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09/09/2022 | FRANCE | N°20/03451

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 09 septembre 2022, 20/03451


MINUTE N° 380/2022





























Copie exécutoire à



- Me Claus WIESEL



- la SELARL ARTHUS



- la SELARL LEXAVOUE COLMAR



Le 9 septembre 2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 9 Septembre 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/03451 - N°

Portalis DBVW-V-B7E-HN5Z



Décision déférée à la cour : 15 Octobre 2020 par le tribunal judiciaire de COLMAR





APPELANTS :



1) Monsieur [X] [O]

demeurant [Adresse 4]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/000604 du 09/02/2021 accordée p...

MINUTE N° 380/2022

Copie exécutoire à

- Me Claus WIESEL

- la SELARL ARTHUS

- la SELARL LEXAVOUE COLMAR

Le 9 septembre 2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 9 Septembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/03451 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HN5Z

Décision déférée à la cour : 15 Octobre 2020 par le tribunal judiciaire de COLMAR

APPELANTS :

1) Monsieur [X] [O]

demeurant [Adresse 4]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/000604 du 09/02/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

2) CAISSE DE SÉCURITÉ SOCIALE ALLEMANDE AOK

représentée par son représentant légal audit siège social

ayant son siège social [Adresse 5] (ALLEMAGNE)

1 et 2/ représentés par Me Claus WIESEL, avocat à la cour.

INTIMÉS :

1) Monsieur [P] [D]

demeurant [Adresse 4]

représenté par la SELARL ARTHUS,, avocats à la cour

plaidant : Me SIMOENS, avocat au barreau de Colmar

2) Compagnie d'assurance DU CREDIT MUTUEL prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 3]

représentée par la SELARL LEXAVOUE COLMAR avocat à la cour.

Plaidant : Me LURATI substituant Me BUFFLER, avocat au barreau de Colmar

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 Mai 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Dominique DONATH faisant fonction

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Le 25 juillet 2012, M. [X] [O], né le [Date naissance 1] 1952, et M. [I] [N] se sont rendus à la gendarmerie de [Localité 7] pour déposer plainte contre M. [P] [D] pour des faits de violences commis le 20 juin 2012 au domicile de M. [O] situé à [Localité 8] (68).

Après classement sans suite de cette plainte par le Parquet de Colmar, M. [O], le 9 décembre 2014, a porté plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction, une ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi devant le tribunal correctionnel de Colmar ayant été rendue le 26 janvier 2016.

Par jugement du 7 juin 2016 dont M. [O] a fait appel avant de s'en désister, le tribunal correctionnel a relaxé M. [D] des fins de la poursuite, a déclaré régulière et recevable l'action de la partie civile mais l'en a débouté du fait de la relaxe.

Par ordonnance du 27 mai 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Colmar a ordonné une expertise médicale ayant donné lieu à un rapport daté du 2 décembre 2013.

Par exploits d'huissier en date des 24 février et 3 mars 2017, M. [X] [O] a fait assigner M. [P] [D] ainsi que la compagnie Assurances du Crédit Mutuel (ACM) devant le tribunal de grande instance de Colmar, afin d'obtenir1'indemnisation de l'intégralité de son préjudice.

M. [O] a appelé sa caisse de sécurite sociale allemande AOK Baden Wurtenberg dans la cause.

Par jugement du 15 octobre 2020, le tribunal a :

-rejeté l'ensemble des demandes de production de pièces formées avant dire droit par les ACM ;

-déclaré recevables les demandes formées par M. [X] [O] et par la caisse de sécurité sociale al1emande AOK Baden Wurtenberg ;

-débouté M. [X] [O] et la caisse de sécurité sociale allemande AOK Baden Wurtenberg de l'ensemble de leurs demandes ;

-condamné M. [X] [O] à prendre en charge les frais et dépens de la présente instance ;

-débouté M. [X] [O] et la caisse de sécurité sociale allemande AOK Baden Wurtenberg de leurs prétentions indemnitaires fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné M. [X] [O] à payer à M. [P] [D] et aux ACM la somme de 1000 euros chacun au titre des frais irrépétibles ;`

-rejeté toutes autres prétentions ;

-dit et jugé n'y avoir lieu à assortir la présente décision de l'exécution provisoire.

Le tribunal a indiqué que l'autorité de la chose jugée de la décision pénale ne s'attachait qu'aux éléments constitutifs de l'infraction poursuivie et ne faisait pas obstacle à ce que d'autres éléments étrangers à cette dernière soient soumis à l'appréciation de la juridiction civile, l'autorité absolue de la chose jugée du pénal au civil ne s'attachant qu'à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge répressif sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action publique.

Le tribunal a ainsi retenu que les demandes de M. [O] et de la caisse AOK étaient recevables, dès lors que le premier imputait notamment à M. [D], dans le cadre de son action en réparation, la commission d'une faute civile caractérisée par la bousculade de M. [N] par M. [D] ayant provoqué sa chute alors qu'il se tenait derrière M. [N] et des gestes de violence exercés par M. [D] sur ce dernier et reposant sur un fait distinct de celui examiné par le tribunal correctionnel de Colmar qui a prononcé une décision définitive de relaxe pour une action violente volontaire exercée par M. [D] à son encontre.

Le tribunal a ensuite rappelé que le régime de responsabilité civile aménagé par les articles 1382 et 1383 anciens du code civil (articles 1240 et 1241 nouveaux) exigeait cumulativement la preuve d'un fait fautif, d'un préjudice ainsi que d'un lien de causalité entre le dommage et la faute.

