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16/09/2022 | FRANCE | N°20/02762

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 16 septembre 2022, 20/02762


MINUTE N° 389/22





























Copie exécutoire à



- Me Pégah HOSSEINI SARADJEH



- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI





Le 16 septembre 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 16 Septembre 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/02762 - N° Portalis

DBVW-V-B7E-HMZA



Décision déférée à la cour : 26 Juin 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE





APPELANT :



Monsieur [R] [G]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 2]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020/004153

du 27/10/2020 acco...

MINUTE N° 389/22

Copie exécutoire à

- Me Pégah HOSSEINI SARADJEH

- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI

Le 16 septembre 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 16 Septembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/02762 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HMZA

Décision déférée à la cour : 26 Juin 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANT :

Monsieur [R] [G]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 2]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020/004153

du 27/10/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

représenté par Me Pégah HOSSEINI SARADJEH, avocat à la cour.

INTIMÉ :

Monsieur [P] [F]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 Mai 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Dominique DONATH faisant fonction

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 9 septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Le 2 juin 2018, M. [P] [F] a acquis auprès de M. [R] [G] un véhicule d'occasion de marque Renault Clio Sport, mis en circulation le 31 août 2007, au prix de 11 300 euros. Le certificat d'immatriculation était cependant resté inscrit au nom du précédent propriétaire, M. [N] [O].

Le véhicule ayant connu notamment une défaillance moteur nécessitant des réparations chiffrées par un professionnel au montant de 7 274,59 euros, M. [F] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Mulhouse en février 2019 d'une demande d'expertise judiciaire à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 26 avril 2019, l'expert désigné étant M. [D] [J].

L'expert a signé son rapport le 9 janvier 2020 et, par acte introductif déposé le 24 février 2020, signifié à M. [G] le 9 mars 2020, M. [F] a saisi le tribunal judiciaire de Mulhouse d'une demande en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Par jugement réputé contradictoire du 26 juin 2020, le tribunal a prononcé la résolution de la vente du véhicule intervenue le 2 juin 2018 entre M. [F] et M. [G] sur le fondement de la garantie légale des vices cachés et condamné ce dernier à restituer au demandeur la somme de 11 300 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement, au titre du prix de vente, contre restitution du véhicule, aux entiers frais et dépens de la procédure, y compris ceux exposés dans le cadre de la procédure de référé 19/0077, et enfin au paiement, à M. [F], de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a débouté M. [F] du surplus de ses demandes et constaté l'exécution provisoire de droit du jugement.

Pour prononcer la résolution de la vente du véhicule sur le fondement de la garantie des vices cachés, le tribunal a relevé qu'il ressortait du rapport d'expertise judiciaire que le véhicule vendu à M. [F] présentait une usure du moteur, puisqu'il avait été notamment relevé une compression nulle du cylindre n°1, et des compressions non régulières sur les trois autres cylindres. Selon l'expert, si l'anomalie « raté moteur » n'était pas présente au moment de la vente, puisque, dans le cas contraire, elle aurait été ressentie sous forme d'à-coups par l'acquéreur, avec allumage du voyant diagnostic, l'état d'usure du moteur existait incontestablement avant la vente.

De plus, le montant des réparations était évalué par l'expert à 9 389,50 euros TTC, dont plus de 6 500 euros pour le changement du moteur, ce qui, au regard du prix de vente, attestait que le défaut constaté au niveau du moteur, qui empêchait au demeurant le démarrage du véhicule, rendait ce dernier impropre à sa destination.

Enfin, M. [F] n'avait pu découvrir lui-même les vices de la chose, l'expert indiquant qu'il ne pouvait faire un relevé de compression sans un outillage spécifique et n'étant pas un professionnel de l'automobile.

Par ailleurs, le tribunal a considéré que les différents frais mis en compte par le demandeur au titre de la sommation interpellative et de l'expertise relevaient des demandes accessoires et seraient pris en compte à ce titre.

M. [G] a interjeté appel de ce jugement par déclaration datée du 28 septembre 2020.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 24 décembre 2020, il demande à la cour de prononcer la nullité du jugement déféré.

Subsidiairement, si la cour ne faisait pas droit à sa demande d'annulation du jugement, il sollicite l'infirmation de celui-ci, qu'il soit jugé que l'action en garantie des vices cachés n'est pas applicable, mais aussi que M. [F] soit débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, y compris ceux exposés dans le cadre de la procédure de référé 19/0077.

