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16/09/2022 | FRANCE | N°20/01345

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 16 septembre 2022, 20/01345


MINUTE N° 392/2022





























Copie exécutoire à



- Me Michel WELSCHINGER



- Me Anne CROVISIER





Le 16 septembre 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU16 Septembre 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01345 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HKNU<

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Décision déférée à la cour : 16 Mai 2018 par le tribunal de grande instance de COLMAR





APPELANT et intimé sur incident :



Monsieur [X] [W]

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Michel WELSCHINGER, avocat à la cour.





INTIMÉS et appelants sur ...

MINUTE N° 392/2022

Copie exécutoire à

- Me Michel WELSCHINGER

- Me Anne CROVISIER

Le 16 septembre 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU16 Septembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/01345 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HKNU

Décision déférée à la cour : 16 Mai 2018 par le tribunal de grande instance de COLMAR

APPELANT et intimé sur incident :

Monsieur [X] [W]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Michel WELSCHINGER, avocat à la cour.

INTIMÉS et appelants sur incident :

Monsieur [D] [G]

Madame [C] [G]

demeurant ensemble [Adresse 3]

représentés par Me Anne CROVISIER, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Mars 2022, en audience publique, devant la cour composée de

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme [D] DONATH faisant fonction

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 3 juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

M. [D] [G] et Mme [C] [L], épouse [G], sont propriétaires de la parcelle située [Adresse 3] (parcelle [Cadastre 2]) et M. [X] [W] est propriétaire de la parcelle contiguë située [Adresse 1] (parcelle [Cadastre 4]), à [Localité 5] (68).

En mars 2010, les époux [G] ont saisi le tribunal d'instance de Colmar de différentes demandes tendant à la condamnation de M. [W] à supprimer diverses végétations, sur le fondement de l'article 671 du code civil, à reconstruire un mur démoli dans le prolongement des garages et à crépir ou recouvrir de tout revêtement approprié le mur en agglomérés situé en limite des deux fonds, pour rendre son aspect conforme à celui du bâtiment principal ainsi qu'aux lieux environnants.

Par jugement du 21 septembre 2010, le tribunal d'instance s'est déclaré incompétent et a renvoyé l'examen de l'affaire devant le tribunal de grande instance de Colmar, devant lequel l'instance a été poursuivie.

Une vue des lieux a été ordonnée par le juge de la mise en état à la demande de M. [W] et réalisée le 17 septembre 2013, en présence des parties et de leurs conseils respectifs.

Par ordonnance du 25 mars 2015, le juge de la mise en état a rejeté la demande de bornage des époux [G], au motif qu'une telle action réelle immobilière pétitoire relevait de la compétence du tribunal d'instance, excédant une simple mesure d'instruction.

Par ordonnance du 15 octobre 2015, le même juge a ordonné le sursis à statuer jusqu'à l'intervention d'une décision dans le cadre de la procédure de bornage engagée par les époux [G] devant le tribunal d'instance, lequel a, par décision du 7 novembre 2016, déclarée irrecevable l'action en bornage, pour cause de bornage antérieur, en constatant l'existence de deux procès-verbaux d'arpentage non contradictoires et non contestés, établis respectivement le 5 mai 1972 par M. [T] sur le fonds [G] et le 6 juillet 2020 par M. [Y] sur le fonds [W].

M. [W] ayant présenté des demandes reconventionnelles, le tribunal de grande instance de Colmar a, par jugement du 16 mai 2018, déclaré recevables les prétentions formées par chacune des parties et :

- rejeté les demandes des époux [G] :

* formées à l'encontre de M. [W], au titre des plantations de bambou,

* tendant à voir dire et juger que le mur litigieux est un mur mitoyen,

* au titre de la démolition du garage et de l'abri de jardin construits par M. [W], ainsi que de la reconstruction du mur détruit en lieu et place du garage et dans le prolongement de la construction de ce garage,

* formées à l'encontre de M. [W], au titre de l'élagage des branches de son noyer.

Il a condamné M. [W] :

- à crépir ou à recouvrir de tout revêtement approprié le mur en agglomérés de son garage, conformément aux dispositions du plan d'occupation des sols, dans un délai de huit mois à compter de la signification de la décision, le tout sous réserve du respect, par les époux [G], de l'autorisation si après octroyée à leurs voisins de pénétrer sur leurs fonds, et ce sous astreinte de 10 euros par jour de retard,

- à payer aux époux [G] la somme de 500 euros au titre de leur préjudice esthétique.

