MINUTE N° 22/505
Copie exécutoire à :
- Me Emmanuel KARM
- Me Soline DEHAUDT
Copie aux parties par LRAR
Le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 19 Septembre 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 21/03369 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HVPD
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 juillet 2021 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Saverne
APPELANTES :
Madame [P] [D] [M] épouse [Y]
[Adresse 16]
[Localité 22]
non comparante, représentée par Me Emmanuel KARM, avocat au barreau de STRASBOURG
Madame [N] [Y] épouse [H]
[Adresse 1]
[Localité 22]
non comparante, représentée par Me Emmanuel KARM, avocat au barreau de STRASBOURG
Madame [R] [Y] épouse [V]
[Adresse 16]
[Localité 22]
non comparante, représentée par Me Emmanuel KARM, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMES :
Monsieur [A] [Y]
[Adresse 17]
[Localité 22]
non comparant, non représenté
E.A.R.L. [L]
[Adresse 18]
[Localité 22]
non comparante, représentée par Me Soline DEHAUDT, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 mai 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme MARTINO, Présidente de chambre
Mme FABREGUETTES, Conseiller
Madame DAYRE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme HOUSER
ARRET :
- réputé contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Madame [P] [M] épouse [Y], Madame [N] [Y] épouse [H], Madame [R] [Y] épouse [V] et Monsieur [A] [Y] viennent au droit de leur époux et père Monsieur [A] [Y], décédé le 24 octobre 2011, Madame [P] [Y] étant héritière pour la totalité de la succession en usufruit et les enfants chacun pour un tiers de la succession. Madame [Y] s'est également vu attribuer la communauté en pleine propriété.
Faisant valoir qu'ils ont appris à l'occasion de ce décès que des parcelles dont ils sont devenus propriétaires, situées sur les communes de [Localité 22], [Localité 38] et [Localité 43] étaient exploitées par l'Earl [L], les consorts [Y] l'ont assignée le 22 janvier 2018 devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Saverne aux fins de voir dire qu'elle ne dispose d'aucun bail rural valable et opposable et voir ordonner son expulsion sous astreinte de 100 € par jour de retard jusqu'à libération complète des lieux. Ils ont également sollicité paiement d'une somme de 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile. Ils ont fait valoir que le consentement de Madame [P] [M] épouse [Y] avait été vicié lorsqu'elle a signé quatre attestations de bail verbal datées du 11 novembre 2011, soit moins d'un mois après le décès de son mari et qu'il appartenait à l'Earl [L] de s'assurer de l'accord de tous les coïndivisaires.
Monsieur [A] [Y] fils s'est ensuite désisté d'instance et d'action.
L'Earl [L] a conclu au rejet des demandes et a sollicité condamnation des demanderesses à lui verser la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 32 du code de procédure civile pour procédure abusive, ainsi que la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
À titre subsidiaire, elle a conclu à la responsabilité de Madame [P] [M] épouse [Y], pour avoir conclu seule un bail en qualité d'usufruitière sans s'assurer du concours des nus-propriétaires.
Elle a fait valoir en substance qu'elle exploite les parcelles qui appartenaient à Monsieur [A] [Y] en propre et en commun avec son épouse, pour le compte des époux [Y] par bail et pour certaines en travail à façon, avec décompte et facture de travaux en fin d'année se compensant avec les fermages ; qu'à la suite du décès de Monsieur [A] [Y], son épouse a signé les attestations de baux conformément à la volonté de ce dernier, ainsi que les bulletins de mutation des parcelles à la Mutualité Sociale Agricole et a transféré les DPU avant de refuser subitement l'encaissement des fermages six ans plus tard et vouloir récupérer les parcelles ; que s'agissant des parcelles faisant partie de la communauté des époux, Madame [Y] s'est vue attribuer la pleine propriété de la communauté, de sorte qu'elle pouvait consentir seule un bail ; que s'agissant des parcelles ayant appartenu en propre à Monsieur [Y], certaines étaient exploitées en travail à façon avec son accord, sa signature figurant sur les factures produites ; que d'autres étaient exploitées selon bail rural ; que l'épouse ne peut se prévaloir de sa propre turpitude pour solliciter la nullité d'un acte ; que la nullité n'est pas demandée par l'ensemble des coïndivisaires et n'a pas été formée dans le délai de cinq ans à compter de la connaissance de l'acte litigieux ; que l'épouse disposait subsidiairement du mandat apparent des autres indivisaires.