À l'appui de sa demande tendant à l'annulation du jugement déféré, M. [G] expose que, suite à l'assignation qui lui a été délivrée, l'affaire a été fixée à l'audience du 3 avril 2020, laquelle n'a pas eu lieu en raison de l'état d'urgence sanitaire liée à l'épidémie de Covid 19. Il n'a cependant jamais été avisé de la date de l'audience à laquelle l'affaire a été renvoyée, de sorte qu'il n'a pas pu être présent pour se défendre et faire valoir ses arguments, alors qu'il avait fait toutes les diligences pour obtenir la date de renvoi afin d'aviser son conseil pour qu'il se constitue.

Sur le fond, M. [G] fait valoir que :

- le rapport d'expertise judiciaire n'évoque pas l'existence d'un vice caché, indiquant qu'au moment de la vente, l'anomalie « raté moteur » n'était pas présente mais qu'il y avait simplement une usure du moteur, si bien que le défaut concernant le moteur n'était pas antérieur à la vente,

- le problème de compression des cylindres relevé par l'expert est uniquement dû à l'usure du moteur qui, selon une jurisprudence constante, n'est pas un vice caché mais peut être dû à une mauvaise utilisation par l'acheteur après la vente,

- si une anomalie était présente lors de la vente au niveau du moteur, M. [F] s'en serait rendu compte.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 31 mars 2021, M. [F] sollicite le rejet de l'appel principal et de l'ensemble des demandes de M. [G], y compris de sa demande en nullité du jugement déféré.

Il sollicite la confirmation de ce jugement dans son intégralité ainsi que la condamnation de M. [G] aux entiers frais et dépens et au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la demande relative à la nullité du jugement, M. [F] souligne que l'acte introductif d'instance, daté du 24 février 2020, a été signifié à M. [G] par un huissier le 9 mars 2020, mentionnant les modalités de comparution devant la juridiction et la précision que « faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire ». De plus, l'audience étant fixée à la date du 3 avril 2020, M. [G] avait largement le temps de constituer avocat, ce qui lui aurait permis d'être informé de la date de renvoi.

Sur le fond, M. [F] fait valoir que le vice caché dont il se prévaut est une usure complète du moteur, nécessitant son remplacement. Il suffit que l'usure soit trop importante, justifiant le remplacement du moteur, pour constituer un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil.

Selon le rapport d'expertise judiciaire, l'usure du moteur était déjà présente lors de la vente, l'expert mentionnant que, lors de cette vente, il y avait d'ores et déjà un problème de compression des cylindres qui, plus tard, a occasionné des ratés moteurs.

Or, lors de la vente, l'évaluation de la compression des cylindres était impossible pour un non professionnel, nullement équipé de l'outillage nécessaire à cet examen, si bien qu'il ne pouvait pas vérifier l'état du moteur, alors que ce problème de compression a occasionné, par la suite, les ratés moteur et a rendu le véhicule totalement impropre à sa destination.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 04 janvier 2022.

MOTIFS

I ' Sur la demande de M. [G] tendant à la nullité du jugement

Il résulte des actes de la procédure de première instance que l'acte introductif d'instance déposé par M. [F] le 24 février 2020 au greffe du tribunal judiciaire de Mulhouse a été signifié au défendeur le 9 mars 2020, l'acte ayant été remis à une personne présente à son domicile, son père.

Cette assignation précisait que l'affaire était inscrite au rôle de l'audience du 3 avril 2020, laquelle n'a pas eu lieu en raison du confinement ordonné dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, dans le contexte de la pandémie de Covid-19. Cette audience a été reportée au 29 mai 2020, date à laquelle l'affaire a été mise en délibéré, et il n'est pas démontré que M. [G] ait été avisé de ce report.

Cependant, la représentation des parties étant obligatoire dans le cadre de la procédure devant le tribunal judiciaire, M. [G] en a été avisé par le procès-verbal de signification de l'acte introductif d'instance du 9 mars 2020 qui mentionnait :

« Vous devez, dans un délai de QUINZE JOURS à compter de la date de la présente assignation, constituer avocat admis à postuler devant la juridiction saisie.

Cette formalité est obligatoire, et si vous ne le faites pas, faute pour vous de comparaître, vous vous exposez à ce qu'une décision soit rendue contre vous sur les seuls éléments fournis par votre adversaire ».

Suivaient des explications relatives à l'aide juridictionnelle, en cas de ressources insuffisantes du défendeur.

M. [G] a donc bien été précisément informé de ce qu'il était obligatoire pour lui de constituer avocat et il résultait clairement des termes ci-dessus que c'était en ce sens qu'il convenait de comprendre le terme « comparaître », et non en ce que le défendeur devait comparaître en personne à l'audience.