Il a en effet autorisé M. [W] à pénétrer sur le fond des époux [G] afin de faire procéder aux travaux sur la façade de son garage, objets de la déclaration préalable du 23 août 2010, dans le respect des dispositions légales applicables aux vues et jours (article 675 à 680 du code civil), à charge pour M. [W] d'en informer les époux [G] au moins 15 jours à l'avance, par lettre recommandée avec avis de réception.

Il a donné acte aux parties de ce que les époux [G] avaient procédé d'une part à la coupe de leur premier cerisier et d'autre part à l'élagage des branches de leur second arbre, dont il était allégué que les feuilles obstruaient la gouttière du garage de M. [W].

Enfin, il a rejeté les demandes de M. [W] :

- tendant à voir ordonner le retrait du panneau de bois des époux [G],

- de dommages-intérêts à l'encontre des époux [G].

Il a dit que chaque partie à l'instance conserverait la charge de ses frais et dépens et n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au profit de l'une ou l'autre des parties, rejetant toutes autres prétentions et disant n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.

Le tribunal a en premier lieu constaté que M. [W] n'invoquait aucun moyen à l'appui de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les demandes des époux [G].

Concernant les plantations de bambous, il a rappelé les dispositions des articles 671, alinéa1er et 672, alinéa1er du code civil.

Rappelant les termes du jugement du tribunal d'instance relatifs à l'action en bornage, le premier juge a relevé que, lors de la vue des lieux, les parties avaient admis que la limite séparative entre les deux propriétés n'était pas connue exactement et, par ailleurs, que les seules pièces produites par les parties ne lui permettaient pas de savoir si le mur de séparation observé lors de la vue des lieux entre les deux propriétés se confondait avec la ligne divisoire des deux fonds. Cependant, les demandeurs ne démontraient pas l'existence de bambous d'une hauteur de plus de 2 m plantés sur le fonds du défendeur à une distance contrevenant aux dispositions légales, le constat d'huissier produit par les uns étant insuffisant et contredit par celui produit par l'autre.

Sur les demandes des époux [G] au titre du mur mitoyen séparatif des propriétés contiguës, du garage et de l'abri de jardin de M. [W], le tribunal a rappelé les dispositions des articles 653 et 654 du code civil relatives aux murs mitoyens ou non.

Il a considéré que la demande des époux [G] tendant à voir ordonner la démolition du garage construit par leurs voisins et reconstruire le mur détruit en lieu et place de ce garage, n'était pas suffisamment étayée, les pièces produites tendant à établir que le mur de ce garage se situait sur la parcelle du défendeur.

Pour les mêmes motifs, il a rejeté la demande des époux [G] tendant à voir combler un trou d'une largeur de 2 m laissé par M. [W] et occulté par la pose d'un panneau en bois, retenant également l'insuffisance de preuve d'une gêne esthétique et d'un danger, eux-mêmes pouvant en tout état de cause clore leur propre fonds.

Pour condamner M. [W] à enduire le mur de son garage ou le recouvrir d'un revêtement approprié, le tribunal s'est référé à l'article 11.2 du plan d'occupation des sols de la commune relatif à l'aspect extérieur.

Concernant l'abri de jardin de M. [W], le tribunal a considéré qu'une décision tacite de non opposition à la déclaration préalable formulée par le défendeur auprès du maire de la commune était intervenue, après que l'intéressé avait apporté les précisions sollicitées sur son projet.

Par ailleurs, sur la demande de dommages-intérêts des époux [G], le tribunal a considéré que, s'il n'était pas démontré que la construction, par leur voisin, d'un mur en agglomérés gris, donnant directement sur leur propriété, contribuait à déprécier la valeur de leur immeuble, les pièces produites établissaient que le manquement de M. [W] aux dispositions du POS avait généré un préjudice esthétique justifiant le versement d'une somme de 500 euros aux demandeurs.

Le tribunal a rejeté la demande d'élagage des branches du noyer de M. [W], au motif que, faute d'établir précisément la limite divisoire entre les deux fonds, les époux [G] ne justifiaient pas en l'espèce de ce que les branches de son noyer avançaient sur leur propriété.

