garantir sa responsabilité et celle des intermédiaires mandatés pouvant être encourue à l'occasion de la commercialisation des produits Aristophil.

M. [P] [M] a ainsi conclu les 15 décembre 2010 et 6 décembre 2011 avec la société Aristophil, par l'entremise de la société Européenne de courtage, deux contrats Coraly's prestige 200 portant respectivement sur :

- une des 100 parts de l'indivision 'Incunables, Portulans et Livres d'heures au prix de 15 000 euros,

- une part de l'indivision 'les Grands manuscrits de l'Empereur chapitre III au prix de 5 000 euros.

Parallèlement, il a conclu avec la société Aristophil un contrat de dépôt, garde et conservation aux termes duquel il confiait la garde et la conservation de la collection à la société Aristophil, avec promesse de vendre la collection à cette dernière à l'issue des cinq années du contrat de garde, à un prix majoré de 8,95 % l'an.

La SAS Aristophil, société mère du groupe éponyme, a été placée en redressement judiciaire selon jugement d'ouverture du 16 février 2015, puis en liquidation judiciaire le 5 août 2015. Parallèlement, une information judiciaire a été ouverte sur ses activités.

Déplorant la perte du capital investi, l'information judiciaire comme les ventes réalisées dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ayant révélé la surévaluation systématique des manuscrits et ouvrages par rapport à leur valeur réelle sur le marché, M. [M] a fait citer devant le tribunal de grande instance de Mulhouse la société CNA Insurance company limited, la société Invest 2X conseils et la société Européenne de courtage par exploits respectivement délivrés les 20 décembre 2019, 7 et 13 janvier 2020 aux fins d'obtenir indemnisation de son préjudice, invoquant un manquement des intermédiaires à leur obligation d'information et de conseil. La société CNA insurance company (Europe) est intervenue volontairement en la cause.

Par ordonnance du 8 juillet 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Mulhouse a :

- déclaré nulle l'assignation délivrée à la société Invest 2X conseils le 7 janvier 2020,

- rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par la SA Européenne de courtage,

- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir soulevée par les sociétés CNA Insurance company limited et CNA insurance company (Europe),

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés CNA Insurance company limited et CNA insurance company (Europe),

- s'est déclaré compétent pour se prononcer sur fin de non-recevoir tirée de la prescription,

- fixé au 27 février 2015 le délai de prescription quinquennale applicable à l'action en responsabilité de M. [M] à l'encontre de la SA Européenne de courtage suivant acte d'huissier délivré le 13 janvier 2020,

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité formée par M. [M] au titre des conventions Coraly's Prestige 200,

- déclaré en conséquence recevables les demandes de dommages et intérêts formées par M. [M] à l'encontre des sociétés Européenne de courtage et CNA Insurance company, respectivement au titre d'un préjudice financier et d'un préjudice moral,

- enjoint à la société Européenne de courtage de produire différents documents, sous astreinte,

- condamné les sociétés Européenne de courtage et CNA Insurance company à verser chacune la somme de 500 euros à M. [M] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [P] [M] à payer la somme de 1 000 euros à la société Invest 2X conseils sur ce fondement,

- rejeté les autres demandes.

La société CNA Insurance company et la société Européenne de courtage ont respectivement interjeté appel de cette ordonnance les 21 et le 22 juillet 2021.

Les procédures ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état du 31 janvier 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique respectivement le 28 septembre et le 15 octobre 2021, dans chacun des dossiers, la société CNA Insurance company Europe demande à la cour de:

- infirmer l'ordonnance entreprise,

- dire et juger que le juge de la mise en état était incompétent pour statuer sur fin de non-recevoir tirée de la prescription,

en conséquence,

- renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Mulhouse afin qu'il soit statué sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

A titre subsidiaire,

- juger que l'action de M. [M] est prescrite.