Après analyse des actes d'enquête réalisés par la BTA de [Localité 7], du réquisitoire définitif du 16 novembre 2015, de l'ordonnance de renvoi du 26 janvier 2016 et des pièces médicales versées aux débats, le tribunal a retenu que le dommage subi le 20 juin 2012 par M. [O] apparaissait incontestable mais que la version circonstanciée des faits décrite et réitérée par ce dernier et M. [N] aux différents stades de la procédure pénale (bousculade violente par M. [D] de M. [O] qui se tenait entre le défendeur et M. [N]) divergeait radicalement de l'hypothèse avancée par M. [D] reprise dans ses écritures et celles de la caisse AOK consistant en une bousculade par ce dernier de M. [N] ou en l'existence de coups ayant entraîné la chute en arrière de M. [N] et corrélativement celle de M. [O] qui se trouvait derrière, aucun autre élément probant n'étant susceptible de départager ces deux versions.

Le tribunal en a déduit que, dans ces circonstances, il y avait lieu de considérer que l'origine des blessures subies le 20 juin 2012 par M. [O] ne pouvait être déterminée avec un degré suffisant de certitude ni être imputée à un fait fautif identifié de M. [D], l'hypothèse d'une action violente volontaire de ce dernier comme cause du dommage de M. [O] ayant été définitivement écartée par le tribunal correctionnel de Colmar et n'étant donc pas à retenir en application du principe de l'autorité absolue de la chose jugée du pénal au civil.

M. [O] et AOK ont formé appel à l'encontre de ce jugement par voie électronique le 18 novembre 2020.

L'instruction de l'affaire a été clôturée le 1er février 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 14 juin 2021, M. [X] [O] demande à la cour de :

-le déclarer bien fondé en son appel ;

y faisant droit :

-infirmer le jugement entrepris ;

-déclarer M. [D] entièrement responsable du dommage qu'il a subi ;

-condamner en conséquence solidairement M. [D] et sa compagnie d'assurances les ACM, à indemniser l'intégralité de son préjudice ;

-condamner en conséquence solidairement M. [D] et les ACM à lui payer les sommes de :

* 8 000 euros en réparation de la gêne temporaire totale,

* 6 000 euros en réparation de la gêne temporaire partielle,

* 7 000 euros au titre des souffrances endurées,

* 64 000 euros au titre de l'atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique,

* 4 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

* 225 623 euros au titre de la perte de revenus et du préjudice professionnel ;

-déclarer en tout état de cause M. [D] et les ACM mal fondés en leur appel incident ;

-les en débouter ;

-condamner par ailleurs solidairement M. [D] et les ACM aux entiers dépens de la procédure ainsi qu'au paiement, à son profit de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [O] indique que M. [P] [D] a été relaxé par le tribunal correctionnel de Colmar selon un jugement du 7 juin 2016, la juridiction répressive ayant considéré que, même si M. [D] l'avait clairement blessé par projection de M. [N], il n'était pas certain que ce geste ait été volontaire et que sa chute ait été intentionnellement provoquée par M. [D] qui en voulait davantage apparemment à M. [N] avec lequel il se disputait au premier chef.

Il considère qu'il n'y a pas lieu de faire jouer l'autorité de chose jugée du pénal sur le civil puisque le tribunal ne s'est exprimé que sur l'existence ou non d'une infraction pénale, c'est-à-dire d'un fait volontaire de M. [D] sur sa personne, la relaxe de M. [D] pour l'infraction pénale volontaire ne signifiant pas qu'il ne doit pas en assumer les conséquences civiles.

M. [O] entend rappeler que le jugement a retenu, dans ces motifs qu'il apparaissait que, durant la bagarre entre MM. [N] et [D], il avait pu être entraîné dans le mouvement et donc dans la chute contre le chambranle de la porte de la salle de bains et que M. [I] [N] considérait qu'il faisait obstacle au mis en examen et avait été bousculé sans que l'on puisse déterminer avec certitude la réalité d'un geste volontaire à son encontre de la part du mis en cause.

Il considère qu'il importe peu de savoir s'il a subi directement les coups de M. [D] ou s'il a subi ses blessures du fait des coups portés à M. [N] qui est lui-même tombé sur lui, entraînant sa propre chute et ses blessures ; dans les deux cas de figure, ce sont bien les gestes de violence de M. [D] qui ont entraîné ses blessures, soit directement, soit indirectement.

Il souligne que, d'une part, c'est bien M. [N] qui a été poussé par M. [D] sur lui puisque M. [D] a lui-même expressément reconnu ce fait en déclarant dans son audition qu'il ne savait pas s'il avait poussé M. [N], ou si, suite aux coups, M. [N] était parti en arrière entraînant sa chute alors qu'il se trouvait derrière M. [N] et, d'autre part, qu'en tout état de cause, il apparaît que, dans les deux cas, il est tombé au sol du fait du comportement de M. [D], un lien de causalité existant entre la faute civile commise par M. [D] sur M. [N] et le préjudice qu'il a lui-même subi.