C'est pour les mêmes motifs qu'il a rejeté la demande de M. [W] relative au mur de « séparation » édifié par les époux [G], les pièces produites ne lui permettant pas d'apprécier la réalité et l'étendue de l'empiètement allégué.

Enfin, le tribunal a considéré que les pièces produites ne démontraient pas la réalité des abus et acharnements imputés par M. [W] aux époux [G].

M. [W] a interjeté appel de ce jugement par déclaration datée du 11 mai 2020.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 24 janvier 2022, il sollicite le rejet de l'appel incident des époux [G], la réformation du jugement déféré dans la mesure ci-après et que la cour, statuant à nouveau :

- déclare irrecevable et pour le moins mal fondée la demande des époux [G] tendant à sa condamnation au crépissage du mur en agglomérés de son garage,

- que soit rejetée comme mal fondée, la demande des époux [G] au titre de leur préjudice esthétique,

Sur sa demande reconventionnelle, il sollicite :

- la condamnation des époux [G], solidairement, à lui payer la somme de 7 500 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi,

- qu'il soit dit que les époux [G] ont entrepris illégalement l'édification d'un mur clôture sur sa parcelle et qu'il leur soit fait interdiction, en conséquence, de poursuivre les travaux d'édification de ce mur clôture,

- la condamnation solidaire des époux [G] en tous les frais et dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- avant dire droit, que soit ordonnée une vue des lieux.

Par leurs conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 10 janvier 2022, les époux [G] sollicitent que la demande de M. [W] relative à leur mur clôture soit déclarée irrecevable, et à tout le moins mal fondée et qu'il en soit débouté, ainsi que de l'intégralité de ses demandes.

Formant appel incident, eux-mêmes sollicitent l'infirmation partielle du jugement déféré du chef du rejet de leurs demandes présentées au titre des plantations de bambous et de l'élagage des branches du noyer de M. [W]. Ils sollicitent que la cour, statuant à nouveau de ces chefs, condamne M. [W] :

- à supprimer, en septembre de chaque année, toute plantation de bambous située à moins de 2 m de la limite séparative de leur fonds, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- à supprimer tout empiètement des végétaux et à réduire à moins de 2 m de la limite séparative des deux fonds, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.

Ils sollicitent la confirmation du jugement déféré pour le surplus et, en tout état de cause, la condamnation de M. [W] aux entiers frais et dépens nés de l'appel principal et incident ainsi qu'au paiement de la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 1er février 2022.

MOTIFS

I ' Sur les demandes des époux [G]

A) - Sur le crépissage du mur du garage ordonné par le tribunal et le préjudice esthétique des époux [G]

Si M. [W] ne conteste pas l'existence d'un plan d'occupation des sols (POS), il soutient que seule l'autorité administrative compétente est fondée à intervenir, s'agissant de son application, et notamment à préconiser telle teinte, soulignant l'imprécision de l'article 11.2. du POS de la commune. Il évoque également un abus de droit des époux [G] qui, selon lui, refusent de le laisser accéder à la façade litigieuse sur leur propriété pour effectuer le crépissage du mur de son garage.

Il invoque également la subjectivité d'un préjudice esthétique et le dépôt de nombreux détritus près de l'abri de jardin des époux [G], qui s'offrent à sa vue.

Les époux [G] soutiennent en premier lieu que la violation des règles d'urbanisme est une faute génératrice de responsabilité à l'égard de celui auquel elle cause un préjudice personnel et direct, si bien qu'ils sont fondés à solliciter le respect des dispositions des articles 11.1 et 11.2 du POS.

Ils reprochent à M. [W] l'absence de crépissage du mur du garage et de l'abri de jardin, qui n'est en harmonie, ni avec sa maison principale, ni avec les lieux environnants.

Ils ajoutent que la situation reste inchangée malgré le jugement déféré et qu'il n'existe aucune difficulté concernant la teinte du crépissage, la mairie ayant validé les autorisations de travaux déposées par M. [W].

Ils soutiennent que les photographies produites démontrent le préjudice esthétique qu'ils invoquent et que M. [W] multiplie les préjudices esthétiques de toutes sortes, ce que démontre le constat d'huissier qu'ils produisent. Ils indiquent accepter le montant qui leur a été alloué par le tribunal à ce titre, dans un souci de conciliation.