En tout état de cause,

- le débouter de toutes ses demandes,

- le condamner au paiement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

*

Par conclusions transmises par voie électronique le 22 décembre 2021, la société Européenne de courtage demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise, et statuant à nouveau de :

- déclarer nulle l'assignation délivrée par M. [M] à son encontre,

- déclarer en conséquence irrecevable toute demande de M. [M] à son encontre,

- l'en débouter,

subsidiairement,

- constater la prescription de l'action dirigée par M. [M] à son encontre

- le déclarer en conséquence irrecevable en sa demande,

- l'en débouter,

- le condamner aux entiers dépens de la procédure ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

*

Par conclusions transmises par voie électronique le 1er mars 2022, M. [M] demande à la cour de déclarer l'appel de la société CNA Insurance company Europe irrecevable et mal fondé, de le rejeter, et de :

- confirmer l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle l'a condamné au paiement d'une indemnité de procédure à la société Invest 2X conseils,

- infirmer la première décision de ce chef.

Statuant à nouveau,

- dire et juger qu'il n'y a lieu à versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la SAS 2x Invest conseils.

En tout état de cause,

- débouter les sociétés Européenne de courtage et CNA insurance company (Europe), et la SAS 2x Invest conseils de leurs appels, appel incident et provoqué dirigées à l'encontre de M. [M],

- débouter les sociétés Européenne de courtage et CNA Insurance company (Europe), et la SAS 2x Invest conseils de l'intégralité de leurs demandes fins et conclusions dirigées à l'encontre de M. [M],

- condamner les sociétés Européenne de courtage et CNA Insurance company (Europe) au paiement d'une somme de 3 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens.

*

Par conclusions transmises par voie électronique le 22 octobre 2011 la société Invest 2X conseils demande à la cour de confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a prononcé la nullité de l'assignation qui lui a été délivrée le 7 janvier 2020 et a condamné M. [M] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger les demandes de M. [M] à son endroit prescrites,

- condamner tout succombant à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

L'affaire a été fixée à bref délai en application de l'article 905 du code de procédure civile par ordonnance de la présidente de la chambre du 30 août 2021.

MOTIFS

À titre liminaire, il convient de constater que la cour n'est saisie que d'un appel limité et qu'elle n'est notamment pas saisie d'un appel portant sur la disposition de l'ordonnance entreprise ayant déclaré nulle l'assignation délivrée par M. [M] à la société Invest 2X conseils.

Sur la nullité de l'assignation délivrée à la société Européenne de courtage

La société Européenne de courtage reproche au juge de la mise en état d'avoir rejeté sa demande d'annulation de l'assignation qui lui a été délivrée le 13 janvier 2020 devant le tribunal de grande instance de Mulhouse, aux motifs d'une part que le changement de dénomination de la juridiction, qui est devenue le tribunal judiciaire à compter du 1er janvier 2020, ne pouvait être assimilé à une inexistence de la juridiction saisie, d'autre part que l'indication de la chambre saisie n'était pas prescrite à peine de nullité par l'article 56 du code de procédure civile dans sa version applicable au litige, et qu'enfin la mention de l'obligation pour la partie défenderesse de constituer un avocat au barreau du ressort de la cour d'appel de Colmar constitutive d'une irrégularité de forme n'avait causé aucun grief à la société Européenne de courtage qui avait constitué avocat.

Au soutien de son appel, la société Européenne de courtage fait valoir que l'erreur sur la désignation de la juridiction saisie ne constitue pas un vice de forme, dans la mesure où au jour de la délivrance de l'assignation, le tribunal de grande instance n'existait plus, suite à la création d'une nouvelle juridiction, le tribunal judiciaire ayant des compétences différentes.

En outre, la mention relative à la représentation par un avocat du barreau du ressort de la cour d'appel de Colmar manifestement erronée que l'action soit engagée devant la chambre civile du tribunal judiciaire de Mulhouse ou devant la chambre commerciale de ce même tribunal, entache de nullité l'assignation, la constitution d'avocat pour invoquer l'irrégularité soulevée n'étant pas suffisante pour régulariser la procédure.

M. [M] demande la confirmation de ce chef de l'ordonnance. Il fait valoir que l'assignation ayant été délivrée à la société CNA Insurance company limited, le 20 décembre 2019, avant l'entrée en vigueur de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 ayant institué le tribunal judiciaire, la cohérence et la régularité de la procédure commandait de faire délivrer une même assignation à l'ensemble des parties, et ce n'est que pour des contraintes de calendrier que certains de ces actes n'ont pu être délivrés que postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi et au changement de terminologie. Il considère que l'action a donc valablement été introduite devant le « Tribunal de Grande Instance » sous le régime de l'organisation judiciaire antérieure.

