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26/08/2022 | FRANCE | N°20/03731

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 26 août 2022, 20/03731


MINUTE N° 357/2022

























Copie exécutoire à



- Me Anne CROVISIER



- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY





Le 26/08/2022



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 26 Août 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/03731 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HONE



Décision dÃ

©férée à la cour : 12 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTE et intimée sur incident :



S.A. SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE Représentée par son représentant légal

demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Anne CROVISIER, a...

MINUTE N° 357/2022

Copie exécutoire à

- Me Anne CROVISIER

- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY

Le 26/08/2022

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 26 Août 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/03731 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HONE

Décision déférée à la cour : 12 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE et intimée sur incident :

S.A. SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE Représentée par son représentant légal

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Anne CROVISIER, avocat à la cour.

INTIMÉ et appelant sur incident :

Monsieur [B] [J]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine GARCZYNSKI, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre

Madame Catherine GARCZYNSKI, conseiller

Madame Myriam DENORT, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame DONATH faisant fonction

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 19 août 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Dominique DONATH faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 27 octobre 2014, M. [J] a demandé son adhésion à un contrat de prévoyance dénommé « SwissLife Prévoyance indépendants » à effet du 1er janvier 2015, dans le cadre de la loi Madelin, avec les garanties « maintien de revenus » et « capital décès/PTIA ».

Il a rempli à cette occasion un questionnaire de santé en indiquant qu'il pesait 107 kg et mesurait 187 cm, si bien qu'il a répondu non à la question de savoir s'il avait un rapport poids/taille supérieur à 1,25 ; il a également répondu « non » à toutes les autres questions notamment à la question 5 rédigée comme suit : « êtes-vous ou avez-vous été atteint d'une ou plusieurs des affections suivantes ' », les affections visées (case à cocher pour chacune en cas de réponse affirmative, lesquelles n'ont pas été cochées) étant notamment :

- « affection de l'appareil digestif (par ex : hépatites virales, colites, pancréatite) »

- « affection de la colonne vertébrale (par ex : lombo-sciatique, hernie discale) »

- « affection rénale (par ex : colites néphrétiques, insuffisance rénale, polypes de la vessie). »

M. [J] a été en arrêt de travail à compter du 1er décembre 2015 pour « discopathie lombaire L3 L4 confirmé par l'IRM du 01/12/15 » selon l'attestation initiale de son médecin traitant, le Dr [O], du 7 mars 2016.

Le 20 décembre 2016, l'assureur lui a notifié la nullité du contrat et demandé la restitution des prestations versées, le médecin conseil de la société SwissLife Prévoyance et santé lui précisant qu'il aurait dû déclarer la pathologie lombaire dont il était atteint à la question 5 dans la rubrique « affection de la colonne vertébrale », celle-ci évoluant depuis 10 ans.

M. [J] a répondu le 3 octobre 2017 par courrier de son conseil que ses deux médecins, les Dr [E] (neurochirurgien) et [O] (médecin traitant), avaient fait des erreurs dans les dates, le début de sa pathologie datant du 1er décembre 2015 et non de 2006 ; il lui transmettait un certificat de chacun de ces médecins des 7 février 2017 et 30 décembre 2016. L'assureur a cependant maintenu sa position au regard notamment des conclusions du Dr [K], ayant réalisé une expertise médicale le 19 septembre 2016.

Par acte du 16 novembre 2018, M. [J] a assigné la SA SwissLife Prévoyance et santé devant le tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins de la voir condamnée à lui verser les prestations dues en exécution du contrat.

Suivant jugement en date du 12 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Strasbourg a jugé le contrat valable, dit n'y avoir lieu en conséquence au remboursement de la somme de 20 065,50 euros au titre des prestations versées et condamné la société SwissLife Prévoyance et santé à verser à M. [J] les prestations dues en exécution du contrat ainsi qu'à lui verser une indemnité de 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Il a en revanche débouté M. [J] de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive, la position de l'assureur étant fondée sur des documents médicaux mal renseignés par les médecins et sur le fait que M. [J] avait omis de mentionner l'existence de précédentes crises de coliques néphrétiques.