*

Il n'est pas contesté que le mur du garage de M. [W], édifié suite à un permis de construire modificatif obtenu en 2003, n'est toujours pas crépi, alors que cela était prévu dans cette demande de permis de construire et que cette situation est contraire au POS de la commune. S'il n'appartient pas aux propriétaires de la parcelle voisine de se substituer à l'autorité administrative pour obtenir le respect de cette réglementation, ils sont en droit de réclamer

qu'il soit mis un terme au trouble de jouissance, de nature purement esthétique, qu'ils subissent de ce fait, quand bien même ils ont finalement pris la décision d'installer une clôture devant ce mur, et leur demande présentée à ce titre apparaît fondée.

Il résulte des pièces versées aux débats et notamment des échanges de courriels entre les parties, mais aussi entre M. [G] et l'artisan chargé par l'appelant de la réalisation de ces travaux, dans le cadre de l'exécution du jugement déféré, que des difficultés successives sont survenues pour l'exécution de cette condamnation, tenant aux disponibilités et contraintes du professionnel, notamment dans le cadre de la crise sanitaire, mais aussi aux exigences des époux [G] relatives aux conditions de son intervention.

Dès lors, si la condamnation de M. [W] à faire procéder au crépissage du mur de son garage est justifiée, et ce sous astreinte, afin d'en assurer l'exécution, la réserve relative au respect, par les époux [G], de l'autorisation octroyée à leur voisin de pénétrer sur leur fonds l'est elle aussi. Il y a cependant lieu d'infirmer les dispositions du jugement déféré sur ce chef, afin d'octroyer à l'appelant un nouveau délai de 8 mois à compter du présent arrêt pour procéder à ces travaux, et de limiter la durée de l'astreinte à 3 mois.

S'agissant de la demande d'indemnisation du préjudice esthétique, si les époux [G] ont démontré, dans leurs contacts avec l'entrepreneur chargé par M. [W] d'effectuer les travaux de crépissage du mur de son garage, des exigences excessives, l'appelant ne démontre pas cependant avoir été empêché de réaliser ce crépissage, depuis la construction de son garage, par la faute de ses voisins, même si le caractère conflictuel de leurs relations n'a pu faciliter ces travaux. Cependant, M. [W] n'avait jamais sollicité en justice l'autorisation de pénétrer sur le terrain de ses voisins afin de les effectuer.

Dans ce contexte, le préjudice esthétique causé aux époux [G] par l'absence de crépissage de ce mur est indéniable et le tribunal en a fait une juste appréciation en condamnant M. [W] au paiement de la somme de 500 euros à ce titre. Cette condamnation sera donc confirmée.

- Sur la demande de suppression annuelle des plantations de bambou de M. [W] situées à moins de 2 mètres de la limite séparative

M. [W] se réfère au jugement déféré et soutient que le constat d'huissier du 12 octobre 2020 produit par les époux [G] est imprécis quant aux distances et n'a aucune valeur probante.

Il indique procéder à des travaux d'élagage réguliers et veiller à ce que les bambous se situent à plus de 2 m de son mur privatif en pierre, invoquant un constat d'huissier du 14 septembre 2021.

Rappelant que la limite de propriété entre les deux fonds est clairement définie, les époux [G] invoquent des débords de bambous récurrents depuis de nombreuses années et se réfèrent notamment à un constat d'huissier du 12 octobre 2020. Ils affirment qu'une partie des bambous est plantée à moins de 2 m de la limite séparative et que certains bambous situés à plus de 2 m empiètent sur leur fonds.

Ils ajoutent que la coupe des bambous, pour la première fois le 10 septembre 2021, constatée par huissier, démontre le bien-fondé de leur demande, l'infirmation du jugement déféré sur ce point s'imposant, en raison du comportement récurrent de M. [W].

*

Les pièces versées aux débats de part et d'autres démontrent que la plantation de bambous de M. [W] a souvent été sujet de différends entre les parties, dont le conflit est ancien.

