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28/09/2022 | FRANCE | N°22/03518

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 17 (sc), 28 septembre 2022, 22/03518


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE 17 (SC)



R.G. N° : N° RG 22/03518 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H5O7



Minute n° : 65/2022





ORDONNANCE du 28 Septembre 2022

dans l'affaire entre :





APPELANT :



MME LA PREFETE DU BAS-RHIN



Représentée par M. Monsieur [O] [S] qui a un pouvoir de représentation





INTIME :



Monsieur [R] [T]

né le 30 Octobre 1981 à [Localité 2]

de n

ationalité française

Sans résidence stable



assisté de Maître Sacha CAHN, avocat au barreau de Colmar, commis d'office



comparant







Ministère public auquel la procédure a été communiquée :

M. Jean-Luc JAEG...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE 17 (SC)

R.G. N° : N° RG 22/03518 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H5O7

Minute n° : 65/2022

ORDONNANCE du 28 Septembre 2022

dans l'affaire entre :

APPELANT :

MME LA PREFETE DU BAS-RHIN

Représentée par M. Monsieur [O] [S] qui a un pouvoir de représentation

INTIME :

Monsieur [R] [T]

né le 30 Octobre 1981 à [Localité 2]

de nationalité française

Sans résidence stable

assisté de Maître Sacha CAHN, avocat au barreau de Colmar, commis d'office

comparant

Ministère public auquel la procédure a été communiquée :

M. Jean-Luc JAEG, Avocat Général

Philippe ROUBLOT, Conseiller à la cour d'appel de Colmar, agissant sur délégation de Madame la première présidente, assisté lors des débats en audience publique du 28 Septembre 2022 de Nadine FRICKERT, Greffier, statue comme suit par ordonnance réputée contradictoire :

Vu l'arrêté en date du 11 mars 2021 de Mme la Préfète du Bas-Rhin portant admission en soins psychiatriques à l'Établissement public de santé Alsace Nord de M. [R] [T], né le 30'octobre 1981 à [Localité 1], et la décision de maintien en date du 15'mars 2021,

Vu l'ordonnance en date du 22'mars 2021 par laquelle le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg a confirmé la nécessité de la poursuite de la mesure des soins psychiatriques sans consentement en hospitalisation complète de M. [R] [T],

Vu l'arrêté en date du 9 avril 2021 de Mme la Préfète du Bas-Rhin portant maintien de cette mesure,

Vu l'arrêté du 9 juillet 2021 de Mme la Préfète du Bas-Rhin ordonnant le maintien de la mesure en soins psychiatriques de M. [T] à l'Établissement public de santé Alsace Nord, pour une durée maximale de six mois à compter du 11 juillet 2021 au 11 janvier 2022 inclus,

Vu l'ordonnance en date du 20 septembre 2021 par laquelle le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg a ordonné la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète de M. [R] [T],

Vu l'arrêt rendu le 23 septembre 2021 par lequel le délégué de la première présidente de la cour de céans a infirmé l'ordonnance susvisée et ordonné le maintien de la mesure de soins psychiatriques,

Vu l'ordonnance en date du 16 mars 2022 par laquelle le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg a ordonné la poursuite de l'hospitalisation complète de M. [R] [T],

Vu la saisine du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg par Mme la Préfète du Bas-Rhin en date du 8 septembre 2022,

Vu l'ordonnance en date du 12 septembre 2022 par laquelle le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg a ordonné la mainlevée, avec effet différé, de la mesure d'hospitalisation complète de M. [R] [T],

Vu la déclaration d'appel de Mme la Préfète du Bas-Rhin en date du 21 septembre 2022,

Vu l'avis du parquet général du 22 septembre 2022 qui requiert l'infirmation de la décision entreprise, et la poursuite des soins sous le régime de l'hospitalisation complète,

Vu l'avis d'audience transmis aux parties le 22 septembre 2022,

Vu les débats à l'audience de ce jour, lors de laquelle ont été entendus le patient, qui a eu la parole en dernier, et son conseil en ses observations, le représentant de la préfecture s'en remettant aux termes de sa déclaration d'appel,

MOTIFS':

Sur la régularité de l'appel :

L'appel formé, le 21 septembre 2022, par la préfète de la région Grand Est et du département du Bas-Rhin, contre l'ordonnance rendue le même jour par le juge des libertés et de la détention dudit tribunal, est, au regard des dispositions des articles R. 3211-18 et R. 3211-19 du code de la santé publique, régulier et recevable en la forme.