Il se prévaut de la théorie de l'équivalence des conditions aux termes de laquelle est réputée cause tout événement sans lequel le dommage ne se serait pas produit, la jurisprudence ayant mis sur un pied d'égalité l'ensemble des facteurs ayant concouru à la réalisation du dommage, le juge devant déterminer si sans cet événement, le dommage se serait produit, la réponse est négative en l'espèce puisqu'en effet si M. [D] n'avait pas frappé M. [N], ce dernier ne serait pas tombé sur lui, il n'aurait pas subi de blessures et la caisse allemande AOK n'aurait pas exposé de frais médicaux.

Il souligne que la faute civile de M. [D] est expressément reconnue par ce dernier qui a fait état d'une bousculade sans signaler le moindre geste de violence de sa part.

Considération prise de l'expertise médicale intervenue dans le cadre d'une procédure de référé expertise et du rapport déposé, M. [O] formule sa demande indemnitaire.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 10 janvier 2022, AOK demande à la cour de :

-déclarer son appel recevable et bien fondé ;

-infirmer dans toutes ses dispositions le jugement entrepris par le tribunal judiciaire de Colmar en date du 15 octobre 2020 ;

en statuant à nouveau :

- déclarer M. [P] [D] seul et entièrement responsable des blessures occasionnées le 20 juin 2012 à M. [X] [O], son assuré ;

-déclarer l'assureur de responsabilité civile de M. [P] [D], les ACM IARD, tenu d'indemniser les entières conséquences de la faute délictuelle ou quasi-délictuelle commise par M. [P] [D], à l'occasion des faits du 20 juin 2012 ;

-condamner en conséquence solidairement M. [P] [D] et son assureur les ACM IARD à lui verser la somme totale de 10 467,29 euros correspondant aux décomptes de prestations produits aux débats et qui sont en relation directe et certaine avec l'agression dont s'est rendu responsable M. [P] [D] ;

-dire que cette somme sera productive d'intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

-condamner solidairement M. [D] et son assureur les ACM IARD aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au versement d'une indemnité de procédure de 2 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-constater que la décision à intervenir sera exécutoire par provision de plein droit.

Au soutien de ses demandes, la caisse AOK expose que M. [D] doit être déclaré civilement responsable, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil, des blessures occasionnées à M. [O], à savoir sur le fondement de la faute délictuelle civile et, subsidiairement, quasi-délictuelle.

Elle se prévaut des mêmes moyens que M. [O] sur la relaxe de M. [D], l'absence d'autorité de la chose jugée, la théorie de l'équivalence des conditions et la reconnaissance par M. [D] de ce qu'il a poussé M. [N] sur M. [O].

Elle soutient que la demande formulée par M. [D] au titre de « l'estoppel » constitue une fin de non- recevoir au titre de l'article 122 du code de procédure civile laquelle aurait dû être formulée in limine litis et est donc irrecevable et que la demande tendant à voir « dire et juger comme estopell » est également irrecevable puisqu'elle ne caractérise pas une demande en justice au regard d'une jurisprudence constante de la Cour decassation.

Elle considère que son recours récursoire est parfaitement recevable et bien fondé et que les montants sollicités en première instance et à hauteur de cour doivent lui être accordés soit la somme de 10 467,29 euros par une condamnation solidaire de M. [D] et des ACM, son assureur.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 25 janvier 2022, M. [D] demande à la cour de :

à titre principal :

-infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Colmar le 15 octobre 2020 en ce qu'il a déclaré recevable la demande de M. [O] et de la caisse AOK ;

par conséquent,

-déclarer irrecevables les demandes formulées par M. [X] [O] et la caisse allemande AOK Baden Württemberg compte tenu de l'autorité de la chose jugée attachée à la décision de relaxe du 9 juin 2017 ;

à titre subsidiaire :

-dire et juger que M. [O] doit être déclaré comme « estoppel », défini comme adoptant un comportement procédural constitutif d'un changement de position de nature à induire son adversaire en erreur sur ses intentions ;

-déclarer M. [O] et la caisse AOK irrecevables dans leurs prétentions ;

à titre très subsidiaire :

-confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Colmar le 15 octobre 2020 ;

par conséquent ;

-débouter M. [X] [O] et la caisse allemande AOK Baden Württemberg de l'ensemble de leurs fins, moyens et prétentions en raison du défaut de réunion des conditions d'engagement de la responsabilité civile ;

à titre infiniment subsidiaire :

-dire et juger que M. [X] [O] ne justifie pas de son préjudice professionnel ;

-réduire à de plus justes proportions le montant de l'indemnisation qui pourrait être allouée à M. [X] [O] ;

-dire qu'il ne saurait être tenu à indemniser le préjudice de M. [X] [O] qu'à hauteur de moitié ;

sur l'appel provoqué contre les ACM :

-dire que les ACM ont vocation à garantir les dommages ;

-le cas échéant, condamner les ACM à le garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son endroit au bénéfice de M. [X] [O] d'une part, de la caisse AOK d'autre part, s'agissant des dommages subis le 20 juin 2012 ;

en tout état de cause :

-condamner in solidum M. [X] [O] et la caisse AOK à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers frais et dépens des procédures de première instance et d'appel.

Au soutien de ses demandes, M. [D] expose que l'autorité de la chose jugée attachée à la décision de relaxe définitive fait obstacle à ce que M. [X] [O] puisse invoquer devant une juridiction civile, les faits de violences au soutien de sa demande indemnitaire et que s'il est vrai qu'il peut invoquer une faute civile délictuelle ou quasi-délictuelle pour obtenir réparation de son préjudice malgré la décision de relaxe, il reste que M. [O] n'invoque que les prétendus faits de violences pour lesquels il a été définitivement relaxé pour obtenir réparation de son préjudice, de sorte que l'action indemnitaire dont la cour est saisie est irrecevable.