Les époux [G] produisent diverses photographies dont la date n'est pas certaine et qui, dès lors, n'ont pas de force probante, mais aussi des constats d'huissier du 12 octobre 2020 et du 1er juin 2021, évoquant des branches des bambous plantés sur la parcelle de M. [W], dépassant sur leur terrain. Ils soutiennent également, ce que des photographies semblent confirmer, que des branches de bambous ont pu tomber sur leur terrain.

Cependant, M. [W] produit lui-même un constat d'huissier du 14 septembre 2021, dont il résulte que les bambous plantés derrière le mur séparant son terrain de celui des époux [G] sont plantés à plus de deux mètres de ce mur, aucune branche ne dépassant de celui-ci, les branches concernées ayant été coupées.

Ce constat, postérieur à celui produit par les intimés, démontre que l'appelant a effectué les démarches nécessaires pour éliminer tous les bambous plantés à moins de 2 mètres de la limite séparative de leurs fonds, qui avaient pu être observés précédemment. Il apparaît en mesure de renouveler régulièrement cette opération, sans qu'il soit nécessaire de lui imposer une obligation annuelle à ce titre, les pièces produites par les époux [G] ne le justifiant pas.

Dès lors, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande des époux [G] présentée sur ce chef.

- Sur la demande de suppression des végétations du terrain de M. [W] plantées à moins de 2 m de la limite séparative

Là encore, M. [W] soutient que le constat d'huissier du 12 octobre 2020 produit par les époux [G] n'a aucune valeur probante, la mesure des distances étant très aléatoire. Il indique procéder chaque printemps à l'élagage des branches du noyer planté sur sa parcelle et invoque à ce titre également le constat d'huissier du 14 septembre 2021, selon lequel le tronc du noyer est à plus de 2 m et aucune branche ne dépasse chez les voisins.

Les époux [G] se réfèrent également au constat d'huissier du 12 octobre 2020, selon lequel des branches du noyer dépassent à l'intérieur de leur propriété. Ils ajoutent là aussi que l'élagage du noyer, réalisé pour la première fois le 10 septembre 2021 et constaté par huissier, démontre le bien-fondé de leur demande, l'infirmation du jugement déféré sur ce point s'imposant également, en raison du comportement récurrent de M. [W].

*

Le constat d'huissier du 12 octobre 2020 produit par les époux [G] mentionne le dépassement, au-dessus du mur privatif de l'appelant et sur le terrain des intimés, de branches de noyer et de différents végétaux, le constat du 14 septembre 2021 versé aux débats par M. [W] mentionnant l'absence de dépassement de branches sur la propriété voisine.

Dès lors, M. [W] ayant fait supprimer tout dépassement de branches et autres végétaux sur la parcelle des époux [G], la demande de suppression de végétaux de ces derniers n'est pas fondée et il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a rejetée.

II ' Sur les demandes de M. [W]

A) - Sur la demande relative au mur clôture des époux [G]

M. [W] soutient que les époux [G] ont entrepris l'édification d'un mur clôture qui ne respecte pas la limite séparative et empiète sur sa propriété. De plus, le mur bahut et la palissade des intimés sont pratiquement accolés aux murs de son garage, de l'abri de jardin et d'un mur en pierre, ce qui favorise la stagnation d'humidité, la formation de mousse et de moisissure, et risque de détériorer rapidement le mortier fragile du vieux mur constitué de chaux.

Les époux [G] soulèvent l'irrecevabilité de la demande de M. [W] concernant l'édification de cette clôture, sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, au motif qu'il s'agit d'une demande nouvelle en appel.

Sur le fond, ils précisent que :

- les procès-verbaux d'arpentage évoqués par le jugement du tribunal d'instance de Colmar du 7 novembre 2016 sont désormais produits et il n'existe aucune difficulté sur la limite séparative entre les deux propriétés, qui est constituée par le mur séparatif,

- leur palissade est édifiée sur leur terrain, sur lequel les fondations de l'ancien mur empiètent,

- la mairie a donné son accord concernant la pose de cette palissade et le règlement d'urbanisme n'impose plus de claire-voie, autorisant les clôtures pleines depuis le 1er janvier 2021,

- la distance entre la palissade en bois et le mur de M. [W] crée un espace suffisant pour permettre une ventilation du mur et de la palissade, qui est séparée de ce mur par une mousse résiliente.

