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14/09/2022 | FRANCE | N°20/02891

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 14 septembre 2022, 20/02891


Copie à :



- Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS



- Me Noémie BRUNNER



- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY



le 14/09/2022



Le Greffier,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE 2 A



N° RG 20/02891 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HM74







ORDONNANCE du 14 Septembre 2022

dans l'affaire entre :





APPELANTE et demanderesse à l'incident :



S.C.I. [Adresse 6] prise en la personne de

son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 4]



représentée par Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS, avocat à la cour







INTIMÉE:



S.A.M.C.V. CAISSE D'ASSURANCE MUTUELLE DU BATIMENT ET D...

Copie à :

- Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS

- Me Noémie BRUNNER

- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY

le 14/09/2022

Le Greffier,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE 2 A

N° RG 20/02891 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HM74

ORDONNANCE du 14 Septembre 2022

dans l'affaire entre :

APPELANTE et demanderesse à l'incident :

S.C.I. [Adresse 6] prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS, avocat à la cour

INTIMÉE:

S.A.M.C.V. CAISSE D'ASSURANCE MUTUELLE DU BATIMENT ET DES TRA V

AUX PUBLICS (CAMBTP) es qualité d'assureur responsabilité de la SARL PRESTIM INGENIERIE - Prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social Espace Européen de l'Entreprise - [Adresse 2]

représenté par Me Noémie BRUNNER, avocat à la cour

INTIMEE et défenderesse à l'incident :

S.A. ALBINGIA Représentée par son représentant légal es qualité d'assureur dommages-ouvrage et responsabilité civile constructeur non réalisateur de la SCI [Adresse 6].

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour

Nous, Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre, magistrat chargé de la Conseiller à la cour d'appel de Colmar, chargée de la mise en état,

Après avoir entendu les conseils des parties en leurs explications à l'audience du 22 juin 2022, statuons comme suit :

Selon acte de vente en l'état futur d'achèvement du 7 avril 2011, les époux [S] et [Z] [U] ont acquis de la SCI [Adresse 6] un appartement en attique, deux caves, deux garages et deux emplacements de stationnement dans un ensemble immobilier dénommé [Adresse 6].

Se plaignant de désordres consistant en des affaissements du sol de leur appartement, les époux [U] ont assigné, selon exploits des 3 et 22 octobre 2014, la SCI [Adresse 6] et son assureur la société Albingia, devant le tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins d'obtenir indemnisation de leur préjudice. Les défenderesses ont formé des appels en garantie contre différents intervenants à l'opération de construction et leurs assureurs, notamment la CAMBTP, assureur de responsabilité décennale de la société Prestim ingénierie, maître d'oeuvre

Par jugement du 6 août 2020, le tribunal judiciaire a prononcé différentes condamnations et a notamment :

- condamné in solidum la SCI et la société Albingia, en sa qualité d'assureur constructeur non réalisateur, à payer différents montants aux époux [U],

- condamné la société Albingia et la CAMBTP, en sa qualité d'assureur décennal de la société Prestim ingénierie, à garantir intégralement la SCI de toutes condamnations prononcées en faveur des époux [U],

et a débouté les parties de l'ensemble de leurs autres fins, moyens demandes et prétentions.

La SCI [Adresse 6] a interjeté appel de ce jugement, selon déclaration reçue par voie électronique le 8 octobre 2020, intimant uniquement la société Albingia, son appel tendant à la réformation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation de la société Albingia à l'indemniser de son préjudice financier propre.

Par conclusions transmises par voie électronique le 1er avril 2021, la société Albingia a conclu au rejet de l'appel principal et à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de la SCI au titre d'un prétendu préjudice financier propre, et :

- sur l'appel dirigé contre la société Albingia visant la 'police DO', elle a conclu au débouté de la demande de la SCI [Adresse 6] à hauteur de 520 763,04 euros,

- sur l'appel dirigé contre la société Albingia visant la 'police CNR', elle a conclu au rejet de toute demande formée à son encontre, en sa qualité d'assureur CNR, demandant à la cour de prononcer sa mise hors de cause et de débouter la SCI de l'ensemble des demandes, fins et conclusions en tant que dirigées à son encontre.

Subsidiairement, et pour le cas où une condamnation viendrait à être prononcée à l'encontre de la Compagnie Albingia,

Sur appel provoqué,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la CAMBTP à garantir la société Albingia tant en principal, intérêts, frais et dépens.