Sur la régularité de la procédure :

Aucune contestation n'a été émise au titre de l'article L. 3216-1 du code de la santé publique, tant devant le premier juge qu'à hauteur de cour, quant à la régularité de la procédure, laquelle est régulière en la forme.

Sur le fond :

Aux termes de l'article L. 3213-1 I du code de la santé publique, le représentant de l'État dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.

L'article L. 3213-3 I du même code dispose que dans le mois qui suit l'admission en soins psychiatriques décidée en application du présent chapitre ou résultant de la décision mentionnée à l'article 706-135 du code de procédure pénale et ensuite au moins tous les mois, la personne malade est examinée par un psychiatre de l'établissement d'accueil qui établit un certificat médical circonstancié confirmant ou infirmant, s'il y a lieu, les observations contenues dans les précédents certificats et précisant les caractéristiques de l'évolution des troubles ayant justifié les soins ou leur disparition. Ce certificat précise si la forme de la prise en charge du malade décidée en application de l'article L. 3211-2-1 du présent code demeure adaptée et, le cas échéant, en propose une nouvelle. Lorsqu'il ne peut être procédé à l'examen du patient, le psychiatre de l'établissement établit un avis médical sur la base du dossier médical du patient.

En l'espèce, il sera rappelé que M. [T], patient souffrant de schizophrénie paranoïde hallucinatoire chronique, remis, en tant que ressortissant français, par les autorités allemandes aux autorités françaises, après avoir été hospitalisé en Allemagne depuis 2011 à la suite d'une agression à l'arme blanche, a été admis a l'EPSAN, le 11 mars 2021, à la demande du représentant de l'État, le rapport de l'expert commis préalablement à son hospitalisation, à savoir le Dr [P], concluant qu'il présentait un état dangereux, au sens psychiatrique du terme et des troubles mentaux qui pourraient le conduire à être dangereux pour les personnes ou à porter atteinte de manière grave à l'ordre public, en relevant chez le patient, décrit comme méfiant et suspicieux, une personnalité colérique, un rapport problématique à la violence, tout en notant les effets du traitement médicamenteux pris durant son hospitalisation psychiatrique et ayant fait cesser les hallucinations. L'expert décrivait encore une radicalisation intervenue au cours de voyages en Algérie et une fascination pour les mouvements islamistes et indiquait que le patient s'était déclaré fier de l'agression qu'il avait commise.

L'hospitalisation du patient s'est, ensuite, poursuivie sous le même régime des soins contraints et sous une forme complète, le juge des libertés et de la détention en ayant, en dernier lieu, par sa décision du 16 mars 2022, ordonné la poursuite, relevant, au vu des éléments médicaux ultérieurs à la précédente décision que le patient était calme et de bon contact, avec un discours coherent, que malgré un cadre institutionnel strict, on ne retrouvait pas de troubles du comportement auto ou hétéro-agressif, que le patient adhérait au traitement, que l'hospitalisation se poursuivait certes, mais "par défaut", étant precisé que 1'état psychique du patient permettait l'élaboration d'un projet de réhabilitation en vue d'un programme de soins ambulatoire, ce projet toutefois nécessitant un allègement des restrictions de libertés qui étaient imposées. Il ajoutait qu'à cet égard, il était indiqué dans 1'avis motive que la maison départementale du handicap (MDPH) avait statué récemment pour l 'obtention de l 'allocation adulte handicapé (AAH) et l'accés à un établissement ou service d'aide par le travail (ESAT), que le patient avait d'aiIleurs déjà été contacté par l'ESAT de [Localité 3] pour étudier la possibilité d'une insertion professionnelle adaptée", le médecin devant conclure que la prise en charge sous forme d'hospitalisation complete demeurait adaptée avec la perspective prochaine de la mise en place de la poursuite des soins en programme de soins, l'hospitalisation étant ainsi maintenue par le juge des libertés et de la détention dans l'attente de cette perspective.