Pour rejeter la demande en nullité, le tribunal a considéré que :

- les lombalgies ne pouvaient être retenues, aux motifs d'une part, que les deux médecins ayant expliqué avoir mal rédigé les formulaires initialement transmis, ceux-ci ne pouvaient fonder la décision de l'assureur, et d'autre part, que le Dr [K] ne démontrait pas son affirmation selon laquelle les premiers signes de l'affection à l'origine de l'arrêt de travail remontaient à une dizaine d'années et ne faisait pas état de documents médicaux antérieurs à décembre 2015, tels que des IRM ou radiographies, faisant état de l'existence de la « spondylite », montrée par l'IRM du 1er décembre 2015,

- il n'était pas démontré d'erreur sur la taille et le poids indiqués par M. [J], relevant que, si le poids était de 110 kg en octobre 2014, il n'était pas exclu qu'il ait pu perdre du poids entre cette date et le « 1er décembre 2015 », d'autant que la variation n'était que de 3 kg et les appareils de pesée pas toujours précis, et que la taille indiquée était inférieure à celle notée par l'expert désigné par l'assureur (1,88 m),

- si M. [J] avait en revanche faussement indiqué ne pas avoir souffert de coliques néphrétiques, l'assureur précisait qu'il aurait stipulé une exclusion de garantie des suites et conséquences de cette pathologie, de sorte que cette inexactitude n'était pas de nature à modifier l'objet du risque ou l'opinion de l'assureur puisqu'il aurait simplement décliné différemment sa garantie.

Le tribunal en a conclu que M. [J] était en droit d'obtenir la prise en charge « de son préjudice » qui n'était nullement en lien avec des problèmes rénaux.

*

Le 8 décembre 2020, la société SwissLife Prévoyance et santé a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions du 14 mars 2022, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de prononcer la nullité du contrat, et de condamner M. [J] à lui rembourser les sommes versées en exécution du contrat, soit la somme de 20 065,50 euros, sauf à parfaire, ainsi que celle de 4 000  euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. Elle conclut au rejet de l'appel incident.

La société SwissLife Prévoyance et santé soutient, concernant l'antécédent de coliques néphrétiques, que :

- le Dr [K] en mentionne clairement l'existence depuis la chirurgie bariatrique de 2010 (7 à 8 crises) de sorte que, comme l'a retenu le tribunal, il y a une fausse déclaration en réponse à la question 5, puisque M. [J] aurait dû répondre par l'affirmative concernant le fait d'avoir été atteint, soit d'une affection de l'appareil digestif, soit d'une affection rénale,

- la compagnie n'a pas pu exclure de la garantie la prise en charge des suites et conséquences de cette pathologie, de sorte que l'appréciation du risque a bien été modifiée ou diminuée, contrairement à ce qu'a décidé le premier juge, puisqu'elle aurait exclu cette prise en charge, refusé sa garantie ou bien exigé une surprime.

Elle fait valoir que l'existence d'une fausse déclaration est également avérée en ce qui concerne le poids et la question associée concernant le rapport poids/taille, le résultat des indications données étant de 107/87 = 1,229, soit un chiffre inférieur à 1,25, alors qu'en réalité, selon son propre médecin, il pesait 110 kg en octobre 2014, soit un rapport poids/taille de 110/87 = 1,264 et, en tenant compte de la taille mesurée par son médecin traitant de 186 cm, de 110/86 = 1,279, soit dans les deux cas un rapport supérieur à 1,25 ; elle estime cette fausse déclaration intentionnelle alors que son poids et sa taille étaient régulièrement contrôlés du fait de la chirurgie bariatrique subie (réduction de la taille de l'estomac et éventuellement de la longueur de l'intestin), celle-ci ayant modifié l'appréciation du risque, le seuil de 1,25 étant en relation avec une mesure du surpoids ou de l'obésité, laquelle est à l'origine de troubles de santé et d'un risque accru de cancers, de sorte que ce seuil est un élément majeur d'appréciation de l'état de santé et qu'elle aurait refusé l'adhésion de M. [J] si son rapport poids/taille avait été supérieur.