- condamner la CAMBTP a garantir la société Albingia de toute condamnation qui viendrait à être prononcée par la cour en principal, intérêts, article 700, frais et dépens, ainsi qu'à lui rembourser les indemnités qu'elle serait amenée à régler et à la relever et garantir de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, et ce en principal, intérêts, frais et accessoires, et ce avec intérêts au taux légal du jour du règlement jusqu'au complet remboursement et capitalisation.

Par requête en incident du 1er février 2022 et conclusions du 25 avril 2022, la SCI [Adresse 6] a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande, au visa des articles 542, 954, 909 et 910-4 du code de procédure civile, tendant à la voir déclarer recevable en son incident, prononcer l'irrecevabilité de l'appel incident de la société Albingia, et en tout état de cause, déclarer irrecevable la prétention nouvelle de la société Albingia demandant l'infirmation du jugement de première instance en ce qu'il l'a condamnée à paiement et garantie en sa qualité d'assureur CNR, débouter la société Albingia de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires et la condamner au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 18 mars 2022, la société Albingia conclut au débouté de la SCI [Adresse 6] et demande au conseiller de la mise en état de déclarer caduc, voire nul l'appel de la SCI [Adresse 6], de le rejeter et de la condamner à lui payer, en sa double qualité, la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

L'affaire a été évoquée à l'audience du 22 juin 2022.

SUR CE :

Sur la caducité et la nullité de l'appel principal

La société Albingia fait valoir que la SCI [Adresse 6] n'a pas repris dans le dispositif de ses premières conclusions tous les termes de sa déclaration d'appel, alors que ces conclusions devaient reprendre dans leur dispositif les chefs de jugement critiqués. Elle relève que :

- la déclaration d'appel de la SCI [Adresse 6] ne vise aucun chef précis du jugement, et sa formulation est vague ;

- le dispositif des conclusions d'appel tend à l'infirmation du jugement en ce qu'il a débouté la SCI [Adresse 6] de sa demande d'indemnisation de dommages et intérêts au titre de la réparation de son préjudice financier, le terme 'propre' figurant dans la déclaration d'appel ayant été omis ;

- l'appelante n'a pas contesté la disposition du jugement déboutant les parties de l'ensemble de leurs autres fins, moyens, demandes et prétentions.

Elle en déduit que la déclaration d'appel doit être jugée caduque par application de l'article 901 du code de procédure civile et l'appel entaché de nullité et rejeté.

*

L'article 901 du code de procédure civile dispose que la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité : (...),

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et l'article 908 qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.

Ainsi que le relève la SCI [Adresse 6] la nullité soulevée, qui suppose la démonstration d'un grief, s'agissant d'une nullité de forme, est irrecevable comme n'ayant pas été soulevée in limine litis.

Il est constant que la société Albingia a déposé le 5 janvier 2021, dans le délai imparti par l'article 908 du code de procédure civile, des conclusions demandant l'infirmation du jugement du 6 août 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg 'en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnisation de dommages et intérêts au titre de son préjudice financier', cette formulation renvoyant nécessairement à la disposition générale du jugement par laquelle le tribunal a 'débouté les parties de l'ensemble de leurs autres fins, moyens, demandes et prétentions', peu important que le terme 'propre' se rapportant au préjudice financier, visé dans la déclaration d'appel, ne soit pas repris.

Par voie de conséquence, ces conclusions qui déterminent l'objet du litige, la cour étant seule juge de l'étendue de sa saisine, ayant été déposées dans le délai imparti par l'article 908 du code de procédure civile, la caducité de la déclaration d'appel n'est pas encourue.

Le conseiller de la mise en état n'a en revanche pas le pouvoir de rejeter l'appel, ce pouvoir n'appartenant qu'à la cour.

Sur l'irrecevabilité de l'appel incident de la société Albingia

Au soutien de sa demande d'irrecevabilité de l'appel incident de la société Albingia, la SCI [Adresse 6] fait valoir que, dans ses premières conclusions du 1er avril 2021, l'intimée ne demandait pas l'infirmation du jugement, demande qu'elle n'a formulée pour la première fois que dans ses conclusions déposées le 21 décembre 2021, après expiration du délai de l'article 909 du code de procédure civile lui permettant de former appel incident.