Depuis lors, il ressort des différents certificats mensuels, ainsi que l'avis motivé remis au premier juge, établis par plusieurs praticiens, que si l'état du patient ne présente pas d'évolution, il fait néanmoins preuve d'un comportement adapté, son humeur est décrite comme neutre et stable, il ne présente aucune agitation ou agressivité et plus largement aucun trouble du comportement, ni aucune idée délirante. Les certificats médicaux antérieurs à la décision dont appel s'accordent à reconnaître la nécessité de lever les mesures restrictives de liberté dont le patient fait l'objet, afin de permettre l'élaboration d'un projet de réhabilitation à l'extérieur de l'hôpital, dont il est indiqué la difficulté de mise en place, sans que celle-ci ne soit cependant imputée au patient.

Si certains certificats concluent d'emblée à la mise en place d'une mesure ambulatoire, précédée toutefois de sorties plus limitées, tandis que d'autres se limitent à recommander une poursuite de l'hospitalisation complète, mais également accompagnée de sorties progressives, et dans un premier temps restreintes dans leur durée et leurs modalités, il ressort néanmoins de manière concordante des avis médicaux qu'un maintien durable de la mesure d'hospitalisation est vu, au mieux, comme se déroulant par défaut, ainsi que cela a déjà été souligné dans la décision précitée du 16 mars.

Il est ainsi relevé l'expression, par le patient, d'une lassitude à cet égard, que les praticiens jugent d'ailleurs adaptée, tout en relevant de manière constante l'adhésion du patient aux soins, fût-ce, aux termes de certains avis, de manière passive, et nonobstant une conscience partielle des troubles à l'origine de son hospitalisation en 2011, dont il n'est pas cependant mentionné qu'elle compromettrait, dès lors que des soins seraient poursuivis dans un cadre adapté, l'évolution de la prise en charge du patient.

Dans ce contexte, il convient de relever, au vu du dernier certificat de situation établi le 26 septembre 2022, qu'à la suite de la décision du premier juge, il a été élaboré un programme de soins devant assurer la poursuite d'une prise en charge de M. [T] en milieu hospitalier, la nuit en semaine et également en journée les week-ends et jours fériés, et des soins en hôpital de jour dans une autre unité, assortis d'un entretien hebdomadaire avec un infirmier, outre une consultation mensuelle avec un psychiatre. Le certificat précise que le patient peut circuler à la fois au sein de l'enceinte de l'établissement qu'en dehors de celle-ci, ce qui est requis s'agissant d'un programme de soins qui implique le maintien de soins contraints, mais pas d'une hospitalisation complète sans liberté de mouvement totale et contre le gré du patient. L'avis de ce dernier a, par ailleurs, été recueilli lors de l'établissement du programme, l'intéressé acquiesçant à une mise en place retardée, afin de permettre une réorganisation des soins dans la perspective d'une prise en charge pluridisciplinaire ayant pour objectif l'autonomisation du patient.

Le programme ainsi établi apparaît adapté à l'état de santé du patient, dont il permet de garantir la nécessaire consolidation, sous réserve que l'évolution de la prise en charge puisse être rapidement effective et, en particulier, que la période transitoire dont il est fait état dans le dernier certificat se poursuive dans le strict respect de l'accord du patient et dans le temps strictement nécessaire à la mise en place des nouvelles modalités de soins, dont M. [T] a cependant indiqué, lors de l'audience, qu'elle se déroulait de manière progressive, et qu'il avait déjà pu débuter l'une des activités prévues dans le cadre de l'hôpital de jour.

À cet égard, il doit être rappelé que le patient dispose du droit de voir contrôler, s'il le demande, le déroulement du programme par les autorités compétentes, notamment judiciaires.

Au-delà, la mise en oeuvre d'un accompagnement social, tel que décrit dans les précédents certificats, permettrait également d'étayer le projet d'autonomisation du patient comme cela était envisagé, le patient ayant, à cet égard, pu préciser que ce projet restait une perspective, soumise au bon déroulement de la prise en charge en hospitalisation de jour.

En conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise.

PAR CES MOTIFS :

Confirme la décision du 12 septembre 2022 rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Strasbourg ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor

Le greffierLe conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 17 (sc)
Numéro d'arrêt : 22/03518
Date de la décision : 28/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-28;22.03518 ?
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