M. [D] ajoute que s'il ne fait aucun doute que M. [O] a subi un dommage, l'origine en reste floue, en dépit des investigations réalisées et du témoin entendu alors qu'il est essentiel de déterminer l'origine certaine du préjudice, la théorie de l'équivalence ne pouvant être appliquée sans que les causes du préjudice mises en balance ne soient certaines, une quelconque chute de M. [N] sur M. [O] n'étant pas établie, même si l'échauffourée entre lui et ce dernier semble acquise aux débats.

Il entend opposer à M. [O] le principe de l'estoppel qui lui interdit de soutenir le contraire de ce qu'il a toujours déclaré or, celui-ci a toujours déclaré qu'il avait subi des violences volontaires de sa part alors que lui-même s'est demandé si en poussant ou en frappant M. [N], ce dernier serait tombé en arrière entrainant dans sa chute M. [O] qui aurait pu se cogner le dos contre l'encadrement de la porte de la salle de bains.

Il ajoute qu'à défaut d'établissement d'un fait fautif ou d'une faute commise par lui et d'un lien de causalité d'un degré suffisamment certain, sa responsabilité civile extracontractuelle doit être écartée.

Sur l'indemnisation du préjudice de M. [O], il demande qu'elle soit revue à la baisse et considérant qu'il a été jugé que celui-ci avait tenté d'apaiser les tensions en s'interposant, et qu'il a ainsi pu être entraîné dans le mouvement et donc dans une chute contre le chambranle de la porte de la salle de bain, ce qui, du point de vue de la responsabilité civile, rend impossible de déterminer avec précision l'éventuel degré d'implication de tel ou tel protagoniste, s'il devait être condamné à indemniser M. [O], le montant de cette condamnation ne saurait être supérieur à la moitié du montant des dommages-intérêts qui lui seraient le cas échéant versés.

Il soutient que l'exclusion de garantie soulevée par les ACM doit être rejetée, dans la mesure où celle-ci concerne uniquement « les dommages intentionnellement causés ou provoqués directement (') » par l'assuré, le tribunal l'ayant relaxé d'une quelconque infraction intentionnelle.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 21 janvier 2022, la compagnie ACM demande à la cour de :

sur appel principal :

-juger l'appel de M. [X] [O] et de AOK Baden Wurtenberg irrecevable, à tous le moins mal fondé et les débouter de leurs entiers fins, moyens et conclusions ;

-confirmer le jugement rendu sous RG 20/00228 par le tribunal judiciaire de Colmar en date du 15 octobre 2020 en ce qu'il a débouté M. [X] [O] et la caisse de sécurité sociale allemande AOK Baden Wurtenberg de l'ensemble de leurs demandes et a condamné M. [X] [O] à payer aux ACM la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

subsidiairement :

-juger qu'elle n'a pas vocation à garantir les dommages résultant d'une faute intentionnelle, ou traduisant un comportement duquel il résulte qu'il aurait recherché le résultat ;

à titre encore plus subsidiaire :

-juger qu'elle n'a vocation à garantir le préjudice de M. [O] qu'à hauteur de la moitié, compte tenu des circonstances de l'accident et de la participation de M. [N] dans le dommage subi par M. [O] ;

-réduire les montants mis en compte par M. [O] à de plus justes proportions ;

-juger que M. [O] ne justifie pas de son préjudice professionnel et le débouter de sa demande à ce titre, subsidiairement, ordonner une expertise comptable ;

sur appel incident :

- infirmer le jugement rendu sous RG 20/00228 par le tribunal judiciaire de Colmar en date du 15 octobre 2020, ce qu'il a déclaré recevable la demande de M. [X] [O] et de AOK Baden Wurtenberg ;

statuant à nouveau :

- juger la demande de M. [X] [O] et de AOK Baden Wurtenberg irrecevable du fait de l'autorité de chose jugée attachée au jugement du tribunal correctionnel du 7 juin 2016 ;

sur appel provoqué :

- débouter M. [P] [D] de son appel provoqué visant à obtenir sa condamnation à le garantir de toutes les condamnations susceptibles d'être portées à son encontre au bénéfice de M. [X] [O] et d'AOK ;

en tout état de cause :

-condamner M. [X] [O] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés à hauteur de Cour d'appel et en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner M. [X] [O] aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel ;

-condamner M. [P] [D] aux entiers frais et dépens résultant de l'appel provoqué.

Au soutien de ses prétentions, la société ACM expose que les conditions de la responsabilité civile de l'article 1240 du code civil ne sont pas réunies.

Elle soutient qu'il n'y a pas de fait fautif, M. [O] ayant toujours affirmé que M. [D] l'avait poussé volontairement car il faisait obstacle entre lui-même et M. [N] avant de changer son argumentation à hauteur d'appel et prétendre désormais que M. [D] aurait poussé M. [N] vers lui, ce qui aurait entraîné sa chute.

Sur le lien de causalité, elle indique que s'il ne fait aucun doute que M. [O] a subi un dommage, il n'apporte en revanche strictement aucune preuve du lien de causalité entre ce dommage et la faute qu'il entend imputer à M. [D], la réalité du fait générateur allégué par M. [O] ne pouvant être imputée avec certitude à M. [D] qui a reconnu la bousculade avec M. [N] mais n'a jamais reconnu être à l'origine de la chute de M. [O].