Par jugement du 14 septembre 2021 (rectifié en 12 juillet 2021), le tribunal paritaire des baux ruraux et de Saverne a :
-constaté le désistement d'instance et d'action de Monsieur [A] [Y],
-débouté les consorts [Y] de leurs demandes,
-débouté l'Earl [L] de sa demande de dommages et intérêts,
-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,
-condamné les consorts [Y] in solidum aux dépens,
-condamné les consorts [Y] in solidum à payer à l'Earl [L] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour se déterminer ainsi, le premier juge a retenu que l'Earl [L] produit aux débats des attestations de bail verbal daté du 11 novembre 2011, signées par Madame [Y], relatives aux parcelles en litige, avec le montant des fermages ; que l'Earl [L] justifie aussi du paiement des fermages entre 2012 et 2014 ; que s'agissant des parcelles de communauté des époux [Y] appartenant exclusivement à Madame [Y], la preuve d'un vice du consentement n'est pas rapportée ; que s'agissant des parcelles ayant appartenues en propre à Monsieur [Y], l'Earl [L] se prévaut d'un travail à façon avec compensation des fermages et produit quatre factures détaillées signées par Monsieur [Y], dont la validité ne peut être remise en cause ; que s'agissant des autres parcelles, la sanction de la conclusion d'un bail par le seul usufruitier est la nullité, dont l'usufruitier ne peut se prévaloir en raison de sa propre turpitude ; qu'aucun vice du consentement n'est rapporté ; que les demandeurs avaient parfaite connaissance avant 2011, voire même en 2013, de l'exploitation des parcelles par l'Earl [L], de sorte que leur action intentée plus de cinq ans après la connaissance des faits est irrecevable ; que l'existence d'un bail rural au profit de l'Earl [L] est démontrée.
Madame [P] [M] [Y], Madame [N] [Y] épouse [H] et Madame [R] [Y] ont le 19 juillet 2021 interjeté appel de cette décision, qui leur a été notifiée par lettre recommandée avec avis de réception signée le 15 et 16 juillet 2021.
Elles ont de même interjeté appel le 10 septembre 2021 du jugement rendu le 30 août 2021 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Saverne, ayant ordonné la rectification du chapeau du jugement minuté 7/2021, en substituant la mention « 14 septembre 2021 » par celle de « 12 juillet 2021 ».
Par écritures datées du 9 novembre 2021 reprises oralement à l'audience du 30 mai 2022, elles concluent à l'infirmation du jugement déféré, rectifié par jugement du 30 août 2021, en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes et les a condamnées aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elles demandent à la cour de :
-prononcer la nullité des baux dont se prévaut l'Earl [L] sur les parcelles :
- Commune de [Localité 22],
' section [Cadastre 2], lieu-dit [Localité 32] de 32 ares 23 centiares,
' section [Cadastre 3], lieu-dit [Localité 32] de 17 ares 76 centiares,
' section [Cadastre 6], lieu-dit [Localité 36] de 42 ares 10 centiares,
' section [Cadastre 10], lieu-dit [Localité 37] de 17 ares 16 centiares,
' section [Cadastre 12], lieu-dit [Localité 34] de 17 ares 72 centiares,
' section [Cadastre 13], lieu-dit [Localité 34] de 17 ares 99 centiares,
' section [Cadastre 15], lieu-dit [Localité 39] de 42 ares 22 centiares,
' section [Cadastre 19], lieu-dit [Localité 42] de 177 ares 48 centiares,
' section [Cadastre 20], lieu-dit [Localité 33] de 16 ares 01 centiares,
- Commune de [Localité 38],
' section [Cadastre 24], lieu-dit [Localité 23] de 53 ares 00 centiares,
' section [Cadastre 25], lieu-dit [Localité 23] de 11 ares 50 centiares,
' section [Cadastre 26], lieu-dit [Localité 35] de 14 ares 60 centiares,
' section [Cadastre 27], lieu-dit [Localité 35] de 14 ares 35 centiares,
-Commune de [Localité 43],
' section [Cadastre 19], lieu-dit [Localité 42] de 177 ares 48 centiares,
' section [Cadastre 20], lieu-dit [Localité 33] de 16 ares 01 centiares,
À titre subsidiaire,
-juger que l'Earl [L] ne dispose d'aucun bail rural valable et opposable aux appelantes,
-juger que le bail est inopposable aux appelantes, que cette inopposabilité est totale en raison de l'indivisibilité du bail,
En conséquence,
-ordonner l'expulsion de l'Earl [L] des parcelles en litige,
Afin d'assurer l'effectivité de la mesure,
-assortir cette expulsion d'une astreinte de 100 € par jour de retard jusqu'à libération complète de l'ensemble des parcelles, passé le délai d'un mois à compter de la notification de la décision,
-se réserver la liquidation de l'astreinte,
-dire que la libération effective des parcelles se traduira par une lettre signée par le gérant de l'Earl [L] informant l'ensemble des héritiers de la libération effective des parcelles,
-condamner l'Earl [L] à leur payer la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens.