La société Albingia oppose que l'appelante se fonde sur une règle jurisprudentielle posée par un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 17 septembre 2020, lequel n'est pas source de droit, l'article 5 du code civil déniant tout pouvoir normatif à la jurisprudence. Elle invoque également l'effet relatif de l'autorité de chose jugée, et soutient que ne peut lui être opposé un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 1er juillet 2021, postérieur aux conclusions critiquées du 1er avril 2021, la jurisprudence nouvelle ne pouvant affecter irrémédiablement la situation des parties ayant agi de bonne foi en se conformant à l'état du droit applicable à la date de leur action, sauf à violer l'article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

*

Selon l'article 909 du code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

Conformément à l'article 910-1, les conclusions exigées par ce texte sont celles remises au greffe et notifiées dans le délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant, qui déterminent l'objet du litige porté devant la cour d'appel.

L'étendue des prétentions dont est saisie la cour d'appel étant déterminée dans les conditions fixées par l'article 954 du même code, le respect de la diligence impartie par l'article 908 est nécessairement apprécié en considération des prescriptions de ce texte. Or l'article 954, alinéa 3 du code de procédure civile selon lequel la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, et l'article 542 du même code en vertu duquel l'appel tend, par la critique du jugement, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel, tels qu'interprétés par la Cour de cassation dans son arrêt du 17 septembre 2020, imposent que le dispositif des conclusions comporte une demande d'infirmation ou de réformation du jugement.

Contrairement à ce que soutient la société Albingia, cet arrêt ne pose pas une règle de droit mais procède à une nouvelle interprétation des articles 954 et 542 du code de procédure civile, de sorte que le grief de violation de l'article 5 du code civil n'est pas fondé.

Le moyen tiré de l'autorité relative de la chose jugée est inopérant, la SCI [Adresse 6] ne se prévalant nullement de l'autorité de chose jugée dudit arrêt mais de la règle d'interprétation qu'il pose, qui est applicable aux procédures engagées postérieurement à son prononcé, ce qui est le cas en l'espèce.

Cette interprétation s'impose, qu'il s'agisse d'un appel principal ou incident, comme l'a retenu la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 1er juillet 2021, qui n'a fait que rappeler que l'appel incident ne diffère pas de l'appel principal par sa nature ou son objet, ce qui ne constitue pas une interprétation nouvelle des textes, de sorte que la société Albingia, qui ne pouvait ignorer la règle d'interprétation posée par l'arrêt du 17 septembre 2020, quand bien même cet arrêt concernait-il un appel principal, ne peut utilement soutenir avoir été privée de son droit à un procès équitable au sens de l'article 6, §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En l'espèce, il n'est pas contesté par la société Albingia que les conclusions qu'elle a déposées dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile ne comportaient aucune demande expresse d'infirmation de chefs du jugement, de sorte qu'à cette date la cour n'était pas saisie d'un appel incident. L'appel incident régularisé dans les conclusions du 21 décembre 2021 doit donc être déclaré irrecevable comme tardif.

Le conseiller de la mise en état n'ayant pas le pouvoir juridictionnel d'apprécier le caractère nouveau des prétentions soumises à la cour, la demande de la SCI [Adresse 6] tendant à voir déclarer irrecevables les prétentions arguées de nouveauté est irrecevable.

La société Albingia qui succombe supportera les dépens de l'incident. Aucune considération tirée de l'équité ne justifie de faire application de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre du présent incident.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, par décision déférable à la cour dans les quinze jours de son prononcé, mise à disposition au greffe,

DECLARONS irrecevable la demande de nullité de la déclaration d'appel ;

REJETONS la demande de caducité de la déclaration d'appel ;

DÉCLARONS irrecevable l'appel incident de la société Albingia dirigé contre la SCI [Adresse 6] ;

DÉCLARONS irrecevables pour défaut de pouvoir juridictionnel du conseiller de la mise en état les demandes de rejet de l'appel et d'irrecevabilité de demandes nouvelles ;

REJETONS les demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNONS la SA Albingia aux dépens de l'incident ;

RENVOYONS l'affaire à l'audience de mise en état du 6 décembre 2022 pour clôture et fixation d'une date de plaidoiries.

Le magistrat chargé de la mise en état,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/02891
Date de la décision : 14/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-14;20.02891 ?
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