Elle ajoute que le jugement du tribunal correctionnel a retenu l'absence de lien entre la chute de M. [O] et les prétendus faits de violences volontaires imputés à tort à M. [D], de sorte qu'il y autorité de la chose jugée laquelle s'attache à ce qui a été décidé par le juge pénal non seulement sur la culpabilité de l'auteur mais également sur l'existence ou l'absence du fait qui forme la base commune des deux actions, civile et pénale, étant souligné que le jugement du 7 juin 2016, outre la relaxe, a retenu qu'il était impossible de déterminer avec certitude la réalité d'un geste de violence imputable à M. [D] et qui aurait provoqué la chute de M. [O].

Elle invoque un partage de responsabilité, le dommage subi par M. [O] ayant été provoqué par la dispute entre M. [D] et M. [N], M. [O] ayant été blessé lorsqu'il aurait essayé de s'interposer entre M. [D] et M. [N].

Elle ajoute que dès lors que le fait générateur de responsabilité civile délictuelle ne peut être déterminé avec certitude, il est impossible de déterminer avec précision l'éventuel degré d'implication des trois hommes dans le dommage, de sorte que si M. [D] devait être condamné à indemniser M. [O], le montant de cette condamnation ne saurait être supérieur à la moitié du montant des dommages et intérêts qui lui seraient versés.

Elle sollicite que les montants mis en compte par M. [O] pour ses postes de préjudice soient ramenés à la baisse et que ceux mis en compte par AOK soient rejetés à défaut de faute de M. [D] et de lien de causalité avec le dommage subi par M. [O].

Si la cour venait à admettre la responsabilité civile délictuelle pour faute de M. [D], elle entend relever l'existence d'une exclusion de sa garantie par application des dispositions de l'article L.113-1 du code des assurances dispose que : « Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré », se prévalant des conditions particulières «Essentiel habitat » et des conditions générales n°16.07.20-04/2012 du contrat d'assurance habitation souscrit par M. [D] auprès des ACM le 12 juin 2012 en sa qualité de locataire d'un appartement situé [Adresse 2], les dommages occasionnés par l'assuré à M. [O], résultant, selon les allégations de ce dernier, de faits de violences intentionnels étant souligné que l'assuré a délibérément adopté un comportement avec la certitude qu'un dommage en résulterait inéluctablement et a ainsi fait disparaître l'aléa qui est de l'essence du contrat d'assurance.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les fins de non-recevoir

Sur l'autorité de la chose jugée

L'autorité au civil de la chose jugée au pénal qui est absolue s'attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité ou la non culpabilité de celui à qui le fait est imputé ; elle s'attache également tant au dispositif de la décision pénale qu'aux motifs qui en sont le soutien nécessaire.

Il s'en déduit que la relaxe au pénal laisse ainsi place à des actions civiles fondées sur une faute distincte.

M. [D] a été poursuivi pour des faits de violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours sur la personne de M. [X] [O] et en a été relaxé au motif que les éléments du dossier ne permettaient pas d'imputer avec certitude une action violente volontaire à M. [D].

M. [O] a saisi le tribunal de grande instance de Colmar à fin de se voir indemniser du préjudice découlant du comportement de M. [D] en se fondant sur les dispositions des articles 1382 et, subsidiairement, 1383 anciens du code civil lesquelles prévoient que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer et que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence, notions ne se limitant pas exclusivement à des violences volontaires, de sorte que la fin de non-recevoir soulevée du chef de l'autorité de la chose jugée doit être rejetée et le jugement entrepris confirmé de ce chef, étant souligné que M. [O] met en cause explicitement le comportement de M. [D] comme ayant été à l'origine d'une bousculade ayant provoqué sa chute de manière involontaire.

Sur le principe de l'estoppel

M. [D], à hauteur d'appel, a soulevé cette fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui.

Faisant application des dispositions de l'article 123 du code de procédure civile qui prévoit que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement, il y a lieu de déclarer cette fin de non-recevoir recevable.

Le principe de l'estoppel a pour objet de sanctionner une attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions.

M. [D] soutient que M. [O] a toujours déclaré qu'il avait subi des violences volontaires de sa part. Toutefois, force est de constater que dans le cadre de la présente instance, M. [O] n'a pas invoqué l'existence de violences volontaires à l'appui de sa demande indemnitaire mais le fait que M. [D] a provoqué une bousculade au cours de laquelle il a chuté et s'est grièvement blessé, de sorte qu'à défaut de l'existence de positions contraires ou incompatibles entre elles dans la présente instance, la fin de non-recevoir soulevée de ce chef est rejetée.

Sur le fond

Sur la responsabilité

Il est rappelé que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer et que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Aux termes de sa motivation, le tribunal correctionnel de Colmar, dans son jugement du 7 juin 2016, a retenu que M. [D] et M. [N] s'étaient opposés violemment, M. [O] ayant été blessé au cours de l'altercation du fait d'une bousculade à laquelle M. [D] a été partie prenante, ce que ce dernier a reconnu, cette bousculade ayant été à l'origine de la chute de M. [O].