Elles font valoir que la signature apposée sur les factures pour le travail à façon n'est pas de la main de feu [A] [Y], mais est une grossière imitation ; qu'il n'est pas expliqué pourquoi l'Earl [L] aurait payé un fermage par compensation, pour des parcelles qu'elle n'exploitait alors pas puisqu'elles faisaient encore partie de l'exploitation de [A] [Y] ; que la fraude corrompant tout, l'Earl [L] ne dispose d'aucun titre valable sur ces parcelles ; que pour les autres parcelles propres de Monsieur [Y], en indivision, les documents dont l'intimée se prévaut comme valant baux ne sont signés que par l'usufruitière et non par l'ensemble des copropriétaires indivis ; que les indivisaires n'ont jamais donné leur consentement ; que l'Earl [L] ne peut se prévaloir d'une attestation délivrée par Monsieur [V], alors en procédure de divorce d'avec l'une des co indivisaires ; que l'action ne saurait être considérée comme prescrite, la découverte des faits ayant eu lieu en 2015, lorsque les enfants de Monsieur [Y] ont demandé à la Mutualité Sociale Agricole des relevés d'exploitation ; que l'Earl [L] ne peut par ailleurs se prévaloir de la théorie du mandat apparent et qu'elle a commis une faute en ne s'assurant pas du consentement de l'intégralité des propriétaires indivis des parcelles ; que le fait que l'usufruitière ne puisse se prévaloir de la nullité du bail n'empêche pas les nus-propriétaires d'en solliciter la nullité ; que l'attestation délivrée par Monsieur [A] [Y] fils au bénéfice de l'Earl [L] est dénuée de toute crédibilité, en ce qu'il était initialement demandeur à la procédure et n'a changé qu'ultérieurement de position.
Par écritures datées du 21 avril 2022, reprises oralement à l'audience du 30 mai 2022, l'Earl [L] a conclu, au visa de l'article 595 alinéa 4 du code civil et de la théorie de l'apparence, à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et a demandé condamnation in solidum des appelantes aux entiers frais et dépens de la procédure, ainsi qu'à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle maintient qu'elle exploitait un ensemble de parcelles, composé de biens propres de Monsieur [A] [Y] et de parcelles appartenant à la communauté des époux, pour le compte des époux [Y] pour partie en travail à façon et pour partie par bail ; que courant 2011, en raison de la dégradation de son état de santé, Monsieur [Y] avait prévu de conclure avec elle des baux sur l'ensemble des parcelles ; qu'il est décédé avant d'avoir pu conclure les contrats ; que cependant, Madame [P] [Y] a respecté la volonté de son époux en lui donnant à bail l'ensemble des terres ; qu'elle a signé à cette fin les bulletins de mutation des parcelles à la Mutualité Sociale Agricole, les attestations de bail et lui a transféré les DPU conservés par son époux ; que les fermages ont été payés régulièrement jusqu'à ce que l'intimée décide de refuser de les encaisser.