Les intimés soulignent également que l'édification de cette palissade relève d'une simple déclaration de travaux et ils reprochent à M. [W] d'avoir fait procéder, au printemps 2021, à un exhaussement de son terrain de 50 cm, créant une vue illégale.

*

En application des articles 567 et 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles sont recevables, même en appel, lorsqu'elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

En l'espèce, la demande reconventionnelle de M. [W], défendeur en première instance, porte sur un mur-clôture des époux [G] et les prétentions originaires concernent des points en litige tendant à faire cesser les nuisances invoquées dans l'usage, par M. [W], de son droit de propriété et ainsi que le non-respect du droit de propriété des demandeurs. Cette demande reconventionnelle se rattache donc par un lien suffisant à ces prétentions, l'appelant reprochant à ses voisins le non-respect de son propre droit de propriété par l'édification de leur mur-clôture.

Au surplus, ce mur-clôture n'existait pas encore lors du jugement déféré, mais il a donné lieu à des déclarations préalables de travaux ultérieures. Dès lors, il s'agit de la survenance d'un fait au sens de l'article 564 du code de procédure civile.

Cette demande est donc recevable.

Sur le fond, il résulte des écritures respectives des parties que les limites de propriété entre leurs parcelles respectives sont contestées. Ainsi qu'il a été rappelé plus haut, si une action en bornage avait été introduite devant le tribunal d'instance de Colmar, elle avait été déclarée irrecevable pour cause de bornage antérieur. Le tribunal s'était référé à des procès-verbaux d'arpentage non contradictoires mais non contestés, établis respectivement le 5 mai 1972 par M. [T] sur le fonds [G] et le 6 juillet 2020 par M. [Y] sur le fonds [W].

Or, si ces procès-verbaux d'arpentage sont produits en copie par les intimés, ils sont peu lisibles et apparaissent incomplets, d'autant plus qu'aucun des plans qui y figure ne comporte le cachet du géomètre et sa signature. Rien n'établit non plus que le croquis produit en pièce 1-4 par les intimés se rattache au procès-verbal d'arpentage du 19 mai 1972, comme ils l'affirment.

De plus, tous ces documents sont antérieurs à l'édification du garage de M. [W], auquel ce dernier se réfère pour évoquer le non-respect de la limite de propriété par le mur-clôture des époux [G]. Enfin, le « plan de contrôle des limites » du 15 octobre 2018, produit par les époux [G], a été établi non contradictoirement par M. [Y], géomètre-expert, ce qui lui ôte toute force probante.

En tout état de cause, aucun de ces documents ne permet de confirmer les allégations de M. [W] relatives à l'empiètement qu'il invoque, et les pièces que lui-même produit à l'appui de cette demande, et notamment les plans cadastraux, le courriel du géomètre du cadastre, le plan du centre des impôts fonciers et le constat d'huissier de justice du 26 octobre 2020, sont insuffisants à prouver le bien-fondé de ses allégations sur ce point.

Par ailleurs, l'appelant ne rapporte pas la preuve du risque qu'il invoque de détérioration de son mur en pierre et du mur de son garage par le mur-clôture de ses voisins, lequel n'est au surplus qu'une palissade de bois.

Dès lors, cette demande, insuffisamment fondée, sera rejetée.

- Sur la demande de M. [W] en réparation de son préjudice moral

À l'appui de cette demande, l'appelant invoque le caractère abusif de la procédure engagée par les époux [G], en ce qu'ils s'opposent désormais, après avoir obtenu gain de cause par le jugement déféré, à ce que l'entreprise qu'il mandate effectue les travaux de crépissage ordonnés par le tribunal, alors même que celui-ci l'a autorisé à pénétrer sur leurs fonds pour y procéder.

Il se plaint également de l'installation de deux caméras de surveillance sur le terrain des époux [G], dirigées vers le sien et portant atteinte à l'intimité de sa vie privée. Il précise que la société qui a installé ces caméras en 2012 ne dispose d'aucun contrat de maintenance et qu'au vu du positionnement des caméras, il peut en être conclu qu'elles permettent le visionnage et l'enregistrement du voisinage. Il invoque à ce titre la technicité d'une caméra installée désormais dans le lampadaire situé sur la propriété des époux [G], visiblement dirigée vers sa propriété, d'autant plus que les intimés ont reconnu, dans leurs conclusions du 10 janvier 2022, que cette installation permet d'apporter la preuve de ses agissements à leur égard.