La lecture des pièces produites par les parties permet de confirmer l'analyse du tribunal correctionnel, M. [D] ayant indiqué, lors de ses auditions par la gendarmerie, qu'il y avait eu une altercation verbale et physique entre M. [N] et lui-même, que M. [O] était à leurs côtés en leur disant d'arrêter et en essayant de les séparer et qu'alors que M. [O] se trouvait derrière M. [N], ce dernier était tombé en arrière ainsi que M. [O], M. [D] ne parvenant pas à déterminer s'il avait poussé M. [O] ou si la chute de ce dernier était due aux coups échangés entre lui-même et M. [N].

Que ce soit dans l'une ou l'autre des hypothèses exposées, il apparaît que l'action de M. [D] est à l'origine du dommage subi par M. [O] et, qu'au regard des dispositions des articles 1382 et 1383 anciens du code civil, il doit en être déclaré totalement responsable, aucune faute de M. [O] n'étant établie.

Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.

Sur l'indemnisation

Il ressort du rapport d'expertise que M. [O] a subi une fracture par impaction (ou tassement) de L1 (première vertèbre lombaire) avec petite diminution de la hauteur vertébrale en forme de coin.

Le préjudice corporel de M. [O] sera évalué sur la base de ce rapport d'expertise, non contesté, établi le 2 décembre 2013 par le Docteur [L] et dont les conclusions peuvent être ainsi résumées:

-date de consolidation : 1er octobre 2012

-gêne temporaire totale du 21 juin 2012 au 29 juin 2012 et du 10 juillet 2012 au 4 août 2012

-gêne temporaire partielle, classe 3 du 30 juin 2012 au 9 juillet 2012, classe 2 du 5 août 2012 au 15 septembre 2012, classe l du 16 septembre 2012 au 30 septembre 2012

-souffrances endurées 3/7

-dommages esthétiques temporaires 0/7

-atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique 8 %

-dommages esthétiques permanents 0,5/7

-préjudice d'agrément : néant

-préjudice sexuel : néant

-frais futurs : oui

-tierce personne : néant

-aggravation : oui

-perte de gains professionnels futurs : oui

-incidence professionnelle : oui

I- Préjudices patrimoniaux

A- Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

1) Dépenses de santé actuelles

Selon les décomptes produits par la caisse AOK, ces frais s'élèvent à 10 467,29 euros lesquels ne sont pas contestés.

Cette somme est donc retenue.

2) Perte de gains professionnels actuels

M. [O] a formulé une demande d'indemnisation globale à hauteur de 225 723 euros couvrant les périodes avant et après consolidation au titre de ce préjudice.

Il indique qu'il exploitait une petite entreprise de carrelage, revêtements de sols et de peinture et que du fait de l'inaptitude relevée par l'expert, il a dû interrompre son activité, de sorte qu'il a été radié de la chambre des métiers de [Localité 6] au mois d'août 2012.

Considérant que la moyenne annuelle de ses revenus sur les années 2012, 2011 et 2010 s'élevait à 3760,99 euros et qu'il a bénéficié d'indemnités de chômage à hauteur de 391,91 euros par mois jusqu'à sa retraite, il sollicite une réparation à raison de la différence entre son revenu mensuel moyen et les indemnités perçues, soit 3369,08 euros par mois sur 67 mois.

Pour ce poste de préjudice, M. [D] conclut au débouté de cette demande, objectant que M. [O] ne produit que des justificatifs de ses revenus en langue allemande et ne justifie pas de ses avis d'imposition sur le revenu de 2010 à 2018.

Il fait également remarquer que M. [O] n'évoque pas les indemnités journalières qu'il a certainement dû percevoir de son organisme social.

La société ACM souligne également la difficulté liée à ce que les documents produits sont en langue allemande et ne permettent pas de déterminer avec précision le préjudice de M. [O].

* *

*

Pour être indemnisé des revenus dont il a été privé pendant la période allant du 20 juin 2012 (date des faits) au 1er octobre 2012 (date de la consolidation), M. [O] doit être en mesure d'en justifier.

Or, M. [O] ne produit que des justificatifs qui ont été établis par lui-même dont des factures lesquelles sont libellées en allemand et donc non compréhensibles par les parties et la cour.

Considérant que M. [O] ne justifie pas de la réalité de la perte de revenus invoquée, il doit être débouté de cette demande.

B- Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation) : perte de gains professionnels futurs

Il est rappelé que M. [O] a formé une demande globale pour la perte de gains professionnels actuels et futurs. Il est renvoyé à ses moyens énoncés ci-avant. Pour ce poste, M. [O] indique encore qu'il a été contraint de faire valoir ses droits à la retraite en mars 2018 et souligne que s'il avait pu continuer à travailler, il aurait perçu une retraite plus élevée.

M. [D] conclut au débouté de cette demande, objectant que M. [O] ne produit que des justificatifs de ses revenus en langue allemande et ne justifie pas de ses avis d'imposition sur le revenu de 2010 à 2018. Il ajoute que le montant que M. [O] indique au titre de sa retraite mensuelle n'est pas crédible.

La société ACM s'oppose à cette demande faisant valoir que l'expert a mis en évidence une capacité de travail permettant à M. [O] de percevoir le SMIC, la seule perte de revenus à laquelle il pourrait prétendre étant la différence entre le revenu moyen perçu avant l'accident et le SMIC.

* *

*

Même si M. [O] mentionne qu'il a été contraint de, prématurément, faire valoir ses droits à la retraite en mars 2018, force est de constater qu'aux termes de ses écritures, il entend limiter l'indemnisation de son préjudice professionnel à la perte de revenus de la date de la consolidation à la date de sa retraite.