Enfin, elle maintient l'existence d'une fausse déclaration concernant les lombalgies, le Dr [K] les mentionnant dans les antécédents depuis une dizaine d'années en indiquant qu'elles avaient nécessité « à l'époque des radiographies, un scanner et une IRM (non présentés) » et en précisant que « le traitement avait comporté des antalgiques, des séances de kinésithérapie et des soins chez un étiopathe », ajoutant en outre que « depuis 2012-2013, suite à ces problèmes de santé, il n'a plus qu'une activité de chef d'entreprise (travail de bureau) ». Elle se réfère également au courrier du Dr [E] au Dr [O] du 21 juin 2016, mentionnant qu'il a été dicté en présence du patient, lequel résume la situation en évoquant des lombalgies discogéniques évoluant depuis plus de 10 ans, et à l'attestation du Dr [O] du 22 novembre 2016 selon laquelle les rachialgies ont été constatées pour la première fois en 2006. Elle estime le certificat du 30 décembre 2016 de ce dernier dépourvu de portée car « fait sur demande de l'intéressé » après qu'elle ait opposée la nullité du contrat et la prétendue erreur de rédaction non démontrée, et contredite par les éléments précités. Elle ajoute que le caractère dégénératif de la pathologie mentionnée en 2015 exclut qu'elle soit apparue brutalement.

Elle fonde sa demande en restitution sur les dispositions de l'article 1302 du code civil (ancien article 1376) et sur la nullité du contrat, privant de tout fondement les indemnités versées.

*

 

Par conclusions du 3 juin 2021, M. [J] demande à la cour de confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté sa demande en dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros, et formant appel incident de ce chef, d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société SwissLife prévoyance et santé à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [J] conteste toute fausse déclaration, au motif, en premier lieu, qu'il n'était atteint d'aucune pathologie.

Pour la pathologie lombaire, il se réfère à l'attestation médicale initiale du 7 mars 2016, indiquant clairement que la première constatation médicale est le 1er décembre 2015 et ne signalant comme antécédent que la chirurgie bariatrique, ainsi qu'aux derniers documents remplis par ses médecins.

Pour les coliques néphrétiques, il fait valoir que rien ne permet de dire qu'il en faisait avant 2014, relevant que le Dr [K] ne date pas les crises de coliques, la seule date renseignée étant une échographie du 16 mars 2016 ; il ajoute que les crises de coliques néphrétiques ne sont pas mentionnées dans la partie « affection de l'appareil digestif ».

En second lieu, il conteste les fausses informations alléguées sur son poids ; il s'étonne que le Dr [O] puisse affirmer en novembre 2016, avec précision son poids, deux ans auparavant, au jour exact de remise du questionnaire médical et soutient qu'aucun document ne contredit sa déclaration.

Par ailleurs, il conteste tout élément intentionnel ; il indique ne pas avoir modifié son exercice professionnel pour des raisons de santé, mais par choix de gestion et de carrière, et avoir déclaré son poids réel.

*

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 3 mai 2022.

MOTIFS

Sur la nullité du contrat d'assurance

Selon le premier alinéa de l'article L. 113-8 du code des assurances, indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'article L. 132-26, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre.

Sur les fausses déclarations

Le Dr [O] a attesté le 22 novembre 2016 que le poids de M. [J] était de 111 kg en octobre 2013, 110 kg en octobre 2014 et 111 kg en octobre 2015 ; il a indiqué que ce poids était stable. Il a également indiqué que : « sa taille est de 1 m 86 ».

Compte tenu de ce que le poids de M. [J] était surveillé par son médecin traitant en raison de la chirurgie bariatrique qu'il avait subie en 2010 (perte de poids de 45 kg selon le rapport d'expertise) et au vu de la mesure attestée par ce dernier en octobre 2014 (110 kg) et de la mention de la stabilité du poids, l'indication par M. [J] d'un poids de 107 kg sur le questionnaire médical

rempli le 27 octobre 2014, lui permettant de répondre « non » à la question concernant un rapport poids/taille (obtenu par la division du poids par les chiffres après la virgule de la taille indiquée, exprimée en mètre, soit en l'espèce :107/87 = 1,23) supérieur à 1,25, apparaît mensongère.

Le fait qu'il ait indiqué une taille supérieure de 1 cm à celle mentionnée par son médecin traitant le 22 novembre 2016 n'établit pas sa bonne foi alors qu'elle lui permettait au contraire d'être moins près du seuil (ni le fait qu'il ait indiqué 1 cm de moins que la taille renseignée par l'expert commis par l'assureur, puisqu'il ne connaissait pas la mesure prise par cet expert au jour de sa demande d'adhésion et qu'indiquer une telle mesure aurait été sans incidence sur le dépassement du seuil). La différence de 3 kg est en revanche suffisamment importante pour ne pas être le résultat d'une imprécision de l'appareil de pesée, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, qui s'est de plus référé à la date du 1er décembre 2015 pour apprécier la véracité du poids déclaré, alors que ce poids a été déclaré le 27 octobre 2014.