Il relève en outre que la société Européenne de courtage ne rapporte pas la preuve d'un grief.

La cour relève, comme l'a retenu à bon droit le premier juge, que la procédure ayant été introduite par une assignation délivrée à la société CNA Insurance company limited le 20 décembre 2019, la saisine par assignation demeure régie par les dispositions des articles 56, 752, 757 et 758 du code de procédure civile dans leur version antérieure au décret du 11 décembre 2019 conformément à l'article 55 III de ce décret.

C'est également à bon droit que le juge de la mise en état a retenu que la mention 'tribunal de grande instance' en lieu et place de 'tribunal judiciaire' dans l'assignation délivrée le 13 janvier 2020 à la société Européenne de courtage était constitutive d'un vice de forme, supposant la démonstration d'un grief, la juridiction saisie n'étant pas inexistante, comme le soutient l'appelante, puisque le tribunal judiciaire s'est substitué au tribunal de grande instance, la circonstance que la compétence d'attribution du tribunal judiciaire, anciennement tribunal de grande instance, ait pu être corrélativement modifiée étant sans emport puisqu'il n'est pas contesté que la présente procédure relève de la compétence d'attribution du tribunal judiciaire.

La société Européenne de courtage ne rapportant toutefois pas la preuve d'un grief découlant de ce vice de forme, la nullité de l'assignation n'est donc pas encourue pour ce motif.

De même, si l'indication d'une obligation de représentation par un avocat au barreau du ressort de la cour d'appel de Colmar est manifestement erronée, quelle que soit la chambre saisie, et si la constitution d'avocat ne vaut pas en elle même régularisation, il appartient néanmoins à la société Européenne de courtage de démontrer l'existence d'un grief, ce quelle ne fait pas.

La décision entreprise doit donc être confirmée en ce qu'elle a rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par la société Européenne de courtage.

Sur le pouvoir du juge de la mise en état pour se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Pour retenir sa compétence pour connaître de cette fin de non-recevoir, le juge de la mise en état a retenu qu'en application de l'article 789-6° du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, et de l'article 55 II du même décret, le juge de la mise en état était compétent pour connaître des fins de non-recevoir dans les instances introduites à compter du 1er janvier 2020 ; qu'en vertu des dispositions articles 31 à 35 de l'annexe au code de procédure civile applicables en droit local, la juridiction est saisie par le placement de l'assignation ; qu'en l'espèce, l'assignation délivrée le 20 décembre 2019 à la société CNA Insurance company ayant été enrôlée le 7 janvier 2020, les dispositions précitées de l'article 789-6° étaient applicables.

Au soutien de son appel, la société CNA Insurance company Europe fait valoir que ce n'est pas la date de saisine de la juridiction mais celle d'introduction de l'instance qui doit être prise en compte, et qu'en présence de plusieurs assignations, la date d'introduction de l'instance est celle de la première assignation, quelle que soit la date de son enrôlement, à condition qu'elle soit effectivement enrôlée, les articles 31 à 35 de l'annexe au code de procédure civile ne dérogeant pas à cette règle.

M. [M] oppose que cette fin de non-recevoir n'a pas été soulevée par la société CNA Insurance company Europe mais par la société Européenne de courtage et par la société Invest 2X conseils, et considère que les appelantes, dont la société CNA Insurance company Europe, ne peuvent critiquer la compétence du juge de la mise en état, sauf à souffrir d'une contradiction procédurale majeure. Il estime qu'en soulevant l'incompétence du juge de la mise en état, les appelantes adoptent un comportement procédural contraire aux exigences du procès équitable et que dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la compétence du juge de la mise en état pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription doit être rejetée.