Pour les mêmes motifs que ceux retenus pour la perte de gains professionnels actuels, la demande de M. [O] est rejetée.

II- Préjudices extra-patrimoniaux

1) Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

1) Déficit fonctionnel temporaire

Pour les deux périodes de gêne temporaire totale retenues par l'expert à savoir du 21 Juin 2012 au 29 juin 2012, puis du 10 juillet 2012 au 4 août 2012, M. [O] sollicite la somme de 8 000 euros ; pour l'ensemble des périodes et classes de gêne temporaire partielle, il demande une indemnisation à hauteur de 6 000 euros.

M. [D] s'y oppose faisant valoir que, tant pour la gêne temporaire totale que partielle, M. [O] ne donne aucune précision sur ses demandes. Il fait valoir que, compte tenu du montant d'indemnisation médian, une victime peut espérer percevoir environ 25 euros par jour soit 750 euros par mois, de sorte que s'agissant de la gêne temporaire totale, que l'indemnisation doit se faire à hauteur de 800 euros et pour la gêne temporaire partielle, à hauteur de 425 euros.

Les ACM soulignent également que M. [O] ne donne aucune précision quant à sa demande et fait valoir que, sur la base d'une indemnisation à 20 euros par jour, l'indemnisation de la gêne temporaire totale se monte à 720 euros et celle de la gêne temporaire partielle à 340 euros.

* *

*

Ce poste de préjudice inclut, pour la période antérieure à la consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.M. [O] a subi plusieurs périodes de gêne temporaire partielle à savoir :

- du 30 juin 2012 au 9 juillet 2012, période entre deux séjours hospitaliers au cours de laquelle la locomotion n'était possible qu'avec deux béquilles, de façon très limitée et avec aide (classe III),

- du 5 août 2012 au 15 septembre 2012, période au cours de laquelle M. [O] a utilisé une seule canne pour se déplacer avec des difficultés persistantes (classe II),

- du 16 septembre 2012 au 30 septembre 2012 période correspondant à une déambulation possible sans aide avec des soins actifs en cours à savoir de la kinésithérapie (classe I).

Compte tenu de la nature des lésions et du handicap subi ainsi décrits pendant les périodes de gêne, la cour fixe à la somme de 30 euros par jour la base d'indemnisation et alloue donc une somme de 1 560 euros du chef du déficit fonctionnel temporaire détaillé comme suit :

-déficit temporaire total du 21 au 29 juin 2012 et du 10 juillet 2012 au 4 août 2012 soit 35 jours à 30 euros par jour : 1050 euros,

-déficit temporaire partiel de classe III du 30 juin 2012 au 9 juillet 2012 soit 10 jours à 15 euros : 150 euros,

-déficit temporaire partiel de classe II du 5 août 2012 au 15 septembre 2012 soit 42 jours à 7,50 euros : 315 euros,

-déficit temporaire partiel de classe I du 16 septembre 2012 au 30 septembre 2012 soit 15 jours à 3 euros : 45 euros.

2/ Souffrances endurées

M. [O] sollicite, à ce titre, la somme de 7 000 euros au regard de l'évaluation de l'expert.

M. [D], considérant que ce préjudice a été évalué comme modéré, propose une indemnisation à hauteur de 4500 euros.

Les ACM proposent la somme de 3000 euros.

* *

*

Ce poste de préjudice indemnise les seules souffrances tant physiques que morales endurées par victime du fait des blessures subies et des traitements, interventions, hospitalisations dont elle a fait l'objet jusqu'à la consolidation.

La consolidation de l'état de santé de M. [O] a été fixée au 1er octobre 2012.

L'expert a évalué les souffrances endurées à 3 sur une échelle de 7.

Les termes du rapport d'expertise n'étant contestés par aucune des parties, il convient de les retenir et d'allouer la somme de 5 000 euros au titre des souffrances endurées par M. [O] caractérisées, selon l'expert, par les douleurs générées par le traumatisme initial, l'intervention chirurgicale sous anesthésie générale, l'astreinte aux soins ainsi que la douleur morale.

B- Préjudices extra-patrimoniaux permanents

1) Déficit fonctionnel permanent

M. [O] demande une indemnisation de 64 000 euros pour ce poste considération prise du rapport d'expertise (taux retenu : 8%) et de son âge.

M. [D] s'oppose à cette demande faisant valoir que la valeur du point à retenir est de 1 250.

Les ACM considèrent que M. [O] ne peut prétendre à une indemnisation supérieure à 4000 euros au regard de son âge et du faible taux retenu par l'expert.

* *

*

Compte tenu de l'âge de la victime lors de la consolidation de ses blessures (60 ans), le déficit fonctionnel permanent sera évalué à la somme de 8x1 560 = 12 480 euros.

2) Préjudice esthétique permanent

M. [O] demande la somme de 4000 euros au titre de la réparation du préjudice esthétique permanent.

M. [D] propose une indemnisation maximale de 750 euros aux motifs que ce préjudice est faible voire quasi inexistant.

Les ACM pour les mêmes raisons proposent une somme maximale de 300 euros.

* *

*

L'expert a relevé l'existence, au niveau du tronc, de nombreuses cicatrices opératoires de bonne qualité habituellement cachées par les vêtements.