M. [J] a donc commis une première fausse déclaration en ce qui concerne son poids et la réponse négative à la question du dépassement du seuil de 1,25.

En second lieu, s'agissant des coliques néphrétiques, l'expert a indiqué, dans son rapport du 12 octobre 2016, au paragraphe « état antérieur », après avoir fait état du « by-pass gastrique » en 2010, que : « depuis cette chirurgie bariatrique, des calculs rénaux avec 7 à 8 crises de coliques néphrétiques, la dernière échographie abdominopelvienne du 16-03-2016 retrouvant une petite lithiase rénale polaire inférieure droite ».

Bien que la date des crises ne soit pas précisée, il n'est pas crédible, compte tenu de leur nombre élevé non contesté par M. [J], qu'elles soient toutes survenues entre le 27 octobre 2014, date des réponses au questionnaire de santé, et le 16 mars 2016 - date de la dernière échographie réalisée à laquelle l'expert se réfère ayant mis en évidence la présence d'un calcul rénal (lithiase) -ce que M. [J] n'établit pas.

Il conteste aussi que lui ait été posée la question de l'existence de telles coliques ; cependant comme exposé supra, il lui a été demandé s'il avait été atteint d'une affection rénale avec comme exemple d'une telle affection, mentionné entre parenthèses, des « colites néphrétiques », de sorte que la question lui a bien été posée.

Il convient donc de retenir une seconde fausse déclaration en ce qu'il a répondu ne souffrir d'aucune affection.

En troisième lieu, s'agissant des lombalgies, l'attestation médicale initiale remplie par le Dr [O] le 7 mars 2016 n'établit pas l'absence d'antécédent sur ce point, alors qu'elle était seulement destinée à recueillir des « renseignements relatifs à l'incapacité temporaire et totale de travail du 01-12-2015 » ; il est dès lors sans incidence, au regard de l'existence d'un antécédent éventuel, que le médecin ait noté le 1er décembre 2015 comme date d'apparition des premiers symptômes et comme date de première constatation médicale.

En revanche, il ressort des termes du rapport d'expertise (au paragraphe « commémoratifs ») que M. [J] lui-même a signalé dans ses antécédents « des lombalgies évoluant depuis une dizaine d'années  ayant nécessité à l'époque des radiographies, un scanner et une IRM (non présentés) ».

L'expert ajoute à la suite que : « le traitement avait comporté des antalgiques, des séances de kinésithérapie et des soins chez un étiopathe. Depuis 2012-2013, suite à ces problèmes de santé, il n'a plus qu'une activité de chef d'entreprise (travail de bureau) ».

A la fin du paragraphe, l'expert cite l'avis chirurgical du Dr [E] du 21 juin 2016 concluant à des « lombalgies discogéniques évoluant depuis plus de 10 ans... ».

Cet avis est contenu dans une lettre du 21 juin 2016 que le Dr [E] (neurochirurgien) a adressée au Dr [O] et qui mentionne qu'elle a été dictée en présence du patient, laquelle indique : « Pour résumer la situation, il présente des lombalgies discogéniques évoluant depuis plus de 10 ans, initialement assez bien tolérées, avec un net renforcement algique en fin d'année dernière suivi d'un phénomène de blocage lombaire en début d'année, ayant nécessité une hospitalisation ... »

Même si le Dr [E] a certifié le 7 février 2017 que la date du début de la symptomatologie était le 1er décembre 2015, date depuis laquelle il souffrait « réellement de lombalgies », il a néanmoins précisé qu'« auparavant il s'agissait de lombalgies banales occasionnelles et parfaitement bénignes », ce qui confirme plutôt l'existence d'une pathologie évolutive.

De plus, comme le relève l'assureur, ce certificat a été rédigé après qu'ait été notifié à M. [J] la nullité du contrat du fait de sa pathologie lombaire évoluant depuis 10 ans, de même que le certificat du Dr [O] du 30 décembre 2016, revenant sur sa réponse au « questionnaire affections de la colonne vertébrale » qu'il avait rempli le 22 novembre 2016 au motif d'une « erreur de rédaction du formulaire ».