La cour constate que la question de la compétence, en réalité du pouvoir du juge de la mise en état pour connaître de la fin de non-recevoir tirée de la prescription, avait été soulevée par la société CNA Insurance company Europe en première instance, et que celle-ci est, par voie de conséquence, recevable, sans se contredire ni porter atteinte au droit de tout justiciable à un procès équitable, à critiquer en appel la disposition de l'ordonnance ayant rejeté sa prétention à ce titre.

Conformément à l'article 55 II du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, l'article 789 6° du code de procédure civile, qui dans sa rédaction issue de ce décret donne compétence au juge de la mise en état pour connaître des fins de non-recevoir, est applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020.

Selon une jurisprudence établie, lorsqu'une demande est présentée par assignation, la date d'introduction de l'instance doit s'entendre de la date de cette assignation, à condition qu'elle soit remise au greffe, et en cas de pluralité de défendeurs, la date d'introduction de l'instance est celle de la première assignation délivrée, sous réserve qu'elle soit remise au greffe.

En l'occurrence, la procédure a été introduite par l'assignation délivrée le 20 décembre 2019 à la société CNA Insurance company limited, avant l'entrée en vigueur de la disposition précitée, cette assignation ayant été remise au greffe le 30 janvier 2020.

La procédure ayant été introduite par assignation, et non par acte introductif d'instance en application des articles 31 à 35 de l'annexe au code de procédure civile relative à son application dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, la compétence du juge de la mise en état est donc régie par l'article 789 du code de procédure civile dans sa version antérieure au décret du 11 décembre 2019, de sorte que le juge de la mise en état n'avait pas le pouvoir de statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

S'agissant non pas d'une exception d'incompétence mais d'un défaut de pouvoir, il convient de déclarer la demande irrecevable en tant que présentée devant le juge de la mise en état et non de renvoyer au tribunal pour qu'il se prononce.

Sur les autres demandes

La cour constate que M. [M] qui demande l'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle l'a condamné à payer à la société Invest 2X conseils une somme de 1 000 euros, ne développe aucun moyen au soutien de son appel, de sorte que ce chef de la décision entreprise ne peut qu'être confirmé. De même, si la société CNA Insurance company Europe sollicite la réformation de la décision en ce qui concerne les condamnations prononcées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, elle ne formule aucune prétention à ce titre pour la procédure de première instance.

La décision entreprise sera donc confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens.

En considération de la solution du litige, la société Européenne de courtage et la société CNA Insurance company Europe, appelantes, qui ont intimé la société Invest 2X conseils sans formuler de prétentions contre elle seront condamnées à supporter les dépens de l'instance d'appel dirigée contre cette dernière, outre une indemnité de procédure de 1 000 euros pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel.

Pour le surplus, chacune des autres parties supportera ses propres dépens d'appel et les frais exclus des dépens qu'elle a exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Mulhouse en date du 8 juillet 2021 en ce qu'elle a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés CNA Insurance company limited et CNA insurance company (Europe),

- s'est déclaré compétent pour se prononcer sur fin de non-recevoir tirée de la prescription,

- fixé au 27 février 2015 le délai de prescription quinquennale applicable à l'action en responsabilité de M. [M] à l'encontre de la SA Européenne de courtage suivant acte d'huissier délivré le 13 janvier 2020,

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité formée par M. [M] au titre des conventions Coraly's Prestige 200,

- déclaré en conséquence recevables les demandes de dommages et intérêts formées par M. [M] à l'encontre des sociétés Européenne de courtage et CNA Insurance company, respectivement au titre d'un préjudice financier et d'un préjudice moral ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

DECLARE irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription en tant que présentée au juge de la mise en état dépourvu de pouvoir pour en connaître ;

CONFIRME pour le surplus l'ordonnance entreprise dans les limites de l'appel ;

A joutant à l'ordonnance entreprise,

CONDAMNE la SARL Européenne de courtage et la société CNA Insurance company Europe, in solidum, à supporter les dépens d'appel afférents à la mise en cause de la SARL Invest 2X conseils et à lui payer la somme de 1 000 € (mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE les autres demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [P] [M], la SARL Européenne de courtage et la société CNA Insurance company Europe à supporter chacun leurs propres dépens d'appel.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/03436
Date de la décision : 30/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-30;21.03436 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award