Concernant les parcelles de communauté des époux [Y], elle relève que Madame [Y] s'est vu attribuer la communauté en pleine propriété au décès de son époux et qu'elle pouvait seule consentir un bail sur ces terres ; que Madame [N] [H] et Madame [R] [Y] sont irrecevables à agir sur ce point et que son bail ne saurait être remis en cause.
Concernant les parcelles qui appartenaient en propre à Monsieur [Y], elle fait valoir qu'une partie, représentant 2 hectares 89 ares 86 centiares était exploitée par bail verbal consenti par Monsieur [A] [Y] de son vivant, l'autre partie étant exploitée par elle en travail à façon ; que Madame [P] [Y] n'a jamais exploité les parcelles ; que les factures au titre du travail à façon se compensaient avec le fermage des parcelles prises à bail ; que le caractère falsifié de la signature de Monsieur [Y] sur les factures n'est soulevée qu'à hauteur de cour et sans aucune justification ; que pour les autres parcelles appartenant en propre à Monsieur [A] [Y], Madame [Y] lui a consenti un bail, dont la validité ne peut être remise en cause ; qu'en effet, seul le nu-propriétaire peut se prévaloir de la nullité d'un bail consenti par l'usufruitier seul, de sorte que Madame [P] [Y] est irrecevable à la solliciter ; que l'action des nus-propriétaires, Madame [H] et Madame [R] [Y], doit être intentée dans un délai de cinq ans à compter du moment où elles ont eu connaissance de l'acte litigieux ; qu'en l'espèce, elles avaient parfaite connaissance des baux consentis sur les parcelles familiales avant et après le décès de leur père, ainsi qu'il ressort de l'attestation de l'époux de Madame [R] [Y] et de Monsieur [A] [Y] fils, de sorte que leur demande est irrecevable car tardive ; que de plus, la demande n'est pas formée à l'unanimité des nus-propriétaires ; que de même, la preuve de ce que Madame [P] [Y] aurait agi sous l'emprise de l'Earl [L] alors qu'elle venait de perdre son époux n'est nullement rapportée ; que la demande fondée sur un vice du consentement, également soumise à une prescription de cinq ans, est irrecevable, le délai pour agir étant dépassé.
Subsidiairement, elle fait valoir que la demande est mal fondée, en ce que Madame [Y] s'est comportée en qualité de mandataire apparent de ses enfants lorsqu'elle a effectué les démarches pour donner à bail l'intégralité des parcelles à l'Earl [L].
Plus subsidiairement, en cas d'annulation du bail sur les parcelles qui appartenaient en propre à Monsieur [Y] ou sur les autres parcelles objet du litige, elle fait valoir qu'elle est fondée à engager la responsabilité de Madame [P] [Y], en ce que l'usufruitière avait seule l'obligation de s'assurer du concours des nus-propriétaires pour consentir les baux, de sorte qu'elle devra voir sa responsabilité engagée et être condamnée à l'indemniser de ses préjudices d'exploitation sur ces parcelles.
Monsieur [A] [Y], régulièrement convoqué par lettre recommandée avec avis de réception signé le 9 septembre 2021, n'a pas comparu ni n'a constitué avocat.
MOTIFS
Il convient d'ordonner la jonction des procédures RG 21-3369 et 21-4044, relatives aux appels portant sur le jugement principal et sur le jugement rectificatif.
Au fond :
En vertu des dispositions d'ordre public de l'article L 411-1 du code rural et de la pêche maritime, toute mise à disposition à titre onéreux à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L 311-1 est régie par les dispositions du titre IV de ce code, sous les réserves énumérées à l'article L 411-2' la preuve du bail rural peut être apportée par tout moyen.
Il résulte en l'espèce des pièces versées aux débats que selon attestation de bail verbal signée le 11 novembre 2011,
Madame [P] [Y] a donné à bail à l'Earl [L] les parcelles suivantes, sises sur la commune de [Localité 22] :
' section [Cadastre 2], lieu-dit [Localité 32] de 32 ares 23 centiares,
' section [Cadastre 3], lieu-dit [Localité 32] de 17 ares 76 centiares,
' section [Cadastre 6], lieu-dit [Localité 36] de 42 ares 10 centiares,
' section [Cadastre 10], lieu-dit [Localité 37] de 17 ares 16 centiares,
' section [Cadastre 12], lieu-dit [Localité 34] de 17 ares 72 centiares,
' section [Cadastre 9] lieu-dit [Localité 41] de 20 ares 62 centiares.