Les époux [G] soulignent que M. [W] n'a pas fait signifier le jugement déféré, dont il a interjeté appel presque deux ans après son prononcé. Ils contestent avoir fait obstacle à la réalisation des travaux de crépi, soulignant leur attente de la signification du jugement, dans la mesure où M. [W] a toujours indiqué qu'il ne pourrait effectuer ce crépi avant la réalisation d'une ouverture de la fenêtre de son garage dans ce mur, avec vue directe sur leur jardin.

Ils indiquent avoir donné leur accord pour l'intervention de l'entreprise mandatée par M. [W], pendant deux jours et sous la condition d'un état des lieux par huissier de justice, avant et après la réalisation des travaux, un tel constat n'ayant jamais été réalisé et l'entreprise ayant différé les travaux en raison d'une rupture de stock de crépi.

Ils dénoncent une collusion entre M. [W] et cette entreprise et affirment se limiter à faire valoir leurs droits avec toutes les précautions nécessaires au vu de l'attitude de l'appelant à leur égard.

Concernant l'installation de caméras, les époux [G] affirment qu'elle respecte strictement la réglementation et qu'elle n'a pour but que d'apporter la preuve des agissements, provocations ou agressions de M. [W] à leur égard.

Ils affirment que la plainte de l'appelant du 8 juin 2020 a été déposée en rétorsion à celle qu'ils avaient déposée préalablement, pour tentative de destruction des caméras à l'aide d'un laser et pour injures. Les intimés précisent que la gendarmerie a vérifié le respect de la réglementation, les différentes plaintes ayant été classées sans suite.

*

En premier lieu, si les courriels échangés entre M. [G] et l'entrepreneur en charge des travaux de crépissage ordonnés par le tribunal mettent en évidence des tensions évidentes, dans lesquelles les intimés ont manifestement une responsabilité, de par leurs exigences vis à vis de ce professionnel, notamment sur le calendrier et les conditions de son intervention, il ne peut cependant en être déduit qu'ils ont réellement fait obstacle à la réalisation de ces travaux, qui paraissent avoir été retardés essentiellement par les contraintes et difficultés du professionnel, accentuées dans le contexte de la crise sanitaire. En tout état de cause, aucun élément ne met en évidence le caractère abusif de la procédure engagée par les époux [G], dont une partie des prétentions a été accueillie et le chef de demande en cause confirmé.

En revanche, M. [W] produit des documents relatifs à l'installation de caméras sur le terrain des époux [G], et notamment la photographie d'une caméra installée dans un lampadaire et manifestement orientée vers sa propriété. Les intimés ne produisent aucun document de nature à démentir ses explications selon lesquelles l'angle de champ de cette caméra est variable et modifiable à distance.

L'appelant avait pris contact en 2019 avec la société qui avait installé deux caméras, situées alors de part et d'autre de la maison des époux [G], en hauteur, susceptibles de filmer aisément au-dessus du mur de pierre édifié sur son terrain, en raison de leur axe optique. Dans sa réponse, le successeur de cette société, bien qu'admettant n'avoir aucune archive sur ce dossier, lui a assuré que la législation avait bien été respectée lors de cette installation et que toutes les parties publiques et voisines étaient floutées. Cependant, précisant n'avoir aucun contrat de maintenance, il a décliné toute responsabilité quant aux modifications que M. [G] aurait pu apporter à son installation.

Selon les explications de M. [W], c'est l'une de ces deux caméras qui est désormais installée dans le lampadaire des intimés.

Or, les époux [G], qui contestent que leurs caméras permettent de filmer la propriété de l'appelant, produisent la copie d'une procédure classée sans suite en décembre 2017 pour « régularisation sur demande du parquet », après contrôle des caméras « par connexion à distance » par la société qui les avaient posées. Mais cette procédure faisait suite à une plainte de la propriétaire d'une parcelle située à l'opposé de celle de M. [W]. Si les intimés produisent une attestation de cette même société du 30 octobre 2017 évoquant également un contrôle « par connexion à distance » des caméras situées sur les différentes faces de leur maison, les modalités précises de ce contrôle ne sont pas connues, de même que ses limites. En tout état de cause, ce contrôle est très ancien et antérieur à la pose d'une des caméras dans le lampadaire du jardin des intimés.