Compte tenu de l'évaluation faite par l'expert au taux de 0,5/7, de l'âge de la victime, de la nature et de la situation des cicatrices et séquelles visibles décrites par l'expert lequel a spécifié qu'elles étaient non visibles de premier abord même dévêtu, une somme de 750 euros est allouée à M. [O].

Récapitulatif

En considération des éléments ci-dessus, le préjudice de la victime est liquidé comme suit :

Evaluations

Sommes revenant à la victime

Sommes revenant à AOK

I-Préjudices patrimoniaux

A-Préjudices patrimoniaux temporaires

Dépenses de santé actuelles

10 467,29 €

10 467,29 €

Perte de gains professionnels actuels

0 €

B-Préjudices patrimoniaux permanents

Pertes de gains professionnels futurs

0 €

II- Préjudices extra-patrimoniaux

A- Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

Déficit fonctionnel temporaire

1.560 €

1.560 €

souffrances endurées

5 000 €

5 000 €

B- Préjudices extra-patrimoniaux permanents

Déficit fonctionnel permanent

12.480 €

12.480 €

Préjudice esthétique permanent

750 €

TOTAL:

30.257,29 €

19.790 €

10.467,29 €

Provision à déduire

néant

néant

néant

SOLDE:

30.257,29 €

19.790 €

10.467,29 €

Sur la garantie des ACM

Aux termes de l'article 3 des conditions générales du contrat d'assurance souscrit par M. [D], ne sont pas pris en charge, les dommages intentionnellement causés ou provoqués directement ou avec complicité par l'assuré.

Toutefois, cet article ne trouve pas application, en l'espèce, puisqu'il n'a pas été établi que c'est intentionnellement que M. [D] avait fait chuter M. [O].

Pour le même motif, ne trouve pas application de l'alinéa 2 de l'article L.113-1 du code des assurances aux termes duquel l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle de l'assuré.

Il s'en déduit que les ACM doivent garantir M. [D] au titre des montants mis à sa charge re réparation du préjudice subi par M. [O], de sorte qu'il est fait droit à la demande de M. [O] tendant à la condamnation de la société ACM, qui sera tenue in solidum avec M. [D].

Sur les dépens et les frais de procédure

Le jugement entrepris est infirmé de ces chefs.

M. [D] et les ACM IARD sont condamnés aux dépens de la procédure de premier ressort ainsi qu'aux dépens d'appel.

Ils sont également condamnés à payer, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

la somme de 3 000 euros à M. [O] pour ses frais de procédure exposés dans le cadre de la procédure de première instance et d'appel,

la somme de 3 000 euros à AOK pour ses frais de procédure exposés dans le cadre de la procédure de première instance et d'appel.

M. [P] [D] et les ACM sont déboutés de leurs demandes d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Colmar du 15 octobre 2020 en ce qu'il a :

- débouté M. [X] [O] et la caisse de sécurité sociale allemande AOK Baden Würtenberg de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamné M. [X] [O] à prendre en charge les frais et dépens de la présente instance ;

- débouté M. [X] [O] et la caisse de sécurité sociale allemande AOK Baden Würtenberg de leurs prétentions indemnitaires fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [X] [O] a payer à M. [P] [D] et aux ACM la somme de 1000 euros chacun au titre des frais irrépétibles ; `

- rejeté toutes autres prétentions ;

CONFIRME pour le surplus le jugement du tribunal judiciaire de Colmar du 15 octobre 2020 ;

Statuant de nouveau sur les seuls points infirmés et y ajoutant :

DÉCLARE recevable la fin de non-recevoir tirée du principe de l'estoppel ;

REJETTE la fin de non-recevoir tirée du principe de l'estoppel ;

DÉCLARE M. [P] [D] entièrement responsable des préjudices subis par M. [X] [O] en lien avec les faits du 20 juin 2012 ;

FIXE le montant total du préjudice subi par M. [X] [O] à la somme de 30 257,29 euros ;

DIT que la SA ACM IARD doit sa garantie à M. [P] [D] ;

En conséquence, CONDAMNE in solidum M. [P] [D] et la SA ACM IARD à payer à M. [X] [O] la somme de 19 790 euros (dix neuf mille sept cent quatre vingt dix euros) au titre de l'indemnisation de son préjudice avec intérêts aux taux légal à compter de la date du présent arrêt ;

DÉBOUTE M. [X] [O] du surplus de sa demande d'indemnisation de son préjudice ;

CONDAMNE in solidum M. [P] [D] et la SA ACM IARD à payer à la caisse de sécurité sociale allemande AOK Baden Würtenberg la somme de

10 467,29 euros (dix mille quatre cent soixante sept euros vingt neuf centimes) au titre des prestations versées à M. [X] [O] avec intérêts aux taux légal à compter de la date du présent arrêt ;

CONDAMNE in solidum M. [P] [D] et la SA ACM IARD aux dépens de la procédure de premier ressort ainsi qu'aux dépens d'appel ;

CONDAMNE in solidum M. [P] [D] et la SA ACM IARD à payer, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

* la somme de 3 000 euros (trois mille euros) à M. [O] pour ses frais de procédure exposés dans le cadre de la procédure de première instance et d'appel,

* la somme de 3 000 euros (trois mille euros) à la caisse de sécurité sociale allemande AOK Baden Würtenberg pour ses frais de procédure exposés dans le cadre de la procédure de première instance et d'appel ;

DÉBOUTE M. [P] [D] et la SA ACM IARD de leurs demandes d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/03451
Date de la décision : 09/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-09;20.03451 ?
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