Selon attestation de bail verbal signée à la même date, Madame [P] [Y] a donné à bail à l'Earl [L] les parcelles suivantes, sises sur la commune de [Localité 38] :
' section [Cadastre 28], lieu-dit [Localité 23] de 53 ares 00 centiares,
' section [Cadastre 29], lieu-dit [Localité 23] de 11 ares 50 centiares,
' section [Cadastre 30], lieu-dit [Localité 35] de 14 ares 60 centiares,
' section [Cadastre 31], lieu-dit [Localité 35] de 14 ares 35 centiares.
Selon attestation de bail verbal signée à la même date, Madame [P] [Y] a donné à bail à l'Earl [L] les parcelles suivantes, sises sur la commune de [Localité 43] :
' section [Cadastre 19], lieu-dit [Localité 42] de 1 hectare 27 ares 46 centiares,
' section [Cadastre 20], lieu-dit [Localité 33] de 16 ares 01 centiares,
' section [Cadastre 21] lieu-dit [Localité 33] de 78 ares 78 centiares.
Enfin, selon attestation de bail verbal signée à la même date, Madame [P] [Y] a donné à bail à l'Earl [L] les parcelles suivantes, sises sur la commune de [Localité 22] :
' section [Cadastre 15], lieu-dit [Localité 39] de 42 ares 22 centiares,
' section [Cadastre 4] lieu-dit [Localité 32] de 17 ares 30 centiares,
'section [Cadastre 5] lieu-dit [Localité 40] de 42 ares 93 centiares,
'section [Cadastre 8] lieu-dit [Localité 36] de 7 ares 97 centiares,
' section [Cadastre 7] lieu-dit [Localité 36] de 10 ares 84 centiares,
' section [Cadastre 14] lieu-dit [Localité 37] de 14 ares 72 centiares,
' section [Cadastre 11] lieu-dit [Localité 34] de 79 ares 76 centiares.
Il est par ailleurs justifié que Madame [Y] a signé les bulletins de mutation des parcelles à la Mutualité Sociale Agricole et a transféré
les DPU de son époux à l'Earl [L]. Cette dernière justifie s'être acquittée de chèque en règlement des fermages au bénéfice de Madame [Y] pour les années 2012 à 2014.
Aux termes de leurs écritures d'appel, les appelantes remettent en cause la validité des baux en tant qu'ils portent sur les parcelles qui appartenaient en propre à Monsieur [A] [Y], telles que rappelées dans le dispositif de leurs écritures, dont Madame [P] [Y] s'est vu attribuer la totalité de l'usufruit et les trois enfants du défunt la nue-propriété.
Pour justifier l'exploitation des parcelles, l'Earl Nonnemacher a fait valoir qu'elle exploitait, au titre d'un bail verbal consenti par Monsieur [A] [Y], les parcelles section [Cadastre 10] [Localité 37] et section [Cadastre 15] [Localité 39] sises commune de [Localité 22], section [Cadastre 19] [Localité 42] commune de [Localité 43] et section [Cadastre 28] [Localité 23] commune de [Localité 38].
Elle verse aux débats quatre factures, produites en original, adressées à Monsieur [Y], datées du 5 janvier 2006, du 5 mars 2007, au 11 novembre 2009 et du 10 décembre 2010, relatives respectivement au paiement des fermages pour 2005, 2007, 2009 et 2010, mentionnant le règlement des loyers par compensation avec des travaux à façon. Ces factures portent une signature pour Monsieur [Y], dont les appelantes arguent en vain le caractère falsifié, dans la mesure où elles sont semblables à celle apposée par l'intéressé notamment sur un acte de donation-partage souscrit le 5 septembre 2005 et où aucun élément ne permet de conclure qu'elles ont été tracées d'une main hésitante ou appliquée, de sorte que la cour est en mesure de se convaincre de ce qu'elles émanent bien de la main de feu [A] [Y]. Il est ainsi établi que pour ces parcelles, l'Earl [L] démontre l'existence d'une mise à disposition en contrepartie de fermages réglés en nature, consentis antérieurement au décès de Monsieur [Y], et de ce qu'elle disposait bien d'un bail dont la validité ne peut être remise en cause.