De plus, les époux [G] eux-mêmes, tout en affirmant que leurs caméras ont pour unique but d'assurer la protection de leur propriété et de leurs personnes compte tenu des agressions permanentes dont ils sont victimes, ajoutent que « ce qui dérange M. [W] est que cette installation permette d'apporter la preuve de ses agissements, provocations ou agressions à l'égard de ses voisins ». Or, de telles observations permettent de supposer, au contraire des allégations des intimés, que ces caméras sont susceptibles de filmer leur voisin sur sa propriété.

En outre, les photographies manifestement extraites d'enregistrements d'images filmées par une de leurs caméras le 10 septembre 2021 (pièce 4-7), produites afin de démontrer la chute d'une branche de bambou sur leur propriété, ne font que le confirmer. En effet, ces images ont été filmées par une caméra dirigée vers la plantation de bambous de l'appelant, située face à elle, et le floutage est opéré sur une hauteur très réduite, qui masque très peu ces bambous.

Dès lors, les époux [G] ne démontrent nullement que l'installation et le fonctionnement de leurs caméras de surveillance préserveraient l'intimité de la vie privée de M. [W], bien au contraire, et la présence de ces caméras dirigées vers la propriété de ce dernier, ainsi que la sensation d'être en permanence épié chez lui qu'elles ne peuvent que provoquer cause à l'intimé un préjudice moral que la cour évalue au montant de 3 000 euros. Dès lors, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [W] et les intimés seront condamnés à lui verser à ce titre une telle somme.

III - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant partiellement confirmé, il convient de le confirmer également en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens.

Pour les mêmes motifs, les demandes respectives des parties n'étant que partiellement accueillies par la cour, chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel, de même que celle des frais exclus des dépens qu'elle a engagés en appel. Ainsi, les demandes respectives présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ces frais seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

DECLARE recevable la demande de M. [X] [W] tendant à ce qu'il soit fait interdiction à M. [D] [G] et Mme [C] [L], épouse [G], de poursuivre l'édification de leur mur-clôture,

CONFIRME, dans les limites de l'appel principal de M. [X] [W] et de l'appel incident de M. [D] [G] et Mme [C] [L], épouse [G], le jugement rendu entre les parties par le tribunal de grande instance de Colmar, à l'exception des dispositions relatives à la condamnation de M. [X] [W] à crépir ou à recouvrir de tout revêtement approprié le mur en agglomérés de son garage, ainsi qu'au rejet de sa demande de dommages et intérêts,

INFIRME le jugement entrepris dans cette limite,

Statuant à nouveau sur ces seuls chefs et y ajoutant,

CONDAMNE M. [X] [W] à faire crépir ou recouvrir de tout revêtement approprié le mur en agglomérés de son garage, conformément aux dispositions du plan d'occupation des sols, dans un délai de huit mois à compter de la signification du présent arrêt, le tout sous réserve du respect, par les époux [G], de l'autorisation ci-après octroyée à leurs voisins de pénétrer sur leurs fonds, et ce sous astreinte de 10 euros par jour de retard, passé ce délai, pendant une durée de trois mois,

AUTORISE M. [X] [W] et tout entrepreneur mandaté par lui à pénétrer sur le fonds des époux [G] afin de faire procéder aux travaux sur la façade de son garage, objets de la déclaration préalable du 23 août 2010, dans le respect des dispositions légales applicables aux vues et jours (article 675 à 680 du code civil), à charge pour M. [X] [W] d'en informer les époux [G] au moins 15 jours à l'avance, par lettre recommandée avec avis de réception,

CONDAMNE M. [D] [G] et Mme [C] [L], épouse [G], à verser à M. [X] [W] la somme de 3 000,00 (trois mille) euros en réparation de son préjudice moral,

REJETTE la demande de M. [X] [W] tendant à ce qu'il soit fait interdiction à M. [D] [G] et Mme [C] [L], épouse [G], de poursuivre l'édification de leur mur-clôture,

CONDAMNE chaque partie à conserve la charge de ses dépens d'appel,

REJETTE les demandes respectives des parties présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens qu'elles ont engagés en appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/01345
Date de la décision : 16/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-16;20.01345 ?
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