Or il ressort de ce qui précède que M. [J] a lui-même indiqué avoir souffert de lombalgies évoluant depuis une dizaine d'années, avoir fait des radiographies, un scanner et une IRM, avoir pris des antalgiques, avoir suivi des séances de kinésithérapie et des soins chez un étiopathe et avoir réduit depuis 2012-2013, du fait de ces lombalgies, son activité professionnelle (plombier chauffagiste) à du travail de bureau en tant que chef d'entreprise.

Il en résulte qu'il aurait dû répondre par l'affirmative à la question concernant l'existence d'une affection en cochant la case « affection de la colonne vertébrale », étant observé que celles citées ne l'étaient qu'à titre d'exemple.

Une troisième fausse déclaration doit ainsi être retenue.

Sur le caractère intentionnel des fausses déclarations

Le caractère intentionnel des fausses déclarations retenues résulte des fausses indications données par M. [J] puisque, à la date du 27 octobre 2014 à laquelle il a répondu au questionnaire de santé, il ne pouvait que connaître son poids, lequel était régulièrement contrôlé du fait de la chirurgie bariatrique subie, et se souvenir de ses crises de coliques néphrétiques, en raison des douleurs intenses que de telles crises provoquent ; enfin, il avait conscience de sa pathologie lombaire, puisqu'il a lui-même fait part à l'expert, en septembre 2016, de ses lombalgies évoluant depuis une dizaine d'années, des examens, traitement et soins subis ainsi que de leurs conséquences sur le plan de son activité professionnelle en 2012-2013.

Sur la modification ou la diminution de l'appréciation du risque par l'assureur

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la fausse déclaration de M. [J], en ce qu'il a répondu ne souffrir d'aucune affection et n'a pas coché la case concernant l'affection rénale, a nécessairement diminué l'opinion du risque pour l'assureur, que celui-ci ait été conduit à exclure ce risque de la garantie accordée, à refuser l'adhésion de M. [J] ou à augmenter le montant des primes.

Il en est de même de la fausse déclaration de M. [J], en ce qu'il a répondu ne souffrir d'aucune affection et n'a pas coché la case concernant l'affection de la colonne vertébrale, et en ce qu'il a minoré son poids pour donner une réponse mensongère au dépassement du seuil de 1,25 de son rapport poids/taille.

Il importe peu que certains des risques omis aient été sans influence sur le sinistre conformément aux dispositions précitées.

Dès lors, le jugement déféré sera infirmé et la nullité du contrat prononcée.

M. [J] sera, en conséquence, débouté de sa demande de versement des prestations dues en exécution du contrat, à laquelle le premier juge avait fait droit.

Sur le remboursement des indemnités versées

La nullité ayant un effet rétroactif, les indemnités versées par la société SwissLife Prévoyance et santé à M. [J] doivent être remboursées puisqu'elles n'étaient pas dues. Le jugement déféré sera donc également infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société SwissLife à ce titre.

Le montant de ces indemnités n'est pas contesté ; il convient de faire droit à la demande à hauteur de la somme de 20 065,50 euros, qui n'a pas été modifiée devant la cour.

Sur les dommages et intérêts, les dépens et autres frais de procédure

Le jugement déféré ayant débouté M. [J] de sa demande en dommages et intérêts sera confirmé, eu égard à l'issue de l'appel principal.

M. [J], succombant en toutes ses demandes, le jugement déféré sera, en revanche, infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

M. [J] sera dès lors condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

En l'espèce, les circonstances de la cause justifient de condamner M. [J] à payer à la société SwissLife Prévoyance et santé une indemnité de 2  000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés en première instance et en appel, lui-même étant débouté de ses propres demandes à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, conformément à l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande en dommages et intérêts de M. [B] [J] ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

PRONONCE la nullité du contrat « SwissLife Prévoyance indépendants » à effet du 1er janvier 2015 auquel a adhéré M. [J] le 27 octobre 2014,

En conséquence,

DÉBOUTE M. [B] [J] de sa demande de versement des prestations dues au titre de l'exécution du contrat,

CONDAMNE M. [B] [J] à rembourser à la SA SwissLife Prévoyance et santé la somme de 20 065,50 euros (vingt mille soixante cinq euros et cinquante centimes) au titre des prestations versées,

CONDAMNE M. [B] [J] à payer à la SA SwissLife Prévoyance et santé une indemnité de 2 000 euros (deux mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens exposés en première instance et en appel,

DÉBOUTE M. [B] [J] de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [B] [J] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/03731
Date de la décision : 26/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-26;20.03731 ?
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