Concernant les autres parcelles exploitées par l'Earl [L], dont la propriété a été démembrée à la suite du décès de Monsieur [Y], il résulte des dispositions de l'article 595 dernier alinéa du code civil que l'usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal.
L'action en nullité du bail conclu par l'usufruitier seul ne peut être invoquée que par le nu-propriétaire, de sorte que la demande est irrecevable en ce qu'elle est formée par Madame [P] [Y].
Cette action en nullité relative se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle le nu-propriétaire a connu ou aurait dû connaître l'existence du bail.
L'Earl [L], à qui incombe la charge de cette preuve, verse aux débats une attestation émanant de Monsieur [U] [V], datée du 9 août 2018, par laquelle le témoin atteste sur l'honneur que sa femme [R] [Y] ainsi que sa mère, sa s'ur [N] [H] et son frère [A] [S] [Y], étaient au courant que [K] [L], gérant de l'Earl [L], exploitait leurs parcelles et était locataire en place avant et après le décès de [A] [Y].
Elle se prévaut également d'une attestation de Monsieur [A] [S] [Y], dont il sera rappelé qu'il s'est désisté immédiatement de l'action introduite par avocat en son nom et en celui de ses s'urs et de sa mère, qui indique à la date du 20 mai 2019 que les accusations portées à l'encontre de [K] [L], principalement fondées sur la ranc'ur, n'ont aucun fondement ; qu'au décès de son père en 2011, sa s'ur [N] [H] a pris en charge tous les papiers administratifs de leur mère (retraites, impôts, Mutualité Sociale Agricole etc.) ; que celle-ci n'a jamais été forcée de signer quelque document que ce soit et était bien consentante ; que ses s'urs et lui étaient au courant.
Ce témoignage corroborant celui de Monsieur [V], il ne peut être soutenu que l'attestation délivrée par ce dernier est mensongère au motif qu'il était en procédure de divorce de Madame [R] [Y] selon ordonnance de non-conciliation du 15 mai 2018.
Par ailleurs, il sera relevé que les filles de Monsieur et Madame [Y] avaient pleine connaissance des références cadastrales précises des parcelles au moins à compter de 2012, dont la propriété a été finalement transcrite en leur nom au Livre Foncier selon requête effectuée par Maître [B] [J], notaire, le 11 février 2013 ; que selon attestation parcellaire délivrée le 15 avril 2015 par la directrice de la Mutualité Sociale Agricole d'Alsace, ces parcelles étaient déclarées comme étant mises en valeur par l'Earl [L] depuis au moins le 1er janvier 2011 ; qu'ainsi, les appelantes étaient en mesure de connaître l'existence du bail litigieux depuis fin 2011, 2012, sans qu'elles puissent se prévaloir de la date à laquelle elles ont choisi de solliciter de la Mutualité Sociale Agricole l'attestation parcellaire précitée.
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que les filles de Madame [Y] ont eu connaissance des attestations de bail verbal signées par leur mère plus de cinq ans avant la date d'introduction de la demande en nullité le 22 janvier 2018, de sorte que le jugement déféré sera confirmé.
Sur les frais et dépens :
Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.
Partie perdante, les appelantes seront condamnées aux dépens de l'instance d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et seront déboutées de leur demande fondée sur l'article 700 du même code.
Il sera fait droit à la demande de l'intimée au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer pour défendre ses droits, à hauteur de la somme de 1 500 €.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
ORDONNE la jonction des procédures RG 21-3369 et 21-4044,
CONFIRME le jugement déféré,
Y ajoutant,
CONDAMNE in solidum Madame [P] [M] épouse [Y], Madame [N] [Y] épouse [H] et Madame [R] [Y] à payer à l'Earl [L] la somme de 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE Madame [P] [M] épouse [Y], Madame [N] [Y] épouse [H] et Madame [R] [Y] de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Madame [P] [M] épouse [Y], Madame [N] [Y] épouse [H] et Madame [R] [Y] aux dépens de l'instance d'appel.
La GreffièreLa Présidente de chambre