Le délai de 15 jours pour constituer avocat mentionné sur l'assignation était largement expiré lorsque l'affaire a été retenue par le tribunal pour être mise en délibéré, le 29 mai 2020, soit deux mois et vingt jours après la délivrance de l'assignation. Or, M. [G] ne rapporte la preuve d'aucun motif l'ayant empêché de constituer avocat avant cette date, étant souligné que le confinement national, commencé le 17 mars 2020, soit 8 jours après la délivrance de l'assignation, avait pris fin le 11 mai 2020.

De plus, il n'apparaît pas non plus que le tribunal ait reçu, durant le délibéré, une constitution d'avocat du défendeur ou une demande de réouverture des débats présentée par son conseil.

Après avoir reçu l'assignation délivrée à la requête du demandeur, M. [G] n'a manifestement effectué aucune diligence pour se faire représenter lors de la première instance. En revanche, le principe du débat contradictoire a bien été respecté et le défendeur a disposé d'un délai largement suffisant, supérieur au délai réglementaire, pour se faire représenter par un avocat.

Il en résulte que la demande de M. [G] tendant au prononcé de la nullité du jugement déféré, non fondée, sera rejetée.

II ' Sur la demande de M. [F] en résolution de la vente du véhicule

En application de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Ainsi que l'a relevé le tribunal, l'expertise judiciaire a révélé, sur le véhicule vendu par l'appelant à l'intimé, une compression nulle du cylindre n°1 et des compressions irrégulières sur les trois autres cylindres. L'expert a conclu clairement que ce véhicule présentait, lors de la vente, une anomalie de compression démontrant une usure du moteur. Celle-ci ne pouvait être détectée par l'acquéreur, l'anomalie relative aux ratés du moteur n'étant pas encore apparue. En effet, dans le cas contraire, l'expert précisait qu'elle aurait

été ressentie sous forme d'à-coups par l'acquéreur, avec allumage du voyant diagnostic. Il souligne que M. [F], qui n'était pas un professionnel de l'automobile, ne pouvait pas faire un relevé de compression sans un outillage spécifique, confirmant ainsi que le défaut affectant le véhicule était caché lors de la vente.

Or, si M. [G] conteste ces conclusions de l'expertise judiciaire, il ne fournit aucun élément susceptible de les remettre en cause. En effet, il n'existe aucune contradiction entre l'existence d'une usure du moteur préalablement à la vente du véhicule, le 2 juin 2018, et l'apparition des ratés du moteur postérieurement à celle-ci, ces ratés n'étant que la manifestation de l'aggravation des défauts de combustion consécutifs à cette usure. L'expert s'est prononcé très clairement sur l'antériorité à la vente de l'usure du moteur et sur l'impossibilité, pour l'acquéreur non professionnel, de la détecter.

De plus, si l'appelant évoque une possible mauvaise utilisation du véhicule par M. [F], rien ne le confirme et il convient d'observer que le dit véhicule n'a parcouru que 1 513 km entre le contrôle technique du 23 avril 2020 et son dépôt au garage le 05 décembre 2018, son kilométrage lors de la vente n'étant pas précisé sur le certificat de cession.

Comme l'a retenu le tribunal, le défaut constaté au niveau du moteur du véhicule, empêchant son fonctionnement, rendait ce dernier impropre à l'usage auquel ce véhicule était destiné.

Il est incontestable que la nécessité de remplacer le moteur d'un véhicule qui avait parcouru à peine 100 000 km démontre la gravité du vice caché, que ne fait que confirmer le montant des réparations en résultant, évalué par l'expert à 7 824,58 euros HT, soit 9 389,50 euros TTC, dont 6 587 euros de frais d'échange standard du moteur.

Dès lors, l'action en résolution de la vente du dit véhicule présentée par M. [F] sur le fondement de la garantie des vices cachés est pleinement fondée, à défaut, pour M. [G], de démontrer l'existence de motifs pouvant l'en exonérer, et le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il y a fait droit.

III - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens.

Pour les mêmes motifs, M. [G], dont l'appel est rejeté, assumera les dépens de l'appel et réglera la somme de 1 500 euros à M. [F] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non compris dans les dépens que ce dernier a engagés en appel. Sa propre demande présentée sur le même fondement sera en revanche rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de M. [R] [G] en nullité du jugement rendu le 26 juin 2020 entre les parties par le tribunal judiciaire de Mulhouse,

CONFIRME en toutes ses dispositions le dit jugement,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [R] [G] aux dépens d'appel,

CONDAMNE M. [R] [G] à payer à M. [P] [F] la somme de 1 500,00 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens qu'il a engagés en appel,

REJETTE la demande de M. [R] [G] présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens qu'il a engagés en appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/02762
Date de la décision : 16/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-16;20.02762 ?
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